Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Marisol TOURAINE est l'invitée d'I TELE ce matin. Bonjour.
MARISOL TOURAINE
Bonjour Bruce TOUSSAINT.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup d'être avec nous. J'aimerais vous parler de Karl, pour commencer, ce petit garçon de 9 ans, qui est hospitalisé près de Bordeaux, il a besoin d'une greffe de coeur, de toute urgence. Son histoire ressemble beaucoup à ces appels qui se multiplient, ces derniers mois, sur les réseaux sociaux, des familles qui lancent un appel à l'aide. Est-ce que cela signifie, parce que là les donneurs sont rares, malheureusement pour ce petit garçon, et c'est vrai qu'il y a une grande inquiétude, est-ce qu'il y a un problème de don d'organes en France ?
MARISOL TOURAINE
Il y a des situations très douloureuses, comme celle que vous évoquez. Evidemment on ne peut que souhaiter qu'un coeur soit trouvé rapidement et puisse être greffé, c'est le rôle de l'Agence de biomédecine, qui est évidemment très attentive à cela. Une campagne a été faite il y a quelques semaines, au cours du mois d'octobre, parce que régulièrement le gouvernement engage des campagnes pour rappeler l'importance du don, et je voudrais dire que contrairement à ce que l'on imagine, nous sommes des donneurs présumés, c'est-à-dire que sauf à ce que nous nous opposions explicitement au don d'organes, de nos organes, si un accident devait arriver, nos organes pourraient être prélevés. La difficulté c'est que sans doute cette règle n'est pas suffisamment connue notamment des familles, et il y a des familles qui, au moment du décès d'un proche, dans l'angoisse de ce moment, dans la tristesse, s'opposent au prélèvement. Mais je veux dire que, nous devons faire connaitre l'information, expliquer que le don d'organe, c'est évidemment une vie sauvée.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a beaucoup d'informations, en effet, de campagnes ces dernières années. Malgré tout, le pourcentage de refus ne bouge pas, il reste autour de 30 %, c'est ce qu'indiquait hier un chirurgien cardiaque de l'hôpital Pompidou à Paris. Est-ce qu'il ne faut pas rendre obligatoire le don d'organes ?
MARISOL TOURAINE
Rendre obligatoire, je ne sais pas, peut-être faut-il faciliter l'expression de la volonté de la personne qui décède. Parce que, encore une fois, normalement, si vous mourrez dans un accident qu'un organe est dans un bon état, ou d'une maladie et qu'un organe est en bon état, on peut vous le prélever. Donc la difficulté ne vient pas tellement de la personne, que de l'entourage, qui ne sait pas, ne connait pas cette règle.
BRUCE TOUSSAINT
L'actualité est marquée par une guéguerre entre le patronat et le gouvernement. La question est très simple : le pacte de responsabilité est-il un échec, comme le dit le ministre de l'Economie, Emmanuel MACRON ?
MARISOL TOURAINE
Le patronat proteste, manifeste, et ne fait pas preuve de beaucoup de responsabilités. Je veux dire que pour le gouvernement, l'enjeu de la réforme est absolument majeur, et nous nous sommes engagés comme aucun gouvernement avant nous, nous nous sommes engagés pour accompagner les entreprises, soutenir les entreprises, parce qu'à l'évidence nous avons besoin de relancer la machine économique, si nous voulons créer des emplois. Mais je veux le dire avec une certaine fermeté, ça n'est pas en tempêtant, en protestant, en agressant verbalement, que nous irons, comme le fait le patronat, que nous irons de l'avant. Parce que la réforme, et moi je suis attachée à la réforme, elle ne peut pas être à sens unique, la réforme elle concerne aussi les salariés. Et à côté du pacte de responsabilité, il y a les mesures en faveur des salariés, et je pense en particulier au compte pénibilité. Et donc le patronat ne peut pas, d'un côté, demander que le dialogue social soit au rendez-vous, exiger le résultat de ce dialogue social pour le pacte de responsabilité, et oublier ce qui a été fait pour les salariés et ce qui doit continuer d'être fait pour les salariés.
BRUCE TOUSSAINT
Ce sont, pardon, ce sont des mots, quels moyens de pression avez-vous sur le patronat ? Vous avez fait le chèque, vous ne pouvez pas reprendre l'argent, comment le disait Christophe BARBIER tout à l'heure dans son édito, il vous adressait cette question : est-ce que vous pouvez changer la loi, d'une certaine façon, et dire au patronat « rendez l'argent » ? Non, vous ne le ferez pas.
MARISOL TOURAINE
Je vais vous dire deux choses très simples, deux sujets différents. Le compte pénibilité, la loi est votée. Les décrets ont été pris et ils ont intégré des assouplissements pour entendre les préoccupations du patronat. Donc, lorsque j'entends le patronat qui défile, en disant : le compte pénibilité n'est pas praticable, ne peut pas se mettre en oeuvre, je dois dire que je veux marquer mon étonnement et mon interrogation, puisque nous lançons maintenant, à peine, une mission de réflexion, pour faire en sorte que les critères de mise en oeuvre du compte de pénibilité, soient le plus simples possible. Laissons donc ce travail se faire, mais je le répète, le compte pénibilité, c'est une avancée majeure, une avancée sociale d'une grande importance, et il n'est pas question d'y renoncer, il s'agit simplement de faire en sorte qu'il se mette en oeuvre dans des conditions de simplicité maximales, et c'est ce qu'a demandé le gouvernement, en mettant en place une mission il y a déjà quelques semaines. Pour le reste, le pacte de responsabilité nous avons voté la baisse de cotisations pour l'année qui vient. Si le pacte doit se poursuivre, et c'est ce que le gouvernement souhaite, il faut que chacun y mette du sien et que chacun tienne ses engagements.
BRUCE TOUSSAINT
Sinon Marisol TOURAINE, vous n'avez pas, pour une fois, je répète ma question, vous n'avez pas de moyen de pression sur le patronat. Vous allez reprendre l'argent ?
MARISOL TOURAINE
Non mais, toutes les baisses de cotisations n'ont pas été votées, Bruce TOUSSAINT, nous avons voté les baisses de cotisations pour l'année 2015, et à la fin de l'année
BRUCE TOUSSAINT
Donc ça pourrait changer.
MARISOL TOURAINE
A la fin de l'année 2015 nous devrons voter les baisses de cotisations pour 2016 puis pour 2017. Je le dis, le gouvernement est dans la volonté de mettre en oeuvre ce pacte de responsabilité, mais on ne peut pas, en permanence, tenir nos engagements, et avoir face à nous un patronat qui lui ne tient pas les siens, et conteste la politique qui est mise en place.
BRUCE TOUSSAINT
Ecoutez ce que disait il y a quelques minutes, sur I TELE, Thibault LANXADE, du MEDEF, sur la pénibilité.
THIBAULT LANXADE, VICE-PRESIDENT DU MEDEF
Les critères de pénibilité, c'est-à-dire ces 10 fonctions dites pénibles, sont aussi graves que les 35 heures, et donc, dans un premier temps, dans un geste d'apaisement, il faut abroger le mode opératoire de ces décrets pénibilité, c'est-à-dire la façon dont on va traquer les taches dites pénibles. C'est totalement inapplicable.
MARISOL TOURAINE
vérité. La contre-vérité, c'est de dire qu'on va mettre en oeuvre le compte du jour au lendemain, sans se préoccuper de la manière dont les choses se font. Moi je voudrais rappeler, quand même, de quoi on parle. Le compte pénibilité, il va permettre à des centaines de milliers de personnes, de partir à la retraite plus tôt, parce qu'elles ont eu des métiers difficiles, et c'est une réforme de justice sociale. Moi je veux dire au patronat
BRUCE TOUSSAINT
Les patrons ne veulent pas l'appliquer.
MARISOL TOURAINE
Oui, mais moi je veux dire au patronat qu'il y a des réformes pour favoriser l'activité économique, c'est le pacte de responsabilité, mais il y a aussi des réformes pour du progrès social, et la réforme elle n'est pas en sens unique, encore une fois, notre gouvernement, notre majorité, de gauche, est aussi là pour faire progresser le droit des salariés. Et parce que des patrons nous ont dit « les choses vont être compliquées à mettre en oeuvre », nous avons, à l'été dernier, décidé, que nous métrions ce compte en place en deux temps, je dis bien en deux temps. Au 1er janvier prochain, se mettront en place des critères qui sont simples d'appréciation. Et personne ne le conteste. Et pour les autres critères, par exemple le port de charges lourdes, où il peut être difficile de savoir comment on va comptabiliser ou évaluer la situation des salariés, nous nous sommes donnés un an, nous avons déjà mis en place une mission, cette mission est au travail, que le patronat attende les résultats de cette mission, avant de descendre dans la rue.
BRUCE TOUSSAINT
Marisol TOURAINE, il n'y a pas que les patrons qui sont contre, vous connaissez bien Thierry MANDON, votre collègue du gouvernement, vous allez le retrouver tout à l'heure au Conseil des ministres.
MARISOL TOURAINE
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Il dit : il y a 10 critères, est-ce que 8 ou 9 ne suffiraient pas ? Au sein même du gouvernement, il y a visiblement un problème avec cette loi pénibilité, Emmanuel MACRON lui non plus n'a pas l'air totalement convaincu.
MARISOL TOURAINE
La loi est votée
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que vous êtes soutenue à 100 %, par le gouvernement, dans cette affaire ?
MARISOL TOURAINE
Je n'ai aucun doute sur le fait que le compte pénibilité se mettra en place au 1er janvier prochain
BRUCE TOUSSAINT
Avec 10 critères au final.
MARISOL TOURAINE
Avec 4 critères au 1er janvier et 6 autres critères au 1er janvier 2016. C'est la loi qui a été votée, et encore une fois, je le dis, le progrès social, la réforme, c'est aussi du progrès social, et moi je ne peux pas
BRUCE TOUSSAINT
Vous n'allez pas devoir reculer, Marisol TOURAINE, sur certains critères ?
MARISOL TOURAINE
Nous avons fait preuve de compromis et de conciliation.
BRUCE TOUSSAINT
Vous êtes au bout de la discussion ?
MARISOL TOURAINE
Mais la discussion, elle a eu lieu il y a plusieurs mois, et moi je voudrais dire au patronat : on ne peut pas s'engager dans le dialogue social, demander le dialogue social, et lorsque celui-ci débouche sur un accord de compromis, qui est la mise en place du compte en deux temps, on ne peut pas, dès lors que l'encre de l'accord, en quelque sorte, est à peine séchée, dire : eh bien écoutez, nous remettons tout en cause. L'accord, le dialogue, la négociation, le compromis, cela vau pour tout le monde, et je le dis, moi je suis attachée à la réforme, je crois que la réforme elle doit nous permettre de soutenir les entreprises, mais la réforme c'est aussi une réforme sociale, c'est une réforme en directions des salariés, et c'est une réforme pour du progrès. La réforme, elle ne veut pas dire démantèlement de la situation sociale, la réforme ça veut dire du progrès et le progrès vaut aussi pour les salariés.
BRUCE TOUSSAINT
Et on l'a bien compris, si le blocage persiste, il pourrait y avoir des conséquences en 2015, en 2016, en 2017, sur les patrons
MARISOL TOURAINE
Mais je ne suis pas dans cette perspective -là !
BRUCE TOUSSAINT
Ça pourrait être une option, si ça continuait. Vous nous avez dit il y a quelques instants que vous pourriez après tout ne pas revoter certaines choses.
MARISOL TOURAINE
Mais moi je ne suis pas dans cette perspective-là, je souhaite, je le dis, que la réforme
BRUCE TOUSSAINT
MARISOL TOURAINE
que la réforme aille jusqu'au bout, le pacte de responsabilité et le compte pénibilité, c'est-à-dire que je suis pour que les engagements pris soient tenus, le gouvernement tient ses engagements pour ce qui est du pacte de responsabilité, à chacun de tenir les siens, de son côté.
BRUCE TOUSSAINT
Marisol TOURAINE, dernière question. Manuel VALLS, il réunit ce soir 150 parlementaires, je ne sais pas, vous y serez d'ailleurs ?
MARISOL TOURAINE
Ah, je ne suis pas parlementaire.
BRUCE TOUSSAINT
Non, enfin, en réserve.
MARISOL TOURAINE
Je suis parlementaire en réserve, mais pas en ce moment, et donc
BRUCE TOUSSAINT
C'est interdit aux non parlementaires, vous n'êtes pas invitée à ce
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, les ministres travaillent, les ministres du gouvernement soutiennent évidemment le Premier ministre, si c'est la question.
BRUCE TOUSSAINT
Non, la question c'est : est-ce qu'il est en campagne ?
MARISOL TOURAINE
En campagne ?
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, si expliquer la politique du gouvernement, mobiliser la majorité, c'est être en campagne, alors oui. Manuel VALLS il est le chef de la majorité, comme Premier ministre, et nous avons évidemment besoin de mobiliser notre majorité, à un moment où on le voit, les contestations, les difficultés, sont fortes, donc il faut caler
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'était pas le sens de ma question, vous le savez bien, ma question c'est : est-ce qu'il est en campagne pour d'autres échéances ?
MARISOL TOURAINE
Ah, franchement
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce qu'il prépare le terrain ? Tout le monde y pense.
MARISOL TOURAINE
Je ne sais pas si tout le monde y pense, parce que je crois que lui travaille, travaille pour la réussite du quinquennat, dans l'option ou dans l'optique des choix présidentiels. Vous savez, si on ne réussit pas maintenant le quinquennat, la question des candidatures peut, vous évoquiez dans un sourire, ne se posera pas.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Marisol TOURAINE, bonne journée à vous.
MARISOL TOURAINE
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 décembre 2014