Texte intégral
FABIENNE SINTES
Votre invité Jean-François ACHILLI ce matin est donc ministre des Finances.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Oui, bonjour.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et bienvenu. Vous partez à quelle heure à Berlin ?
MICHEL SAPIN
Un peu plus tard.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Un peu plus tard après cette interview. Les réformes vont continuer à un rythme accéléré, réponse hier soir à distance de François HOLLANDE à Martine AUBRY. Que dites-vous ce matin de cette leçon administrée par la maire de Lille, c'était dans Le JOURNAL DU DIMANCHE ?
MICHEL SAPIN
Chacun s'exprime et elle le fait, elle le fait avec la force qui est la sienne, elle est parfaitement légitime pour le faire. Mais moi ce qui m'importe, c'est qu'est-ce que fait la France et qu'est-ce que fait le gouvernement ? Est-ce qu'on va comme certains l'interprètent mais je ne pense pas que ce soit forcément la volonté de Martine AUBRY tout d'un coup faire un tête-à-queue, est-ce qu'on va après avoir dit « notre objectif aujourd'hui, c'est d'appuyer les entreprises pour leur permettre d'investir et d'embaucher », tout d'un coup se retirer en disant « ce qu'on vous avez dit, on ne le fait pas »
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça c'est depuis 2 ans, c'est depuis 2 ans
MICHEL SAPIN
Ça serait catastrophique.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Les entreprises.
MICHEL SAPIN
Oui, depuis le début mais là, nous avons devant nous aujourd'hui, 2014, 2015, 2016, 2017 un plan qui consiste à faire baisser les charges des entreprises pour leur permettre d'investir et d'embaucher ? Est-ce qu'on va arrêter, faire un tête-à-queue avec tout ce que ça donne comme inquiétude, comme inefficacité du point de vue de l'action économique ? Ma réponse est non. Est-ce que nous allons considérer tout d'un coup que la France ne dépense pas suffisamment, qu'il n'y a pas assez de dépenses publiques, et est-ce qu'on va les augmenter de je ne sais pas combien, 20 milliards ? La réponse est non. La France est le pays d'Europe qui fait porter le plus de charges sur ses entreprises
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui.
MICHEL SAPIN
Et qui par ailleurs a une dépense publique la plus élevée. Je pense qu'il vaut mieux continuer, le cap c'est celui-là, appuyer les entreprises, diminuer les dépenses publiques, on ne changera pas.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors à quoi ça sert d'aller dans les médias, comme le fait Martine AUBRY pour dire le contraire finalement, elle reproche au chef de l'Etat de ne pas savoir fixer le cap, elle réclame dans sa contribution au Parti socialiste un changement de politique économique, qu'est-ce que c'est, c'est la frondeuse en chef ?
MICHEL SAPIN
Alors ça je ne cherche
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
A quoi ça sert de faire ça ?
MICHEL SAPIN
Je ne cherche pas à qualifier, c'est vous qui qualifiez, c'est à vous de porter un jugement. Vous posez la question de savoir à quoi ça sert, posez la question à Martine AUBRY mais pas à moi. Ce qui me gêne dans cette affaire, c'est qu'au fond on est à mi-mandat, est-ce que c'est à mi-mandat que tout d'un coup on change de cap ? On n'aurait que des inconvénients, ni les avantages de la politique que nous menons s'il y en a et il y en a, ni les avantages d'une autre politique parce qu'elle n'aurait même pas le temps de se mettre en place. Donc la seule solution aujourd'hui, c'est de réussir la politique qui est menée et je pense qu'il serait bon que chacun apporte sa pierre pour réussir cette politique. D'autant plus que je comprends d'ailleurs, je lis ou j'entends, il faudrait infléchir il faudrait infléchir, par exemple il faudrait diminuer le rythme ralentir le rythme de diminution de nos déficits. Qu'est-ce que je fais ? Je suis d'ailleurs parfois critiqué, qu'est-ce que je fais aujourd'hui ? Je dis « il ne faut pas aller à toute force vers une diminution des déficits, il faut le ralentir parce qu'il faut être en adéquation avec les besoins de l'économie française, il faut par ailleurs soutenir la croissance ». Donc j'ai le sentiment que la partie (je dirai) sage, raisonnable de ce qui est proposé, nous le faisons aujourd'hui.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Encore un mot sur Martine AUBRY, candidate au seul débat d'idées, vous y croyez, vous la croyez, vous pensez qu'il n'y a pas d'arrière-pensée parce qu'on s'achemine vers au fond bientôt, d'ici 2 ans, une primaire, une présidentielle, « barre à gauche toute » disent certains ?
MICHEL SAPIN
Comment voulez-vous que je commente des arrière-pensées, vous les connaissez vous les arrière-pensées ? Je ne commente
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Je suis sûr que vous savez, je suis sûr que vous savez
MICHEL SAPIN
Je ne commente que les pensées.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et quand vous voyez les bourses Michel SAPIN qui font le yoyo, on a dit récemment « tien ! On a frisé un jeudi noir à Paris », on a failli perdre 4 %, un coup ça va un coup ça vient. Vous dites rappelez-vous, François HOLLANDE disait « mon adversaire c'est la finance », c'était le temps de la campagne présidentielle, hier soir il y avait l'attractivité à l'Elysée avec des chefs d'entreprise étrangers, quand vous voyez cette finance qui va qui vient, vous comprenez qu'une partie de votre électorat s'inquiète et se dise « tout nous échappe au fond et on favorise toujours la finance, les patrons », etc., c'est un peu ça le fond, l'arrière-pensée idéologique derrière ?
MICHEL SAPIN
Aujourd'hui, nous sommes un pays qui a accumulé les déficits et donc les dettes. Quand il y a des dettes, c'est qu'il y a des gens qui nous prêtent de l'argent. Qu'on se préoccupe de savoir ce que pensent ceux qui nous prêtent de l'argent, c'est la moindre des choses parce qu'il suffit qu'ils se retirent pour que plus personne ne nous prête de l'argent et que tout d'un coup, les taux d'intérêt augmentent considérablement. Ma responsabilité, c'est de faire en sorte que la crédibilité de la France, c'est-à-dire que le fait que ceux qui nous prêtent de l'argent continuent à nous prêter de l'argent à des taux très faibles, ils puissent le faire, qu'ils continuent à le faire. Mais ceci ce yoyo comme vous dites, ça fait apparaître deux choses : premièrement, la croissance en Europe est trop faible, il faut qu'elle soit plus forte, donc nous devons porter
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Y compris pour les Allemands maintenant.
MICHEL SAPIN
Y compris bien sûr pour les Allemands. Donc nous devons porter avec d'autres une politique de croissance plus forte en zone euro, sinon personne ne s'en sortira, ni la France ni l'Allemagne. Et la deuxième chose
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors justement
MICHEL SAPIN
C'est que la zone euro a encore des fragilités. On pouvait dire « on a surmonté toutes nos difficultés », non, il y a encore des fragilités, vous avez bien vu par exemple qu'en Grèce, il y a des fragilités. Et donc qu'il faut beaucoup de cohérence en zone euro, il ne doit pas y avoir des affrontements en zone euro, il ne doit pas y avoir un ennemi d'un côté ou de l'autre de je ne sais trop quel fleuve, il doit y avoir uniquement des pays qui recherchent ensemble la bonne solution pour stabiliser la zone euro et retrouver de la croissance en Europe.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors Michel SAPIN, c'est dans ce contexte que vous vous rendez donc à Berlin avec Emmanuel MACRON. Vous rencontrez Wolfgang SCHAUBLE et Sigmar GABRIEL, vos deux homologues respectivement aux Finances et à l'Economie. Alors il est question d'un pacte écrit, c'est Le SPIEGEL qui en parle mais pas seulement, vous montrez grosso modo patte blanche aux Allemands avec un calendrier de réforme structurelle ; et l'Allemagne sympathique, rassurée fait pression pour que Bruxelles ne sanctionne pas le budget 2015. Vous confirmez ?
MICHEL SAPIN
Non mais ça c'est des lectures comment dirai-je, journalistes, elles ont l'avantage de la simplicité
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est un peu ça non, c'est un peu ça ?
MICHEL SAPIN
Et l'inconvénient du simplisme. Donc aujourd'hui qu'est-ce qu'il y a ? Il y a besoin dans un certain nombre de pays dont la France de continuer à diminuer nos déficits, pour le dire autrement nous avons besoin de faire des économies en termes de dépenses publiques. Nous le faisons, nous continuerons à le faire, pourquoi ? Parce que c'est ce dont la France a besoin. Il y a besoin par ailleurs de réformes comme on dit structurelles, personne ne comprend rien à une réforme structurelle, des réformes en profondeur qui fassent que notre économie et notre société fonctionnent mieux. Il y en a besoin ici comme il y en a besoin dans d'autres pays
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Sur les retraites, le travail et autres !
MICHEL SAPIN
Il faut faire des réformes en profondeur en France parce que c'est bon pour la France. Et il y a besoin enfin en Europe, dans chaque pays et tout particulièrement en Allemagne d'investissements, c'est-à-dire qu'on dépense de l'argent pour construire l'avenir, pour faire en sorte que les entreprises investissent, pour faire en sorte qu'il y ait des infrastructures de transport, des infrastructures énergétiques qui soient de meilleure qualité. Voilà les 3 éléments qui sont sur la table, nous ne faisons pas un accord « tu me donnes ci, je te donne ça »
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est un peu donnant donnant quand même, non
MICHEL SAPIN
Nous ne faisons pas
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il y a ça dedans
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas « tu me donnes ci, je te donne ça », c'est qu'est-ce qui est bon pour chacun d'entre nous, qu'est-ce qui est bon pour l'Europe et c'est ça que nous ferons ensemble.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Les Allemands sont moins flambards passez-moi l'expression ce matin, on a l'impression que les exportations reculent, la croissance aussi est moins au rendez-vous outre-Rhin Michel SAPIN. Du coup, madame MERKEL peut-elle se permettre d'être toujours aussi inflexible ?
MICHEL SAPIN
Mais quand je vous dis que la situation en zone euro est une situation qui est difficile et qui nécessite qu'on réagisse, la zone euro ce n'est pas la France, la zone euro c'est tous les pays dont les premiers pays de cette zone euro, l'Allemagne et la France. Donc aujourd'hui, ça se ralentit et en Allemagne en l'occurrence, c'est même en négatif en termes d'activité. Ce n'est pas bon, c'est bon pour personne, pour personne. Les échanges entre la France et l'Allemagne sont considérables, dans un sens comme dans l'autre. Donc l'intérêt c'est qu'il y ait une Allemagne qui marche bien, et l'intérêt de tout le monde c'est qu'il y ait une France qui marche bien. Vous savez une France forte, une Allemagne forte économiquement, c'est ça qui fait une Europe forte, c'est ce dont ont besoin les Français.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Michel SAPIN, vous êtes le ministre des Finances, des Comptes publics, vous êtes pour vous ce dont parlait Fabienne SINTES à l'instant, cette vignette qu'on mettrait sur les camions étrangers qui traversent nos routes, nos autoroutes de France ?
MICHEL SAPIN
Je ne sais pas
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc on cherche la solution de l'après écotaxe !
MICHEL SAPIN
Oui, il y a d'ailleurs des propositions qui sont faites, qui seront examinées par le Parlement parce qu'il convient que nous disposions des sommes nécessaires pour investir justement. On parlait de l'investissement, investissement en infrastructures, oui, il y a besoin de construire certaines routes, il y a besoin de construire des voies ferrées, il y a besoin de construire dans les villes un certain nombre de transports qui soient des transports propres, donc il y a besoin de ça. Il faut donc trouver cette ressource. Simplement vous le savez, en Europe on ne taxe pas un camion étranger parce qu'il est étranger, on taxe un camion qui soit étranger ou français parce qu'il traverse la France. Et que de mettre en place un système de vignette à l'entrée, oui mais bien entendu pour tous les camions quelle que soit leur origine.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Merci Michel SAPIN, bon voyage à Berlin.
MICHEL SAPIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 octobre 2014
Votre invité Jean-François ACHILLI ce matin est donc ministre des Finances.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Oui, bonjour.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et bienvenu. Vous partez à quelle heure à Berlin ?
MICHEL SAPIN
Un peu plus tard.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Un peu plus tard après cette interview. Les réformes vont continuer à un rythme accéléré, réponse hier soir à distance de François HOLLANDE à Martine AUBRY. Que dites-vous ce matin de cette leçon administrée par la maire de Lille, c'était dans Le JOURNAL DU DIMANCHE ?
MICHEL SAPIN
Chacun s'exprime et elle le fait, elle le fait avec la force qui est la sienne, elle est parfaitement légitime pour le faire. Mais moi ce qui m'importe, c'est qu'est-ce que fait la France et qu'est-ce que fait le gouvernement ? Est-ce qu'on va comme certains l'interprètent mais je ne pense pas que ce soit forcément la volonté de Martine AUBRY tout d'un coup faire un tête-à-queue, est-ce qu'on va après avoir dit « notre objectif aujourd'hui, c'est d'appuyer les entreprises pour leur permettre d'investir et d'embaucher », tout d'un coup se retirer en disant « ce qu'on vous avez dit, on ne le fait pas »
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça c'est depuis 2 ans, c'est depuis 2 ans
MICHEL SAPIN
Ça serait catastrophique.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Les entreprises.
MICHEL SAPIN
Oui, depuis le début mais là, nous avons devant nous aujourd'hui, 2014, 2015, 2016, 2017 un plan qui consiste à faire baisser les charges des entreprises pour leur permettre d'investir et d'embaucher ? Est-ce qu'on va arrêter, faire un tête-à-queue avec tout ce que ça donne comme inquiétude, comme inefficacité du point de vue de l'action économique ? Ma réponse est non. Est-ce que nous allons considérer tout d'un coup que la France ne dépense pas suffisamment, qu'il n'y a pas assez de dépenses publiques, et est-ce qu'on va les augmenter de je ne sais pas combien, 20 milliards ? La réponse est non. La France est le pays d'Europe qui fait porter le plus de charges sur ses entreprises
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui.
MICHEL SAPIN
Et qui par ailleurs a une dépense publique la plus élevée. Je pense qu'il vaut mieux continuer, le cap c'est celui-là, appuyer les entreprises, diminuer les dépenses publiques, on ne changera pas.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors à quoi ça sert d'aller dans les médias, comme le fait Martine AUBRY pour dire le contraire finalement, elle reproche au chef de l'Etat de ne pas savoir fixer le cap, elle réclame dans sa contribution au Parti socialiste un changement de politique économique, qu'est-ce que c'est, c'est la frondeuse en chef ?
MICHEL SAPIN
Alors ça je ne cherche
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
A quoi ça sert de faire ça ?
MICHEL SAPIN
Je ne cherche pas à qualifier, c'est vous qui qualifiez, c'est à vous de porter un jugement. Vous posez la question de savoir à quoi ça sert, posez la question à Martine AUBRY mais pas à moi. Ce qui me gêne dans cette affaire, c'est qu'au fond on est à mi-mandat, est-ce que c'est à mi-mandat que tout d'un coup on change de cap ? On n'aurait que des inconvénients, ni les avantages de la politique que nous menons s'il y en a et il y en a, ni les avantages d'une autre politique parce qu'elle n'aurait même pas le temps de se mettre en place. Donc la seule solution aujourd'hui, c'est de réussir la politique qui est menée et je pense qu'il serait bon que chacun apporte sa pierre pour réussir cette politique. D'autant plus que je comprends d'ailleurs, je lis ou j'entends, il faudrait infléchir il faudrait infléchir, par exemple il faudrait diminuer le rythme ralentir le rythme de diminution de nos déficits. Qu'est-ce que je fais ? Je suis d'ailleurs parfois critiqué, qu'est-ce que je fais aujourd'hui ? Je dis « il ne faut pas aller à toute force vers une diminution des déficits, il faut le ralentir parce qu'il faut être en adéquation avec les besoins de l'économie française, il faut par ailleurs soutenir la croissance ». Donc j'ai le sentiment que la partie (je dirai) sage, raisonnable de ce qui est proposé, nous le faisons aujourd'hui.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Encore un mot sur Martine AUBRY, candidate au seul débat d'idées, vous y croyez, vous la croyez, vous pensez qu'il n'y a pas d'arrière-pensée parce qu'on s'achemine vers au fond bientôt, d'ici 2 ans, une primaire, une présidentielle, « barre à gauche toute » disent certains ?
MICHEL SAPIN
Comment voulez-vous que je commente des arrière-pensées, vous les connaissez vous les arrière-pensées ? Je ne commente
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Je suis sûr que vous savez, je suis sûr que vous savez
MICHEL SAPIN
Je ne commente que les pensées.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et quand vous voyez les bourses Michel SAPIN qui font le yoyo, on a dit récemment « tien ! On a frisé un jeudi noir à Paris », on a failli perdre 4 %, un coup ça va un coup ça vient. Vous dites rappelez-vous, François HOLLANDE disait « mon adversaire c'est la finance », c'était le temps de la campagne présidentielle, hier soir il y avait l'attractivité à l'Elysée avec des chefs d'entreprise étrangers, quand vous voyez cette finance qui va qui vient, vous comprenez qu'une partie de votre électorat s'inquiète et se dise « tout nous échappe au fond et on favorise toujours la finance, les patrons », etc., c'est un peu ça le fond, l'arrière-pensée idéologique derrière ?
MICHEL SAPIN
Aujourd'hui, nous sommes un pays qui a accumulé les déficits et donc les dettes. Quand il y a des dettes, c'est qu'il y a des gens qui nous prêtent de l'argent. Qu'on se préoccupe de savoir ce que pensent ceux qui nous prêtent de l'argent, c'est la moindre des choses parce qu'il suffit qu'ils se retirent pour que plus personne ne nous prête de l'argent et que tout d'un coup, les taux d'intérêt augmentent considérablement. Ma responsabilité, c'est de faire en sorte que la crédibilité de la France, c'est-à-dire que le fait que ceux qui nous prêtent de l'argent continuent à nous prêter de l'argent à des taux très faibles, ils puissent le faire, qu'ils continuent à le faire. Mais ceci ce yoyo comme vous dites, ça fait apparaître deux choses : premièrement, la croissance en Europe est trop faible, il faut qu'elle soit plus forte, donc nous devons porter
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Y compris pour les Allemands maintenant.
MICHEL SAPIN
Y compris bien sûr pour les Allemands. Donc nous devons porter avec d'autres une politique de croissance plus forte en zone euro, sinon personne ne s'en sortira, ni la France ni l'Allemagne. Et la deuxième chose
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors justement
MICHEL SAPIN
C'est que la zone euro a encore des fragilités. On pouvait dire « on a surmonté toutes nos difficultés », non, il y a encore des fragilités, vous avez bien vu par exemple qu'en Grèce, il y a des fragilités. Et donc qu'il faut beaucoup de cohérence en zone euro, il ne doit pas y avoir des affrontements en zone euro, il ne doit pas y avoir un ennemi d'un côté ou de l'autre de je ne sais trop quel fleuve, il doit y avoir uniquement des pays qui recherchent ensemble la bonne solution pour stabiliser la zone euro et retrouver de la croissance en Europe.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors Michel SAPIN, c'est dans ce contexte que vous vous rendez donc à Berlin avec Emmanuel MACRON. Vous rencontrez Wolfgang SCHAUBLE et Sigmar GABRIEL, vos deux homologues respectivement aux Finances et à l'Economie. Alors il est question d'un pacte écrit, c'est Le SPIEGEL qui en parle mais pas seulement, vous montrez grosso modo patte blanche aux Allemands avec un calendrier de réforme structurelle ; et l'Allemagne sympathique, rassurée fait pression pour que Bruxelles ne sanctionne pas le budget 2015. Vous confirmez ?
MICHEL SAPIN
Non mais ça c'est des lectures comment dirai-je, journalistes, elles ont l'avantage de la simplicité
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est un peu ça non, c'est un peu ça ?
MICHEL SAPIN
Et l'inconvénient du simplisme. Donc aujourd'hui qu'est-ce qu'il y a ? Il y a besoin dans un certain nombre de pays dont la France de continuer à diminuer nos déficits, pour le dire autrement nous avons besoin de faire des économies en termes de dépenses publiques. Nous le faisons, nous continuerons à le faire, pourquoi ? Parce que c'est ce dont la France a besoin. Il y a besoin par ailleurs de réformes comme on dit structurelles, personne ne comprend rien à une réforme structurelle, des réformes en profondeur qui fassent que notre économie et notre société fonctionnent mieux. Il y en a besoin ici comme il y en a besoin dans d'autres pays
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Sur les retraites, le travail et autres !
MICHEL SAPIN
Il faut faire des réformes en profondeur en France parce que c'est bon pour la France. Et il y a besoin enfin en Europe, dans chaque pays et tout particulièrement en Allemagne d'investissements, c'est-à-dire qu'on dépense de l'argent pour construire l'avenir, pour faire en sorte que les entreprises investissent, pour faire en sorte qu'il y ait des infrastructures de transport, des infrastructures énergétiques qui soient de meilleure qualité. Voilà les 3 éléments qui sont sur la table, nous ne faisons pas un accord « tu me donnes ci, je te donne ça »
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est un peu donnant donnant quand même, non
MICHEL SAPIN
Nous ne faisons pas
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il y a ça dedans
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas « tu me donnes ci, je te donne ça », c'est qu'est-ce qui est bon pour chacun d'entre nous, qu'est-ce qui est bon pour l'Europe et c'est ça que nous ferons ensemble.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Les Allemands sont moins flambards passez-moi l'expression ce matin, on a l'impression que les exportations reculent, la croissance aussi est moins au rendez-vous outre-Rhin Michel SAPIN. Du coup, madame MERKEL peut-elle se permettre d'être toujours aussi inflexible ?
MICHEL SAPIN
Mais quand je vous dis que la situation en zone euro est une situation qui est difficile et qui nécessite qu'on réagisse, la zone euro ce n'est pas la France, la zone euro c'est tous les pays dont les premiers pays de cette zone euro, l'Allemagne et la France. Donc aujourd'hui, ça se ralentit et en Allemagne en l'occurrence, c'est même en négatif en termes d'activité. Ce n'est pas bon, c'est bon pour personne, pour personne. Les échanges entre la France et l'Allemagne sont considérables, dans un sens comme dans l'autre. Donc l'intérêt c'est qu'il y ait une Allemagne qui marche bien, et l'intérêt de tout le monde c'est qu'il y ait une France qui marche bien. Vous savez une France forte, une Allemagne forte économiquement, c'est ça qui fait une Europe forte, c'est ce dont ont besoin les Français.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Michel SAPIN, vous êtes le ministre des Finances, des Comptes publics, vous êtes pour vous ce dont parlait Fabienne SINTES à l'instant, cette vignette qu'on mettrait sur les camions étrangers qui traversent nos routes, nos autoroutes de France ?
MICHEL SAPIN
Je ne sais pas
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc on cherche la solution de l'après écotaxe !
MICHEL SAPIN
Oui, il y a d'ailleurs des propositions qui sont faites, qui seront examinées par le Parlement parce qu'il convient que nous disposions des sommes nécessaires pour investir justement. On parlait de l'investissement, investissement en infrastructures, oui, il y a besoin de construire certaines routes, il y a besoin de construire des voies ferrées, il y a besoin de construire dans les villes un certain nombre de transports qui soient des transports propres, donc il y a besoin de ça. Il faut donc trouver cette ressource. Simplement vous le savez, en Europe on ne taxe pas un camion étranger parce qu'il est étranger, on taxe un camion qui soit étranger ou français parce qu'il traverse la France. Et que de mettre en place un système de vignette à l'entrée, oui mais bien entendu pour tous les camions quelle que soit leur origine.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Merci Michel SAPIN, bon voyage à Berlin.
MICHEL SAPIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 octobre 2014