Déclaration de Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'Etat à la politique de la ville, sur la politique urbaine dans les quartiers et les logements sociaux dans le cadre de la loi SRU, Paris le 27 janvier 2015.

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Si, avec Patrick KANNER et Thierry BRAILLARD, nous avons choisi ce lieu pour la cérémonie des voeux de notre ministère, c'est parce qu'il est né d'un projet ambitieux.
Cette esplanade illustre au quotidien l'action de notre Ministère chargé de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.
Par ce choix, nous avons aussi voulu vous adresser un message, à vous, les jeunes, et il y en a beaucoup dans la salle.
Souvenons-nous de la genèse de ces lieux. Il y a un peu plus de 10 ans, la ville de Paris et la mairie du XVIIIe ont pris conscience du fait qu'il fallait réhabiliter cette Halle dans un quartier populaire en visant l'excellence dans tous les domaines : environnement, équipements, espace publics.
Associer les habitants des quartiers populaires n'était pas simplement souhaitable, mais incontournable pour la qualité et la durée du projet.
L'excellence pour tous : c'est également le sens du lieu d'accueil innovant pour les jeunes, que j'avais porté. Il est situé à deux pas d'ici. On vous a fait confiance, à vous les jeunes, et notamment ceux de l'association Espoir 18. Et vous avez démontré qu'on pouvait, qu'on devait vous faire confiance pour faire vivre le lien social et vous considérer comme de véritables acteurs du quartier.
Je voulais commencer par-là, car votre action est emblématique de ce que savent faire les jeunes et les associations quand on leur donne les moyens de le faire et qu'on se mobilise avec elles.
Or aujourd'hui plus que jamais nous avons besoin d'être mobilisés.
Il y a un peu plus de deux semaines, Paris a été frappé au coeur. Et quand Paris est frappé au coeur, c'est toute la France qui est frappée.
Le Président de la République et le gouvernement ont réagi immédiatement, avec sang-froid, grandeur d'âme, sens de l'Etat, à la menace encore bien présente qui prend la France pour cible.
Mais c'est aussi dans Paris et dans toute la France qu'un élan de générosité et de fraternité sans précédent s'est manifesté le 11 janvier.
Cet esprit du 11 janvier nous oblige. Il met en exergue les fractures béantes de notre société. Il éclaire d'une lumière crue le sort des 6 millions d'habitants des quartiers populaires dont j'ai la responsabilité sous la tutelle de Patrick Kanner.
Le Premier Ministre nous a mandatés pour réorganiser l'action publique au moyen d'un comité interministériel de lutte contre les inégalités, qui se tiendra début mars.
Contrairement à une idée trop répandue, depuis des années, on a eu tendance à en faire moins dans ces quartiers qu'ailleurs.
Depuis 2012, le retour des services publics est en marche, comme le démontre le fait que la plupart des ZSP et des REP soient situés dans les quartiers prioritaires.
Une nouvelle géographie d'intervention, plus efficace, la sanctuarisation des crédits d'intervention ou le lancement d'un nouveau programme de renouvellement urbain de 5 milliards d'euros, ont aussi redonné du souffle à la politique de la ville.
Pourtant, nous devons aller plus loin, plus vite, et plus fort.
Oui, notre pays souffre d'une véritable ségrégation, avec des quartiers, ceux de la politique de la ville, où le chômage atteint 45% chez les jeunes, avec des jeunes qui, lorsqu'ils sont diplômés, ont deux fois moins de chance de trouver un emploi, ou encore avec 50% de familles monoparentales quelquefois.
Notre premier chantier, c'est d'éviter la concentration des personnes les plus pauvres. Dans nos quartiers, un tiers des habitants change tous les 5 ans. Qui les remplace ? Des gens plus en difficulté encore.
Pendant ce temps-là, comment continuer d'accepter que certaines communes n'aient que 2% de logements sociaux, alors que d'autres en ont jusqu'à 80% ?
L'ordre républicain, c'est d'abord appliquer la loi de la République. Et la loi, c'est la loi SRU, une loi désormais renforcée.
Oui, je sais, certains ne manqueront pas de dire qu'ils n'ont pas le foncier nécessaire pour construire des logements sociaux. Depuis 2001 j'ai été témoin de ce qu'il est possible de faire à Paris. Cette action volontariste pour le logement, avec les problèmes de foncier que nous connaissons dans cette ville, démontre que rien n'est impossible.
Nous devons casser ensemble les murs de ces ghettos qui entravent la promesse républicaine. Il faut donner du souffle à notre république. Cela exige un effort collectif sans précédent.
La cohésion sociale et les associations qui la portent doivent ainsi voir leur rôle renforcé dans la période qui s'ouvre aujourd'hui.
Elles doivent pouvoir accompagner au mieux les jeunes notamment, afin que la chaîne éducative ne soit jamais rompue, et que l'ensemble des adultes ait un discours cohérent pour eux.
Le Premier Ministre l'a dit : la question des moyens pour renforcer le maillage territorial de la République, tant par l'Etat que par les associations, sera posée au terme du conseil interministériel de mars.
Mais je veux saluer le travail admirable qui est d'ores et déjà celui des agents de l'Etat et des associations partout en France.
On a beaucoup parlé des failles de notre système en termes de détection, de suivi, de prévention. C'est vrai qu'on peut interroger collectivement nos pratiques. C'est utile et c'est nécessaire. On peut toujours améliorer.
Mais je veux avant tout vous dire toute ma reconnaissance pour le travail que vous faites au quotidien. Un travail qui demande plus que du professionnalisme : de l'engagement. Il nous appartient, dans la période dans laquelle nous venons d'entrer, de vous le faciliter toujours davantage.
[Improvisation sur les associations qui vous tiennent à coeur, celles qui sont présentes dans la salle]. Et j'en oublie bien sûr, elles sont tellement nombreuses.
J'ai une pensée particulière pour toutes celles et ceux qui ont travaillé à l'organisation de ce beau moment : l'association Espoir 18 encore, et en particulier son président, Mr Jérôme DISLE. Je me souviens de vous, quand vous êtes venue me voir, il y a 10 ans, avec votre projet.
Eh bien voilà, c'est fait.
Je salue aussi les élèves du lycée Belliard ainsi que leur proviseure, Catherine Tausky, et leur chef de travaux, Monsieur Pascal Wolf, et aussi l'association Capoiera Viola pour l'accueil musical.
Je remercie également la Mairie du XVIIIème, la Ville de Paris, les services de la DJS pour leur accueil.
Mesdames et Messieurs,
L'esprit de mobilisation et de rassemblement, l'esprit du 11 janvier doit éclairer l'année 2015 et bien plus encore.
Cet esprit du 11 janvier nous engage. Nous devons demeurer mobilisés. L'Etat jouera son rôle. Pour les plus fragiles d'entre nous. Pour ceux qui souffrent. Pour ceux qui doutent. Pour ceux qui n'y croient plus. Mais il ne pourra rien sans vous tous.
Nous savons que les problèmes dans les quartiers ne sont pas ceux des quartiers mais de la France entière.
Et la France entière doit, d'abord, se faire une juste image de ces quartiers.
J'ai grandi politiquement dans le XVIIIe arrondissement. Des talents, des compétences, il y en a ici, comme dans tous ces quartiers [comme dans tous ces quartiers où je me déplace depuis 5 mois jour pour jour] qui sont bien trop souvent pointés du doigt. Cette conviction, avouons-le, n'est pas partagée par tout le monde. Il y a une responsabilité politique, des médias, quant à l'image qu'ils peuvent donner de ces quartiers. Nous ne leur demandons pas de dire que tout va bien. Il y a des problèmes et ils sont bien réels. Nous leur demandons simplement de donner une juste image de ces quartiers.
Au-delà des seuls quartiers, nous devons dire et redire que la France est riche de ses différences, qu'elle est une terre de liberté, d'égalité, de fraternité. [Qu'elle est à l'image de cette assemblée aux mille visages qui est devant moi.]
Voilà ce que veut dire la France pour les millions de personne qui ont fait de Paris et de notre pays, le 11 janvier dernier, la capitale des valeurs les plus hautes de l'humanité. A nous de continuer à faire vivre collectivement cet esprit du 11 janvier. A nous d'être à la hauteur de cette promesse républicaine sur tout le territoire français.
Bonne année à vous tous.
Source http://www.ville.gouv.fr, le 18 décembre 2015