Point de presse conjoint de MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et Ahmed Maher, ministre égyptien des affaires étrangères, et interview à l'agence de presse égyptienne "Mena" le 25 juillet 2001, sur la concertation franco-égyptienne pour relancer le processus de paix au Proche-Orient.

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Circonstance : Visite en France du ministre égyptien des affaires étrangères, M. Ahmed Maher El Sayed, du 24 au 26 juillet 2001à Paris

Média : Agence Mena - Mena

Texte intégral

Point de presse le 25 juillet 2001 :
Mesdames et Messieurs,
Nous pouvons vous dire l'état d'esprit dans lequel nous abordons cette rencontre. D'abord, cette rencontre est inscrite dans un cadre que vous connaissez bien. C'est une concertation franco-égyptienne qui est amicale, basée sur la confiance mutuelle, forte et régulière au niveau des chefs d'Etat et de gouvernements, au niveau des ministres des Affaires étrangères et c'est d'autant plus vrai que la situation au Proche-Orient reste aussi mauvaise qu'elle était.
Un jour peut-être nous n'aurons plus besoin de nous concerter autant sur le Proche-Orient, nous parlerons simplement de nos excellentes relations bilatérales, mais malheureusement nous n'en sommes pas là.
Aujourd'hui, la situation est très mauvaise, les perspectives sont sombres parce que l'on n'arrive pas, encore, à enclencher l'application des conclusions du rapport Mitchell, de la Commission qui pourtant ont été reconnues, de façon générale comme étant pour l'instant la seule base qui permettrait de sortir petit à petit de cette situation. Ces dernières semaines, on a vu que l'idée d'un mécanisme d'observation impartial, d'observateurs, progressait. C'est une idée qui est soutenue par les Quinze de l'Union européenne, qui est maintenant soutenue par tous les membres du G8. On peut dire qu'il y a un consensus mondial croissant sur cette idée. Je voudrais redire ici quel est dans l'intérêt aussi bien des Israéliens que des Palestiniens et je ne vois pas qui peut avoir peur des observateurs internationaux impartiaux, ni pourquoi.. Nous en sommes là.
Nous allons insister sur ce point que nous allons voir ensemble, ce que la France et l'Egypte peuvent faire ensemble pour lever les préalables, lever les obstacles à la mise en oeuvre de ces conclusions Mitchell qui naturellement doivent apporter la sécurité à toutes les populations quelles qu'elles soient, mais aussi permettre l'enclenchement, le ré-enclenchement d'un processus politique. Il n'y aura un retour à une sécurité solide que lorsqu'on retrouvera des perspectives de solution politique, qui redonneront confiance et espoir aux uns et aux autres. C'est à cela que nous allons travailler.
Q - Monsieur le Ministre, M. Maher a dit hier que, pour l'Egypte, la nationalité des observateurs n'était pas très importante. Comment la France voit-elle cette question ? Est-ce que vous souhaitez une mission internationale à tout prix ou est-ce que la France soutiendrait une mission d'accroissement des observateurs américains dans la région, surtout des observateurs de la CIA et est-ce que vous estimez que ça c'est une série de mission impartiale ?
(...)
R - La CIA c'est autre chose, parce que les dirigeants de la CIA ont déjà dit que ce n'était pas leur mission. Et en ce qui concerne la nationalité, moi je suis de l'avis de l'Egypte. Ce n'est pas le point le plus important. Le plus important, c'est qu'il y ait des observateurs impartiaux et que les choses puissent commencer.
Q - Le président Moubarak a critiqué hier le fait que le G8 ait lié le mécanisme à l'acceptation des deux parties. Quel est votre commentaire sur le fait que le G8 ait mis cela dans le communiqué ? Est-ce que cela veut dire que c'est une proposition mort-née, du fait que Sharon la refuse?
R - Je pense que ce n'est pas une idée mort-née, au contraire. Je pense que c'est une idée qui ne cesse de progresser, de cheminer et qui s'imposera, parce qu'elle est dans l'intérêt des deux parties. Maintenant, dire qu'il faut l'accord des deux parties, c'est une évidence. Tout le monde le sait depuis le début : il faut que des observateurs impartiaux soient bienvenus de part et d'autre. Tout dépend sur quoi on met l'accent : il ne faut pas rappeler cette évidence comme étant une sorte de précondition dans l'esprit de bloquer les choses ; ...il faut mettre l'accent, au contraire, sur le fait que cette idée rencontre un soutien croissant.
(...)
Q - L'union européenne a-t-elle l'intention de participer à cette mission ?
R : le problème ne se présente pas comme cela. C'est une très bonne réponse de dire que la rapidité est plus importante que la nationalité. Je suis d'accord avec cela. L'Union européenne vient de jouer un rôle essentiel par ses déclarations à quinze, qui ont entraîné la déclaration du G8. Elle vient de jouer un rôle essentiel pour crédibiliser cette proposition et élargir son soutien international, de nature politique.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juillet 2001)
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Interview à l'agence de presse égyptienne "Mena" le 25 juillet :
Q - Quelle est l'importance de la poursuite des consultations franco-égyptiennes pour renforcer les relations bilatérales et remettre le processus de paix sur les rails ?
R - La France et l'Egypte entretiennent des relations anciennes et étroites. J'attache beaucoup d'importance à nos rencontres. Je parlais régulièrement, et avec grand profit, avec Amr Moussa. Je souhaite faire de même avec mon nouveau collègue Ahmed Amer. Nos entretiens portent bien entendu sur la relation bilatérale, qui est particulièrement dense dans tous les domaines. Mais l'Egypte occupe également une place de premier plan sur la scène régionale, et joue un rôle clé, en particulier, dans la recherche d'une solution au conflit israélo-arabe. C'est un objectif qui, comme vous le savez, tient aussi à coeur à la France, qui partage la même volonté que l'Egypte de voir aboutir un règlement juste et durable au Proche-Orient, conforme aux aspirations des peuples de la région. C'est donc un sujet qui nous unit, sur lequel nous pouvons, Egyptiens et Français, exercer une certaine influence, et sur lequel nous nous coordonnons et nous nous efforçons de conjuguer au mieux nos efforts.
Q - Comment voyez-vous dans ce contexte la déclaration du président Moubarak, qui a qualifié d'inutile la poursuite du dialogue avec Israël tant que M. Sharon demeure Premier ministre ?
R - Je ne souhaite pas m'immiscer dans les affaires intérieures de la Ligue des Etats arabes, ni d'ailleurs dans celles de l'Egypte. Ma conviction est que, quelles que soient les difficultés du moment, ou le sentiment d'impuissance que l'on peut parfois ressentir face à la dégradation de la situation, il ne faut jamais baisser les bras. Il faut inlassablement dialoguer avec tous ceux qui détiennent la solution du problème, ou une partie de cette solution. Dialoguer ne veut pas dire accepter nécessairement le point de vue de l'interlocuteur. Mais comment espérer éventuellement convaincre ce dernier si on se refuse à l'écouter, ou si l'on se prive de la possibilité de lui exposer ses propres arguments?
Q - La France continuera-t-elle avec le même enthousiasme ses efforts pour l'envoi des observateurs impartiaux même après le refus d'Israël d'accepter ces observateurs s'ils n'étaient pas américains ?
R - J'ai exprimé, depuis longtemps, la conviction qu'un mécanisme impartial de surveillance était nécessaire pour veiller à la mise en oeuvre du cessez-le-feu et des recommandations de la Commission Mitchell. Cette position ne résulte pas d'un parti pris idéologique. C'est le fruit d'une réflexion, fondée sur l'expérience des derniers mois et le constat de l'absence totale de confiance entre les parties. Ce point de vue est maintenant partagé par nos partenaires européens, ainsi que par les pays membres du G-8. Nous savons qu'Israël y est réticent, mais il me semble, à la lecture de certaines déclarations, que les esprits évoluent. Certains commencent à comprendre qu'un tel mécanisme serait, comme je l'ai souligné, dans l'intérêt des deux parties. Il faut donc persévérer. Quant aux modalités pratiques, elles ne sont pas encore déterminées. L'essentiel est que ce mécanisme soit impartial, perçu comme tel par les deux parties, et remplisse sa mission, qui consiste à permettre d'appliquer intégralement le rapport Mitchell et de retrouver ainsi une perspective politique.
Q - Israël s'oppose toujours à un rôle européen plus efficace au Proche Orient. Comment voyez-vous cette opposition et les efforts que Paris envisage de déployer pour y faire face?
R - Personne ne peut contester à l'Europe le droit de s'intéresser à cette région, avec laquelle elle a des liens anciens, et où elle a, aujourd'hui encore, des intérêts importants. La paix au Proche-Orient est une question qui nous concerne directement. J'ai le sentiment que le rôle de l'Europe s'est affirmé au cours des derniers mois, que son expression s'est faite plus claire et que ses positions sont, aujourd'hui, mieux entendues. La France y a beaucoup oeuvré. C'est un processus qui est appelé à se poursuivre, étant entendu que l'Europe n'a d'autre ambition que la recherche d'une paix juste et durable, et qu'elle entend oeuvrer en étroite concertation avec tous ceux qui partagent cet objectif.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juillet 2001)