Texte intégral
Q - Aviez-vous mesuré l'ampleur des divergences qui ont failli faire échouer la conférence de Lima ?
R - Heureusement, j'ai l'expérience des négociations complexes et je n'ai donc pas été surpris de voir des divergences apparaître au moment où il faut décider et engager les nations. Ces divergences, qui résultent pour une large part de différences de situation, peuvent d'ailleurs sembler relativement classiques quand on se souvient des conférences de Copenhague ou de Varsovie, mais il y a eu finalement un accord à Lima. Le défi que nous devons relever, c'est d'éviter que ces divergences ne deviennent la «carte d'identité» des conférences sur le climat, une occasion de tout bloquer, car il s'agit de prendre des décisions qui sauveront ou non des millions de vies humaines et permettront à l'humanité de créer et de produire sans s'autodétruire.
Q - La faiblesse des résultats complique-t-elle la préparation de la conférence de Paris en décembre 2015 ?
R - À Lima, il y a eu des avancées qui correspondent à ce qu'on pouvait attendre, même si beaucoup reste à faire. Après les bonnes nouvelles des derniers mois - engagements annoncés au sommet de New York, accord européen, annonce sino-américaine de réduction des émissions, capitalisation réussie du Fonds vert pour le climat -, Lima avait pour objectif de fixer des bases pour bâtir un accord à Paris répondant aux attentes des populations qui souffrent des dérèglements climatiques. Nous devrons travailler d'ici le sommet de Paris sur les points qui restent en suspens. Nos mots d'ordre devront être l'écoute, l'esprit de compromis et l'ambition. Et il faudra donner la bonne impulsion politique à ce processus.
Q - Peut-on continuer avec un processus de négociations aussi chaotique ?
R - Le sujet des négociations actuelles est déjà si complexe qu'il ne serait pas raisonnable de vouloir changer maintenant de processus et de méthode. Ce processus n'est pas parfait, chacun en est conscient ; mais nous devons rester dans le cadre existant. C'est lui qui peut nous permettre de générer une action universelle et efficace.
Q - Comment allez-vous travailler ?
R - Nous allons travailler étroitement avec les organes de la Convention sur le climat, avec le secrétaire général des Nations unies. Des sessions de dialogue avec les divers groupes de pays seront également organisées. Et la société civile. Nous continuerons à travailler étroitement avec les Péruviens. Notre lien avec un pays du Sud est important pour renforcer la confiance.
Q - Est-ce que l'ambition de l'accord de Paris reste de contenir le réchauffement en dessous de 2°C d'ici la fin du siècle ?
R - Oui, c'est l'objectif, même si (et parce que) il est ambitieux. Les spécialistes anticipent un réchauffement de 3°C à 4°C, voire plus. Les contributions nationales que les pays devront fournir, si possible d'ici mars, doivent permettre de préciser comment on peut atteindre cet objectif.
Q - Aucune disposition solide n'a été prise à Lima pour que des efforts supplémentaires soient engagés d'ici 2020, date de l'entrée en vigueur de l'accord. N'est-ce pas contradictoire ?
R - Nous avons posé des jalons, notamment à travers l'initiative de «l'agenda des solutions». Il y a eu une «journée de Lima pour l'action», lors de laquelle entreprises, villes et régions se sont engagées à faire davantage, concrètement et rapidement.
La France soutiendra cet effort, qui doit exercer un impact réel sur le terrain. C'est tout l'enjeu de l'agenda positif dont nous souhaitons faire un élément important de Paris Climat 2015.
Q - La question de l'équité est au coeur de toutes les tensions. La France pourrait-elle prendre l'initiative d'un débat approfondi sur cette question ?
R - Cette question est centrale. Les pays développés doivent-ils être les seuls à prendre des engagements au titre de leur responsabilité historique incontestable dans le changement climatique ? Ou faut-il faire évoluer cette approche pour que les pays émergents prennent également des engagements, et lesquels ? Je ne suis pas sûr qu'une présidence suffira pour résoudre définitivement le débat. On peut avancer de façon pragmatique. C'est l'approche qui avait été choisie à Varsovie en 2013 et qui a été confirmée à Lima : les pays s'engagent à présenter leur contribution à la lutte contre le dérèglement climatique d'ici Paris 2015. Je note d'ailleurs que cette question n'a pas empêché les États-Unis et la Chine de prendre ensemble des engagements pour réduire leurs émissions. L'accord final de Lima comporte des formules utiles et nouvelles à cet égard.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 décembre 2014