Déclaration de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, sur les outils financiers au service de la croissance économique, Paris le 6 février 2015.

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Circonstance : Forum franco-africain - Table ronde sur les innovations financières, à Paris le 6 février 2015

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Présidents Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs,
J'ai le plaisir d'ouvrir, avec ma collègue ministre des Finances du Nigeria, chère Ngozi, cette première table ronde de l'après-midi, qui a pour thème : « Des innovations financières pour une croissance inclusive et durable ».
Pour être durable, la croissance doit pouvoir s'appuyer sur un secteur financier efficace et résilient. Nous devons travailler à la recherche de solutions de financement à moindre coût pour des projets sociaux, des appareils productifs solides, des infrastructures clefs ; ce sont là les déterminants d'une société inclusive, dynamique et créatrice d'emplois durables.
A cette fin, il est indéniable que le secteur privé, et en particulier le secteur financier, éminemment représenté à cette table-ronde, a un rôle prépondérant à jouer.
Prenons l'exemple de la lutte contre le dérèglement climatique : nous n'aurons gagné que quand les flux financiers se dirigeront naturellement vers des modes de production et de consommation à faible intensité en carbone. Bien sûr l'argent public a aussi un rôle à jouer. Mais vous le savez, il est rare ! L'innovation consiste précisément à accroître l'effet de levier de deniers publics en quantité limitée pour permettre aux flux privés de financer les projets les plus utiles.
A l'évidence, nos leviers traditionnels de l'aide au développement conservent toute leur pertinence. Notre vision de l'aide au développement est en effet de ne s'interdire aucun instrument financier, pourvu qu'il soit adapté.
Par exemple, la France défend l'utilisation de l'instrument de prêt dans les outils de l'Agence Française de Développement, avec le souci, naturellement, que de s'assurer que cela s'inscrive dans une politique d'endettement soutenable pour les pays bénéficiaires. Déjà très présente en Afrique, l'AFD va encore accroître ses financements sur le continent. Comme le Président de la République s'y est engagé, 20 milliards d'euros seront mobilisés en Afrique sur une période de cinq ans. Dès 2014, conformément aux objectifs fixés à l'agence, 3,7 milliards d'euros ont permis de soutenir des projets de développement dans la région.
La France dispose aussi d'instruments financiers publics existants qui permettent à la fois de soutenir nos entreprises et de favoriser le développement des pays partenaires. Je pense aux prêts du Trésor français dits « réserve pays émergents » ainsi qu'au Fonds d'étude et d'aide au secteur privé, plus connu sous le nom de « FASEP ». Les entreprises savent en tirer le meilleur parti pour leurs échanges avec l'Afrique : ainsi, en 2014, 70% de l'enveloppe de la RPE et près d'un tiers des financements FASEP ont été consacrés à des projets dans des pays africains.
Ces instruments sont peut-être « classiques » mais ils ont prouvé leur efficacité et leur pertinence : c'est pourquoi nous continuerons de les mobiliser mais nous développerons et renforcerons, en parallèle, de nouveaux outils innovants, qui peuvent par exemple s'appuyer sur les complémentarités entre secteur public et secteur privé.
Je peux citer la coopération existante entre BPIFrance et Proparco en termes de « fonds de fonds » sur le Maghreb, récemment étendu à toute l'Afrique avec la capitalisation en cours du fonds « Averroès III » ; d'autres initiatives suivront bientôt.
Je souhaite aussi citer plusieurs initiatives dans le domaine climatique, qui revêt pour la France, un enjeu particulier cette année où nous allons accueillir la COP21.
Il est important d'innover, même à petite échelle, car si les initiatives réussissent, on pourra ensuite les répliquer à plus grande échelle. Ainsi, dans le Fonds français pour l'environnement mondial - qui est de taille modeste par rapport au Fonds Vert -, une fenêtre de financement dédiée au secteur privé a été ouverte afin de financer, par l'intermédiaire de dons, des innovations dans le domaine du changement climatique. Cette Facilité d'innovation pour le secteur privé a déjà soutenu douze projets en 2013 et 2014, dont huit en Afrique (par exemple une centrale hybride éolien-diesel destinée à alimenter un réseau de pompage d'eau potable en Mauritanie). 57 entreprises s'étaient porté soumissionnaires, preuve de l'intérêt du secteur privé pour de telles initiatives.
Innover, à grande échelle cette fois, garantit une maximisation de l'impact économique, social et environnemental des projets. C'est tout l'intérêt de la mise en place du Fonds Vert, qui est - je le répète souvent - la clé de voûte de notre architecture financière dans la lutte contre le changement climatique. Je voudrais rappeler la réussite de la capitalisation initiale : plus de 10 milliards d'euros ont déjà été annoncés pour financer des projets d'atténuation et d'adaptation. Si le principe même de ce fonds est innovant, son fonctionnement devra l'être aussi, notamment en termes de réactivité. Je tiens à souligner enfin que ce fonds comprend également un volet dédié au secteur privé.
L'adaptation climatique est un enjeu prioritaire, notamment pour les pays du Sud, en particulier en Afrique. Dans ce domaine, il reste du chemin à parcourir pour orienter les flux privés vers le financement des projets d'adaptation, qui n'ont pas le même niveau de rentabilité que les projets d'atténuation. Les fonds publics seront mobilisés sur cet enjeu mais cela ne suffit pas et je compte sur le secteur privé pour être force de proposition !
La promotion de l'investissement de long terme est aussi une préoccupation constante de notre stratégie de financement en faveur d'une croissance inclusive et durable. Ce thème majeur est à l'agenda des pays du G20, dans le but de définir un cadre institutionnel et règlementaire favorable. De nombreuses synergies existent entre les problématiques de l'investissement de long terme et les investissements verts. Je m'attacherai personnellement à ce que, dans la perspective de la COP1, le G20 ait à coeur de les exploiter.
Avant de conclure, je voudrais mentionner le secteur de l'entrepreneuriat social, qui est innovant, en pleine croissance et représente un très fort enjeu pour la France et l'Afrique. Certains projets à fort impact social ne trouvent pas de financement, du fait de l'inadaptation de leur modèle économique à la logique de financement des guichets existants. La France va jouer son rôle : l'AFD proposera très prochainement une stratégie et une doctrine de financement en faveur de l'entrepreneuriat social.
Vous le voyez, la France est particulièrement active en termes de financements au service du développement économique franco-africain : notre politique est ambitieuse, innovante et plurielle, et je suis convaincu que nous parviendrons à associer nos projets avec ceux du secteur privé pour maximiser notre impact.
Je vous remercie.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 9 février 2015