Texte intégral
Officiers, sous-officiers, soldats,
Mesdames et Messieurs,
Depuis ma première visite ici, en septembre 2012, Varces est devenu le symbole, à la fois du désastre qu'a représenté Louvois pour un trop grand nombre de nos militaires, et en même temps de ma détermination notre détermination à résoudre cette situation qui était je le redis aujourd'hui inacceptable.
En deux ans de combat livré contre l'absurdité de ce système, ma détermination n'a jamais faibli.
Elle s'est même renforcée de tous les témoignages des dysfonctionnements rencontrés qui me sont parvenus, en visitant les forces, ou grâce aux alertes du groupe « Utilisateurs » de Louvois.
Ma détermination à trouver une solution pérenne s'est encore accrue lorsque j'ai mesuré et je l'ai fait à plusieurs reprises toute l'énergie déployée par nos équipes en charge de la solde, pour régler au cas par cas, ligne à ligne, les difficultés.
Je pense aux opérateurs du numéro vert de la cellule solde assistance, qui apportent un soutien essentiel aux militaires et aux familles concernés. Je pense aux personnels du centre expert ressources humaines-soldes de Nancy, qui ne comptent pas non plus leurs efforts pour traiter d'une manière satisfaisante tous les dossiers qui leur parviennent. Je pense également aux spécialistes déployés dans les bases de défense, notamment aux réservistes fiscalistes, qui ont travaillé avec les antennes départementales du trésor public sur les dossiers de déclaration de revenus dont les montants calculés par Louvois étaient erronés. Je pense encore aux trésoriers qui continuent de verser des avances, à hauteur de 500 000 euros par mois, dans le cadre du dispositif d'urgence que j'ai souhaité à l'automne 2012, et qui reste actif pour répondre aux situations anormales qui peuvent encore se présenter.
A tous, je veux rendre un hommage appuyé, un hommage mérité, parce que nous leur devons d'avoir évité d'autres catastrophes personnelles et collectives. Des difficultés demeurent, notamment celles qui sont liées à la reprise des trop-versés de Louvois. Sur ce sujet, je suis particulièrement attentif à ce qu'un étalement puisse être proposé à ceux qui le souhaiteraient. Mais ces efforts portent globalement leurs fruits, puisque les anomalies de Louvois, qui sont en baisse depuis 2013, auront diminué cette année d'une manière significative.
Je n'oublie pas pour autant que la stabilisation de la solde, pour assurer à chaque militaire le paiement de ce qui lui est dû, est rendue possible par un investissement humain considérable, qui n'a pas vocation à perdurer éternellement.
Je reviens donc aujourd'hui animé de la même détermination, parce que la mobilisation continue sur plusieurs fronts, mais aussi avec plusieurs éléments de satisfaction, qui intéressent directement nos forces. J'aurai d'ailleurs l'occasion, au-delà de Louvois, de communiquer tout à l'heure une annonce positive et importante pour l'armée de terre.
Il y a un an, j'ai pris la décision de remplacer Louvois. Je l'avais d'ailleurs annoncé devant vous. Alors que nous y travaillons depuis lors d'arrache-pied, je réaffirme l'ambition qui doit être la nôtre : dans un grand ministère comme celui de la Défense, payer un salaire, une solde, ne doit plus relever de l'exploit.
Il est clair que la rémunération des personnels militaires est une opération d'une grande complexité. Il y a en effet près de 250 000 personnes à rémunérer. Mais il y a en outre des centaines de situations différentes, qui sont liées à la formidable diversité des métiers et des missions de la Défense, et qu'il faut chacune prendre en compte. Je pourrais citer aussi la situation maritale, le nombre d'enfants, les qualifications Autant d'informations nécessaires au calcul de la solde, qui doit ainsi intégrer plus de 250 paramètres de rémunération.
J'ajoute que l'activité d'un militaire est variable : plus de la moitié de nos soldats voient leur situation et donc leur paie évoluer d'un mois sur l'autre. Enfin, toutes ces informations proviennent de quatre sources différentes une par armée et une pour le Service de santé des armées , chaque système RH ayant ses caractéristiques propres.
Au total, derrière la mission simple en apparence de payer aux militaires, en temps et en heure, ce que nous leur devons, nous parlons donc de plusieurs dizaines de millions de lignes de solde à calculer chaque mois.
La solution, capable de gérer une telle complexité, n'existait pas sur le marché. Il fallait donc la construire.
Pour développer le futur système de rémunération des militaires, j'ai voulu mobiliser des techniques parfaitement maîtrisées dans notre ministère. C'est pourquoi j'ai fait appel à la direction générale de l'armement, qui a l'habitude de la conduite de programmes particulièrement complexes, et à la DRH-MD pour porter les besoins des futurs utilisateurs du système. Cette méthode, je veux y insister, a fait ses preuves depuis longtemps. C'est elle qui nous a permis de développer nos avions de chasse, nos navires de guerre ou notre armement terrestre C'est elle qui va donc nous permettre de disposer d'un système de soldes qui soit enfin à la hauteur de l'engagement de nos militaires.
Ce travail a commencé il y a un an. Où en sommes-nous aujourd'hui ? J'étais hier à Bagneux, au siège de la direction générale de l'armement, et j'ai eu la grande satisfaction de constater que le projet avançait conformément au calendrier.
Je veux saluer l'équipe qui en a la charge. Elle est dirigée par un tandem du meilleur niveau, avec une directrice de programme issue de la DGA, l'ingénieure générale de l'armement Caroline Gervais, et un officier de programme relevant de la DRH-MD, le colonel Patrick Merian. Sous leur direction, elle comporte 17 spécialistes de conduite de projets complexes, ainsi que 25 spécialistes du métier de la solde et des ressources humaines, provenant là encore de la DGA et des armées ou de la DRH-MD. Ce sont tous des experts particulièrement motivés, qui travaillent ensemble à la réalisation du futur système.
Cette équipe a très vite pris la mesure des enjeux et du travail à accomplir, et les résultats sont au rendez-vous un an après.
Trois prototypes ont déjà été réalisés dans le cadre d'un dialogue compétitif parfaitement mené. Ils m'ont été présentés hier, et semblent particulièrement prometteurs. C'est, pour l'équipe en charge du projet, une première réussite, qui illustre la qualité du travail qu'elle a déjà réalisé. Selon l'avis du directeur des ressources humaines, du directeur des affaires financières et du directeur du service du commissariat des armées, ce système changera la vie des soldiers, et placera enfin le ministère à la hauteur de ce qui se fait dans les meilleures entreprises ce qui est la moindre des choses.
Le calendrier est pour l'heure tenu. Il demeure ambitieux. Les échanges avec les trois compétiteurs continuent jusqu'à la remise de leurs offres finales. Le meilleur d'entre eux devrait être choisi à la fin du premier semestre 2015 pour mettre en place le nouveau système. C'est l'enjeu de l'année qui nous attend.
De la sorte, début 2016, nous disposerons d'un nouveau système de soldes, qui devra cependant fonctionner en double du système actuel. Je ne veux pas en effet reproduire les erreurs du passé. Pendant toute l'année 2016, soit l'intégralité d'un cycle budgétaire, ce système sera éprouvé. Nous ne sauterons pas dans l'inconnu une deuxième fois. A l'issue de cette ultime phase de tests, les bascules définitives pourront intervenir.
Mais au-delà du chantier du calculateur lui-même, c'est toute la chaîne solde qu'il nous faut clarifier. Ce travail est également en cours. Mon engagement est de le faire aboutir dans les meilleurs délais.
D'ici là, nous allons poursuivre l'effort sur le système actuel. Il fait l'objet de corrections régulières, avec des résultats qu'il faut aussi noter. Si trop de dysfonctionnements persistent, je retiens de la table-ronde que j'ai présidé ce matin que la situation s'est améliorée, grâce à un investissement considérable du ministère et des personnels qui pallient au quotidien les défauts du logiciel. Je veux à nouveau les en remercier.
Le système Louvois est comme un cancer pour nos forces. C'est un mal qui s'est installé sans que l'on en prenne toute la mesure. C'est, encore aujourd'hui, un dysfonctionnement grave dans le corps des armées. C'est pourquoi, pour le traiter, j'ai souhaité faire appel aux meilleurs spécialistes. L'enjeu est double : il faut à la fois l'empêcher de croître encore, le circonscrire, soigner autant qu'il est possible et nous avons ici de belles réussites grâce à la mobilisation de tous. Mais il ne faut pas seulement soigner, il faut aussi guérir, et nous devons ici éradiquer le mal en identifiant une solution qui garantisse la bonne santé de nos forces, c'est-à-dire le respect de cette exigence minimale de la condition militaire qu'est le juste paiement de la solde. Depuis un an, nous menons ces deux travaux de front. 2016 sera l'année décisive, puisque les deux se rejoindront. Dans cette perspective, je vous redis que ma mobilisation est totale et que ma détermination est sans faille.
L'excellence de nos armées est un tout, et le ministre que je suis ne sépare pas l'amélioration de la condition du personnel, par exemple de la rénovation de nos matériels, parce que ces deux dimensions concourent ensemble, parmi de nombreuses autres, à la réussite de nos engagements. Cette conviction profonde, qui m'anime depuis deux ans et demi, je veux en donner une traduction concrète aujourd'hui.
J'ai souhaité, en effet, profiter de ma venue à Varces autour de Louvois, pour vous apporter ce qui est une excellente nouvelle, sur un autre sujet particulièrement important et symbolique pour l'armée de terre : le programme Scorpion.
Le Livre blanc de 2013 a dessiné, à l'horizon 2025, une armée de terre notamment structurée autour de 200 chars lourds (les chars Leclerc), 248 chars médians (l'EBRC) et 2700 Véhicules blindés multi rôles et de combat d'infanterie (les VBMR et les VBCI).
Ce nouveau modèle des forces terrestres appelle donc une rénovation complète de la composante blindée. Il faut en effet tenir compte du vieillissement de véhicules de plus de trente ans d'âge, qui peuvent atteindre leur limite en termes de protection et de mobilité. Mais il faut aussi développer une agilité toujours plus grande sur le terrain, en améliorant la coordination entre les unités et en offrant à la manuvre la fluidité dont elle a besoin pour remporter les combats de demain.
C'est tout l'enjeu du programme Scorpion que de répondre à ce besoin de renouvellement de nos capacités de combat terrestre. Et je suis particulièrement heureux de vous annoncer que je viens de prendre la décision de le lancer aujourd'hui, dans le cadre de la loi de programmation militaire.
Ce programme va doter l'armée de terre de plates-formes modernes, connectées, à l'instar de ce qui existe déjà dans les domaines naval et aérien. Scorpion sera ainsi l'épine dorsale du combat terrestre pour les prochaines décennies. Il va d'abord permettre d'équiper les groupements tactiques interarmes d'un système de combat global, fédérant les engins et les combattants autour d'un système d'information unique. Il renouvellera également les plateformes de combat majeures je pense aux véhicules de l'avant-blindé, aux AMX10RC, mais aussi aux ERC 90. Enfin, il permettra de maintenir les capacités du char Leclerc jusqu'en 2040, en l'intégrant à part entière dans ce nouveau système de combat.
La préparation de ce programme est le fruit d'une mobilisation collective, qui a commencé par un investissement majeur dans les études amont, proche de 200 millions d'euros. Les industriels ont été associés à cette démarche depuis 2010, avec notamment la réalisation de démonstrateurs confiée à Nexter Systems, Renault Trucks Defense, mais aussi la joint-venture TNS-MARS, société créée par Thalès, Nexter et Sagem.
Le travail remarquable qui a déjà été mené me permet aujourd'hui de lancer le programme en toute sérénité. J'en avais pris l'engagement au salon Eurosatory 2014 : j'ai maintenant le plaisir de remettre aux cotraitants Nexter, Thales et Renault Trucks Défense, le marché couvrant la réalisation des véhicules blindés multi-rôles et de l'engin blindé de reconnaissance et de combat. Ce marché démarrera dès lundi, et c'est pour moi une très grande satisfaction, rendue possible par les engagements que le Président de la République a confirmés à plusieurs reprises sur le budget de la Défense.
Pour marquer l'importance de ces deux véhicules totalement novateurs, il fallait leur donner un nom qui frappe les esprits. En lien avec le chef d'état-major de l'armée de terre, j'ai donc retenu les noms de Griffon pour le Véhicule blindé multi-rôle (le VBMR), et de Jaguarpour l'Engin blindé de reconnaissance et de combat (l'EBRC). Je ne doute pas que ces noms constitueront bientôt pour nos forces le symbole de leur excellence dans le combat terrestre.
Ce marché permettra au total de développer et d'acquérir près de 1 700 Griffon dont les premières livraisons interviendront à la fin de la période de la LPM. Vous serez d'ailleurs dotés de ces véhicules ici-même.
Il fera également l'acquisition de 248 JAGUAR, qui seront équipés d'un canon de 40mm, qui vient d'être qualifié cette année dans le cadre d'une coopération franco-britannique, ainsi que du missile MMP remplaçant le Milan.
Au bilan, ce sont près de 752M que j'engage aujourd'hui, au titre de la tranche ferme de ce marché, pour couvrir les travaux de développement de ces deux véhicules. Cette commande, historique par son ampleur, illustre également la volonté du ministère, réaffirmée dans la loi de programmation militaire, de soutenir tous les secteurs de l'industrie de défense.
Pour m'en tenir à la phase de développement, ce marché porte un plan de charge qui va mobiliser près de 1 000 emplois directs hautement qualifiés. En phase de production, il fera appel à 1 700 emplois directs. Par son importance économique et stratégique, il doit contribuer à l'indispensable structuration d'une industrie de l'armement terrestre qui soit viable, pérenne, compétitive et positionnée à l'international. Car ces véhicules seront compétitifs à l'export : ils ont en effet été pensés aussi dans cette perspective.
Au moment de confirmer l'engagement que j'ai inscrit dans la loi de programmation militaire sur le programme Scorpion, je veux saluer le travail exceptionnel qui a été accompli par la direction générale de l'armement et l'armée de terre depuis près de dix ans. Grâce à elles, grâce à vous tous, nous sommes aujourd'hui au rendez-vous de l'un des défis les plus passionnants qui soient : inventer le combat terrestre de demain.
Je voudrais conclure en m'adressant à vous tous qui m'accueillez aujourd'hui à Varces.
Je sais que vous êtes nombreux à revenir des théâtres d'opérations. La 27e brigade d'infanterie de montagne aura connu une année d'engagements exceptionnels, particulièrement intense. 70% de ses effectifs, plus de 4 000 militaires sur les 5 800 que compte la brigade, auront été déployés. Je veux dire ma reconnaissance à chacun d'entre vous ceux qui ont été engagés sur le continent africain, comme aussi ceux qui ont également servi leur pays sous d'autres horizons, métropolitains ou outre-mer. Une fois de plus, vous avez fait la preuve d'une valeur peu commune, en apportant une contribution décisive à la sécurité de la France et à la défense de ses intérêts.
Au terme de cette période de remise en condition opérationnelle, d'autres engagements vous attendent. Ils seront à nouveau difficiles, intenses, passionnants, essentiels pour la Nation. J'ai pleine confiance en vous pour les relever. Dans cette perspective, je suis pleinement à vos côtés.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 17 décembre 2014