Interview de M. Manuel Valls, Premier ministre, à Europe 1 le 9 février 2015, sur l'élection du candidat du PS à la législative partielle du Doubs, la défense de la laïcité et le débat parlementaire à propos du projet de loi Macron.

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Média : Europe 1

Texte intégral

THOMAS SOTTO
L'Interview Politique d'Europe 1, Jean-Pierre ELKABBACH, vous recevez ce matin le Premier ministre Manuel VALLS. Messieurs, c'est à vous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bienvenu monsieur le Premier ministre, Manuel VALLS bonjour.
MANUEL VALLS
Bonjour Jean-Pierre ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans le Doubs, la première surprise c'est d'abord la victoire de Frédéric BARBIER. Il devait être écrasé, il devait même ne pas être là au premier tour, il a gagné avec 863 voix d'avances. Est-ce que son amère victoire sonne pour vous comme une sorte d'avertissement et d'alerte ?
MANUEL VALLS
Oui bien sûr, je vais revenir au fond. Il y avait deux questions qui étaient posées concernant cette élection, vous venez de le dire : est-ce que le candidat socialiste pouvait être qualifié pour le second tour, on le donnait perdant ? Il a été qualifié pour le second tour parce que d'abord, c'était un très bon candidat, Frédéric BARBIER est un élu local que chacun connaît, que chacun connaît attaché à cette circonscription et à ses habitants. La deuxième question : pouvait-il – un candidat socialiste – pouvait-il, Frédéric BARBIER pouvait-il battre le Front National après les incertitudes que nous avons connues cette semaine quant à la position de l'UMP ; et parce que les enquêtes d'opinion montraient qu'une partie importante de l'électorat de l'UMP sans consigne pouvait ou allait voter pour le Front National…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais quelle conséquence vous en tirez pour le Parti socialiste, pour le gouvernement, pour vous-même et pour l'état de la France ?
MANUEL VALLS
Frédéric BARBIER a remporté cette élection de peu, et lui-même a eu raison de dire – j'ai trouvé que son ton était grave – qu'il ne fallait pas pavoiser. Et moi, je reste très lucide sur l'état de la France, de la crise de confiance que connaît notre pays et sur le danger que représente le Front National. Il y a quelques mois, j'avais dit moi-même que le Front National était aux portes du pouvoir, on me l'avait d'ailleurs reproché…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce matin, vous le répétez, ce n'est plus hypothétique, comme dit François HOLLANDE, ce n'est plus improbable ?
MANUEL VALLS
Il représente un véritable danger, surtout quand en face la digue, la digue n'est pas suffisamment solide pour contenir une formation politique qui n'épouse pas les valeurs de la République. Donc il faut être extrêmement lucide et la seule réponse que je peux apporter à votre question, c'est le travail, c'est persévérer pour apporter des réponses concrètes, pour obtenir des résultats face aux inquiétudes, aux angoisses, aux attentes de nos compatriotes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Manuel VALLS, vous qui êtes partisan des mots qui parlent et qui disent la vérité, comment expliquer que depuis 2012, le Front National ait gagné dans cette circonscription 25 points, qu'on l'ait perdu, qu'il y a eu cette force, qu'une circonscription qui était ouvrière, populaire passe à l'extrême droite et que le monde rural aussi passe à l'extrême droite, est-ce que la France est en train – étape par étape – de passer en se durcissant vers l'extrême droite, vers une forme de xénophobie dans certains endroits, je ne généralise pas mais de l'islamisation qui provoque de l'islamophobie, etc. ?
MANUEL VALLS
Nous sommes sur le fil du rasoir et au fond, dans les mois et les années qui viennent… d'où la responsabilité qui est la nôtre, celle du président de la République, du gouvernement, de la majorité mais d'une manière plus générale les responsables politiques et les élites de ce pays, nous sommes sur le fil du rasoir. Soit nous allons vers une réponse autoritaire, dure, qui tourne le dos à ce que nous sommes, qui fracture davantage notre pays, et ça c'est le Front National et le Parti de la droite qui proposent cette solution ; soit il y a une réponse républicaine particulièrement ferme quand il s'agit de lutter contre l'insécurité, pour lutter bien évidemment contre le terrorisme, pour défendre bien évidemment nos valeurs et notamment la laïcité, pour faire en sorte que l'école soit cette promesse républicaine…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Monsieur le Premier ministre…
MANUEL VALLS
Et en même temps, laissez-moi aller jusqu'au bout, et en même temps qui soit donc ferme et généreuse.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On le…
MANUEL VALLS
Bienveillante parce que c'est ça aussi la France, la fermeté mais également la générosité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais on répète ce type d'argument…
MANUEL VALLS
Non…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça n'empêche pas que l'opposition numéro 1 pour le moment est le Front National, la deuxième force du pays et peut-être d'alternance…
MANUEL VALLS
Et donc ça veut dire que… ça veut dire…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est l'extrême droite.
MANUEL VALLS
Que la seule autre réponse… mais rappeler les valeurs c'est important, surtout après ce que nous venons de connaître. Moi je trouve que d'ailleurs dans le débat politique, on nous explique que les valeurs ce n'est pas l'essentiel et qu'il faut uniquement répondre sur le chômage ou sur l'insécurité, c'est vrai. Mais parce que pendant des années, nous avons laissé la nation, la patrie, la laïcité, la République à d'autres, à la droite extrême ou à l'extrême droite, le camp républicain – et notamment la gauche – n'a pas suffisamment brandi ces thèmes parce que c'est aussi une réponse à la crise d'identité et à la crise de confiance que porte notre pays. Et en plus bien évidemment, sans résultat en matière de chômage, sans résultat en matière de sécurité, sans résultat en matière d'école, nous n'obtiendrons pas la confiance des Français. Si je vais par exemple aujourd'hui à Marseille, c'est parce que grâce à l'action que j'ai mise en oeuvre il y a 2 ans et demi et que Bernard CAZENEUVE a poursuivie, nous obtenons des résultats spectaculaires en termes de baisse de la délinquance. Si je vais à Marseille avec Najat VALLAUD-BELKACEM, c'est pour dire que l'école c'est la promesse républicaine. Et si je vais aussi à Marseille, c'est pour dire que sans croissance, sans soutien aux entreprises, sans compétitivité, il n'y aura pas de recul du chômage. Donc c'est…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Cela veut dire…
MANUEL VALLS
Uniquement en étant crédible sur les résultats et en brandissant haut et fort les valeurs de la République, que nous rétablirons la confiance, que les électeurs reviendront voter, parce que je vous rappelle qu'au second tour de cette élection partielle, la moitié des électeurs – dont je pense beaucoup d'électeurs de gauche, pourtant il y a eu le sursaut de participation – ne sont pas venus, donc il faut recréer les conditions de la confiance. C'est un long travail, je crois que nous sommes engagés sur ce chemin, mais c'est un long travail. C'est pour ça qu'il faut être lucide, modeste et travailleurs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quelques questions précises, si vous n'étiez pas allé deux fois dans le Doubs et Bernard CAZENEUVE une fois, est-ce que monsieur BARBIER aurait été élu ?
MANUEL VALLS
Monsieur BARBIER n'aurait pas été élu s'il n'avait pas été un bon candidat, et si nous n'avions pas…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord mais la réponse ?
MANUEL VALLS
Il fallait… restons modeste, moi je n'en sais rien, mais en tout cas parce qu'il y a eu une mobilisation autour de Frédéric BARBIER, parce que nous sommes allés le soutenir, parce qu'il y a eu aussi au plan national et au plan local des élus et des responsables de droite qui ont pris leur responsabilité…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire…
MANUEL VALLS
Quand on est un grand parti qui a gouverné et qui vise à gouverner, on prend ses responsabilités. Appeler à s'abstenir ou à voter blanc, ça n'est pas une position politique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que vous appréciez un UMP quand il vote PS !
MANUEL VALLS
Non, quand chacun prend ses responsabilités. Jean-Pierre ELKABBACH, si dans l'avenir – comme ça a été le cas en 2002 – pour une élection locale ou une élection nationale, j'ai à choisir entre un candidat de l'UMP et un candidat du Front National, je n'hésiterai jamais…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors justement, justement…
MANUEL VALLS
Pas une seconde…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Justement, monsieur BARBIER…
MANUEL VALLS
Donc ce que je demande, c'est que face précisément à une formation qui tourne le dos à ce qu'est profondément la France, qui par ses propositions – je pense à la sortie de l'euro – mettrait la France dans un désastre économique, il faut prendre toujours ses responsabilités.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais on voit bien qu'il va y avoir un sursaut. Mais dans le Doubs… d'abord, d'abord pour reprendre ce que vous venez de dire, ça veut dire que lors des élections qui vont venir, départementales et régionales, il est prévu des duels entre l'UMP et le Front National, le PS n'appliquera pas la loi du talion ?
MANUEL VALLS
Moi ce que je souhaite d'abord…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que vous ne ferez pas le ni-ni, vous voterez pour un…
MANUEL VALLS
Jamais, ce que je souhaite d'abord c'est que les candidats de gauche, les candidats du Parti socialiste soient au second tour. Et pour cela il faut le rassemblement le plus large…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sinon ?
MANUEL VALLS
Autour des candidats, sinon, sinon les candidats socialistes ou les candidats de gauche seront éliminés. Et ce que je demande, c'est que chacun prenne ses responsabilités, le ni-ni (pour reprendre votre expression) n'est pas une position responsable.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il n'y aura pas ou il n'y aurait pas d'échange de mauvais procédé ?
MANUEL VALLS
Jamais, parce que…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans le Doubs…
MANUEL VALLS
Quand il s'agit des valeurs de la République, on ne transige pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Expliquez-nous pourquoi dans le Doubs, monsieur le Premier ministre, entre le premier et le deuxième tour, le logo PS a disparu au profit du front républicain, est-ce que ça veut dire que pour gagner désormais, il faut que le Parti socialiste se cache derrière un mouvement poussif et fantôme ?
MANUEL VALLS
Non mais comment pouvez-vous dire ça Jean-Pierre ELKABBACH ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ben oui ! Parce que regardez…
MANUEL VALLS
Chacun connaît l'engagement de Frédéric BARBIER, mais il était lui-même… et il en a pris pleinement conscience, pas uniquement pour l'entre deux tours mais aussi parce que maintenant il est député, et il sait qu'il est député pas seulement…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Monsieur le Premier ministre…
MANUEL VALLS
Laissez-moi terminer, je réponds à votre question…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais regardez, regardez…
MANUEL VALLS
Pas seulement parce qu'il a été le candidat de la gauche rassemblée mais parce que d'autres, des maires et des maires de droite de cette circonscription ont appelé à voter pour lui. Donc il était, oui, incontestablement le candidat de tous les républicains et il l'assume parfaitement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais le Front National fait autant que certains UMP + le PS + les Verts + le Front de Gauche + UDI + MoDem, c'est inouï !
MANUEL VALLS
Jean-Pierre ELKABBACH, si le candidat socialiste avait été battu hier soir, qu'auriez-vous dit ? J'ai l'impression que c'est lui qui a perdu, il a gagné de peu, ne pavoisons pas, mais en même temps c'est lui qui l'a emporté. Et c'était très important parce que cette circonscription, c'est aussi celle d'un grand groupe automobile, PSA PEUGEOT CITROEN qui va mieux, et vous vous rendez compte, aux yeux du monde, alors que cette entreprise représente 10.000 emplois sur ce territoire, et je ne parle pas évidemment de la sous-traitance, 10.000 emplois. PSA qui cherche aujourd'hui et qui gagne des parts de marché dans le monde, qui va mieux, qui est en train de se redresser dans une circonscription représentée par le Front National ? Moi je ne le voulais pas pour mon pays et c'est pour cela que nous sommes tous mobilisés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors vous l'avez dit tout à l'heure, les Français redoutent et refuse une double insécurité, d'abord la délinquance et toutes ses formes, ensuite la laïcité qui est bafouée, le communautarisme qui est galopant, vous avez entendu tout à l'heure avec Thomas le professeur de philosophie du lycée Averroès Sofiane ZITOUNI : endoctrinement, prières, antisémitisme. Est-ce que vous allez déclencher une enquête pour ce lycée Averroès en fonctionnement qui bénéficie de fonds de l'Etat ?
MANUEL VALLS
Le Rectorat du Nord-Pas-de-Calais a déclenché – en lien d'ailleurs avec le lycée – une inspection générale, parce qu'il faut évidemment avoir tous les éléments pour bien connaître ce qui s'y passe.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Comment vous allez empêcher les progrès de l'obscurantisme religieux dans les écoles, les lycées, les lieux publics, les hôpitaux, est-ce que le temps arrive de la reprise en main comme vous le dites, mais comment vous allez faire ?
MANUEL VALLS
Je réunis ce matin – avec les ministres de l'Intérieur et de l'Education nationale – l'ensemble des préfets, des recteurs, des directeurs d'Académie parce qu'en effet, il s'agit de mener un beau combat pour la République et pour la laïcité. Partout à l'école bien sûr, c'est ce que Najat VALLAUD-BELKACEM a annoncé, mais partout dans l'espace public…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais comment on fait ?
MANUEL VALLS
Mais parce qu'il faut tout simplement appliquer la loi. Nous vivons dans une République faite de droits et de devoirs, donc il y a des choses qu'on ne peut pas accepter. L'antisémitisme c'est une cause nationale, on ne peut pas accepter que des gamins considèrent aujourd'hui que leur ennemi c'est le juif ; on ne peut pas accepter que des jeunes ou tout simplement des citoyens considèrent que le blasphème – qui n'est pas interdit dans notre pays – que la liberté d'expression, que la liberté de caricaturer, c'est pour cela que des journalistes de Charlie Hebdo sont morts, soient mis au même niveau que l'antisémitisme, le racisme, l'apologie du terrorisme ou le négationnisme…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, très bien mais quand on a fait ce diagnostic…
MANUEL VALLS
Oui mais c'est un travail…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qu'est-ce que l'on fait pour que la loi de la République domine désormais et s'impose à la loi religieuse ?
MANUEL VALLS
Jean-Pierre ELKABBACH, quand il y a cette confusion des esprits à l'école, dans les familles et surtout sur internet, c'est un combat qui commence bien sûr, mais c'est un combat d'une génération. Parce que quand on a des esprits aussi troublés, ça veut dire qu'il faut soutenir, former, mobiliser les enseignants mais tous les services de l'Etat pour cette cause, pour les valeurs de la République. Il faut les faire vivre, ça n'est pas seulement un discours, c'est dans l'enseignement mais partout il faut appliquer la loi. Et puis c'est aussi un débat, je l'ai dit il y a quelques semaines à la tribune de l'Assemblée nationale, au sein de l'islam nous devons aider les musulmans qui ne supportent pas d'être confondus avec ces discours, pas uniquement avec les jihadistes, pas seulement avec des terroristes mais avec l'intégrisme, le conservatisme, le radicalisme, il faut combattre. Il faut combattre le discours des frères musulmans dans notre pays, il faut combattre…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Comment, comment ?
MANUEL VALLS
Les groupes salafistes de quartiers…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Comment ?
MANUEL VALLS
Mais par la loi, par la police, par les services de renseignement, beaucoup de choses sont faites. Encore cette semaine, des filières ont été démantelées et encore dimanche à Toulouse et Albi, mais c'est un discours. Une religion ne peut pas imposer son discours dans nos quartiers…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc on voit que ça va peut-être changer !
MANUEL VALLS
Mais beaucoup de choses qui ont déjà été engagées, c'est un combat de tous les instants, c'est ça la République, en respectant chacun parce que la laïcité c'est croire ou ne pas croire ; et en disant aussi à nos compatriotes de confession ou de culture musulmane que leur place est dans la République, et que nous sommes là également pour les aider et pour les protéger.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Presque tous les jours, des filières jihadistes sont démantelées, les policiers travaillent bien, ils sont efficaces, etc., mais ce qui frappe c'est qu'il y a des candidats français, des gens qui sont des enfants de la France qui passent au terrorisme et qui sont à l'intérieur de notre pays.
MANUEL VALLS
Et ce sont près de 1.400 personnes qui ont été identifiées, Français ou résidents, comme étant en relation avec ces filières ; environ 750 y séjournent ou ont séjourné ; 410 seraient aujourd'hui sur place ; 260 repartis ; et 80 français ou résidents en France ont été tués sur place. Ce phénomène – qui n'est pas propre à la France, qu'on connaît dans beaucoup de pays d'Europe, en Amérique, en Australie, qu'on connaît évidemment encore davantage au Maghreb – tant que nous aurons cette situation qui perdure en Syrie, en Irak, au Proche et au Moyen-Orients, nous savons qu'il y aura ces candidats. Mais pour ce qui nous concerne dans cette guerre que nous menons contre le terrorisme et le jihadisme et contre l'islamisme radical, que nous avons menée au Mali, que nous menons aujourd'hui en Irak grâce à l'engagement de nos Rafale et de nos Mirage, cette guerre d'une certaine manière nous la menons dans notre pays puisqu'elle nous a été déclarée. Donc c'est la mobilisation des forces de l'ordre, des militaires qui seront toujours présents sur le terrain pour protéger les mosquées, les synagogues et les institutions juives et évidemment les espaces publics, mais nous devons aussi la mener par une mobilisation de notre société…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Monsieur le Premier ministre…
MANUEL VALLS
Et par les familles parce qu'on ne peut pas accepter que cette radicalisation, en prison ou ailleurs, continue de se propager.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien. Quelques questions rapides maintenant sur le plan économique, etc. Emmanuel MACRON défend bien sa loi à l'Assemblée nationale, elle est en quelque sorte peu à peu dévitalisée, on va voir quelques exemples…
MANUEL VALLS
Je ne partage pas cet avis.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui ! Vous avez vu… qu'est-ce que vous allez faire par exemple sur les manifestations des routiers, des auto-écoles, est-ce que vous les laissez bloquer les grandes villes, est-ce que le gouvernement va céder et revenir sur ces réformes promises parce qu'ils manifestent ?
MANUEL VALLS
La loi présentée par Emmanuel MACRON, la loi croissance et activité a été améliorée de ce point de vue-là, c'est un plus, c'est un coup de jeune comme l'avait dit le président de la République précisément pour baisser le coût du permis de conduire et baisser les délais…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, donc on ne cède pas…
MANUEL VALLS
Et réduire les délais. Donc on ne cède pas, on discute bien sûr mais on ne cède pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais on ne cède pas. Alors je voulais dire après la loi Macron, est-ce que vous irez plus loin, est-ce que vous aurez d'autres réformes de fond qui seront engagées ou que vous préparez sur l'emploi, sur la sécurité, enfin d'abord l'emploi ?
MANUEL VALLS
Mais dans le monde que nous connaissons, dans le monde global et ouvert, notre obsession avec le président de la République c'est faire en sorte que la France soit forte. La France, elle doit être à la fois forte, c'est vrai sur le plan militaire et sur le plan diplomatique et savoir compter aujourd'hui davantage encore dans le monde, elle doit être juste parce que c'est ça aussi la France, mais elle doit être forte sur le plan économique…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En avance.
MANUEL VALLS
Donc nous poursuivrons les réformes, elles sont indispensables pour rendre nos entreprises encore plus compétitives, nous avons encore 2 ans pour bien travailler au service de l'économie. Et moi…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On a l'impression que c'est une course de vitesse. C'est deux ans mais il y a beaucoup de choses à faire.
MANUEL VALLS
Cette année 2015 doit être l'année de la reprise économique. Les prévisions de croissance nous mettent à un pourcent. J'espère qu'avec la conjoncture économique que nous connaissons due à la baisse de l'euro, à la baisse des taux d'intérêt, à la baisse du prix du baril de pétrole, nous aurons en plus de ce que nous avons engagé – le Pacte de responsabilité – les moyens que nous donnons aux entreprises, la baisse du coût du travail, zéro charge autour du smic – nous sommes en train, je crois, de réussir notre pari mais il ne faut pas lâcher cette volonté de réformer, de soutenir nos entreprises, parce que nous avons besoin pour nos salariés, pour ceux qui sont au chômage, pour ceux qui souffrent notamment du chômage de longue durée ou ceux qui ne trouvent pas d'emploi – je pense aux jeunes – nous devons continuer à mettre le paquet et à soutenir notre économie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La Banque de France est en train de vous donner raison. Elle annonce à l'instant qu'il y a une croissance qui s'accélère.
MANUEL VALLS
Donc raison de plus pour maintenir le cap, celui des réformes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le président de la République a énuméré différents sujets d'intérêt national qui permettraient à l'exécutif et à l'opposition de travailler ensemble. Est-ce que vous renouveler ici cet appel ou il est caduc ?
MANUEL VALLS
Il y a une tentation, et je la sens bien depuis quelques jours, qui est de tourner la page après les événements que nous avons connus. Il ne s'agit pas de prôner l'unité nationale pour l'unité nationale et effacer les débats politiques.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous n'enterrez pas ce matin l'esprit du 11 janvier ?
MANUEL VALLS
Je crois aux esprits mais cet esprit est important. C'est une exigence des Français pour que nous nous mettions au bon niveau. Je ne veux pas retomber dans les querelles politiques ; je ne veux pas retomber dans l'ambiance que nous connaissions avant, qui est parfois faite de petitesse et de médiocrité. Il faut être au bon niveau et être au bon niveau, c'est répondre aux attentes et aux exigences des Français en matière d'emploi, en matière de sécurité, en matière de valeur, mais c'est aussi tendre la main. C'est faire en sorte que nous nous retrouvions sur l'essentiel.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A l'UMP et au centre ?
MANUEL VALLS
Mais à tous ceux qui veulent faire en sorte que la France aille mieux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Monsieur le Premier ministre, est-ce que ça veut dire que vous pourriez discuter sur des sujets comme le terrorisme, l'éducation, la fiscalité, je ne sais pas, avec l'opposition ?
MANUEL VALLS
Mais c'est déjà le cas. Nous avons voté deux lois antiterroristes depuis deux ans et l'immense majorité des parlementaires l'ont voté.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça ne peut pas aller plus loin ?
MANUEL VALLS
La loi qui a été présentée sur l'asile par Bernard CAZENEUVE a reçu aussi un soutien au-delà des rangs de la gauche.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On ne peut pas aller plus loin ?
MANUEL VALLS
Si. Je suis convaincu, quand je vois ce qui se passe sur le terrain, quand je vois les élus dans les villes, dans les intercommunalités, dans les départements et dans les régions, capables de se rassembler autour des grands projets de l'aménagement du pays, des infrastructures, il n'y a pas de raison pour que nous ne puissions pas avancer. Quand je discuterai tout à l'heure avec le maire de Marseille, nous parlerons de l'avenir de sa ville. Est-ce que nous le ferons uniquement en fonction de critères politiques ou en fonction de l'intérêt général de la deuxième ville de France qui a besoin du soutien de l'Etat ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez entendu Nicolas CANTELOUP…
MANUEL VALLS
C'est Nicolas CANTELOUP que j'ai entendu, ce n'est pas Jean-Claude GAUDIN que je verrai tout à l'heure. Jean-Pierre ELKABBACH, comme je suis très lucide, je ne les confonds pas encore.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Moi aussi ! Lemonde.fr révèle une fraude fiscale mondiale concernant cent mille clients, dont quelques Français connus, de sa filiale suisse. Cent quatre-vingt milliards sont engagés mais l'Etat en France perd six milliards d'euros. Vous avez mis en place une politique anti-évasion. Est-ce que des sanctions sévères vont toucher désormais et davantage les fraudeurs du fisc ? Est-ce que vous demandez par exemple, comme certains l'ont fait même au Parti socialiste, à la Banque HSBC des réparations ?
MANUEL VALLS
Le Parlement d'ailleurs travaille sur ce dossier-là. Les données des listes ou de la liste HSBC à disposition de l'administration ont été totalement exploitées. Au total, près de deux mille trois cents contrôles ont déjà été diligentés par l'administration fiscale. Cent trois plaintes ont été déposées pour les cas les plus problématiques à l'administration fiscale. Des pénalités importantes ont déjà été réclamées aux contribuables concernés et le gouvernement est très déterminé à lutter contre la fraude fiscale, contre ces paradis fiscaux et continuera à agir dans ce sens pour ce qui nous concerne mais aussi au niveau européen.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Monsieur le Premier ministre, à propos de l'Ukraine, le président HOLLANDE avec lequel vous parlez, je pense, régulièrement a pris des risques avec la chancelière MERKEL en allant à Moscou. Mercredi, ils vont se retrouver à Minsk pour un nouveau sommet qui est prévu avec Vladimir POUTINE. Est-ce qu'on va vers un accord de paix même s'il est difficile ? Ou ce climat de guerre va se prolonger ?
MANUEL VALLS
D'abord, nous l'espérons parce que la guerre est aux portes de l'Europe. Il y a eu des milliers de morts. Mais moi, je veux saluer le courage, l'initiative de François HOLLANDE avec Angela MERKEL. C'est très important pour l'Europe.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Franco-allemande. C'est une initiative de leur part.
MANUEL VALLS
C'est très important, c'est vrai, sur le plan économique que ce couple franco-allemand vive pleinement parce que les deux premières économies d'Europe, les deux premières économies de l'Union européenne, doivent agir ensemble, mais c'est vrai aussi sur le plan diplomatique et sur le plan politique. Et pour le projet européen qui est souvent contesté, cette initiative me paraît très importante et j'espère qu'elle sera marquée par le succès mais il est encore à stade trop prudent pour le dire. Trop difficile pour le dire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pour terminer, Manuel VALLS, on retient que l'élection du Doubs appelle à un sursaut qui sera conduit presque comme une course de vitesse. Je me rappelle que dans la conférence de presse, le président de la République François HOLLANDE a promis de vivre et de mettre le pays sous tension. J'ai l'impression qu'on y est.
MANUEL VALLS
Oui. Cette tension me paraît nécessaire pour mobiliser le pays, pour qu'au fond il retrouve de la confiance en lui-même, de la fierté en lui-même. C'est ça l'esprit du 11 janvier et une grande majorité des Français veulent retrouver confiance, fierté, à condition qu'on leur dise la vérité, qu'on parle des vrais sujets et que ce beau projet qui est celui de redresser notre pays aille jusqu'au bout.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On y est ?
MANUEL VALLS
Nous sommes, nous, très déterminés avec le président de la République.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être venu, monsieur le Premier ministre.
MANUEL VALLS
Merci Jean-Pierre ELKABBACH.
THOMAS SOTTO
Merci Manuel VALLS d'être venu en direct sur Europe 1 ce matin. On retiendra également cette déclaration de Jean-Christophe CAMBADELIS, le patron du PS, à l'instant : “Il y a le feu au lac face au Front national? estime Jean-Christophe CAMBADELIS. Merci Manuel VALLS, merci Jean-Pierre.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 février 2015