Interview de Mme Carole Delga, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, à la consommation et à l'économie sociale et solidaire, à "Radio classique" le 29 octobre 2014, sur la mise en oeuvre de la loi Hamon et l'obligation pour le chef d'entreprise d'informer les salariés de sa décision de vendre son entreprise.

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Texte intégral

NICOLAS PIERRON
07h20, l'invitée de RADIO CLASSIQUE ce matin, la secrétaire d'Etat chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Economie sociale et solidaire. Bonjour Carole DELGA.
CAROLE DELGA
Bonjour.
NICOLAS PIERRON
Le patronat vous demande l'abrogation d'un dispositif issu de la loi HAMON, cela concerne l'obligation pour un dirigeant d'entreprise de moins de 250 salariés, et qui souhaite la vendre, d'en informer au préalable ces mêmes salariés. Le décret a été publié ce matin, il va entrer en vigueur, ce texte, donc, au 1er novembre. Vous ne reviendrez pas sur ce point ? Le patronat demande un report au mois d'avril 2015.
CAROLE DELGA
Non, le décret, en effet, va prendre effet au 1er novembre, c'est que qui était prévu dans la loi, qui a été votée le 31 juillet, et il était important de donner ce droit aux salariés, de faire une offre de reprise, parce qu'en France, nous avons au moins 26 000 suppressions d'emploi, faute de repreneur, pour des entreprises qui sont saines. Nous sommes dans un contexte de chômage fort, nous devons mobiliser toutes les possibilités pour permettre la pérennité des emplois.
NICOLAS PIERRON
Le patronat n'est pas contre le principe de cette mesure, informer les salariés en amont d'une décision de vendre, ce sont les modalités pratiques qui l'inquiètent, notamment le risque juridique que cela fait peser. Qui doit être informé au juste de ce projet de cession au sein de l'entreprise
CAROLE DELGA
Alors, ce sont les salariés. La définition des salariés ce sont en fait les personnels qui ont un contrat de travail, donc…
NICOLAS PIERRON
Y compris les stagiaires, par exemple, les intérimaires ?
CAROLE DELGA
Les stagiaires non, l'intérimaire non plus, puisqu'il n'y a pas un contrat de travail entre la personne et l'entreprise, ce sont les salariés, les apprentis, parce que là il y a un contrat de travail, et il doit y avoir donc une information qui a lieu au moins deux mois avant la cession effective, c'est-à-dire avant le transfert d'activités, transfert de propriété, et il y a des modalités qui sont très souples, c'est-à-dire que nous avons fait un décret qui prévoit différentes formes, cela peut être un mail ou tout simplement…
NICOLAS PIERRON
Avec accusé de réception.
CAROLE DELGA
Avec accusé de réception. Ça peut être une réunion, cela peut être, plus classique, une lettre recommandée avec AR ou un autre dispositif. Donc nous avons fait une concertation forte, avec l'ensemble des organisations professionnelles et des organisations syndicales, donc un décret, pragmatique, qui s'adapte à la réalité des entreprises.
NICOLAS PIERRON
Les salariés concernés auront ensuite une obligation de discrétion, pas de confidentialité, mais les chefs d'entreprise craignent un risque, au cas où ce projet de cession s'ébruiterait, et ils risquent, selon eux, c'est ce que nous disait hier encore Jean-François ROUBAUD de la CGPME, de décider de ne pas vendre et de laisser mourir en quelque sorte leur entreprise, en fin de carrière avant leur retraite, pour éviter tous ces embêtements.
CAROLE DELGA
Non, ce ne sont pas des embêtements, rappeler déjà que dans les entreprises, de plus de 50 salariés, un dispositif existe, à travers le comité d'entreprise, où ne nous faisons que renforcer le dispositif dans les entreprises de plus de 50 salariés. Dans les moins de 50, nous renforçons le dialogue, qui peut souvent avoir lieur de par la proximité, mais la proximité ce n'est pas un droit, donc avec la loi il y a un droit pour les salariés et je pense qu'il va y avoir la possibilité d'avoir la confidentialité dans les transactions, mais aussi de donner les moyens aux salariés de présenter des offres, et puis tout chef d'entreprise responsable a envie qu'il y ait une continuité, quand on s'investit pendant des années, quand ça fait beaucoup de sacrifices, on a envie que l'emploi, que le domaine dans lequel on intervient, puisse continuer à prospérer. Donc moi je fais confiance, et aux chefs d'entreprise et aux salariés.
NICOLAS PIERRON
Carole DELGA, les organisations patronales avaient aussi soulevé le problème de la rétroactivité du dispositif. Que va-t-il se passer pour les chefs d'entreprise qui avaient déjà décidé de vendre, mais qui n'avaient pas encore prévenu leurs salariés, comme cette loi va l'imposer à partir du 1er novembre ?
CAROLE DELGA
C'est l'article 2 du décret qui prévoit cette disposition, c'est-à-dire pour tout chef d'entreprise qui a déjà signé un contrat de négociation exclusive avant le 1er novembre, le droit d'information préalable des salariés ne s'applique pas, donc nous avons bien prévu que pour les négociations qui sont en cours, elles ne seront pas impactées. Rappeler aussi que le droit d'information des salariés, pour leur permettre de proposer en fait une offre, il est complété aussi d'un droit de formation, c'est-à-dire que maintenant, tous les trois ans les salariés seront informés sur les possibilités de reprise, c'est-à-dire quels sont les statuts juridiques, quels sont les outils financiers. Il y a également des financements qui sont prévus avec la Banque publique d'investissements, et puis nous avons aussi prévu un nouveau statut qui est la SCOP d'amorçage, qui permet d'avoir, progressivement, une possession du capital, mais tout en étant actionnai majoritaire pour les salariés.
NICOLAS PIERRON
Pourquoi malgré toutes ces mesures, Carole DELGA, le patronat continue d'estimer que c'est un projet inique, qu'il faut l'abroger, et que sur ce point de la formation, le texte est insuffisant ?
CAROLE DELGA
Non, je ne pense pas que le texte soit insuffisant, mais nous y avons un peu travaillé, dans les prochaines semaines et les prochains mois, nous ferons une évaluation de ces dispositifs, donc nous écouterons les réalités des chefs d'entreprise, mais je pense qu'il y a une inquiétude, parce qu'il y a une crise économique qui n'est pas simple, c'est un nouveau droit, mais ce n'est pas une complexification, c'est un procédé, comme je l'ai indiqué, qui est très souple et qui ne complexifie pas la vie des chefs d'entreprise, qui emmène un droit aux salariés et qui permet d'avoir, je pense, plutôt, une union entre les chefs d'entreprise et les salariés, on n'est pas dans un système binaire, où on oppose d'un côté les chefs d'entreprise et les salariés.
NICOLAS PIERRON
Pierre GATTAZ invitait hier les chefs d'entreprise à vendre symboliquement leur société, dans les 48 heures, pour protester contre cette mesure, et je rappelle donc que le MEDEF demande l'abrogation de ce texte. Qu'est-ce que vous lui répondez ce matin ?
CAROLE DELGA
Je suggère à Pierre GATTAZ d'informer tous les chefs d'entreprise des modalités du pacte de responsabilité, c'est-à-dire la suppression des cotisations patronales pour les salariés autour du smic, je lui suggère aussi de rappeler que le crédit d'impôt compétitivité emploi est préfinançable en 2014, grâce à la Banque publique d'investissements, je lui suggère aussi de rappeler que pour les indépendants, il y a une baisse très significative, des charges, aussi, patronales, qu'il y a la suppressions de la C3S, voilà. Je lui conseillerai d'être très constructif, d'être très offensif, la France a besoin de toutes les bonnes volontés, surtout pas de polémique.
NICOLAS PIERRON
La réponse de Carole DELGA, secrétaire d'Etat chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Economie sociale et solidaire, à Pierre GATTAZ, ce matin, sur RADIO CLASSIQUE. Merci d'avoir été ce matin notre invitée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 octobre 2014