Texte intégral
Bienvenue à tous. Le chat est ouvert.
Q - Avez-vous bon espoir d'obtenir un accord au Conseil sur la question d'un mandat d'arrêt européen rendu si précieux en cette période ?
R - Oui, la décision en a déjà été prise et les textes nécessaires doivent être élaborés en urgence.
Q - Les pays des Balkans sont-ils potentiellement destinés à faire partie de l'Europe ? A quelles conditions ?
R - Les pays des Balkans sont assurément des pays européens. Ils ont vocation à l'adhésion, encore faut-il que la région retrouve la stabilité, la sécurité, et bien sûr que ces pays remplissent les conditions d'adhésion à l'Union.
Q - Monsieur le Ministre, je suis convaincu qu'une politique de défense est à mettre sur pied eu égard à l'actualité internationale.
R - La défense européenne a déjà beaucoup progressé depuis le sommet franco-britannique de Saint-Malo en 98. Je pense comme vous que la situation internationale accroît son urgence.
Q - La crise afghane est-elle de nature à accélérer la constitution d'une politique étrangère commune de l'Europe ?
R - L'Europe est la dimension nécessaire de notre réponse. Les Européens sont solidaires dans cette crise, entre eux et avec les Etats-Unis. Il faut qu'ils parlent d'une seule voix.
Q - Vous avez parlé hier d'un FBI européen. Comment comptez-vous le mettre en œuvre ?
R - La base existe, c'est Europol. Il importe que la coordination des polices soit renforcée et les pouvoirs d'investigation d'Europol fortement accrus.
Q - Comment interprétez-vous le "zèle" de la Grande-Bretagne et de Tony Blair dans le soutien plus qu'actif apporté aux Etats-Unis ?
R - Comme l'engagement d'un pays européen proche des Etats-Unis dans une région où il a toujours été influent. La Grande-Bretagne ne fait pas cavalier seul.
Q - Les événements actuels vont-ils consolider l'Union européenne encore bien fragile ?
R - Oui, ils vont la consolider, accélérer sa construction. Je ne la crois pas si fragile.
Q - Pouvez-vous préciser ?
R - Une défense plus forte, une politique de justice et de police mieux coordonnée, un accent plus grand sur le développement, une priorité donnée à la croissance et à l'emploi, voilà quelques pistes.
Q - Ne doit-on pas envisager des représentations européennes communes, partagées par les représentants de chaque pays de l'UE afin de renforcer nos actions intra et hors Europe ?
R - Je ne crois pas beaucoup à des ambassades communes car nos nations restent distinctes, en revanche l'Europe doit parler d'une seule voix, notamment en matière monétaire.
Q - Sur l'Afghanistan : cette crise montre qu'il y a urgence à constituer un exécutif capable d'apporter des réponses communes. Cela supposera des abandons de souveraineté importants dans des domaines sensibles. La France y est-elle prête, où en est la réflexion ?
R - Nous aurons cette discussion d'ici à 2004, personnellement je suis favorable à plus d'Europe lorsque cela est utile.
Q - Existe-t-il une réelle volonté politique de construire l'Europe ? Les gouvernants actuels ne devraient-ils pas s'effacer devant un pouvoir européen législatif et exécutif ?
R - La volonté politique doit être plus forte, c'est vrai. Mais faire l'impasse sur les nations serait une faute politique.
Q - Le Traité d'Amsterdam ne risque-t-il pas de noyer la France au milieu des nombreux Etats candidats à l'élargissement ?
R - L'élargissement est un projet et un devoir historique, c'est aussi une chance pour l'Europe et la France, ne soyons pas frileux.
Q - Quand est-ce que l'Europe va devenir majeure et cesser d'être du genre "Yes man" face aux Etats Unis ?
R - L'Europe existait avant les Etats-Unis, elle existe à côté des Etats-Unis et non pas derrière eux. Cela dit, elle doit renforcer sa cohésion.
Q - Pensez-vous que la création d'un Etat palestinien est de nature à désarmer le terrorisme islamique ?
R - Je suis favorable à la création d'un Etat palestinien. Mais n'établissons pas de lien de causalité entre le conflit du Proche-Orient et le terrorisme que rien ne justifie. Ce lien, c'est Ben Laden qui l'établit, laissons-le lui.
Q - Après les récents propos de W. Bush sur la nécessité d'un Etat palestinien (tout en assurant la sécurité d'Israël), j'ai comme l'impression que les USA rejoignent les positions européennes (et françaises depuis longtemps) en la matière. Qu'en pensez-vous ?
R - Si c'est le cas, tant mieux.
Q - Avez-vous eu l'occasion de rencontrer le président Bush ? Que pensez-vous de sa stratégie de riposte aux attentats du 11 septembre dernier ?
R - Je n'ai pas eu le plaisir de le rencontrer. Je n'étais pas un de ses chauds admirateurs mais j'avoue que sa retenue et son approche méthodique m'ont favorablement impressionné dans la dernière période.
Q - Pensez-vous que l'Euro puisse être un moyen de rapprochement entre les différents peuples européens ?
R - Oui, il l'est déjà. Il le sera davantage encore après le passage à l'euro pratique.
Q - Pourquoi penser l'Europe "face" aux Etats Unis ?
R - Parce que le monde doit être multipolaire, que nos valeurs sont en partie différentes et que nous avons une voix différente et complémentaire à faire entendre dans le monde.
Q - Dans le cadre d'une Europe de plus en plus fédérale, à quoi bon conserver des parlements nationaux à terme ?
R - A terme dans très longtemps, nous verrons. Pour le moment, nos nations restent une source de légitimité irremplaçable.
Q - Pouvez-vous préciser ce qu'a fait l'Union européenne pour lutter contre le financement même du terrorisme ?
R - L'Union européenne s'est engagée à faire ratifier rapidement par ses Etats membres une convention en la matière qui sera adoptée, je l'espère et je le crois, par le Parlement français dans les toutes prochaines semaines.
Q - Les Etats-Unis se préparent à affronter les répercussions de leur riposte, devrions nous en faire autant ?
R - La sécurité est une des premières préoccupations du gouvernement. Dans la période, notre vigilance est renforcée.
Q - Comment selon vous devrait être coordonnée ou présidée (et par qui ?) Une "convention" de rédaction d'un nouveau traité européen, puisque c'est une hypothèse à l'étude en vue du sommet de Laeken, sur le modèle à succès de la rédaction de la charte des droits fondamentaux ?
R - Il faudra à cette convention un "Praesidium" et un président qui représentent la diversité des participants et recueillent un consensus.
Q - Comment concilier la poursuite de l'intégration européenne (sur le plan politique par exemple) avec les réticences de certains pays (comme la Grande-Bretagne) ? Faut-il renoncer à une véritable union politique ou la limiter à certains pays au risque de marginaliser les autres ?
R - L'Europe est diverse, elle est faite de compromis. Rien ne doit nous faire renoncer à notre ambition politique. Tony Blair souhaite jouer un rôle en Europe.
Q - Quels sont les engagements de l'Europe pour les relations à long terme avec l'ensemble des pays du sud ?
R - L'Europe est la première zone d'origine des dons publics en matière d'aide au développement. Elle doit aller plus loin par une politique cohérente, insistant sur la démocratie, le développement et l'annulation de la dette.
Q - L'économie européenne provoquera-t-elle les mêmes conséquences que l'économie américaine ?
R - J'ai confiance dans l'économie européenne qui ne connaît pas la récession et que nous devons soutenir.
Q - A l'exception d'ARTE, aucune information sérieuse sur l'Europe n'est diffusée sur les chaînes françaises. Les pouvoirs publics ne peuvent-ils pas demander, voire imposer aux chaînes de faire leur travail en matière d'information et assurer un véritable service public ?
R - L'audiovisuel est libre. On ne peut et on ne doit rien imposer, cela dit, je crois comme vous que la sous-information sur l'Europe est plus que regrettable. Je lance un appel aux chaînes.
Q - Un projet de réforme profonde des institutions européennes est-il en cours ?
R - Les institutions européennes ont déjà été réformées à Nice, mais il faut aller plus loin. Nous avons rendez-vous en 2004 pour, je l'espère, rédiger une constitution européenne.
Q - Recevez-vous TV5, la chaîne européenne ?
R - Oui, c'est même une chaîne mondiale.
Q - La Turquie, qui pose sa candidature à l'UE depuis 1963, se voit systématiquement recalée alors que son économie est semblable, voire mieux, que celle de pays candidats autrefois du pacte de Varsovie. Il y a là deux poids et deux mesures qui précipitent ce fameux conflit de civilisation puisque la Turquie est à majorité musulmane. L'Europe qui a là, une chance de proposer une nouvelle vision, le fait elle réellement ?
R - Depuis 1999, la Turquie est candidate à l'Union européenne. Si elle remplit les conditions, elle en deviendra membre. L'Europe n'est pas un club chrétien. Cela dit, la Turquie a de gros progrès à faire pour devenir une véritable démocratie européenne.
Q - Monsieur le Ministre, pourriez-vous nous indiquer les langues européennes que vous maîtrisez ?
R - L'anglais : lu, écrit, parlé. L'italien : lu, parlé. Et un peu le français...
Q - Quelles sont les possibilités d'une adhésion rapide de la Hongrie ?
R - La Hongrie fait partie des candidats les mieux placés. Elle devrait adhérer rapidement.
Q - Un pays comme le Maroc pourrait-il un jour être européen ?
R - C'est un débat sur les frontières de l'Europe. Ce qui est sûr, c'est que nous avons et que nous devons encore développer notre relation avec le Maghreb et notamment le Maroc.
Q - On dit qu'il n'y a pas de conflit entre civilisations. Cependant, lorsqu'on regarde une carte des conflits actuels, on a le sentiment que les points chauds de la planète sont ceux où existent des conflits religieux : coptes, Irlande, uniates, Indonésie, Palestine. Qu'en pensez-vous ?
R - Les conflits que vous citez ne concernent pas tous la même religion et ne sont pas tous d'origine religieuse. Je ne crois pas à la supériorité d'une quelconque civilisation sur une autre.
Q - Au vu de l'actualité, ne serait-il pas nécessaire de revoir la politique des Etats Schengen en matière de délivrance des visas ?
R - Appliquons les Accords de Schengen, devenus partie intégrante, du traité dans toute leur rigueur.
Q - Sur le rôle de l'Europe au lendemain des événements du 11 septembre, n'était-il pas possible de proposer une autre réponse que celle des Américains ?
R - La solidarité avec le peuple américain doit être totale et sans réserve.
Q - Ne faut-il pas penser à ralentir l'élargissement pour mieux gérer l'acquis ? Nous avons déjà du mal à avoir une défense européenne. Qu'en pensez-vous ?
R - L'élargissement, je le répète, est pour nous une chance. Réussissons-le.
Q - Idéologiquement, l'Europe est-elle proche du libéralisme dominant ?
R - L'Europe n'a pas d'idéologie. Elle est un marché ouvert à la concurrence, elle doit être aussi une force capable de réguler l'économie mondiale.
Q - Avec Alain Finkielkrut, ne pensez-vous pas que les commanditaires du carnage détestent l'Occident pour ce qu'il a d'aimable et non de haïssable ?
R - J'ai du mal à entrer dans la logique de Ben Laden. La haine est pour moi incompréhensible, sans explication rationnelle, sans cause discutable. Je la condamne.
Q - Que pensez-vous du comportement de la communauté européenne depuis le 11/09 et en particulier de la présidence belge ?
R - Cohérent, solide, mobilisé.
C'était un plaisir de dialoguer, à bientôt.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 octobre 2001)