Discours de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur les relations franco-maliennes, la lutte contre le terrorisme, le rôle du Mali sur la scène régionale, les relations Nord Sud et la nécessité d'associer les pays pauvres aux règles du jeu internationales, Bamako, Mali, le 8 octobre 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, à Bamako, Mali, le 8 octobre 2001

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers Amis Maliens,
Chers Compatriotes
J'espère avoir quelques instants à passer parmi vous après cette allocution que je voulais prononcer pour vous dire d'abord le plaisir que j'ai à vous retrouver ici à Bamako pour la cinquième fois depuis que j'exerce la fonction de ministre de la Coopération. Il y a deux semaines, j'accueillais à Paris votre ministre de la Culture, Pascal Baba Coulibaly. La semaine dernière c'est votre ministre des Forces armées et des Anciens Combattants, Boubèye Maiga qui effectuait, à l'invitation de mon collègue Alain Richard, une visite officielle en France, la première d'un ministre malien de la Défense, depuis l'Indépendance
Ces échanges illustrent la montée en puissance des relations politiques entre nos deux pays, rendue possible, rendue nécessaire, par le rôle croissant du Mali sur la scène régionale (je pense à la double présidence qu'exerce actuellement le président Konaré à la CEDEAO et l'UEMOA, sans oublier le CILLS), mais aussi internationale, comme membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, et je crois pouvoir dire que, désormais, c'est un dialogue politique nourri qu'entretiennent le Mali et la France.
C'est dans ce cadre que se situe ma visite d'aujourd'hui, en route pour Abidjan, où j'assisterai demain, comme d'ailleurs le président Konaré, au Forum de réconciliation nationale. J'ai souhaité saisir cette occasion pour m'arrêter à Bamako et rencontrer votre président, et profiter de son analyse de la situation internationale. Mais aussi de la sous-région et pourquoi pas, échanger avec lui sur le Mali.
Nous avons évidemment évoqué les événements graves, atroces, du 11 septembre dernier à New York et à Washington. J'ai pu constater une égale détermination pour lutter contre ce fléau du terrorisme et la convergence de nos analyses. Je voudrais à ce sujet vous livrer quelques observations.
Je voudrais tout d'abord vous dire que les événements que nous incriminons et qui ont justifié cette action engagée hier, ne sauraient en aucun cas trouver justification, car c'est bien la haine qui les anime, la volonté de détruire, certainement pas le droit.
Mais il est vrai aussi que nous devons prendre la mesure d'un monde où les inégalités produisent de la frustration, de l'humiliation, et fabriquent en quelque sorte le terreau sur lequel peuvent malheureusement prospérer la violence, la haine, et faciliter le recrutement de ceux qui commettent ces actions terroristes. Lors de la Conférence des ambassadeurs, qui est le rendez-vous que nous donnons à l'ensemble de nos ambassadeurs, à la fin du mois d'août, j'avais eu l'occasion de dire combien nous percevions la montée d'une tension Nord-Sud très forte. A Durban, où je conduisais la délégation de la France, j'ai pu avoir confirmation de cette extraordinaire polarisation des misères du sud, en quelque sorte, autour de la Palestine. Oui je crois que le monde est inégal, ce n'est pas nouveau : il a pourtant tendance à l'être davantage, et la grande différence est que le monde le sait, je veux dire que partout on a pris conscience - et les nouvelles techniques de la communication y sont pour quelque chose - de la réalité de ces inégalités.
C'est pourquoi la riposte aux terroristes comporte des actions militaires, mais va devoir intégrer bien autre chose : en particulier une coordination très forte des informations, des services de police, et une coordination très forte pour lutter contre le financement du terrorisme. A ce sujet, je suis heureux que l'ONU ait adopté après les événements du 11 septembre une résolution destinée à lutter contre le financement du terrorisme qui complète la Convention adoptée il y a un peu plus d'un an, sur le même problème, largement à l'initiative de la France.
Je dirais qu'il va nous falloir procéder à ce que d'aucuns ont appelé un travail de "désherbage" pour éliminer les humiliations. Je crois que nous sommes, nous, pays européens, l'Occident comme on dit, interpellés et que nous n'aurons de chance d'atteindre l'objectif que s'il y a justement un dialogue resserré entre les cultures, entre le Nord et le Sud, entre l'Occident et l'Islam. C'est à une sorte de révolution culturelle que nous sommes appelés, si nous voulons avoir quelques chances de gagner.
Il faut que les pays pauvres soient mieux associés aux règles du jeu internationales. Il faut que l'architecture des institutions internationales (et je pense singulièrement aux institutions financières internationales) prenne en compte ce besoin d'un dialogue plus nourri, d'une présence accrue des pays du Sud. L'invitation du président Konaré, ainsi que de quelques uns de ses collègues au dernier G8 à Gênes représente d'ailleurs de ce point de vue un pas qui va dans la bonne direction. Je souhaite qu'une meilleure implication de tous les acteurs passe aussi, par exemple, par la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU.
Ce sont ces sujets qui ont occupé l'entretien que je viens d'avoir avec le président du Mali, mais aussi la situation dans la région, celle des pays du fleuve Mano, la Sierra Leone, la Casamance, la Guinée Bissao, et encore la République démocratique du Congo.
Permettez-moi pour terminer de m'adresser à mes compatriotes, dont les représentants sont ici présents. Ils jouent évidemment un rôle déterminant dans le développement de nos relations, qu'ils soient expatriés, qu'ils soient français venus de métropole et durablement installés au Mali, ou binationaux. Je me félicite en constatant que depuis quelques années leur nombre ne cesse de croître et je veux rendre hommage à leur action.
Ce sont les liens humains entre nos peuples qui, en dernière analyse, déterminent la qualité de nos relations, et fondent un partenariat durable.
C'est pourquoi je suis, par exemple, très attaché aux coopérations décentralisées qui unissent nos collectivités locales, et c'est pourquoi aussi nous avons mis en uvre une politique des visas ouverte. Environ 25000 seront délivrés cette année, et vous savez que dans quelques semaines sera inauguré le nouveau consulat, dont le Premier ministre, Lionel Jospin, avait promis la construction lors de sa visite de décembre 1997.
Un dernier mot : je n'oublie pas un autre événement, également important, la CAN 2002. La France, là aussi, apporte une aide substantielle. Je souhaite bonne chance au Mali. Il a livré un match en Côte d'Armor. C'est un département auquel, vous le savez, je suis très attaché. Vendredi dernier, c'était en quelque sorte un match d'entraînement. Le résultat ne doit pas, bien au contraire, affaiblir le moral des supporters de cette équipe malienne. Je souhaite qu'elle gagne la Coupe d'Afrique des Nations puisque la France n'y participe pas ! Je souhaite en tout cas que nos relations d'amitié, non seulement perdurent, mais continuent de s'enrichir pour le plus grand bénéfice des uns et des autres. Je vous remercie d'être ici./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 octobre 2001)