Interview de M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, avec RTL le 13 février 2015, sur la Grèce et la Zone euro, les accords de Minsk sur l'Ukraine et sur la vente d'avions Rafale à l'Egypte.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


YVES CALVI
Jean-Michel APHATIE, vous recevez Harlem DESIR, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Harlem DESIR.
HARLEM DESIR
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Un sommet européen s'est déroulé hier soir à Bruxelles, vous y avez accompagné le président de la République. Les dirigeants européens ont parlé du terrorisme, bien sûr, et puis il y a aussi toujours le cas grec qui est posé à la Communauté européenne. Aucun accord n'est trouvé avec le nouveau gouvernement d'Alexis TSIPRAS. Est-ce qu'il faut s'en inquiéter, Harlem DESIR ?
HARLEM DESIR
C'est un travail qui est en cours, celui qui va pouvoir déboucher sur un accord avec le gouvernement grec. Les ministres…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes optimiste.
HARLEM DESIR
Oui, parce que l'état d'esprit est nouveau, c'est celui que nous avons souhaité, auquel nous avons contribué, c'est que sans attendre la réunion des ministres des finances, qui va se dérouler lundi, qui sera donc une nouvelle réunion de l'Eurogroupe, dès aujourd'hui les représentants, à la fois de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne, de l'Eurogroupe, vont travailler avec le gouvernement grec, pour faire en sorte qu'il y ait, d'abord, un accord intérimaire, c'est un petit peu technique, mais il faut pouvoir prolonger des aides qui sont aujourd'hui accordés à la Grèce, le temps que soit discuté un nouveau contrat de partenariat, et l'objectif c'est que le nouveau gouvernement présente sa vision de ce que doit être la croissance, de ce que doit être le développement économique de la Grèce. Donc il y a deux principes, c'est ce que la France a toujours dit, il faut à la fois respecter le vote des citoyens grecs, qui ont dit qu'ils avaient une aspiration au changement, et c'est la démocratie, l'Europe, ils veulent une autre politique que la politique d'austérité, qui a été…
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc il faut respecter ça.
HARLEM DESIR
… qui a été très dure et surtout qui n'a pas été efficace, qui n'a pas permis le désendettement…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a autre chose qu'il faut respecter ?
HARLEM DESIR
Eh bien la deuxième chose, ce sont évidemment les règles européennes, sur les traités.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils doivent rembourser leurs emprunts, les Grecs, on peut leur dire comme ça ou pas ? Ils le reconnaissent, évidemment, ils…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils doivent les rembourser.
HARLEM DESIR
Ces dettes devront être remboursées. Maintenant, ce qui peut être discuté, ce sont les stratégies économiques qui doivent permettre à la Grèce de retrouver de la croissance pour pouvoir rembourser cet emprunt, par exemple le Premier ministre, Alexis TSIPRAS, c'était son premier Conseil européen hier, a souligné dans sa présentation, devant les autres chefs d'Etat et de gouvernement, que la Grèce a un budget en excédent primaire, alors il souhaite que cet excédent ne soit pas au-delà d'une certaine limite, mais c'est-à-dire, avant remboursement de la dette, parce qu'ils ont quand même fait beaucoup d'efforts, ils ont déjà une capacité de remboursement qui existe.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'optimisme est votre métier, Harlem DESIR, mais il faut quand même noter que le Premier ministre grec, en marge du sommet hier, a dit que son pays n'acceptait pas le chantage auquel il juge que les autres dirigeants européens le soumettent, ce ne sont pas des paroles apaisantes, et il a parlé aussi d'un scénario d'intimidation. Donc on voit tout de même que l'état d'esprit n'est pas à la concorde.
HARLEM DESIR
Donc il faut un dialogue constructif…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah oui, ça c'est sûr, oui.
HARLEM DESIR
… et il faut effectivement pas d'intimidation et l'état d'esprit…
JEAN-MICHEL APHATIE
Eh bien il pense qu'il y en a.
HARLEM DESIR
Peut-être qu'il a voulu faire allusion à ce qui avait été des déclarations, et ce n'est pas toujours facile de recréer la confiance, parce qu'il y a eu, auparavant, déjà, des plans d'aide à la Grèce, et puis ils n'avaient pas été respectés, mais c'est aussi parce que le PIB s'est effondré, c'est-à-dire que quand il n'y a pas de croissance, effectivement, la dette augmente, presque mécaniquement. Donc il y a des réformes qui doivent continuer en Grèce, et le gouvernement grec le reconnait, par exemple en matière fiscale, il faut que tout le monde paie ses impôts…
JEAN-MICHEL APHATIE
Eh oui, il faut faire payer les impôts…
HARLEM DESIR
Ben voilà, il faut le faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
On apprend que ce n'est toujours pas le cas.
HARLEM DESIR
Ce n'est toujours pas le cas, il faut qu'il y ait un cadastre…
JEAN-MICHEL APHATIE
Depuis la crise de 2011, c'est quand même un peu décevant.
HARLEM DESIR
La lutte contre l'évasion fiscale, donc on voit, en France même, ça a rapporté deux milliards d'euros en 2014, ça en rapportera 2 milliards en 2015. Je pense qu'en Grèce aussi il y a des marges de progression, et moderniser l'Etat et l'administration en Grèce, c'est un élément des engagements que la Grèce peut prendre vis-à-vis de ses partenaires européens.
JEAN-MICHEL APHATIE
Un risque de sortie de la Grèce de la zone euro existe, ou pas ?
HARLEM DESIR
Je crois qu'il ne faut surtout pas travailler dans cette idée, parce que…
JEAN-MICHEL APHATIE
Le risque existe ?
HARLEM DESIR
Mais non, il n'y a pas un risque, à partir du moment où il y a une volonté claire, à la fois de la part de la Grèce, de rester dans la zone euro, ça fait aussi partie des engagements qui ont été pris par le nouveau gouvernement et une volonté de la part des partenaires, et la France y travaille, de trouver une solution avec la Grèce, pour qu'elle puisse continuer à bénéficier des aides, en particulier des soutiens de la Banque centrale européenne, mais en échange elle doit passer un contrat sur le type de modernisation de réforme de l'économie, qui sera faite.
JEAN-MICHEL APHATIE
La France et l'Allemagne, donc, l'Europe, sont aussi en première ligne sur le dossier ukrainien. Angela MERKEL et François HOLLANDE n'ont-ils pas cédé trop de terrain à Vladimir POUTINE ?
HARLEM DESIR
Non, d'abord moi je crois qu'il faut se féliciter de cet accord, et que cette initiative de la France et de l'Allemagne, le président HOLLANDE et la chancelière MERKEL, qui se sont rendus d'abord à Kiev, puis à Moscou, puis donc à Minsk, pour négocier pendant toute une nuit, toute une journée, avec Vladimir POUTINE, et POROCHENKO, cet accord il évite la poursuite des combats.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il est solide ? Les Américains disent : bouh, on ne sait pas trop, hein.
HARLEM DESIR
Eh bien il y a un cessez-le-feu, qui doit commencer dans la nuit de samedi à dimanche, très exactement dimanche à minuit. Il y a à partir de là plusieurs engagements qui ont été pris, libération des prisonniers, retrait des armes lourdes dans des périmètres de 50 et 100 km, selon la catégorie d'armes, tout ça va être vérifié, par toute sorte de moyens, des satellites, des drones, et ensuite un dialogue national qui doit se mener en Ukraine, pour pouvoir élire des représentant des régions de l'Est de l'Ukraine, de Louhansk et de Donetsk, et puis la réforme constitutionnelle, le rétablissement des relations économiques, et évidemment la garantie de la souveraineté du contrôle des frontières de l'Ukraine. Donc c'est un processus très précis, très complexe, qui va être difficile à mettre en oeuvre, mais qui va être surveillé et je pense que c'est un grand succès diplomatique pour la France et l'Allemagne, et pour l'Europe, que d'être parvenu à cet accord de paix, même si maintenant il y a de la vigilance quant aux conditions de sa mise en oeuvre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Actualité heureuse ce matin, Harlem DESIR, faut-il se féliciter de la vente de 24 avions Rafale à l'Egypte ?
HARLEM DESIR
Oui, d'abord c'est un grand succès industriel, pour la France et son industrie aéronautique et cet avion qui est un avion exceptionnel, et c'est aussi très important, parce que l'Egypte doit pouvoir assurer sa sécurité, dans un environnement très instable, et jouer un rôle dans la stabilité régionale. Il y a des évènements très graves qui se produisent en particulier en Libye, dans la région du Sahel, et puis vous le savez, ça faisait longtemps que le Rafale était en lice sur plusieurs marchés, là il y a eu une mobilisation de l'Etat pour accompagner les industriels français, DASSAULT, THALES, etc.
JEAN-MICHEL APHATIE
Un détail, tout de même…
HARLEM DESIR
… et donc c'est la première fois et ça va engager je pense un processus, puisqu'il y a des discussions avec d'autres Etat, avec l'Inde et d'autres pays.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'autres pays, bien sûr. Un détail, tout de même, la France célèbre la liberté d'expression le 11 janvier, et le 12 février elle vend 24 Rafale, à ce qu'il faut bien appeler une dictature implacable, l'Egypte est une dictature implacable, il faut suivre des fois, les cheminements de la politique.
HARLEM DESIR
L'Egypte est un pays qui comme tous les pays de la région, a connu des bouleversements, avec les Printemps arabes…
JEAN-MICHEL APHATIE
Une dictature, on peut le dire ?
HARLEM DESIR
… des élections, des émeutes…
JEAN-MICHEL APHATIE
On peut dire que c'est une dictature aujourd'hui ?
HARLEM DESIR
C'est un pays qui essaie de retrouver le chemin de la démocratie, après…
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'on peut dire que c'est une dictature aujourd'hui ?
HARLEM DESIR
Oui mais après qu'il y ait eu un régime islamiste, celui du président MORSI…
JEAN-MICHEL APHATIE
Des manifestants qui meurent sous les balles de la police.
HARLEM DESIR
Mais l'Egypte est un partenaire de la France, qui essaie aussi d'apporter la stabilité dans cette région, qui a un accord de paix avec Israël et qui est un pays avec lequel l'Union européenne doit travailler pour que les droits de l'homme et la démocratie progressent, c'est absolument incontestable.
JEAN-MICHEL APHATIE
La diplomatie a ses lois et vous ne pouvez pas vous en affranchir ce matin, Harlem DESIR.
HARLEM DESIR
Non, mais il y a eu je crois un choix du peuple égyptien qui a été d'en finir avec le régime islamiste, ça c'est aussi leur liberté.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais les prisons sont pleines aujourd'hui de gens qui ne sont pas d'accord avec le gouvernement égyptien, ce qui est tout de même une réalité.
HARLEM DESIR
C'est un pays où la confrontation entre les Frères musulmans et puis un courant qui veut plus respecter la laïcité, la modernité, est un combat très long, depuis presque 100 ans.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et dans l'actualité, enfin, Harlem DESIR, cette histoire, l'actualité est faite de choses que nous subissons parfois, mais c'est comme ça, l'actrice Julie GAYET a utilisé une voiture de la Présidence de la République pour se rendre sur le tournage d'un film qu'elle produit à Rennes, est-ce que les moyens de la République peuvent être utilisés comme ça, à des fins professionnelles ?
HARLEM DESIR
D'abord je n'ai pas d'informations sur ce sujet…
JEAN-MICHEL APHATIE
Moi non plus.
HARLEM DESIR
Je suis venu pour vous parler de l'Europe, donc je ne veux pas faire de commentaire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais c'est tout de même gênant.
HARLEM DESIR
Mais je ne peux pas le commenter, puisque je n'ai pas l'information.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes un vrai diplomate.
HARLEM DESIR
Non. Mais je suis là pour vous parler d'une actualité européenne qui je crois est très importante…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et nous en avons parlé.
HARLEM DESIR
…et concerne les Français et les intéresse. Merci beaucoup.
JEAN-MICHEL APHATIE
Harlem DESIR, chargé des Affaires européennes, était avec nous ce matin.
YVES CALVI
Sur la vente de nos Rafale, Harlem DESIR vient de dire qu'il s'agissait d'un grand succès industriel pour la France et un gage pour la stabilité de l'Egypte dans la région. Merci à tous les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 février 2015