Texte intégral
YVES CALVI
Jérôme CHAPUIS, vous recevez donc ce matin le ministre de l'Economie, Emmanuel MACRON.
JEROME CHAPUIS
Bonjour Emmanuel MACRON.
EMMANUEL MACRON
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
On a tout entendu sur la loi que vous avez présentée hier en Conseil des ministres, une loi fourre-tout, un patchwork, un saupoudrage, en quoi cette loi est-elle de gauche ?
EMMANUEL MACRON
C'est une loi de gauche parce que c'est une loi de progrès, qui redonne des droits, des accès.
JEROME CHAPUIS
C'est un progrès le travail le dimanche ?
EMMANUEL MACRON
Mais, d'abord, je ne veux pas la réduire au travail du dimanche, je vais répondre à votre question très précisément
JEROME CHAPUIS
Non, mais c'est le point clef
EMMANUEL MACRON
Non, c'est un point parmi des dizaines d'autres. Cette loi, j'entends le mot patchwork, d'autres disent « fourre-tout », cette loi, ce sont beaucoup de réformes, très concrètes, parce que l'économie, elle change avec des réformes concrètes, pas avec des grandes mesures théoriques. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, c'est que oui, c'est une loi de gauche, pourquoi ? Parce qu'elle redonne des accès, l'égalité des droits, parce qu'elle permet justement de donner plus de droits, plus de libertés, et la liberté, vous savez quoi, c'est une valeur de gauche, il ne faut pas savoir peur de la liberté dans la vie ! Parce que sinon, on ne traverse plus la rue. Et donc cette loi, elle redonne
JEROME CHAPUIS
Quand vous dites la liberté, beaucoup de socialistes entendent libéralisme
EMMANUEL MACRON
Non, mais c'est faux, c'est faux. Le droit protège le plus faible, et c'est sur cette base que beaucoup de l'histoire de la gauche s'est construite, et à juste titre, et donc il faut conserver les bonnes protections, mais il y a beaucoup de règles qui sont devenues des règles formelles, qui empêchent, et donc aujourd'hui, redonner des accès, de l'égalité d'accès par de la mobilité, la réforme que nous proposons sur les autocars, par de l'accès à certaines professions, en particulier professions réglementées, redonner plus de fluidité sur le marché du travail, pour faciliter aussi l'accès des plus jeunes, redonner des opportunités, le travail du dimanche en fait partie ; ça, ce sont des mesures de gauche
JEROME CHAPUIS
Alors, justement, parlons du travail le dimanche, parce que dans l'esprit de beaucoup de socialistes, une politique de gauche, c'est celle qui crée un rapport de force favorable aux salariés face aux employeurs, et ils vous disent : avec le travail le dimanche, on va fragiliser les plus faibles.
EMMANUEL MACRON
Mais c'est faux. Quelle est la réalité du pays dans lequel nous vivons ? 30% des Français travaillent de manière régulière ou occasionnelle le dimanche, 30%...
JEROME CHAPUIS
Mais si vous donnez plus de possibilités pour le travail le dimanche, les employeurs seront plus enclins à demander à leurs salariés
EMMANUEL MACRON
Donc la réalité, c'est que ça travaille le dimanche. Deuxième chose, on nous dit : les gens ne consomment pas le dimanche, il faut faire autre chose. Près du quart du chiffre d'affaires d'AMAZON est fait le dimanche. Mais la bataille, elle sera bientôt pas de savoir si on ouvre dans les centres-villes ou si c'est dans les grandes surfaces ou autres, elle sera : est-ce que je vais sur des serveurs Internet, des sites qui paient peu d'impôts dans le pays, et détruisent, continuent à détruire des emplois en France, ou est-ce que je permets aux Françaises et aux Français qui, eux, veulent travailler, enfin, et surtout, là où je récuse cette idée, c'est que, pour finir mon constat, dans le pays où nous vivons, il y a 600 zones touristiques où les Françaises et les Français travaillent le dimanche, et où la loi ne prévoit aujourd'hui aucune règle de compensation. La réforme
JEROME CHAPUIS
Alors, précisément, les compensations
EMMANUEL MACRON
La réforme que je porte, là où elle a un fondement extrêmement important, c'est qu'il est prévu que partout, il y aura une compensation, et que cette compensation doit être prévue par un accord de branche d'entreprise ou de territoire, et que sans accord, il ne doit pas y avoir d'ouverture ; celles et ceux qui aujourd'hui sont ouverts sans accord, on leur laisser le temps de s'adapter
JEROME CHAPUIS
Alors sur la compensation ?
EMMANUEL MACRON
Mais donc, là, par rapport au point que vous soulevez, c'est bien le contraire, vous donnez la possibilité aux travailleurs, sur la base du volontariat et d'un accord justement, d'avoir un débat équilibré
JEROME CHAPUIS
Alors la loi pose le principe, le principe d'une compensation, mais pas le montant, quel est le montant minimum de la compensation ? Votre collègue de Bercy, Christian ECKERT dit : il faut au minimum doubler le salaire, ce serait une bonne base.
EMMANUEL MACRON
Faites deux secondes l'épreuve du réel, doubler le salaire, une grande surface en périphérie peut le faire, voyez si un petit magasin aujourd'hui ouvert dans une zone touristique peut payer double, vous verrez qu'il fermera. Donc je dis que
JEROME CHAPUIS
Vous ne souhaitez pas qu'il y ait de montants
EMMANUEL MACRON
Je dis que nous avons, parfois, commis l'erreur dans le passé, droite et gauche, et la gauche l'a fait, de penser qu'on pouvait tout prévoir par la loi, moi, je pense que la loi doit poser un principe, et ensuite, quand on croit au dialogue social, il faut y croire jusqu'au bout, et donc c'est le dialogue social qui doit permettre à l'ouverture de se faire, par les accords que j'évoquais, et c'est au niveau de la branche ou au niveau du territoire ou de l'entreprise que les règles peuvent être définies intelligemment. Et vous savez, dans les commerces alimentaires, il y a déjà, dans la boulangerie, vous avez une convention de branche qui prévoit des règles d'indemnisation. Et donc les Françaises et les Français, ils sont plus intelligents pour savoir ce qui est bon pour leur quotidien, et pour savoir quelle est la bonne négociation équilibrée pour définir les compensations. Donc il y aura sans doute des branches qui prévoiront le « payé double », sans doute des endroits, les zones très touristiques où il y a beaucoup d'affluence, où on va gagner beaucoup d'argent le dimanche à ouvrir, vous verrez qu'on paiera double. Dans d'autres zones qui sont aujourd'hui ouvertes sans compensation, on paiera, ce que prévoit d'ailleurs beaucoup aujourd'hui l'accord de branche, 30 ou 40% de plus. Et donc il ne faut pas que la loi purge tous les sujets, ça n'est pas bon.
JEROME CHAPUIS
Vous, votre loi prévoit d'ouvrir jusqu'à 12 dimanches par an, c'est une base de négociation, vous pourriez, si votre majorité vous le demande, descendre à 7, 8 dimanches, comme on l'entend ?
EMMANUEL MACRON
Ecoutez, d'abord, quand on présente un texte de loi, on y croit, et la discussion autour d'un texte de loi, ça n'est pas une discussion de maquignons, donc il doit y avoir un débat de fond sur tous les sujets, celui-ci en fera partie. Ensuite, la loi prévoit 12 dimanches, mais pas 12 dimanches ouverts partout, la loi, elle donne une liberté aux maires, là aussi, elle donne une liberté sur le terrain aux maires d'ouvrir jusqu'à 12 dimanches, sauf dans des zones très spécifiques, quelques gares, et des zones touristiques internationales, où on pense que là, il y a tellement de valeur qui peut se créer qu'il faut que l'Etat reprenne la main.
JEROME CHAPUIS
Alors les maires, les maires justement, on va en entendre un, une, plus précisément, c'est Martine AUBRY, vous l'avez entendue hier. On va la réécouter. Parce que, elle, elle pose un débat à la fois économique, mais aussi culturel. Ecoutez-là.
MARTINE AUBRY, MAIRE DE LILLE (PS)
Il s'agit finalement de savoir dans quelle société on veut vivre, et moi, je veux une société où on ait du temps pour les autres, où on ait du temps pour soi, et pas seulement courir dans les centres commerciaux le dimanche. Je crois qu'on a autre chose de mieux à faire.
JEROME CHAPUIS
Qu'est-ce que vous lui répondez à Martine AUBRY ?
EMMANUEL MACRON
D'abord, moi, j'ai beaucoup de respect pour Martine AUBRY, et je ne veux pas qu'il y ait de polémique.
JEROME CHAPUIS
Enfin, en l'occurrence, c'est une polémique, et c'est même une déclaration de guerre, elle dit qu'elle va se battre
EMMANUEL MACRON
Non
JEROME CHAPUIS
Elle dit qu'elle va se battre contre votre loi.
EMMANUEL MACRON
Non, je n'y crois pas une seule seconde, et moi, si elle veut qu'on en parle, je suis totalement à sa disposition. Et je pense qu'il ne faut pas
JEROME CHAPUIS
On peut organiser le débat.
EMMANUEL MACRON
Il ne faut pas de polémique, il ne faut pas de polémique inutile sur ce sujet, j'ai été au groupe socialiste, on a eu un vrai débat sur ce sujet qui est important
JEROME CHAPUIS
Mais vous entendez ce qu'elle dit, en gros, vous
EMMANUEL MACRON
Alors, moi, je vais répondre très précisément
JEROME CHAPUIS
Petit à petit, il y a des digues qui sautent, on grignote notre mode de vie, c'est ce que dit une partie de la gauche
EMMANUEL MACRON
D'abord, il faut être conscient du pays dans lequel on vit, c'est ce que j'évoquais, et de la réalité des chiffres, ensuite, pardon, mais cette loi, elle donne des possibilités aux maires d'ouvrir, des possibilités, s'ils ne veulent pas ouvrir, ils n'ouvriront pas, cette loi, elle n'oblige pas les gens à aller au supermarché, je veux dire, cette loi, elle n'oblige pas au consumérisme, il ne faudrait pas tout rabattre, et vous savez, aujourd'hui, il y a beaucoup de Françaises et de Français qui, le dimanche, travaillent dans des usines, ça, ça ne choque personne. Or, les usines, il y en a beaucoup qui fonctionnent le dimanche. Et vous savez, il y a beaucoup de Françaises et de Français qui travaillent aussi dans des services culturels, de sécurité, sanitaires, on n'a jamais vécu ça comme une régression sociale, quand ils peuvent avoir un temps dans la semaine, qui reste un temps familial, synchronisé avec le reste de leur famille, et quand, surtout, on peut leur apporter les garanties, les compensations nécessaires, celles que je propose dans le dialogue social. Mais pardon, je voudrais quand même rajouter un point avant que vous me repreniez la parole, ça dépend aussi de la vision de la société qu'on a, vous savez, les jeunes Françaises et les jeunes Français, le dimanche, ils n'ont pas tous la chance de déjeuner en famille, de pouvoir faire une sortie culturelle ou une balade au parc, il y a beaucoup de Françaises et de Français qui aimeraient travailler le dimanche pour, précisément, pouvoir se payer le cinéma, il faut regarder la France des banlieues, des quartiers périurbains, où travailler aussi le dimanche, ce sera des opportunités qu'on recrée, parce que ce sera aussi choisi parce qu'on protègera mieux. Donc il ne faut pas réduire la société à un seul modèle, il ne faut pas réduire la société à une seule vision. Il y a beaucoup de Françaises et de Français qui veulent aussi qu'on leur redonne cette opportunité.
JEROME CHAPUIS
Emmanuel MACRON, tout ça, il faudra que vous en convainquiez la majorité, est-ce que vous êtes certain d'avoir une majorité pour voter ce texte à l'Assemblée ?
EMMANUEL MACRON
Mais nous allons la construire point à point, moi, je commence
JEROME CHAPUIS
Elle n'est pas acquise aujourd'hui ?
EMMANUEL MACRON
Mais, je commence, moi, un travail de conviction avec l'ensemble des membres du gouvernement
JEROME CHAPUIS
Cette majorité n'est pas acquise aujourd'hui ?
EMMANUEL MACRON
Mais moi, j'étais devant le groupe socialiste, il y a deux jours
JEROME CHAPUIS
Il paraît que c'était chaud !
EMMANUEL MACRON
Vous savez, il faut se méfier, il ne faut pas considérer que le baromètre, ce sont quelques individualités, qui veulent exister à travers ces commentaires périphériques. Il y a 90% de la salle qui sont restés jusqu'au bout, c'est-à-dire pendant plus de deux heures, nous avons eu un vrai débat, nous avons eu un vrai travail sur le texte, qui a été un débat de conviction, et ce débat, pour moi, il commence. Et j'ai invité le groupe socialiste
JEROME CHAPUIS
Est-ce que vous interdisez le recours au 49.3 ?
EMMANUEL MACRON
J'ai invité le groupe socialiste
JEROME CHAPUIS
Est-ce que vous interdisez le recours à l'article 49.3, c'est-à-dire, à un vote bloqué en cas de manque de votre majorité ?
EMMANUEL MACRON
Non, mais on ne commence pas une discussion parlementaire sur ces bases, ça n'a pas de sens. Moi, j'ai dit dès le début que je ne souhaitais pas procéder par ordonnance, et que je voulais un vrai texte de loi avec un vrai débat parlementaire. Pourquoi ? Parce qu'il ne faut pas caricaturer le groupe parlementaire socialiste, ce sont des femmes et des hommes qui sont sur le terrain, qui subissent la pression au quotidien de la société française, à un moment qui est difficile, où il y a beaucoup de chômage, où il y a une vraie tension, et donc ce qu'ils veulent, ce sont des solutions rapides. Donc je sais qu'ils partagent le même constat que moi sur la situation d'urgence du pays. Et donc je les ai invités non pas à ce qu'on ait trop de débats pour essayer de détricoter une ou deux mesures symboliques, mais plutôt à rajouter des choses à cette loi, à apporter des idées supplémentaires, pour aller plus loin dans le déverrouillage de l'économie, pour redonner des opportunités, pour en faire encore plus une loi de progrès, qui donne donc plus d'égalité et plus de liberté.
JEROME CHAPUIS
Merci Emmanuel MACRON d'être avec nous ce matin sur RTL. On va continuer de vous entendre avec les auditeurs de RTL et Yves CALVI.
YVES CALVI
Voilà, Monsieur le Ministre, vous restez donc avec nous, puisque les auditeurs pourront vous interroger dès 08h15. Mais tout de suite, un avant-goût en donnant la parole à Philippe, qui nous appelle de Parthenay, dans les Deux-Sèvres. Bonjour Philippe.
PHILIPPE
Oui, bonjour à RTL, bonjour Monsieur le Ministre.
EMMANUEL MACRON
Bonjour Monsieur.
PHILIPPE
Bonjour. Bon, voilà, ma question est la suivante : j'ai mon épouse qui travaille dans une grande surface depuis bientôt 25 ans, pour environ un Smic par mois, mon épouse travaille tous les lundis et tous les samedis, donc ce qui fait que nous n'avons aucun week-end depuis 25 ans, cher Monsieur. Au jour d'aujourd'hui, vous voulez instaurer, sur la base du volontariat, les ouvertures du magasin le dimanche, alors ma question est la suivante, Monsieur le Ministre : quels sont les moyens techniques ou humains pensez-vous utiliser pour faire vérifier que le respect des salariés sur le travail du dimanche soit tourné sur la base du volontariat, sachant que les dimanches de fin d'année qui vont être ouverts, on leur demande uniquement de récupérer sur des journées de la semaine, et non rémunérés.
YVES CALVI
Emmanuel MACRON, voilà, comment garantir que le travail du dimanche se fera sur la base du volontariat ?
EMMANUEL MACRON
Bonjour Monsieur. Alors, la garantie, elle se fait justement par la participation à l'accord, le point que vous évoquez et la réalité sociale que vous mentionnez, Monsieur, c'est celui, et je ne sais pas combien d'heures travaille votre épouse, mais je pense que c'est tout le problème du temps partiel subi et fractionné qu'on a beaucoup dans la grande distribution. Et ça, c'est un vrai problème, au-delà du travail du dimanche. Parce que vous avez raison de le dire, ça ne peut pas être totalement subi. Donc il y a deux façons de faire, la première, c'est que la règle qui est posée, c'est celle du volontariat, et à cet égard, il faut que les salariés puissent se défendre et puissent faire valoir leurs droits mieux qu'aujourd'hui. Et donc ça, ça passe
YVES CALVI
La femme de Philippe est visiblement obligée de travailler le dimanche
EMMANUEL MACRON
Et donc ça, ça passe précisément par les accords de branche et d'entreprise, et c'est toute la pression que nous mettons sur la grande distribution aujourd'hui parce que dans ce secteur tout particulier, il est vrai qu'il y a du temps partiel subi, et du temps partiel subi fractionné. Et donc dans l'accord de branche qui est en train d'être discuté là-dessus, et vous voyez bien que votre épouse ne travaillant pas le dimanche aujourd'hui, ça n'est pas le travail du dimanche le coeur du problème, c'est le temps partiel subi ou le travail subi dans son organisation. Et donc sur ce sujet, il faut que dans les branches spécifiques où ça existe, et c'est vrai que dans la grande distribution, c'est tout particulièrement le cas, les droits des salariés soient mieux défendus, mieux reconnus. Et je m'engage avec François REBSAMEN à ce que dans l'accord de branche, qui est en discussion, cela soit amélioré.
YVES CALVI
Merci Philippe de nous avoir appelés.
EMMANUEL MACRON
Merci Monsieur.
YVES CALVI
Monsieur le Ministre, vous allez pouvoir aller reprendre un petit café, on va se retrouver avec d'autres auditeurs et d'autres questions, bien entendu, au 32.10, dès 08h15, le ministre de l'Economie répond à vos questions ce matin, en direct, sur RTL.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 décembre 2014
Jérôme CHAPUIS, vous recevez donc ce matin le ministre de l'Economie, Emmanuel MACRON.
JEROME CHAPUIS
Bonjour Emmanuel MACRON.
EMMANUEL MACRON
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
On a tout entendu sur la loi que vous avez présentée hier en Conseil des ministres, une loi fourre-tout, un patchwork, un saupoudrage, en quoi cette loi est-elle de gauche ?
EMMANUEL MACRON
C'est une loi de gauche parce que c'est une loi de progrès, qui redonne des droits, des accès.
JEROME CHAPUIS
C'est un progrès le travail le dimanche ?
EMMANUEL MACRON
Mais, d'abord, je ne veux pas la réduire au travail du dimanche, je vais répondre à votre question très précisément
JEROME CHAPUIS
Non, mais c'est le point clef
EMMANUEL MACRON
Non, c'est un point parmi des dizaines d'autres. Cette loi, j'entends le mot patchwork, d'autres disent « fourre-tout », cette loi, ce sont beaucoup de réformes, très concrètes, parce que l'économie, elle change avec des réformes concrètes, pas avec des grandes mesures théoriques. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, c'est que oui, c'est une loi de gauche, pourquoi ? Parce qu'elle redonne des accès, l'égalité des droits, parce qu'elle permet justement de donner plus de droits, plus de libertés, et la liberté, vous savez quoi, c'est une valeur de gauche, il ne faut pas savoir peur de la liberté dans la vie ! Parce que sinon, on ne traverse plus la rue. Et donc cette loi, elle redonne
JEROME CHAPUIS
Quand vous dites la liberté, beaucoup de socialistes entendent libéralisme
EMMANUEL MACRON
Non, mais c'est faux, c'est faux. Le droit protège le plus faible, et c'est sur cette base que beaucoup de l'histoire de la gauche s'est construite, et à juste titre, et donc il faut conserver les bonnes protections, mais il y a beaucoup de règles qui sont devenues des règles formelles, qui empêchent, et donc aujourd'hui, redonner des accès, de l'égalité d'accès par de la mobilité, la réforme que nous proposons sur les autocars, par de l'accès à certaines professions, en particulier professions réglementées, redonner plus de fluidité sur le marché du travail, pour faciliter aussi l'accès des plus jeunes, redonner des opportunités, le travail du dimanche en fait partie ; ça, ce sont des mesures de gauche
JEROME CHAPUIS
Alors, justement, parlons du travail le dimanche, parce que dans l'esprit de beaucoup de socialistes, une politique de gauche, c'est celle qui crée un rapport de force favorable aux salariés face aux employeurs, et ils vous disent : avec le travail le dimanche, on va fragiliser les plus faibles.
EMMANUEL MACRON
Mais c'est faux. Quelle est la réalité du pays dans lequel nous vivons ? 30% des Français travaillent de manière régulière ou occasionnelle le dimanche, 30%...
JEROME CHAPUIS
Mais si vous donnez plus de possibilités pour le travail le dimanche, les employeurs seront plus enclins à demander à leurs salariés
EMMANUEL MACRON
Donc la réalité, c'est que ça travaille le dimanche. Deuxième chose, on nous dit : les gens ne consomment pas le dimanche, il faut faire autre chose. Près du quart du chiffre d'affaires d'AMAZON est fait le dimanche. Mais la bataille, elle sera bientôt pas de savoir si on ouvre dans les centres-villes ou si c'est dans les grandes surfaces ou autres, elle sera : est-ce que je vais sur des serveurs Internet, des sites qui paient peu d'impôts dans le pays, et détruisent, continuent à détruire des emplois en France, ou est-ce que je permets aux Françaises et aux Français qui, eux, veulent travailler, enfin, et surtout, là où je récuse cette idée, c'est que, pour finir mon constat, dans le pays où nous vivons, il y a 600 zones touristiques où les Françaises et les Français travaillent le dimanche, et où la loi ne prévoit aujourd'hui aucune règle de compensation. La réforme
JEROME CHAPUIS
Alors, précisément, les compensations
EMMANUEL MACRON
La réforme que je porte, là où elle a un fondement extrêmement important, c'est qu'il est prévu que partout, il y aura une compensation, et que cette compensation doit être prévue par un accord de branche d'entreprise ou de territoire, et que sans accord, il ne doit pas y avoir d'ouverture ; celles et ceux qui aujourd'hui sont ouverts sans accord, on leur laisser le temps de s'adapter
JEROME CHAPUIS
Alors sur la compensation ?
EMMANUEL MACRON
Mais donc, là, par rapport au point que vous soulevez, c'est bien le contraire, vous donnez la possibilité aux travailleurs, sur la base du volontariat et d'un accord justement, d'avoir un débat équilibré
JEROME CHAPUIS
Alors la loi pose le principe, le principe d'une compensation, mais pas le montant, quel est le montant minimum de la compensation ? Votre collègue de Bercy, Christian ECKERT dit : il faut au minimum doubler le salaire, ce serait une bonne base.
EMMANUEL MACRON
Faites deux secondes l'épreuve du réel, doubler le salaire, une grande surface en périphérie peut le faire, voyez si un petit magasin aujourd'hui ouvert dans une zone touristique peut payer double, vous verrez qu'il fermera. Donc je dis que
JEROME CHAPUIS
Vous ne souhaitez pas qu'il y ait de montants
EMMANUEL MACRON
Je dis que nous avons, parfois, commis l'erreur dans le passé, droite et gauche, et la gauche l'a fait, de penser qu'on pouvait tout prévoir par la loi, moi, je pense que la loi doit poser un principe, et ensuite, quand on croit au dialogue social, il faut y croire jusqu'au bout, et donc c'est le dialogue social qui doit permettre à l'ouverture de se faire, par les accords que j'évoquais, et c'est au niveau de la branche ou au niveau du territoire ou de l'entreprise que les règles peuvent être définies intelligemment. Et vous savez, dans les commerces alimentaires, il y a déjà, dans la boulangerie, vous avez une convention de branche qui prévoit des règles d'indemnisation. Et donc les Françaises et les Français, ils sont plus intelligents pour savoir ce qui est bon pour leur quotidien, et pour savoir quelle est la bonne négociation équilibrée pour définir les compensations. Donc il y aura sans doute des branches qui prévoiront le « payé double », sans doute des endroits, les zones très touristiques où il y a beaucoup d'affluence, où on va gagner beaucoup d'argent le dimanche à ouvrir, vous verrez qu'on paiera double. Dans d'autres zones qui sont aujourd'hui ouvertes sans compensation, on paiera, ce que prévoit d'ailleurs beaucoup aujourd'hui l'accord de branche, 30 ou 40% de plus. Et donc il ne faut pas que la loi purge tous les sujets, ça n'est pas bon.
JEROME CHAPUIS
Vous, votre loi prévoit d'ouvrir jusqu'à 12 dimanches par an, c'est une base de négociation, vous pourriez, si votre majorité vous le demande, descendre à 7, 8 dimanches, comme on l'entend ?
EMMANUEL MACRON
Ecoutez, d'abord, quand on présente un texte de loi, on y croit, et la discussion autour d'un texte de loi, ça n'est pas une discussion de maquignons, donc il doit y avoir un débat de fond sur tous les sujets, celui-ci en fera partie. Ensuite, la loi prévoit 12 dimanches, mais pas 12 dimanches ouverts partout, la loi, elle donne une liberté aux maires, là aussi, elle donne une liberté sur le terrain aux maires d'ouvrir jusqu'à 12 dimanches, sauf dans des zones très spécifiques, quelques gares, et des zones touristiques internationales, où on pense que là, il y a tellement de valeur qui peut se créer qu'il faut que l'Etat reprenne la main.
JEROME CHAPUIS
Alors les maires, les maires justement, on va en entendre un, une, plus précisément, c'est Martine AUBRY, vous l'avez entendue hier. On va la réécouter. Parce que, elle, elle pose un débat à la fois économique, mais aussi culturel. Ecoutez-là.
MARTINE AUBRY, MAIRE DE LILLE (PS)
Il s'agit finalement de savoir dans quelle société on veut vivre, et moi, je veux une société où on ait du temps pour les autres, où on ait du temps pour soi, et pas seulement courir dans les centres commerciaux le dimanche. Je crois qu'on a autre chose de mieux à faire.
JEROME CHAPUIS
Qu'est-ce que vous lui répondez à Martine AUBRY ?
EMMANUEL MACRON
D'abord, moi, j'ai beaucoup de respect pour Martine AUBRY, et je ne veux pas qu'il y ait de polémique.
JEROME CHAPUIS
Enfin, en l'occurrence, c'est une polémique, et c'est même une déclaration de guerre, elle dit qu'elle va se battre
EMMANUEL MACRON
Non
JEROME CHAPUIS
Elle dit qu'elle va se battre contre votre loi.
EMMANUEL MACRON
Non, je n'y crois pas une seule seconde, et moi, si elle veut qu'on en parle, je suis totalement à sa disposition. Et je pense qu'il ne faut pas
JEROME CHAPUIS
On peut organiser le débat.
EMMANUEL MACRON
Il ne faut pas de polémique, il ne faut pas de polémique inutile sur ce sujet, j'ai été au groupe socialiste, on a eu un vrai débat sur ce sujet qui est important
JEROME CHAPUIS
Mais vous entendez ce qu'elle dit, en gros, vous
EMMANUEL MACRON
Alors, moi, je vais répondre très précisément
JEROME CHAPUIS
Petit à petit, il y a des digues qui sautent, on grignote notre mode de vie, c'est ce que dit une partie de la gauche
EMMANUEL MACRON
D'abord, il faut être conscient du pays dans lequel on vit, c'est ce que j'évoquais, et de la réalité des chiffres, ensuite, pardon, mais cette loi, elle donne des possibilités aux maires d'ouvrir, des possibilités, s'ils ne veulent pas ouvrir, ils n'ouvriront pas, cette loi, elle n'oblige pas les gens à aller au supermarché, je veux dire, cette loi, elle n'oblige pas au consumérisme, il ne faudrait pas tout rabattre, et vous savez, aujourd'hui, il y a beaucoup de Françaises et de Français qui, le dimanche, travaillent dans des usines, ça, ça ne choque personne. Or, les usines, il y en a beaucoup qui fonctionnent le dimanche. Et vous savez, il y a beaucoup de Françaises et de Français qui travaillent aussi dans des services culturels, de sécurité, sanitaires, on n'a jamais vécu ça comme une régression sociale, quand ils peuvent avoir un temps dans la semaine, qui reste un temps familial, synchronisé avec le reste de leur famille, et quand, surtout, on peut leur apporter les garanties, les compensations nécessaires, celles que je propose dans le dialogue social. Mais pardon, je voudrais quand même rajouter un point avant que vous me repreniez la parole, ça dépend aussi de la vision de la société qu'on a, vous savez, les jeunes Françaises et les jeunes Français, le dimanche, ils n'ont pas tous la chance de déjeuner en famille, de pouvoir faire une sortie culturelle ou une balade au parc, il y a beaucoup de Françaises et de Français qui aimeraient travailler le dimanche pour, précisément, pouvoir se payer le cinéma, il faut regarder la France des banlieues, des quartiers périurbains, où travailler aussi le dimanche, ce sera des opportunités qu'on recrée, parce que ce sera aussi choisi parce qu'on protègera mieux. Donc il ne faut pas réduire la société à un seul modèle, il ne faut pas réduire la société à une seule vision. Il y a beaucoup de Françaises et de Français qui veulent aussi qu'on leur redonne cette opportunité.
JEROME CHAPUIS
Emmanuel MACRON, tout ça, il faudra que vous en convainquiez la majorité, est-ce que vous êtes certain d'avoir une majorité pour voter ce texte à l'Assemblée ?
EMMANUEL MACRON
Mais nous allons la construire point à point, moi, je commence
JEROME CHAPUIS
Elle n'est pas acquise aujourd'hui ?
EMMANUEL MACRON
Mais, je commence, moi, un travail de conviction avec l'ensemble des membres du gouvernement
JEROME CHAPUIS
Cette majorité n'est pas acquise aujourd'hui ?
EMMANUEL MACRON
Mais moi, j'étais devant le groupe socialiste, il y a deux jours
JEROME CHAPUIS
Il paraît que c'était chaud !
EMMANUEL MACRON
Vous savez, il faut se méfier, il ne faut pas considérer que le baromètre, ce sont quelques individualités, qui veulent exister à travers ces commentaires périphériques. Il y a 90% de la salle qui sont restés jusqu'au bout, c'est-à-dire pendant plus de deux heures, nous avons eu un vrai débat, nous avons eu un vrai travail sur le texte, qui a été un débat de conviction, et ce débat, pour moi, il commence. Et j'ai invité le groupe socialiste
JEROME CHAPUIS
Est-ce que vous interdisez le recours au 49.3 ?
EMMANUEL MACRON
J'ai invité le groupe socialiste
JEROME CHAPUIS
Est-ce que vous interdisez le recours à l'article 49.3, c'est-à-dire, à un vote bloqué en cas de manque de votre majorité ?
EMMANUEL MACRON
Non, mais on ne commence pas une discussion parlementaire sur ces bases, ça n'a pas de sens. Moi, j'ai dit dès le début que je ne souhaitais pas procéder par ordonnance, et que je voulais un vrai texte de loi avec un vrai débat parlementaire. Pourquoi ? Parce qu'il ne faut pas caricaturer le groupe parlementaire socialiste, ce sont des femmes et des hommes qui sont sur le terrain, qui subissent la pression au quotidien de la société française, à un moment qui est difficile, où il y a beaucoup de chômage, où il y a une vraie tension, et donc ce qu'ils veulent, ce sont des solutions rapides. Donc je sais qu'ils partagent le même constat que moi sur la situation d'urgence du pays. Et donc je les ai invités non pas à ce qu'on ait trop de débats pour essayer de détricoter une ou deux mesures symboliques, mais plutôt à rajouter des choses à cette loi, à apporter des idées supplémentaires, pour aller plus loin dans le déverrouillage de l'économie, pour redonner des opportunités, pour en faire encore plus une loi de progrès, qui donne donc plus d'égalité et plus de liberté.
JEROME CHAPUIS
Merci Emmanuel MACRON d'être avec nous ce matin sur RTL. On va continuer de vous entendre avec les auditeurs de RTL et Yves CALVI.
YVES CALVI
Voilà, Monsieur le Ministre, vous restez donc avec nous, puisque les auditeurs pourront vous interroger dès 08h15. Mais tout de suite, un avant-goût en donnant la parole à Philippe, qui nous appelle de Parthenay, dans les Deux-Sèvres. Bonjour Philippe.
PHILIPPE
Oui, bonjour à RTL, bonjour Monsieur le Ministre.
EMMANUEL MACRON
Bonjour Monsieur.
PHILIPPE
Bonjour. Bon, voilà, ma question est la suivante : j'ai mon épouse qui travaille dans une grande surface depuis bientôt 25 ans, pour environ un Smic par mois, mon épouse travaille tous les lundis et tous les samedis, donc ce qui fait que nous n'avons aucun week-end depuis 25 ans, cher Monsieur. Au jour d'aujourd'hui, vous voulez instaurer, sur la base du volontariat, les ouvertures du magasin le dimanche, alors ma question est la suivante, Monsieur le Ministre : quels sont les moyens techniques ou humains pensez-vous utiliser pour faire vérifier que le respect des salariés sur le travail du dimanche soit tourné sur la base du volontariat, sachant que les dimanches de fin d'année qui vont être ouverts, on leur demande uniquement de récupérer sur des journées de la semaine, et non rémunérés.
YVES CALVI
Emmanuel MACRON, voilà, comment garantir que le travail du dimanche se fera sur la base du volontariat ?
EMMANUEL MACRON
Bonjour Monsieur. Alors, la garantie, elle se fait justement par la participation à l'accord, le point que vous évoquez et la réalité sociale que vous mentionnez, Monsieur, c'est celui, et je ne sais pas combien d'heures travaille votre épouse, mais je pense que c'est tout le problème du temps partiel subi et fractionné qu'on a beaucoup dans la grande distribution. Et ça, c'est un vrai problème, au-delà du travail du dimanche. Parce que vous avez raison de le dire, ça ne peut pas être totalement subi. Donc il y a deux façons de faire, la première, c'est que la règle qui est posée, c'est celle du volontariat, et à cet égard, il faut que les salariés puissent se défendre et puissent faire valoir leurs droits mieux qu'aujourd'hui. Et donc ça, ça passe
YVES CALVI
La femme de Philippe est visiblement obligée de travailler le dimanche
EMMANUEL MACRON
Et donc ça, ça passe précisément par les accords de branche et d'entreprise, et c'est toute la pression que nous mettons sur la grande distribution aujourd'hui parce que dans ce secteur tout particulier, il est vrai qu'il y a du temps partiel subi, et du temps partiel subi fractionné. Et donc dans l'accord de branche qui est en train d'être discuté là-dessus, et vous voyez bien que votre épouse ne travaillant pas le dimanche aujourd'hui, ça n'est pas le travail du dimanche le coeur du problème, c'est le temps partiel subi ou le travail subi dans son organisation. Et donc sur ce sujet, il faut que dans les branches spécifiques où ça existe, et c'est vrai que dans la grande distribution, c'est tout particulièrement le cas, les droits des salariés soient mieux défendus, mieux reconnus. Et je m'engage avec François REBSAMEN à ce que dans l'accord de branche, qui est en discussion, cela soit amélioré.
YVES CALVI
Merci Philippe de nous avoir appelés.
EMMANUEL MACRON
Merci Monsieur.
YVES CALVI
Monsieur le Ministre, vous allez pouvoir aller reprendre un petit café, on va se retrouver avec d'autres auditeurs et d'autres questions, bien entendu, au 32.10, dès 08h15, le ministre de l'Economie répond à vos questions ce matin, en direct, sur RTL.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 décembre 2014