Texte intégral
THOMAS SOTTO
L'interview politique d'EUROPE 1. Jean-Pierre ELKABBACH, vous recevez ce matin le ministre du Travail, François REBSAMEN. Messieurs, c'est à vous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bienvenu François REBSAMEN, bonjour.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonjour Jean-Pierre ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Grands et petits patrons en meetings et dans les rues, ils vous demandent de suspendre trois mesures : un, la pénibilité applicable dès le 1er janvier 2015. Suspendez-vous ?
FRANÇOIS REBSAMEN
J'ai repoussé l'application de six facteurs de pénibilité à 2016 et à une étude qui sera présentée d'ailleurs à ces mêmes patrons au mois de mai 2015. Donc pas d'inquiétude, je voudrais les rassurer, nous suivons le dossier, en liaison étroite avec les responsables du MEDEF et du
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, le compte pénibilité n'est pas intouchable, vous allez l'assouplir. Un.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais il est déjà assoupli, il est reporté, à la demande du Premier ministre il a été reporté d'un an pour six facteurs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Deux et trois, la durée minimum de 24 heures hebdomadaires pour les nouveaux CDD, l'obligation d'informer les salariés au moins deux mois avant toute cession d'entreprise. Suspendez-vous ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Vous me parlez d'abord des 24 heures, c'est-à-dire du temps partiel. Alors, sur le temps partiel, il y a des dérogations qui ont été prises, une dérogation individuelle pour ceux qui veulent faire moins de 24 heures, et puis des dérogations de branches, 22 accords de branches ont été passés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, vous allégez.
FRANÇOIS REBSAMEN
Donc, oui, nous allégeons, nous rendons applicables ces mesures.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, les manifs
FRANÇOIS REBSAMEN
Qui, je me permets de le rappeler, les 24 heures, le temps partiel, ont été signées par le patronat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, et vous, vous l'avez décidé, chacun fait un pas de son côté. Bon.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais je discute régulièrement avec eux, je les vois toutes les semaines.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans les manifs, on entend : « Libérez les entreprises, libérez les entreprises ! Nous les lapins en colère, on n'a plus de carottes ». Vous êtes en train de leur offrir des carottes.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, mais surtout un dialogue permanant et la prise en compte de leurs problèmes, mais ce n'est pas, je le crois, aux dirigeants du patronat de prendre des postures, c'est aux dirigeants du patronat d'expliquer ce que nous faisons tous les jours avec eux, puisque nous dialoguons en permanence.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que comme Manuel VALLS, vous dénoncez les provocations, les caricatures, je cite, des dirigeants d'un patronat corporatiste et peu responsable. Vous partagez ses critiques.
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien je ne vais pas être contre ce que dit le Premier ministre, je dis simplement, et il l'a ajouté, vous le savez, il y a les chefs d'entreprise qui sont confrontés à des difficultés réelles, que ce soit à l'export, que ce soit par une sur-administration. Nous sommes en train d'alléger tout ça, et puis il y a les postures, et sur les postures
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire, il y a les
FRANÇOIS REBSAMEN
Les postures, c'est les positions que peut prendre de temps en temps le responsable Pierre GATTAZ, pour parler de lui, qui ne sont pas conformes au dialogue que nous maintenons avec lui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, lui et d'autres sont des apparatchiks du patronat
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, non non, j'ai
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non. Mais ce ne sont pas de vrais dirigeants d'entreprises, quoi.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais si si si si.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ben alors ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais c'est un dirigeant d'entreprise, mais il assume une fonction, il est responsable du MEDEF, et son rôle, je le crois, son rôle c'est de donner des informations, de canaliser, d'expliquer ce que nous faisons.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
François REBSAMEN, votre gouvernement va donc, puisque vous avez dit, on allège on suspend, etc., va donc d'assouplissements, en carottes, en dérogations, c'est-à-dire vos grands projets sont réduits au fur et à mesure, au moindres coups de sifflets et cornes de brumes.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ah pas du tout. Pas du tout.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qu'est-ce qu'il reste des projets ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien il reste beaucoup de choses. Je vais vous donner quelques exemples. D'abord un effort sans précédent, qui est fait par ce gouvernement envers les entreprises, 40 milliards d'euros qui sont redistribués
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qu'ils n'ont pas touché encore
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais si
JEAN-PIERRE ELKABBACH
un clou, en dehors du CICE.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais si, mais si, mais si, mais
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Allons allons.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais Jean-Pierre ELKABBACH, ils ont touché, et d'ailleurs quand vous rencontrez le patron de l'UPA, l'UPA c'est les petites et moyennes entreprises, vraiment, de l'artisanat, eh bien il vous dit : le CICE c'est quelque chose de très bien, donc s'ils le disent, il faut qu'ils le disent aussi à leurs adhérents.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On continue. La prochaine loi Macron, d'ailleurs, est-ce qu'il faut l'appeler loi Macron ou loi Macron Rebsamen ? Parce qu'elle vous concerne.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, bien sûr. Pourquoi mettre un nom ? Appelons-là la loi croissance et activité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Elle propose que les magasins ouvrent 12 dimanches, pour éviter les sifflets, est-ce que vous accepterez de les réduire ? Je ne sais pas, à 7, 8 dimanches ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais ça va être le débat parlementaire qui va le dire. Dans ma ville il y avait 3 dimanches
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Autant aller vite pour éviter puisqu'après vous allez alléger, suspendre, etc., autant faire vite.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais non mais non mais non au contraire, c'est une belle avancée que nous faisons. Ce que nous souhaitons, et Laurent FABIUS l'a fort bien dit, en accord avec Manuel VALLS, ce que nous voulons, c'est que les touristes qui viennent en France, ils sont très nombreux, c'est un pays d'accueil formidable la France, par sa beauté, qu'ils puissent dépenser leur argent en France. Pour ça il faut qu'il y ait des zones touristiques internationales.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout le monde est d'accord.
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien voilà, c'est déjà bien.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais combien de dimanches ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Après c'est la discussion avec les maires, c'est à disposition des maires.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bon, donc, les 12 c'est pas forcément 12 dimanches.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais ça va être dans le débat parlementaire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc on peut réduire. Syndicats et patronat ont jusqu'à la fin décembre, François REBSAMEN, pour trouver un accord sur le dialogue social. S'ils n'y parviennent pas à la date prévue, est-ce que le gouvernement leur accorde un délai ou est-ce qu'il décide à leur place ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Modernisation du dialogue social, je rencontre régulièrement les organisations syndicales, les organisations patronales, je me tiens informé de l'avancée des discussions. Il va y avoir trois journées très importantes mi décembre, qui vont décider ces journées.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors alors ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, oui vous avez beau me presser comme cela, Jean-Pierre ELKABBACH, il n'empêche que, donc, on va attendre de voir comment ça se passe pendant ces trois jours, je me tiens informé de cela. En fonction de cela, soit il y aura un accord et le gouvernement validera cet accord en le transposant dans la loi, soit il n'y a pas d'accord, et s'il n'y pas d'accord, le gouvernement prendra ses responsabilités.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que
FRANÇOIS REBSAMEN
Il aménagera lui-même, en partie, mais je préfèrerais
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ça, en janvier, février.
FRANÇOIS REBSAMEN
et je ne suis pas sur cette position, je suis sur la position d'un accord, j'y crois, je leur dis.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Jean-Yves LE DRIAN, votre ami et collègue est à New Delhi, la France va peut-être vendre très bientôt des Rafale à l'Inde, ce serait un miracle. Les Indiens veulent, parait-il, que la négociation soit accélérée pour conclure dans les prochaines semaines, c'est-à-dire rapidement. Ce serait la première fois que l'on vendrait des Rafale.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ça serait formidable, c'est très important de vendre le meilleur avion du monde, enfin c'est ce que disent les militaires, moi je ne l'ai jamais pratiqué.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous ne l'avez jamais piloté.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, jamais pratiqué, mais oui, ça serait une bonne nouvelle pour notre pays, pour
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'autant plus que cet accord, c'est un accord de 12 milliards de dollars, 126 Rafale dont 18 fabriqués en France, donc vous dites, ce serait, enfin, c'est la perspective d'une bonne nouvelle.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, moi je mets un conditionnel, d'abord je n'ai pas les informations qui me permettent d'avancer sur ce sujet, je dis bravo à Jean-Pierre à Jean-Yves LE DRIAN s'il y arrive, c'est une ça serait une bonne nouvelle, ça serait une bonne nouvelle pour l'armée française, pour le fabricant, et puis pour quand même cette technologie française.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
L'emploi peut-être
FRANÇOIS REBSAMEN
Et l'emploi derrière, bien évidemment.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et c'est succès qui pourrait en entrainer d'autres chez ceux qui sont les clients potentiels dans les Emirats, etc. Voyez, chez DASSAULT ils doivent rêver.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, enfin, c'est LE DRIAN qui le fait.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui. Le gouvernement cherche la croissance et l'emploi, vous le dites à travers la compétitivité. Que faites-vous contre le travail illégal qui se développe, le travail au noir ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ah ça c'est mon sujet numéro 1. Je vais vous le dire. J'ai rencontré le patron de la Fédération du bâtiment, parce que c'est dans ce secteur là qu'il y a les plus gros bataillons de travailleurs, qui sont des travailleurs exploités, qui viennent d'autres pays, qui ne respectent pas les règles sociales. Alors, je vais mettre dans la loi croissance et activités, Jean-Pierre ELKABBACH, c'est une mesure qui est réclamée depuis très longtemps, la création de la carte professionnelle que portera sur lui et que pourra afficher chaque salarié, de la Fédération du bâtiment, de chaque entreprise du bâtiment, donc ça c'est une nouvelle qui était très attendue par le secteur du bâtiment. Ensuite, nous mettons en place un programme de lutte contre le travail illégal, on peut aujourd'hui estimer à 300 000 le nombre de travailleurs détachés dans notre pays.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il y a des filières et des mafias.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, il faut les démanteler, parce que ce sont les entreprises qui paient leurs cotisations sociales, ce sont les salariés qui sont pénalisés et donc tout le monde a intérêt à ce que l'on fasse cesser cela
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'où ça vient ? Parce que ce n'est pas la première fois qu'on va lutter contre le travail au noir.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, mais moi je vais le faire. Moi je vous le dis, je vais le faire, et je viens d'annoncer une mesure.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Avec sanctions. Une question politique, si Thomas le permet. Vous faites partie des Hollandais pur sucre, hein, François REBSAMEN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, d'accord vous les appelez comme ça.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Nicolas SARKOZY à la tête de l'UMP, est-ce que vous dites avec Jean-Christophe CAMBADELIS : c'est une bonne nouvelle pour la gauche ? Et est-ce que François HOLLANDE a recommandé quelque chose à ses fidèles comme vous ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, ce n'est pas une bonne nouvelle pour la gauche, c'est une bonne nouvelle pour la démocratie. On va avoir quelqu'un en face de nous qui va présenter un projet, et nous, le gouvernement, pourra aussi avoir un débat projet contre- projet, le Parti socialiste contre l'UMP.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Même si la bataille est rude.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, bien sûr. C'est la démocratie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, allons-y ! Voilà.
THOMAS SOTTO
Merci François REBSAMEN, merci Jean-Pierre ELKABBACH. Jean-Pierre on vous retrouve demain, à 08h20, sur EUROPE 1. A demain, bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 décembre 2014