Texte intégral
ALORS QUE la croissance semble s'essouffler, que les plans sociaux se multiplient, que des chefs d'entreprise, (mais le sont-ils encore ?) rêvent d'entreprises sans usines, est-ce bien le moment de déréguler ce qui tient encore debout dans notre code du travail ? C'est bien ce qui est en cause dans ce chantier de la refondation qui est connu sous le vocable barbare de "voies et moyens de la négociation collective". Introduire plus de liberté dans la politique contractuelle, s'affranchir de certaines tutelles pesantes, développer la négociation pour éviter les conflits. Qui peut s'opposer à de telles évidences ? Mais cela ne peut se faire qu'en respectant les droits des différentes parties et dans l'équilibre des moyens des uns et des autres.
Toute négociation a vocation à se terminer par un consensus acceptable par tous, ou par le plus grand nombre. Cela implique un rapport de forces équilibré entre les parties. A qui fera-t-on croire qu'en privilégiant le tout entreprise, voire l'établissement, au détriment de la convention collective de branche, on respecte cet équilibre ? La CFE-CGC est tout à fait favorable à la responsabilisation de ses délégués syndicaux en leur ouvrant, là où la convention collective le décide, des champs nouveaux de négociation. Mais, pour autant, lorsqu'il n'y a pas d'interlocuteur syndical, la négociation d'entreprise ne peut que s'inscrire dans le respect absolu du principe de faveur qui prévoit qu'on ne peut, dans l'entreprise, que négocier un plus par rapport à l'accord de branche.
Toujours plus avec moins. Ouvrir la possibilité, sans contrainte, dans toutes les entreprises de France et de Navarre, de pouvoir réduire les garanties collectives prévues par la loi ou la convention collective, c'est décider, mondialisation oblige, de ramener notre pays, au nom de la sacro-sainte compétitivité et de la création de valeurs pour l'actionnaire, au niveau des pays envoie de développement. C'est le toujours plus (plus de rentabilité, plus de bénéfice) financé par le toujours moins (moins de garanties, moins de salaires, moins de protection sociale).
Et puis, croit-on vraiment rendre service aux centaines de milliers de patrons de petites et moyennes entreprises, confrontées à une situation de plus en plus difficile, en les obligeant, au-delà de leurs soucis avec leurs clients, avec leurs fournisseurs, avec leurs créanciers ou l'administration, à renégocier localement ce qui se fait depuis 50 ans au niveau de la branche et de la convention collective ? Sans compter la rupture de concurrence que cela introduira, chacun étant obligé, ou se croyant obligé, de mieux se positionner par la pratique du moins disant social vis-à-vis de ses salariés.
Tout cela pour faire plaisir à une partie des 1.000 entreprises de plus de 1.000 salariés, celles où la présence syndicale empêchera justement de faire n'importe quoi.
Rêveries, peurs irraisonnées ? Que nenni ! Ce qui se passe actuellement dans les assurances est tout à fait révélateur. La fédération patronale a refusé de négocier, a priori, un accord de branche sur les 35 heures Les négociations ont été directement renvoyées dans les entreprises, aboutissant à des accords plus ou moins favorables aux salariés, en fonction des rapports de forces internes. In fine, après ces négociations, un accord de branche balai a bien dû être négocié. Il se révèle meilleur que certains des accords d'entreprises. Il serait normal que, dans ces entreprises, ce soit l'accord de branche, plus favorable, qui s'applique. Eh bien non ! La fédération patronale prétend que c'est l'accord d'entreprise qui prime sur l'accord de branche et ceux qui ont signé un accord moins favorable seront ainsi moins bien traités que ceux qui n'ont rien signé du tout. Bel encouragement au développement de la négociation collective ! Et exemple parfait de ce que nous ne pouvons pas accepter.
Et puis il faut bien définir la validation des accords signés. Tant que le principe de faveur était institué en règle immuable, tout accord se traduisait par un plus pour les salariés. Peu importait, à ce moment, le nombre ou la représentativité des signataires. Chacun pouvait ergoter sur le degré de satisfaction des revendications, mais personne n'en contestait le bien-fondé. Mais quand la loi a introduit la notion d'accord dérogatoire, elle a encouragé les accords " donnant-donnant " ou un plus dans un domaine est contrebalancé par un moins dans un autre domaine. La notion de progrès collectif est devenue plus difficile à mesurer et son appréciation plus subjective. Comment peser les avantages d'une réduction du temps de travail, rapportés à l'annualisation, la flexibilité, la dégradation des conditions de travail, voire le blocage des salaires ?
Il devient difficile d'apprécier la validité des accords signés alors qu'il y a contestation, non plus sur l'importance du progrès social, mais sur l'existence même d'un progrès, voire l'affirmation d'un recul. Il faut maintenant envisager que les accords signés ne puisent être applicables que s'ils sont majoritaires, soit en nombre d'organisations signataires, au niveau de la branche ou de l'interprofessionnel, soit en nombre de voix recueillies aux élections professionnelles dans les accords d'entreprise, avec bien évidemment une distinction par collège lors qu'une disposition concerne spécifiquement une catégorie de salariés.
Dans la négociation en cours, le Medef devra bien faire un choix. L'encouragement à la négociation décentralisée avec les organisations syndicales, dans les domaines prévus par la branche professionnelle. Ou la négociation tous azimuts, mais avec application systématique du principe de faveur pour éviter toute dérive. Mais de grâce, dans ces discussions, que les employeurs n'essaient pas d'avoir le beurre et l'argent du beurre.
(source http://www.gauche-socialiste.com, le 31 juillet 2001)
Toute négociation a vocation à se terminer par un consensus acceptable par tous, ou par le plus grand nombre. Cela implique un rapport de forces équilibré entre les parties. A qui fera-t-on croire qu'en privilégiant le tout entreprise, voire l'établissement, au détriment de la convention collective de branche, on respecte cet équilibre ? La CFE-CGC est tout à fait favorable à la responsabilisation de ses délégués syndicaux en leur ouvrant, là où la convention collective le décide, des champs nouveaux de négociation. Mais, pour autant, lorsqu'il n'y a pas d'interlocuteur syndical, la négociation d'entreprise ne peut que s'inscrire dans le respect absolu du principe de faveur qui prévoit qu'on ne peut, dans l'entreprise, que négocier un plus par rapport à l'accord de branche.
Toujours plus avec moins. Ouvrir la possibilité, sans contrainte, dans toutes les entreprises de France et de Navarre, de pouvoir réduire les garanties collectives prévues par la loi ou la convention collective, c'est décider, mondialisation oblige, de ramener notre pays, au nom de la sacro-sainte compétitivité et de la création de valeurs pour l'actionnaire, au niveau des pays envoie de développement. C'est le toujours plus (plus de rentabilité, plus de bénéfice) financé par le toujours moins (moins de garanties, moins de salaires, moins de protection sociale).
Et puis, croit-on vraiment rendre service aux centaines de milliers de patrons de petites et moyennes entreprises, confrontées à une situation de plus en plus difficile, en les obligeant, au-delà de leurs soucis avec leurs clients, avec leurs fournisseurs, avec leurs créanciers ou l'administration, à renégocier localement ce qui se fait depuis 50 ans au niveau de la branche et de la convention collective ? Sans compter la rupture de concurrence que cela introduira, chacun étant obligé, ou se croyant obligé, de mieux se positionner par la pratique du moins disant social vis-à-vis de ses salariés.
Tout cela pour faire plaisir à une partie des 1.000 entreprises de plus de 1.000 salariés, celles où la présence syndicale empêchera justement de faire n'importe quoi.
Rêveries, peurs irraisonnées ? Que nenni ! Ce qui se passe actuellement dans les assurances est tout à fait révélateur. La fédération patronale a refusé de négocier, a priori, un accord de branche sur les 35 heures Les négociations ont été directement renvoyées dans les entreprises, aboutissant à des accords plus ou moins favorables aux salariés, en fonction des rapports de forces internes. In fine, après ces négociations, un accord de branche balai a bien dû être négocié. Il se révèle meilleur que certains des accords d'entreprises. Il serait normal que, dans ces entreprises, ce soit l'accord de branche, plus favorable, qui s'applique. Eh bien non ! La fédération patronale prétend que c'est l'accord d'entreprise qui prime sur l'accord de branche et ceux qui ont signé un accord moins favorable seront ainsi moins bien traités que ceux qui n'ont rien signé du tout. Bel encouragement au développement de la négociation collective ! Et exemple parfait de ce que nous ne pouvons pas accepter.
Et puis il faut bien définir la validation des accords signés. Tant que le principe de faveur était institué en règle immuable, tout accord se traduisait par un plus pour les salariés. Peu importait, à ce moment, le nombre ou la représentativité des signataires. Chacun pouvait ergoter sur le degré de satisfaction des revendications, mais personne n'en contestait le bien-fondé. Mais quand la loi a introduit la notion d'accord dérogatoire, elle a encouragé les accords " donnant-donnant " ou un plus dans un domaine est contrebalancé par un moins dans un autre domaine. La notion de progrès collectif est devenue plus difficile à mesurer et son appréciation plus subjective. Comment peser les avantages d'une réduction du temps de travail, rapportés à l'annualisation, la flexibilité, la dégradation des conditions de travail, voire le blocage des salaires ?
Il devient difficile d'apprécier la validité des accords signés alors qu'il y a contestation, non plus sur l'importance du progrès social, mais sur l'existence même d'un progrès, voire l'affirmation d'un recul. Il faut maintenant envisager que les accords signés ne puisent être applicables que s'ils sont majoritaires, soit en nombre d'organisations signataires, au niveau de la branche ou de l'interprofessionnel, soit en nombre de voix recueillies aux élections professionnelles dans les accords d'entreprise, avec bien évidemment une distinction par collège lors qu'une disposition concerne spécifiquement une catégorie de salariés.
Dans la négociation en cours, le Medef devra bien faire un choix. L'encouragement à la négociation décentralisée avec les organisations syndicales, dans les domaines prévus par la branche professionnelle. Ou la négociation tous azimuts, mais avec application systématique du principe de faveur pour éviter toute dérive. Mais de grâce, dans ces discussions, que les employeurs n'essaient pas d'avoir le beurre et l'argent du beurre.
(source http://www.gauche-socialiste.com, le 31 juillet 2001)