Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Depuis notre dernière rencontre, Laurent FABIUS, bienvenue, bonjour, vous avez fait combien, deux, trois fois le tour de la terre ?
LAURENT FABIUS
Ecoutez, je fais le tour de la terre une fois par mois, donc, calculez.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Presque comme les satellites. Vladimir POUTINE s'en prend à l'Amérique et à l'Europe qui veulent, selon lui, affaiblir et encercler la Russie. Il a, dit-il, les moyens militaires de répondre aux ennemis. Est-ce que nous sommes dans une logique de guerre ou de confrontation avec la Russie ?
LAURENT FABIUS
Evidemment dans une logique de tension, et je dirais malheureusement, parce que, s'agissant de la France, nous sommes des amis très anciens de la Russie, ça remonte à, rappelez-vous, DE GAULLE, et même avant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Napoléon.
LAURENT FABIUS
Mais c'est vrai que la Russie, ces derniers temps, a eu des gestes qu'on ne peut pas accepter, par exemple l'annexion de la Crimée, et puis les climats de tension. Nous, nous avons toujours joué, à la fois la fermeté, vis-à-vis de la Russie, et en même temps le dialogue, mais pour dialoguer il faut être plusieurs, ou pouvoir être deux. En tout cas, tout ce qui ira dans le sens d'une baisse de la tension, nous sommes preneurs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que c'est un partenaire ou un ennemi de la France, maintenant ?
LAURENT FABIUS
Non, c'est un partenaire. C'est un partenaire. Un partenaire difficile.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alexandre ORLOV, l'ambassadeur de POUTINE en France, invité de Thomas SOTTO tout à l'heure, appelle à la réconciliation. La France, indépendante, y est-elle prête ?
LAURENT FABIUS
Bien sûr que la France est indépendante, et la France est tout à fait prête à avoir de bonnes relations avec la Russie, mais il y a, en matière internationale, des choses qui ne sont pas acceptables, et notamment le comportement qui a eu lieu en Crimée, et puis la tension à l'Est. On a quand même, mais je suis prudent, une bonne nouvelle, qu'on m'a communiquée, il semble qu'il y ait un accord pour un cessez-le-feu global, entre les séparatistes et les Ukrainiens, normalement le 9 décembre. J'espère que ça va avoir lieu. Mais nous souhaitons une baisse de la tension, mais nous ne sommes pas non plus nous ne pouvons pas rester sans réagir, les bras ballants.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si ce cessez-le-feu du 9 décembre fonctionne, est-ce que ça veut dire que la France indépendante allège les sanctions qui affaiblissent l'économie de la Russie, et flatte le nationalisme russe ?
LAURENT FABIUS
On n'en n'est pas là, on n'en n'est pas du tout là. Il y a un accord qui a été signé, qui s'appelle l'accord de Minsk, qui prévoit toute une série de choses qui permettraient vraiment une baisse durable de la tension en Ukraine, c'est cet accord de Minsk qu'il faut respecter.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et la France est prête, comme le demandait tout à l'heure ORLOV, à des gestes de réconciliation, ne pas donner l'impression d'isoler POUTINE et d'être l'adversaire de POUTINE ?
LAURENT FABIUS
La France a toujours été ouverte, mais en même temps il faut être extrêmement ferme, quand il y a des attitudes qui ne sont pas acceptables.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Laurent FABIUS, les avions de Bachar EL-ASSAD ont bombardé pendant 3 jours Raqqa, Raqqa, la capitale de Daech, comme vous le savez. Les Américains l'ont fait 3 jours après, c'est-à-dire qu'ils ont pris le relais, et dans l'interview intéressante
LAURENT FABIUS
Non, pas une interview, c'est un publi-reportage.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, mais c'est une interview parce qu'il y a des éléments qui sont très intéressants, Régis LE SOMMIER
LAURENT FABIUS
Oui, mais enfin, écoutez, vous connaissez mieux que moi le métier de journaliste, mais faire une interview sans dire, crument, à monsieur Bachar EL-ASSAD, « écoutez, quand vous êtes arrivé, il y a 3 ans, il y avait une petite révolte de 8 jeunes dans un coin de votre pays, et maintenant, à cause de vous, il y a 200.000 morts », c'est quand même le début, du début, du début.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il faut voir s'il y a vraiment les 200 ou 220.000 morts.
LAURENT FABIUS
Ne vous lancez pas dans ce genre de comptabilité, ils sont avérés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans la comptabilité macabre, non, mais c'est quand même un paradoxe. La Syrie et les Etats-Unis ont bombardé presque à 3 jours près, d'intervalle, et Bachar EL-ASSAD, dans cette interview à Régis LE SOMMIER, dit « il n'y a pas de coordination directe. » Ça veut dire qu'il y a une coordination indirecte entre la Syrie et les Etats-Unis aujourd'hui ?
LAURENT FABIUS
Alors, revenons à des choses basiques et rapides. L'adversaire absolu c'est Daech, les égorgeurs et les terroristes de Daech, qui sont l'ennemi absolu, que ce soit en Irak, que ce soit en Syrie, que ce soit ailleurs. En Irak, le travail commence d'être fait, avec le soutien des Irakiens, très bien, et le Premier ministre irakien était là pour rendre visite au président français il y a 2 jours, et les choses vont dans le bon sens. En Syrie, la situation est différente, puisque monsieur Bachar EL-ASSAD reste un dictateur. Donc, il faut à la fois lutter contre Daech, mais en même temps trouver une solution politique, entre d'un côté l'opposition modérée, des éléments du régime.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est pourquoi vous avez porté tellement d'attention à Alep.
LAURENT FABIUS
Exactement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La bataille d'Alep, en Syrie, est en train de commencer, ou va commencer en janvier. Est-ce que vous êtes toujours partisan de livrer des armes, de l'humanitaire, dans ce qui est le bastion des anti-Bachar modérés ?
LAURENT FABIUS
Mais, bien sûr, la bataille d'Alep, ou Alep tout court, c'est quelque chose qui peut être d'une gravité exceptionnelle. Songez que si Bachar, ou Daech, prend Alep, ça veut dire que des centaines de milliers de Syriens vont être chassés alors, où vont-ils aller ? ou tués, et donc il faut qu'on arrive, et c'est le plan de l'envoyé de l'ONU qui s'appelle Monsieur MISTURA, à geler la situation autour d'Alep, et à ce que, il y ait au Nord, une zone où les Syriens puissent vivre, j'allais dire en paix.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais là vous êtes un avocat de cette solution, pour sauver Alep, mais vous êtes plutôt seul, parce que les Américains discutent avec une seule obsession, de démolir et d'éradiquer Daech, mais ils discutent avec Bachar.
LAURENT FABIUS
Nous discutons avec les Américains, nous discutons avec les Turcs, nous discutons avec les responsables de la coalition, il y a aussi des discussions avec les Russes, bien sûr, mais il faut sauver Alep. Et puis que vous me posez la question, j'en profite pour dire, pour lancer un appel, je l'ai fait dans la presse internationale, parce que Alep c'est vraiment si Alep est prise, ça veut dire qu'il y aura des centaines de milliers de gens qui seront dans des situations épouvantables. Il y a eu, déjà, entre 8 et 10 millions de gens déplacés en Syrie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a urgence à sauver Alep
LAURENT FABIUS
Urgence absolue.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dit Laurent FABIUS ce matin sur Europe 1. Il est rare de voir, Laurent FABIUS, autant de dirigeants algériens à Paris, est-ce qu'ils sont engagés, vraiment, avec la France, contre les jihadistes ?
LAURENT FABIUS
Oui, à fond. Vous connaissez très bien l'Algérie, ils ont connu, éprouvé le terrorisme bien avant, il y a eu 200.000 morts en Algérie, et ils mènent un combat qu'il faut souligner, qui est vraiment un combat extrêmement ferme, nous en avons parlé avec le président BOUTEFLIKA, quand je lui ai rendu visite il y a quelques semaines, avec le Premier ministre SELLAL qui est ici, ils sont tout à fait engagés, et ils sont très utiles dans, en particulier la négociation sur tout ce qui concerne le Sahel, le Mali, ils sont très attentifs à ce qui se passe en Libye, et donc oui, ils jouent un rôle très utile.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous allez accompagner tout à l'heure le Premier ministre SELLAL au MEDEF, il y a des entretiens avec
LAURENT FABIUS
Oui, parce qu'on parle économie, là aussi on veut développer la relation avec nos amis Algériens. Il y a peu de temps j'étais en Algérie, nous avons inauguré ensemble une usine RENAULT, mais il y a des perspectives considérables. Le Premier ministre algérien, hier, a parlé en particulier des échanges en matière d'électricité, sur le gaz, sur le solaire, en matière de numérique, il y a beaucoup de contrats en matière de transports, etc.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ils sont sur les traces des assassins de notre otage Hervé GOURDEL
LAURENT FABIUS
Ils en ont déjà tué un.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, est-ce qu'ils vous ont confirmé qu'ils les veulent tous l'un après l'autre, ou tous ensemble ?
LAURENT FABIUS
Le Premier ministre SELLAL m'a dit qu'il y avait 3000 hommes, 3000 hommes, qui avaient comme objectif de retrouver les assassins de monsieur GOURDEL.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et selon monsieur SELLAL les Algériens coopèrent avec la justice française dans l'enquête sur les moines de Tibhirine. Le juge TREVIDIC demande que soient rapatriés, après son voyage qui s'est fait dans de bonnes conditions, les prélèvements recueillis sur place, est-ce que vous obtiendrez leur accord ?
LAURENT FABIUS
Oui, je pense que oui, parce que, d'une façon générale les Algériens veulent, comme nous, qu'il y ait la vérité. Le juge TREVIDIC doit envoyer une nouvelle commission rogatoire internationale, mais les autorités algériennes nous disent qu'elles sont tout à fait prêtes à coopérer.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors important, c'est aussi pour cette raison que vous êtes avec nous, Monsieur le ministre des Affaires étrangères, de lundi prochain à samedi vous serez à Lima.
LAURENT FABIUS
Oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est au Pérou que commence le sommet sur le climat qui aura lieu à Paris dans 1 an, est-ce que vous espérez, à Lima, puisque c'est une sorte de général avant Paris, un projet d'accord ?
LAURENT FABIUS
Oui, et je voudrais revenir de Lima avec à la fois un projet de texte, et, en même temps, un dynamisme, et un souffle. Pourquoi ? Parce que ce qui n'a pas marché dans le passé, vous vous rappelez l'échec de Copenhague, etc., il faut absolument que l'année prochaine, à Paris, en décembre, conférence d'ailleurs que je présiderai, on ait un accord entre 195 pays, pour limiter l'émission de gaz à effet de serre et enrayer le dérèglement climatique. Ça a l'air d'être des mots, mais ça veut dire concrètement, aujourd'hui on a des phénomènes de pluie, de sécheresse, de plus en plus extrêmes, on a des glaciers qui fondent, donc les océans montent, recouvrant toute une série de pays, et de terres, on a une production agricole qui va être bouleversée, des migrations du même coup, de l'insécurité. Si on veut arrêter ça il faut limiter les émissions de gaz à effet de serre, tous les pays doivent s'y mettre, et la France va être le pays qui va accueillir cette conférence, 40.000 personnes, 3000 journalistes, et, à la clé, je l'espère, un accord mondial.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais pour ce sommet de Paris, l'organisateur, le maître d'oeuvre, c'est Laurent FABIUS ?
LAURENT FABIUS
Je présiderai la conférence, puisque c'est la France qui accueille cette conférence, mais je vais le faire avec nos amis Péruviens, et avec l'ensemble des délégations, parce que ce qui n'a pas pu être possible dans le passé, nous devons l'obtenir, et en même temps créer une nouvelle croissance, plus positive, autour de la croissance verte.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci Laurent FABIUS.
THOMAS SOTTO
Peut-être une question. Alexandre ORLOV parlait des Mistral tout à l'heure, de ce Mistral qui n'a pas été livré à la France comme convenu, il disait que la patience de la Russie
LAURENT FABIUS
Non, c'est dans l'autre sens.
THOMAS SOTTO
Oui, le Mistral livré à la Russie, pardon, la patience de la Russie c'était quelques semaines à peine, à présent, avant de demander des compensations.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il disait « le délai court toujours. »
LAURENT FABIUS
Oui, le délai court toujours, je confirme que le délai court toujours.
THOMAS SOTTO
Qu'est-ce que vous lui répondez ?
LAURENT FABIUS
Ce qu'a répondu le président français, c'est-à-dire que dans les conditions actuelles, l'examen était suspendu, si les conditions changeaient, si les conditions changeaient, mais ça passe en particulier par l'application de l'accord de Minsk, dont je parlais tout à l'heure.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et l'accord du 9 décembre, si le 9 décembre il y a un cessez-le-feu, c'est un élément positif.
LAURENT FABIUS
C'est un élément, mais ce n'est pas suffisant.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Laurent FABIUS d'être venu sur Europe 1 ce matin.
LAURENT FABIUS
Merci à vous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 décembre 2014
Depuis notre dernière rencontre, Laurent FABIUS, bienvenue, bonjour, vous avez fait combien, deux, trois fois le tour de la terre ?
LAURENT FABIUS
Ecoutez, je fais le tour de la terre une fois par mois, donc, calculez.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Presque comme les satellites. Vladimir POUTINE s'en prend à l'Amérique et à l'Europe qui veulent, selon lui, affaiblir et encercler la Russie. Il a, dit-il, les moyens militaires de répondre aux ennemis. Est-ce que nous sommes dans une logique de guerre ou de confrontation avec la Russie ?
LAURENT FABIUS
Evidemment dans une logique de tension, et je dirais malheureusement, parce que, s'agissant de la France, nous sommes des amis très anciens de la Russie, ça remonte à, rappelez-vous, DE GAULLE, et même avant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Napoléon.
LAURENT FABIUS
Mais c'est vrai que la Russie, ces derniers temps, a eu des gestes qu'on ne peut pas accepter, par exemple l'annexion de la Crimée, et puis les climats de tension. Nous, nous avons toujours joué, à la fois la fermeté, vis-à-vis de la Russie, et en même temps le dialogue, mais pour dialoguer il faut être plusieurs, ou pouvoir être deux. En tout cas, tout ce qui ira dans le sens d'une baisse de la tension, nous sommes preneurs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que c'est un partenaire ou un ennemi de la France, maintenant ?
LAURENT FABIUS
Non, c'est un partenaire. C'est un partenaire. Un partenaire difficile.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alexandre ORLOV, l'ambassadeur de POUTINE en France, invité de Thomas SOTTO tout à l'heure, appelle à la réconciliation. La France, indépendante, y est-elle prête ?
LAURENT FABIUS
Bien sûr que la France est indépendante, et la France est tout à fait prête à avoir de bonnes relations avec la Russie, mais il y a, en matière internationale, des choses qui ne sont pas acceptables, et notamment le comportement qui a eu lieu en Crimée, et puis la tension à l'Est. On a quand même, mais je suis prudent, une bonne nouvelle, qu'on m'a communiquée, il semble qu'il y ait un accord pour un cessez-le-feu global, entre les séparatistes et les Ukrainiens, normalement le 9 décembre. J'espère que ça va avoir lieu. Mais nous souhaitons une baisse de la tension, mais nous ne sommes pas non plus nous ne pouvons pas rester sans réagir, les bras ballants.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si ce cessez-le-feu du 9 décembre fonctionne, est-ce que ça veut dire que la France indépendante allège les sanctions qui affaiblissent l'économie de la Russie, et flatte le nationalisme russe ?
LAURENT FABIUS
On n'en n'est pas là, on n'en n'est pas du tout là. Il y a un accord qui a été signé, qui s'appelle l'accord de Minsk, qui prévoit toute une série de choses qui permettraient vraiment une baisse durable de la tension en Ukraine, c'est cet accord de Minsk qu'il faut respecter.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et la France est prête, comme le demandait tout à l'heure ORLOV, à des gestes de réconciliation, ne pas donner l'impression d'isoler POUTINE et d'être l'adversaire de POUTINE ?
LAURENT FABIUS
La France a toujours été ouverte, mais en même temps il faut être extrêmement ferme, quand il y a des attitudes qui ne sont pas acceptables.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Laurent FABIUS, les avions de Bachar EL-ASSAD ont bombardé pendant 3 jours Raqqa, Raqqa, la capitale de Daech, comme vous le savez. Les Américains l'ont fait 3 jours après, c'est-à-dire qu'ils ont pris le relais, et dans l'interview intéressante
LAURENT FABIUS
Non, pas une interview, c'est un publi-reportage.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, mais c'est une interview parce qu'il y a des éléments qui sont très intéressants, Régis LE SOMMIER
LAURENT FABIUS
Oui, mais enfin, écoutez, vous connaissez mieux que moi le métier de journaliste, mais faire une interview sans dire, crument, à monsieur Bachar EL-ASSAD, « écoutez, quand vous êtes arrivé, il y a 3 ans, il y avait une petite révolte de 8 jeunes dans un coin de votre pays, et maintenant, à cause de vous, il y a 200.000 morts », c'est quand même le début, du début, du début.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il faut voir s'il y a vraiment les 200 ou 220.000 morts.
LAURENT FABIUS
Ne vous lancez pas dans ce genre de comptabilité, ils sont avérés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans la comptabilité macabre, non, mais c'est quand même un paradoxe. La Syrie et les Etats-Unis ont bombardé presque à 3 jours près, d'intervalle, et Bachar EL-ASSAD, dans cette interview à Régis LE SOMMIER, dit « il n'y a pas de coordination directe. » Ça veut dire qu'il y a une coordination indirecte entre la Syrie et les Etats-Unis aujourd'hui ?
LAURENT FABIUS
Alors, revenons à des choses basiques et rapides. L'adversaire absolu c'est Daech, les égorgeurs et les terroristes de Daech, qui sont l'ennemi absolu, que ce soit en Irak, que ce soit en Syrie, que ce soit ailleurs. En Irak, le travail commence d'être fait, avec le soutien des Irakiens, très bien, et le Premier ministre irakien était là pour rendre visite au président français il y a 2 jours, et les choses vont dans le bon sens. En Syrie, la situation est différente, puisque monsieur Bachar EL-ASSAD reste un dictateur. Donc, il faut à la fois lutter contre Daech, mais en même temps trouver une solution politique, entre d'un côté l'opposition modérée, des éléments du régime.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est pourquoi vous avez porté tellement d'attention à Alep.
LAURENT FABIUS
Exactement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La bataille d'Alep, en Syrie, est en train de commencer, ou va commencer en janvier. Est-ce que vous êtes toujours partisan de livrer des armes, de l'humanitaire, dans ce qui est le bastion des anti-Bachar modérés ?
LAURENT FABIUS
Mais, bien sûr, la bataille d'Alep, ou Alep tout court, c'est quelque chose qui peut être d'une gravité exceptionnelle. Songez que si Bachar, ou Daech, prend Alep, ça veut dire que des centaines de milliers de Syriens vont être chassés alors, où vont-ils aller ? ou tués, et donc il faut qu'on arrive, et c'est le plan de l'envoyé de l'ONU qui s'appelle Monsieur MISTURA, à geler la situation autour d'Alep, et à ce que, il y ait au Nord, une zone où les Syriens puissent vivre, j'allais dire en paix.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais là vous êtes un avocat de cette solution, pour sauver Alep, mais vous êtes plutôt seul, parce que les Américains discutent avec une seule obsession, de démolir et d'éradiquer Daech, mais ils discutent avec Bachar.
LAURENT FABIUS
Nous discutons avec les Américains, nous discutons avec les Turcs, nous discutons avec les responsables de la coalition, il y a aussi des discussions avec les Russes, bien sûr, mais il faut sauver Alep. Et puis que vous me posez la question, j'en profite pour dire, pour lancer un appel, je l'ai fait dans la presse internationale, parce que Alep c'est vraiment si Alep est prise, ça veut dire qu'il y aura des centaines de milliers de gens qui seront dans des situations épouvantables. Il y a eu, déjà, entre 8 et 10 millions de gens déplacés en Syrie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a urgence à sauver Alep
LAURENT FABIUS
Urgence absolue.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dit Laurent FABIUS ce matin sur Europe 1. Il est rare de voir, Laurent FABIUS, autant de dirigeants algériens à Paris, est-ce qu'ils sont engagés, vraiment, avec la France, contre les jihadistes ?
LAURENT FABIUS
Oui, à fond. Vous connaissez très bien l'Algérie, ils ont connu, éprouvé le terrorisme bien avant, il y a eu 200.000 morts en Algérie, et ils mènent un combat qu'il faut souligner, qui est vraiment un combat extrêmement ferme, nous en avons parlé avec le président BOUTEFLIKA, quand je lui ai rendu visite il y a quelques semaines, avec le Premier ministre SELLAL qui est ici, ils sont tout à fait engagés, et ils sont très utiles dans, en particulier la négociation sur tout ce qui concerne le Sahel, le Mali, ils sont très attentifs à ce qui se passe en Libye, et donc oui, ils jouent un rôle très utile.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous allez accompagner tout à l'heure le Premier ministre SELLAL au MEDEF, il y a des entretiens avec
LAURENT FABIUS
Oui, parce qu'on parle économie, là aussi on veut développer la relation avec nos amis Algériens. Il y a peu de temps j'étais en Algérie, nous avons inauguré ensemble une usine RENAULT, mais il y a des perspectives considérables. Le Premier ministre algérien, hier, a parlé en particulier des échanges en matière d'électricité, sur le gaz, sur le solaire, en matière de numérique, il y a beaucoup de contrats en matière de transports, etc.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ils sont sur les traces des assassins de notre otage Hervé GOURDEL
LAURENT FABIUS
Ils en ont déjà tué un.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, est-ce qu'ils vous ont confirmé qu'ils les veulent tous l'un après l'autre, ou tous ensemble ?
LAURENT FABIUS
Le Premier ministre SELLAL m'a dit qu'il y avait 3000 hommes, 3000 hommes, qui avaient comme objectif de retrouver les assassins de monsieur GOURDEL.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et selon monsieur SELLAL les Algériens coopèrent avec la justice française dans l'enquête sur les moines de Tibhirine. Le juge TREVIDIC demande que soient rapatriés, après son voyage qui s'est fait dans de bonnes conditions, les prélèvements recueillis sur place, est-ce que vous obtiendrez leur accord ?
LAURENT FABIUS
Oui, je pense que oui, parce que, d'une façon générale les Algériens veulent, comme nous, qu'il y ait la vérité. Le juge TREVIDIC doit envoyer une nouvelle commission rogatoire internationale, mais les autorités algériennes nous disent qu'elles sont tout à fait prêtes à coopérer.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors important, c'est aussi pour cette raison que vous êtes avec nous, Monsieur le ministre des Affaires étrangères, de lundi prochain à samedi vous serez à Lima.
LAURENT FABIUS
Oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est au Pérou que commence le sommet sur le climat qui aura lieu à Paris dans 1 an, est-ce que vous espérez, à Lima, puisque c'est une sorte de général avant Paris, un projet d'accord ?
LAURENT FABIUS
Oui, et je voudrais revenir de Lima avec à la fois un projet de texte, et, en même temps, un dynamisme, et un souffle. Pourquoi ? Parce que ce qui n'a pas marché dans le passé, vous vous rappelez l'échec de Copenhague, etc., il faut absolument que l'année prochaine, à Paris, en décembre, conférence d'ailleurs que je présiderai, on ait un accord entre 195 pays, pour limiter l'émission de gaz à effet de serre et enrayer le dérèglement climatique. Ça a l'air d'être des mots, mais ça veut dire concrètement, aujourd'hui on a des phénomènes de pluie, de sécheresse, de plus en plus extrêmes, on a des glaciers qui fondent, donc les océans montent, recouvrant toute une série de pays, et de terres, on a une production agricole qui va être bouleversée, des migrations du même coup, de l'insécurité. Si on veut arrêter ça il faut limiter les émissions de gaz à effet de serre, tous les pays doivent s'y mettre, et la France va être le pays qui va accueillir cette conférence, 40.000 personnes, 3000 journalistes, et, à la clé, je l'espère, un accord mondial.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais pour ce sommet de Paris, l'organisateur, le maître d'oeuvre, c'est Laurent FABIUS ?
LAURENT FABIUS
Je présiderai la conférence, puisque c'est la France qui accueille cette conférence, mais je vais le faire avec nos amis Péruviens, et avec l'ensemble des délégations, parce que ce qui n'a pas pu être possible dans le passé, nous devons l'obtenir, et en même temps créer une nouvelle croissance, plus positive, autour de la croissance verte.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci Laurent FABIUS.
THOMAS SOTTO
Peut-être une question. Alexandre ORLOV parlait des Mistral tout à l'heure, de ce Mistral qui n'a pas été livré à la France comme convenu, il disait que la patience de la Russie
LAURENT FABIUS
Non, c'est dans l'autre sens.
THOMAS SOTTO
Oui, le Mistral livré à la Russie, pardon, la patience de la Russie c'était quelques semaines à peine, à présent, avant de demander des compensations.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il disait « le délai court toujours. »
LAURENT FABIUS
Oui, le délai court toujours, je confirme que le délai court toujours.
THOMAS SOTTO
Qu'est-ce que vous lui répondez ?
LAURENT FABIUS
Ce qu'a répondu le président français, c'est-à-dire que dans les conditions actuelles, l'examen était suspendu, si les conditions changeaient, si les conditions changeaient, mais ça passe en particulier par l'application de l'accord de Minsk, dont je parlais tout à l'heure.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et l'accord du 9 décembre, si le 9 décembre il y a un cessez-le-feu, c'est un élément positif.
LAURENT FABIUS
C'est un élément, mais ce n'est pas suffisant.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Laurent FABIUS d'être venu sur Europe 1 ce matin.
LAURENT FABIUS
Merci à vous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 décembre 2014