Interview de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à RTL le 25 novembre 2014, sur le débat sur la durée du travail et la remise en question de la durée légale des 35 heures.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour François REBSAMEN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonjour Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Titre du journal économique Les Echos ce matin, « pas de coup de pouce au Smic en janvier prochain », confirmez-vous cette décision du gouvernement François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est assez surprenant comment les propos que l'on peut tenir sont analysés et compris. Hier je participais à l'invitation de Jean-Claude MAILLY à un débat à Force Ouvrière avec syndicalistes et j'en faisais la conclusion et j'ai dit très exactement ceci : le coup de pouce au Smic n'est pas forcément une bonne solution. Ca dépend bien évidemment du contexte économique. J'ai rappelé qu'il y avait eu un coup de pouce qui avait été donné à l'arrivée de François HOLLANDE en 2012 et depuis, il y a des mécanismes d'augmentation du Smic, mais quand il n'y a pas de croissance, ce n'est pas forcément une bonne solution.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc c'est un avis personnel que vous avez donné, vous ne souhaitez pas qu'il y ait un coup de pouce au Smic en janvier, on peut le dire comme ça ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je pense que dans la situation actuelle, à titre personnel, je ne pense pas que ce soit une bonne solution, effectivement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc le gouvernement prendra sa décision dans les jours qui viennent, un comité d'experts dit comme vous dans les recommandations qu'il fait au gouvernement et le gouvernement prendra sa décision quand ?
FRANÇOIS REBSAMEN
D'ici quelques temps, ça va venir.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord et ce matin sur RTL nous avons donc l'avis du ministre du Travail, qui est un avis personnel mais qui doit peser tout de même.
FRANÇOIS REBSAMEN
Peut-être.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous serez auditionné, François REBSAMEN, tout à l'heure par la Commission d'enquête parlementaire qui travaille sur l'impact des 35 heures dans l'économie française, Emmanuel MACRON est passé avant vous devant cette Commission d'enquête et il a déclaré ceci, je le cite précisément « le cadre légal me semble devoir rester à 35 heures de temps de travail hebdomadaire, mais il n'est pas suffisant car les salariés comme les entreprises, ont besoin de souplesse ». Etes-vous d'accord avec Emmanuel MACRON, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Totalement, totalement, les 35 heures c'est le cadre légal de la durée du travail, c'est le cadre à partir duquel se déclenchent les heures supplémentaires et donc quand on regarde, parce qu'il faut comparer, quand on regarde le temps de travail des salariés en France, il est pour le temps plein, légèrement inférieur au temps de travail par exemple en Allemagne, légèrement, mais quand on prend les temps partiels, il est à peu près identique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais alors, qu'est-ce que ça veut dire assouplir les 35 heures, il faut les assouplir…
FRANÇOIS REBSAMEN
Ca existe déjà la possibilité…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il faut le faire encore plus ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais non, ça existe…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah il dit, « il faut assouplir, les entreprises et les salariés ont besoin de souplesse ».
FRANÇOIS REBSAMEN
Ils ont la possibilité de le faire aujourd'hui par accords d'entreprise ou par branches et donc…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il faut renforcer ces possibilités, il faut les élargir ou il ne faut rien changer ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je vais vous donner un exemple très simple, dans la métallurgie par exemple on travaille 39 heures, donc il y a des accords de branches, il y a des accords d'entreprise et l'ANI, c'est un accord interprofessionnel qui a été signé… national, qui a été signé en 2013, permet d'ores et déjà à des entreprises de moduler, par accords bien évidemment avec les organisations syndicales, le temps de travail…
JEAN-MICHEL APHATIE
La législation est suffisante ou il faut la changer encore ?
FRANÇOIS REBSAMEN
S'il faut donner encore un peu plus de souplesse pourquoi pas, il n'y a pas de tabou, du moment que les 35 heures restent la référence légale, ce qu'a dit en cela Emmanuel MACRON est tout à fait juste.
JEAN-MICHEL APHATIE
On a du mal à s'y retrouver, donc on peut dire pour conclure François REBSAMEN que vous n'êtes pas hostile à un élargissement de l'assouplissement. On peut le dire ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je reprends exactement les propos d'Emmanuel MACRON sur ce point donc s'il faut assouplir, c'est possible d'ores et déjà et les entreprises peuvent le faire par accords et dans les branches aussi. J'ajouterais que c'est quand même curieux d'avoir toujours ce débat, permettez-moi de le dire…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est de votre faute, si vous en parliez moins, on n'en parlerait pas.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui mais ici même à ce micro, Xavier BERTRAND, mon prédécesseur, était venu dire début 2012 qu'il n'était pas question de modifier la durée légale du travail de 35 heures et donc la droite a eu la possibilité de le faire pendant dix ans, elle ne l'a pas fait, nous par un accord interprofessionnel, on a donné de la souplesse aux entreprises. Il faut donner de la souplesse aux entreprises, c'est ce qui se fait, de la durée légale. J'ajouterais que, on peut d'ores et déjà le faire et ça a été fait, alors on dit de manière défensive…
JEAN-MICHEL APHATIE
Pour préserver des emplois.
FRANÇOIS REBSAMEN
Voilà.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc la législation, je suis un peu perdu moi, la législation ne changera pas on va dire ça.
FRANÇOIS REBSAMEN
Elle ne changera pas voilà, 35 heures c'est la durée légale.
JEAN-MICHEL APHATIE
Message : la législation ne changera pas, point. Donc Emmanuel MACRON il fera avec.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y a la souplesse, voilà.
JEAN-MICHEL APHATIE
Au milieu de tous ces débats, les patrons français ne sont pas contents, Pierre GATTAZ va faire distribuer des sifflets la semaine prochaine lors d'un meeting à Lyon, pour qu'ils puissent siffler la politique du gouvernement. Alors, vous enlevez vos lunettes, ça vous agace peut-être, qu'est-ce que vous en dites, les patrons ne sont pas contents.
FRANÇOIS REBSAMEN
Je rencontre souvent Pierre GATTAZ et je dois dire que nos discussions sont constructives, mais il est surprenant parce qu'alors même qu'un effort sans précédent et il ne le nie pas, est fait pour les entreprises, c'est 41 milliards d'euros qui sont restitués, ce n'est pas un cadeau, qui sont restitués aux entreprises pour leur permettre d'améliorer leur compétitivité parce qu'elles avaient perdu beaucoup de compétitivité, ce qui me permets de rappeler à chaque fois à Pierre GATTAZ, qu'on n'a pas entendu le patronat pendant dix ans se plaindre de la perte de compétitivité. Alors on le constate depuis le rapport GALLOIS, on le sait, donc on fait les efforts pour qu'elles retrouvent cela. Il sort il est, j'allais dire satisfait et hop, il fait une nouvelle déclaration…
JEAN-MICHEL APHATIE
Double manège ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non …
JEAN-MICHEL APHATIE
Bah si, c'est ce que vous dites.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il fait des déclarations qui sont incongrues…
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui ne correspondent pas au discours qu'il vous tient en privé ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, enfin en privé on discute de choses très sérieuses, il sort et il dit, il faudrait supprimer toute raison de licencier. Voilà, je me dis, mais pourquoi il dit ça, je ne sais pas…
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc double langage ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais ça nuit à l'image de l'entreprise je trouve ses propos incongrus.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bon vous allez être sifflé en tout cas.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il n'y a pas de raison que je sois sifflé…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous, le gouvernement quoi.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il n'y a pas de raison, on a fait des efforts comme jamais il en a été faits, et il faut rendre compte de ces efforts et il faut que les entreprises elles investissent grâce à des regains de compétitivité qu'elles ont à travers ces 41 milliards.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dernier gros sujet François REBSAMEN, l'ouverture du travail du dimanche, Emmanuel MACRON ministre de l'Economie, déjà cité, prépare…
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est normal, on travaille ensemble.
JEAN-MICHEL APHATIE
…un projet de loi, il veut donner la possibilité d'ouvrir cinq à douze dimanches dans les villes qui seront dans certaines zones, c'est une bonne ou une mauvaise idée d'élargir la possibilité du travail le dimanche ? Ce n'est pas simple.
FRANÇOIS REBSAMEN
Dans les zones à fort potentiel commercial, économique, touristique, il est je crois, bien d'élargir les exceptions au repos dominical qui reste le principe de base, le repos dominical. A partir de là il y aura donc forcément des conditions à mettre en place sur la place du volontariat des salariés, avec une augmentation de salaires et des repos compensatoires, et puis sur avis, consultation, avis du maire ou du président de ce qu'on appelle les établissements publics de coopération intercommunale.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas sûr qu'il y ait une majorité de députés socialistes, dit-on, pour voter ça.
FRANÇOIS REBSAMEN
Si je pense, il y a des zones touristiques, tout le monde le comprend. Je vais prendre un exemple rapide, gare du Nord – Saint-Pancras ; gare du Nord tout est fermé, les touristes ils vont dépenser leur argent à Saint-Pancras…
JEAN-MICHEL APHATIE
A Londres.
FRANÇOIS REBSAMEN
Et c'est très important qu'on dépense de l'argent en France. Les touristes ils viennent et ils veulent pouvoir dépenser leur argent ici et donc ça sera possible demain par exemple à la gare du Nord.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et les grands magasins à Paris, on les ouvre aussi ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ca, il faut voir avec Anne HIDALGO, donc ça va se faire en concertation.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais elle ne veut pas elle.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais si, ça va se faire en concertation.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dernière question rapide, ça n'a rien à voir, c'est de la politique un peu chimique, est-ce qu'il faut organiser à gauche des primaires pour savoir quel sera le meilleur candidat de la gauche à l'élection présidentielle, sous -entendu, pas forcément François HOLLANDE ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Moi j'ai déjà donné ma position…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous voulez bien la répéter s'il vous plait ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui bien sûr, il n'y a pas de problème.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est très gentil.
FRANÇOIS REBSAMEN
Je pense que quand on a un président de la République sortant, eh bien on n'a pas besoin de faire de primaires, on le garde, surtout quand il est bien, bon, comme aujourd'hui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Même s'il est impopulaire ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui mais il est impopulaire aujourd'hui mais ça va porter ses fruits tout ce qu'il fait et il le fait bien et il estimé à l'étranger, je voudrais le dire ici.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous l'avez dit. François REBSAMEN ministre du Travail était l'invité de RTL ce matin.
YVES CALVI
Merci à tous les deux, François REBSAMEN qui n'est pas favorable à l'augmentation du Smic ni aux primaires à gauche si j'ai compris.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez bien compris, bravo !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2014