Déclaration de Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État aux droits des femmes, sur la mixité, la parité et la féminisation des professions, Paris le 26 novembre 2014.

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Monsieur le président du Conseil économique, social et environnemental, Madame la présidente de la section, Monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs, le rapport que vous remettez aujourd'hui est le fruit d'un travail passionnant commandé par le Premier Ministre et pour lequel vous m'avez auditionnée. C'est pourquoi je suis désolée de ne pouvoir être parmi vous. Le vote d'une résolution pour le droit à l'IVG me retient à l'Assemblée Nationale.
La mixité est un enjeu majeur. Si l'égalité peut apparaître aujourd'hui évidente, la mixité ne s'impose pas naturellement. Elle est pourtant essentielle. C'est une question de liberté. Les individus, les femmes, les hommes, ne devraient pas avoir à choisir leur métier en fonction de leur sexe, mais seulement en fonction de leurs envies.
C'est une question d'égalité. Les femmes sont rémunérées en moyenne 24 % de moins que les hommes. La segmentation des métiers et des postes est une des causes de cette inégalité.
De plus, comme le souligne votre rapport, si les professions les plus rémunératrices (cadres, professions libérales) sont de plus en plus mixtes, la féminisation des professions est moins qualifiée et moins assurée. Ainsi, en plus de la fracture sexuelle, on risque d'assister à une fracture sociale. C'est une question d'efficacité. Parmi les métiers non mixtes, beaucoup sont en tension. Par exemple, l'on trouve seulement 20 % de femmes parmi les ingénieurs informatiques, mais il y a 73 % de femmes dans professions paramédicales, métiers pour lesquels les entreprises ont du mal à trouver des employés.
Il est dommage de se priver de la moitié des talents possibles pour occuper des postes qui feront rayonner l'économie française. Ce sujet majeur n'est pas un sujet facile. Il y a 13 ans, je travaillais en cabinet ministériel. Déjà à l'époque, nous avions conduit un plan en faveur de la mixité des métiers. Treize ans après, votre rapport souligne les progrès non négligeables du sujet, mais aussi la persistance de la ségrégation, puisque seules 13 familles professionnelles sur 87 sont jugées mixtes.
Le gouvernement agit : la plate-forme pour la mixité des métiers, lancée le 6 mars 2014 avec les régions, les fédérations professionnelles et les entreprises, a été constituée dans le but de faire progresser la mixité.
Cette plate-forme concerne l'éducation, au travers de l'orientation professionnelle plus ouverte à toutes et à tous ; le service public de l'emploi qui s'est engagé à promouvoir la mixité des recrutements, les secteurs d'activité qui s'engagent dans le plan mixité, le secteur des transports.
D'autres sont en cours d'exécution ; la classification des métiers, que vous repérez, à juste titre, comme un levier de revalorisation des métiers féminins pour y engager plus d'hommes, la lutte contre les stéréotypes. Par exemple, il y a eu le lancement d'une campagne de communication grand public que vous avez peut-être vue sur les écrans depuis le 19 novembre.
Votre rapport nous invite à aller plus loin et propose de très nombreuses voies de progrès. Je veux évoquer quelques-unes des 29 propositions qui ont attiré mon attention.
Concernant la déconstruction des stéréotypes sexués, vous proposez notamment des formations/actions pour modifier les comportements quotidiens des intervenants auprès des jeunes.
Vous proposez avec sagesse de montrer la réalité concrète des métiers aux élèves de manière pragmatique, de dépasser les images stéréotypées des professions.
Concernant la vie en entreprise, vous évoquez une piste - à laquelle je crois beaucoup - qui est de mieux accueillir les jeunes femmes dans les entreprises à dominante masculine. Le collectif de travail peut jouer au début de la carrière un réel rôle d'encouragement ou de repoussoir.
Sur l'action des branches professionnelles, vous proposez d'avancer avec les branches volontaires sur les méthodes d'évaluation pour faire évoluer les classifications. Il est en effet utile de valoriser à leur juste mesure tous les métiers. D'ailleurs, vous mettez particulièrement l'accent sur une autre proposition sur le secteur médico-social et sur les branches industrielles et techniques, secteur emblématique de la ségrégation.
Vous faites, et vous avez raison, des recommandations parallèles au secteur privé pour le secteur public ; il y a également des progrès à réaliser.
Vous mettez en lumière le cas effectivement emblématique des professeurs des écoles.
Vous proposez des actions au sein des entreprises pour mieux organiser les négociations et promouvoir de meilleures conditions de travail pour toutes et tous, et enfin pour promouvoir l'accès à la formation professionnelle, notamment par la prise en compte des freins matériels comme la garde d'enfants à ces formations.
Tous ces éléments nous semblent être des propositions pragmatiques mais porteuses de réelles évolutions pour faire progresser la mixité au sein des entreprises, des secteurs, des branches, afin que les femmes et les hommes puissent choisir librement le travail qu'ils souhaitent faire.
Je vous remercie pour ce beau travail et je vous dis à bientôt pour la mise en œuvre de vos bonnes idées.
Source http://www.lecese.fr, le 16 décembre 2014