Déclaration de Mme Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux droits des femmes, sur la lutte contre les stéréotypes et l'égalité hommes femmes, Paris le 20 octobre 2014.

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Je suis très heureuse d'être ici avec vous pour recevoir votre rapport consacré à la lutte contre les stéréotypes.
Alors que nous partageons la volonté de construire l'égalité femmes-hommes, dans les faits, certains pourraient juger étrange de s'attaquer aux images.
Pourtant, ce débat a toute son importance et j'ai particulièrement apprécié votre rigueur sémantique. En effet vous nous appelez à utiliser la bonne terminologie et ainsi à parler de stéréotypes de sexe et non de genre.
- Les stéréotypes de sexe présentent les inégalités comme biologiques, naturelles, ils en font des évidences, et viennent légitimer les discriminations.
Ils doivent être déconstruits par les politiques que nous mettons en place.
En luttant contre les stéréotypes de sexe, contre ces représentations, nous nous attaquons aux inégalités et aux discriminations.
On ne peut dissocier ce sujet de la lutte contre les violences, du partage des tâches domestiques, ou encore de l'égalité professionnelle.
Les mots ont un sens. Récemment à l'Assemblée nationale, un élu a refusé de féminiser le titre de la présidente de séance.
Ce refus du mot c'est le refus du fait : une femme qui occupe les plus hautes fonctions au sein de l'institution.
Comme le remarque justement Roselyne Bachelot (Ancienne ministre de la Solidarité et de la Cohésion sociale du gouvernement Fillon) : « il est paradoxal de voir en première ligne de ce refus, ceux-là mêmes qui agitent le spectre d'une imaginaire théorie du genre, destinée selon eux à nier les différences entre les sexes. Ils devraient être au côté des féministes pour revendiquer une plus grande visibilité des femmes dans l'espace public. »
- Le langage a un effet sur la réalité. Je voudrai évoquer un exemple. Depuis les années 70, les centres de météorologie ont décidé, pour éviter d'être taxés de sexisme de baptiser les ouragans d'un prénom tantôt féminin, tantôt masculin.
Une étude américaine a dévoilé le fait que les ouragans qui portent un prénom féminin sont trois fois plus meurtriers que ceux ayant un nom masculin, car la population a tendance à sous-estimer leur force.
Je prends cet exemple. Il peut paraitre incongru.
Mais il montre que l'approche de genre doit être conduite dans tous les domaines, même ceux où on n'imaginerait pas qu'elle puisse avoir un impact.
- J'en profite donc pour le redire : la théorie du genre n'existe pas. En revanche, ce qui existe et que nous devons développer, ce sont les études de genre.
Elles sont souvent mal comprises en France.
Ce concept sociologique permet d'analyser les statuts, les rôles sociaux, attribués aux femmes et aux hommes.
Cette approche de genre nous permet de comprendre la construction des inégalités.
Appliquée aux politiques publiques, elle est donc très utile, pour avancer vers l'égalité réelle.
Votre rapport va dans ce sens et répond à deux attentes :
- des concepts clairs pour éviter toute diabolisation ou analyse erronée et ;
- des outils concrets pour lutter contre les stéréotypes.
Je tiens à saluer votre volonté d'offrir des outils pratiques, et de vous inscrire dans le concret, dans l'effectivité des mesures que vous proposez.
C'est essentiel pour passer de l'indignation à l'action.
Vous proposez que ces outils soient appliqués dans trois champs prioritaires.
Et je souscris parfaitement aux champs d'action que vous identifiez :
1- L'école, car c'est dès le plus jeune âge qu'il faut déconstruire les stéréotypes.
Et je dirai même, qu'il faut faire en sorte de ne pas les diffuser, de ne pas les installer dans l'esprit des générations à venir.
2- Les médias, car ce sont des vecteurs importants de notre imaginaire collectif aujourd'hui colonisés par de nombreuses représentations sexistes.
Ils peuvent aussi à l'inverse, devenir des vecteurs important pour installer une juste représentation des femmes et des hommes.
3- Enfin, la communication institutionnelle. Un vecteur qui se doit d'être exemplaire.
Je veux revenir sur quelques actions du gouvernement ces trois points
2014 est l'année de la mixité des métiers.
C'est un enjeu social fondamental. Il s'agit de la liberté de choisir son métier, au-delà des stéréotypes qui enferment les femmes dans quelques professions.
A cette occasion, des actions ont été lancées par le gouvernement.
Nos actions touchent :
- Les jeunes grâce à l'orientation scolaire.
- Les personnes en situation de reconversion, grâce au partenariat avec Pôle emploi pour développer la mixité dans les candidatures aux offres d'emploi.
- Le grand public, avec la campagne télévisuelle « au travail, c'est le talent qui compte » que nous lançons prochainement.
Concernant les médias, le CSA a commencé un cycle de délibérations avec les chaînes de télévision.
A partir de janvier 2015, un cahier des charges sera formalisé pour lutter contre les stéréotypes sexistes et favoriser plus d'égalité sur les plateaux, parmi les experts, ou dans les rôles de fiction.
Cela mettra en application la loi du 4 août 2014 (articles 56 à 58) qui confie au CSA un rôle accru de vigilance dans ces domaines.
Je suis certaine que la grille d'analyse que vous proposez dans ce rapport pourra être utile au travail du CSA.
Autre outil pratique que vous finalisez en ce moment : le cadre de référence pour une communication institutionnelle non stéréotypée.
Je me saisirai avec intérêt de ce cadre car je partage votre volonté de rendre visibles les femmes dans la langue et dans les images.
D'un point de vue quantitatif, les femmes doivent être plus nombreuses, alors qu'elles sont encore trop invisibilisées aujourd'hui.
D'un point de vue qualitatif, il faut allez vers une plus grande diversité de représentations car les femmes sont trop souvent enfermées dans quelques rôles, peu valorisants.
Les représentations de ce qui est approprié, attendu pour une femme ou pour un homme ont des conséquences dans les faits.
Vous avez donc raison quand vous affirmez que l'argent public ne doit pas servir à diffuser et renforcer les stéréotypes.
(Le HCE propose de développer une budgétisation sensible à l'égalité femmes-hommes, et en particulier un mécanisme d'«éga-conditionnalité » des financements publics.
L'objectif étant de subordonner les financements publics au respect de l'égalité femmes-hommes et à la lutte contre les stéréotypes de sexe.)
Les financements publics doivent être un levier concret pour faire reculer les stéréotypes et le gouvernement avance dans ce sens.
- La loi du 4 août 2014 (article 61) prévoit que les maires de communes de plus de 20 000 habitants, les présidents de conseil régionaux et de conseils généraux doivent présenter, en amont des débats sur le budget, des rapports de situation en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.
Cela permettra d'analyser le fonctionnement de ces collectivités et des politiques qu'elles mènent pour l'égalité.
Nous serons attentifs à la mise en oeuvre de ce premier pas vers l'établissement de budgets sensibles au genre.
- Autre éléments de la loi du 4 août 2014 qui répond l'éga-conditionnalité que vous proposez.
Les entreprises de plus de 50 salariés ne pourront candidater à la commande publique que si elles peuvent attester qu'elles respectent leurs obligations légales en matière d'égalité professionnelle.
Cette exigence concerne plus de 100 000 entreprises et un montant de plus de 75 milliards d'euros.
- Il faut aussi citer la loi pour le développement et la solidarité internationale votée en juillet 2014 et la stratégie « genre et développement ».
Elles prévoient une prise en compte systématique de la priorité « genre » dans les procédures d'élaboration, de suivi et d'évaluation des projets.
D'ici 2017, 50 % des projets de développement français auront comme objectif principal ou significatif l'amélioration de l'égalité femmes – hommes.
- Les conférences de l'égalité ont aussi permis d'identifier des ministères qui avancent sur ce sujet, comme le ministère de l'écologie.
Il nous a indiqué, vouloir conditionner les financements des établissements publics sous sa responsabilité à leurs politiques d'égalité.
- Enfin, dernier élément à prendre en compte : l'Institut National des Etudes Territoriales (INET) va rendre prochainement un rapport de comparaison internationale sur la mise en oeuvre de budgets sensibles au genre.
Nous pourrons donc nous inspirer d'expériences étrangères pour avancer davantage sur ce sujet.
Les pouvoirs publics doivent être exemplaires et exigeants à l'égard des acteurs qu'ils financent.
Je suis certaine que nous pourrons avancer ensemble sur cette voie et sur d'autres propositions de ce rapport que vous allez nous présenter.
Merci à vous.
Source http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr, le 14 novembre 2014