Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes à RTL le 4 décembre 2014, sur la prime de fin d'année versée aux bénéficiaires du RSA et la politique sociale.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


YVES CALVI
Jean-Michel APHATIE vous recevez Marisol TOURAINE, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Bonjour Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous annoncez ce matin la reconduction de la prime de Noël : 152 € par personne ?
MARISOL TOURAINE
Oui. Le gouvernement versera, dans la semaine qui précède Noël, à tous les bénéficiaires du Revenu de solidarité active, du RSA, mais aussi à des personnes qui ont d'autres minimas sociaux, une prime de Noël, la prime qui est versée à la fin de l'année, 152 € pour une personne seule, 320 € pour un couple avec deux enfants, c'est un choix fort, parce que la solidarité est un engagement, et malgré un contexte économique contraint, nous faisons le choix de renforcer nos actions, en direction des personnes les plus en difficultés. Cette prime de Noël, elle vient à un moment particulier, mais elle s'inscrit dans une politique générale, dans un ensemble d'actions, pour aider, soutenir ceux qui ont des difficultés particulières, c'est le soutien pour accéder aux soins, avec davantage de ressources. Ce sont des mesures assez originales pour faire en sorte que les familles les plus modestes, par exemple, n'aient pas à avancer l'argent lorsqu'elles doivent faire garder leurs enfants, c'est la Caisse d'allocations familiales qui peut payer directement.
JEAN-MICHEL APHATIE
La prime de Noël, seule, c'est 400 millions pour le budget de l'Etat, c'est ça ?
MARISOL TOURAINE
400 millions pour le budget, c'est donc…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est un effort…
MARISOL TOURAINE
… enfin, c'est un effort…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais elle n'a pas été revalorisée depuis 2008.
MARISOL TOURAINE
Oui mais c'est un engagement… mais depuis que nous sommes aux responsabilités…
JEAN-MICHEL APHATIE
2008, ça fait 6 ans.
MARISOL TOURAINE
Depuis que nous sommes aux responsabilités, d'autres mesures ont été prises. Le Revenu de solidarité active, qui lui est versé tous les mois, et pas simplement à Noël, est revalorisé de façon exceptionnelle de 2 % chaque année, cela représentera 10 % de plus au cours d'un quinquennat. Nous avons revalorisé de 25 à 50 % certaines allocations familiales qui sont versées aux personnes en difficultés, ce que l'on appelle le Complément familial, par exemple, pour les familles nombreuses modestes ou l'Allocation de soutien familial.
JEAN-MICHEL APHATIE
Combien de personnes vont toucher la prime de Noël ?
MARISOL TOURAINE
1,8 millions de personnes percevront cette prime, et je veux dire que parmi les actions de solidarité, vous évoquiez vous-même sur votre antenne, l'incendie qui avait ravagé, qui a ravagé un dépôt…
JEAN-MICHEL APHATIE
Le dépôt des Restos du Coeur.
MARISOL TOURAINE
… des Restos du Coeur dans le Pas-de-Calais, le gouvernement lui aussi va apporter un soutien financier.
JEAN-MICHEL APHATIE
De quelle manière ?
MARISOL TOURAINE
De 50 000 €, pour permettre le rachat rapide de denrées alimentaires, parce qu'on ne peut pas, évidemment, faire en sorte que… ou éviter que les Restos du Coeur puissent remplir leur mission.
JEAN-MICHEL APHATIE
50 000 € versés aux Restos du Coeur du Pas-de-Calais.
MARISOL TOURAINE
Aux Restos du Coeur et le ministre Patrick KANNER était sur place hier.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous défendez, Marisol TOURAINE, la prise en compte de la pénibilité dans le travail, pour permettre des départs anticipés à la retraite, c'est ce qui fait que beaucoup de patrons défilent dans les rues cette semaine, parce qu'ils sont hostiles à cette mesure. Ils ont trouvé un allié de poids avec eux, Emmanuel MACRON, le ministre de l'Economie, qui a dit que la loi a été votée, certes, mais les conditions d'application apparaissent compliquées et incompréhensibles, a-t-il dit, il faut garder l'idée mais la rendre supportable. Donc, le ministre de l'Economie convient que la pénibilité est insupportable. Vous dites quoi au ministre de l'Economie ?
MARISOL TOURAINE
Le gouvernement…
JEAN-MICHEL APHATIE
« T'occupes pas de cette affaire » ?
MARISOL TOURAINE
Le gouvernement met en place le compte pénibilité…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, bien sûr.
MARISOL TOURAINE
… avec les partenaires sociaux, les syndicats, le patronat, et le fera dans les conditions…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça va entrer en vigueur le 1er janvier.
MARISOL TOURAINE
Moi, je voudrais rappeler des choses, d'abord, avant de venir dans la simplicité.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais quand le ministre de l'Economie dit « ça n'est pas supportable »…
MARISOL TOURAINE
Mais la position du gouvernement c'est que ce compte se mette en place, et je veux le dire, les conditions seront tout à fait supportables. La pénibilité, c'est quoi, d'abord ? C'est faire en sorte que des gens qui ont eu un métier pénible, puissent partir à la retraite un peu avant les autres, jusqu'à deux ans avant les autres. Donc à partir du 1er janvier prochain, il y aura, pour ceux qui ont un métier considéré comme pénible, à un moment donné, des points qui leur permettront de partir avant. Est-ce que vous savez que, un ouvrier peut avoir une espérance de vie, en bonne santé, jusqu'à 10 ans inférieure à celle…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas le principe de la pénibilité qui est discuté aujourd'hui, les chefs d'entreprise disent « C'est tellement compliqué à définir, c'est une telle usine à gaz, que vous avez montée, que c'est…
MARISOL TOURAINE
Mais, alors, regardons les choses très concrètement…
JEAN-MICHEL APHATIE
…très difficile à mettre en oeuvre, c'est ce que font les chefs d'entreprise qui défilent.
MARISOL TOURAINE
Regardons les choses très concrètement. Nous avons discuté avec eux, il y a eu une concertation, qui a abouti à la définition de la manière dont les choses allaient se mettre en place. Au 1er janvier, 4 critères vont être pris en compte, 4 critères, comme le travail de nuit, par exemple, le fait de travailler en 3/8. En quoi est-ce que ça va être compliqué ? Il y aura une déclaration annuelle, une déclaration par an, qui va consister à faire…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, qui ne sont pas sincères, les chefs d'entreprise qui défilent…
MARISOL TOURAINE
… un clic, à dire oui ou non. Un clic. Moi, on ne me fera pas croire que cocher une case sur le bulletin de paie, une fois par an, pour dire si oui ou non ces personnes sont concernées par les critères de pénibilité, c'est un travail extrêmement difficile et très complexe. Reste ensuite…
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc, ils ne sont pas sincères, les chefs d'entreprise.
MARISOL TOURAINE
Pour ces critères qui se mettent en application l'année prochaine, je dois dire qu'il y a là des propos excessifs, qui au fond traduisent le fait que pour une grande partie du patronat, ce ne sont pas les conditions d'application du compte qui sont mises en question, mais le principe même de la prise en considération de la pénibilité. Et pour les autres critères…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils vont être contents de vous entendre, ceux qui défilent, tiens.
MARISOL TOURAINE
Et pour les autres critères, nous avons d'ores et déjà…
JEAN-MICHEL APHATIE
Critères, oui, janvier 2016 normalement.
MARISOL TOURAINE
Voilà, janvier 2016, précisément parce que nous avons entendu les préoccupations qui étaient exprimées, nous mettons en place une mission, avec Michel de VIRVILLE, et donc, pendant un an, nous allons faire en sorte que les conditions d'application soient les plus simples possibles. Donc, dire qu'aujourd'hui la simplicité n'est pas au rendez-vous, c'est faux, puisque dans… pour les premiers critères, la simplicité est totale…
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
MARISOL TOURAINE
Et pour les suivants, nous sommes précisément en train de travailler, pour faire en sorte que la démarche soit la plus simple possible.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous le direz à Emmanuel MACRON, le ministre de l'Economie ? Peut-être qu'il nous écoute, d'ailleurs, peut-être qu'il vous a entendue. Quand il dit : « Ce n'est pas supportable », qu'est-ce que vous…
MARISOL TOURAINE
Je crois que tout le monde est convaincu…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous regrettez qu'il soit intervenu sur ce sujet ?
MARISOL TOURAINE
Je pense que tout le monde est convaincu…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah ah, vous ne répondez pas ma question.
MARISOL TOURAINE
… au gouvernement, de la nécessité…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah non, pas tout le monde, visiblement non, tout le monde sauf 1 !
MARISOL TOURAINE
En tout cas, c'est la position du gouvernement et je le dis, c'est une avancée sociale majeure…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il vous a bien embêtée MACRON, hein. On peut le dire, qui vous a bien embêtée, Emmanuel MACRON ?
MARISOL TOURAINE
Non, je ne crois pas cela…
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
MARISOL TOURAINE
… parce que je vais vous dire, le gouvernement il est déterminé, pour faire avancer les réformes. Notre pays a besoin de réformes, il y a des réformes en direction de l'activité économique, et nous devons tenir fermes sur le cap du pacte de responsabilité, je crois que notre pays a besoin pour créer des emplois, pour créer de la croissance, d'aller de l'avant de manière résolue, mais nous avons aussi besoin d'être fermes sur le cap des réformes sociales. Et ce gouvernement, il porte des réformes sociales, des réformes de solidarité. Nous parlions de la lutte contre la pauvreté…
JEAN-MICHEL APHATIE
Non non, on ne va pas…
MARISOL TOURAINE
… et des réforme de droits sociaux nouveaux, c'est le compte de pénibilité, parce que vous savez…
JEAN-MICHEL APHATIE
Si on avait eu le temps, on aurait dit un mot des urgentistes qui vont se mettre en grève, parce qu'ils voudraient justement que la pénibilité soit prise en compte. Ça ne sera pas pris en compte.
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, la discussion est en cours.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est en cours.
MARISOL TOURAINE
La discussion est en cours, mais…
JEAN-MICHEL APHATIE
On suivra ça, et on verra s'ils font grève ou pas.
MARISOL TOURAINE
Mais, vous savez, les réformes, elles ne peuvent pas être à sens unique, les réformes sociales, elles sont pour nous prioritaires.
JEAN-MICHEL APHATIE
Allez, dites-le à Emmanuel MACRON. Marisol TOURAINE était l'invitée de RTL ce matin, bonne journée.
YVES CALVI
Marisol TOURAINE qui confirme la prime de Noël, en tout cas reconduite et annonce un soutient de 50 000 € aux Restos du Coeur. Merci à tous les deux. Entretien à réécouter et retrouver sur le site RTL.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 décembre 2014