Lettre de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, sur ses propositions de réduction du déficit public pour mieux se conformer à ses obligations de politique budgétaire pour 2015, Paris le 27 octobre 2014.

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Circonstance : Réponse de Michel Sapin au courrier de Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne, le 27 octobre 2014

Texte intégral

Monsieur le Vice-président,
Je vous remercie pour votre courrier du 22 octobre, qui s'inscrit naturellement dans la procédure définie par nos règles communes, et auquel j'ai l'honneur de vous répondre dans l'esprit constructif qui a toujours prévalu au cours de nos échanges récents.
Vous m'interrogez tout d'abord sur les raisons pour lesquelles notre projet de plan budgétaire n'est pas en ligne avec le cadre qui était le nôtre au printemps.
Je vous rappelle donc, comme je l'ai fait à plusieurs reprises lors des dernières réunions de ministres des finances, que la croissance dans la zone euro et en France, au lieu d'accélérer en cours d'année comme il était prévu, a fait l'objet de révisions à la baisse. Ainsi, là où en France la croissance était prévue à 1% en 2014 et 1,7% en 2015, elle a été revue à 0,4% et 1%. Tout aussi important, le niveau de l'inflation a chuté au cours de l'année 2014 dans la zone euro et en France et la Banque centrale européenne, qui a pris en conséquence des décisions importantes, ne prévoit un retour à la normale qu'à l'horizon 2017.
Il a, dans ce contexte, fallu pour le gouvernement de la France tenir compte de ces profondes modifications économiques en révisant la situation budgétaire pour 2014 et en construisant le budget pour 2015 et au-delà. Nous l'avons fait dans un souci de vérité.
Notre politique économique repose sur deux piliers, que nous maintenons :
- d'une part, la mise en oeuvre du Pacte de responsabilité et de solidarité, dont il n'est pas question de dévier et qui permettra de restaurer la compétitivité de nos entreprises, ce que tous les observateurs reconnaissent comme étant indispensable pour l'économie française ;
- d'autre part, l'effort d'économies inédit que nous réalisons, de 21 Mds€. Nous nous y tiendrons.
Je tiens à vous redire que la France est attachée au respect des règles budgétaires que nous nous sommes collectivement fixées et à une application uniforme de ces règles à l'ensemble des pays concernés, dans une stricte égalité de traitement. Dans ce contexte, il nous semble décisif d'adapter le rythme de réduction des déficits publics en Europe et en France à la situation de très faible croissance économique et de très faible inflation, dans le respect des règles qui nous lient et des flexibilités qu'elles comportent.
En ce qui concerne le projet de plan budgétaire français, les informations les plus récentes dont nous disposons nous permettent de réviser un certain nombre de nos estimations, qu'il s'agisse principalement des moindres charges d'intérêt dans un contexte de baisse continue des taux depuis l'été, ou d'un moindre prélèvement sur recettes à venir au titre du budget de l'Union européenne, annoncé par votre collègue en charge du budget.
Par ailleurs, le Gouvernement a décidé, dans le cadre de l'élaboration du projet de loi de finances rectificatif de fin d'année 2014, de continuer et d'amplifier la réforme fiscale entamée depuis le début du quinquennat. C'est pourquoi il a décidé de mettre en oeuvre de nouvelles mesures pour accélérer et renforcer la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale. L'ensemble de ces propositions sont complétées de quelques dispositions de justice qui, au total, nous permettent de présenter un ajustement budgétaire structurel supérieur à 0,5 point de PIB en 2015, dès lors que sont bien pris en compte les effets du changement de référentiel comptable européen, qui, facialement et transitoirement, dégrade d'un peu plus de 0,1 point de P113 notre effort en 2015 du fait du traitement comptable du CICE.
Notre démarche est donc en ligne avec nos règles communes et les flexibilités qu'elles contiennent. Elle est aussi adaptée à la situation macroéconomique de la zone euro.
Je ne doute pas que les éléments déjà connus de notre projet de plan budgétaire ainsi que ceux que nous précisons aujourd'hui permettront à la Commission d'apprécier l'effort structurel réalisé par la France en 2015.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Vice-président, l'expression de ma considération.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 28 octobre 2014