Entretien de M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, avec Itélé le 17 février 2015, sur l'attentat terroriste au Danemark.

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Média : Itélé

Texte intégral

Q - Vous avez assisté hier soir à cette cérémonie particulièrement émouvante à Copenhague, en hommage aux victimes des attentats du week-end. On a vu ces images vraiment impressionnantes de ces centaines de milliers de bougies allumées dans les rues de la capitale danoise. Vous-même, qui représentez la France, avez dû ressentir cette vive émotion.
R - Oui. L'émotion était très forte. L'Europe a été touchée au coeur une nouvelle fois dans ses valeurs de liberté, de démocratie. Un mois après les attentats en France, c'était le même type d'attaque ici au Danemark. Il y avait aussi l'ambassadeur de France qui était dans le centre culturel où avait lieu ce débat sur la liberté d'expression.
La Première ministre du Danemark, Helle Thorning-Schmidt, a évidemment fait référence à ce combat que nous avons à mener ensemble, à cette épreuve que nous affrontons ensemble parce que nos deux pays partagent un attachement très profond aux lumières, à la liberté d'expression, à la démocratie.
La menace concerne l'Europe dans son ensemble. Il faut donc que la réponse soit elle-même européenne. Je suis donc venu exprimer ici au nom du gouvernement la solidarité très forte de la France avec le Danemark : une solidarité dans la lutte contre les groupes terroristes mais aussi dans la défense de nos valeurs de démocratie et d'une société de tolérance et d'ouverture.
Q - Je crois qu'il y avait pas mal de banderoles - enfin, quelques-unes en tout cas - et de panneaux avec «Je suis Danois» écrit en français. Est-ce qu'avec ces événements dramatiques malheureusement, il y a malgré tout une espèce de sentiment européen qui se dégage ou est-ce que c'est une illusion ?
R - Je crois que vous avez raison. Il y a le sentiment d'appartenir à une communauté de valeurs. Il y avait, c'est vrai, ces panneaux «Je suis Danois» comme beaucoup de Danois avaient brandi le panneau «Je suis Charlie» et étaient venus pour certains à Paris, en particulier la Première ministre danoise.
Hier soir, il y avait aussi des délégations de toute l'Europe. Il y avait aussi une délégation de l'Assemblée nationale, représentant toutes les sensibilités de notre représentation nationale. Cela, évidemment, comptait beaucoup pour les Danois qui étaient là, de sentir l'Europe à leurs côtés parce que nous sommes tous attaqués.
Ce sont nos valeurs, c'est la société de liberté que nous voulons construire qui sont mises en cause par ce djihadisme, par ce terrorisme. C'est ensemble que nous devons l'affronter pour continuer à faire vivre la démocratie dont on se rend compte qu'elle est un bien précieux, qu'elle est exceptionnelle mais qu'elle mérite et nécessite un combat et des citoyens qui se dressent.
Q - Il y a aussi un télescopage entre ces images de cette ferveur, cette émotion danoise hier soir à Copenhague, et puis l'hommage de ces quelques dizaines, quelques centaines de personnes qui sont venues déposer des fleurs à l'endroit où le tireur a été abattu. Est-ce que, comme le disait notre envoyé spécial tout à l'heure à 07 heures, la communauté danoise n'est peut-être pas coupée en deux mais en tout cas un peu fissurée selon vous ?
R - Je crois que ce sont là des expressions très minoritaires. Elles sont extrêmement choquantes. Elles ne sont absolument pas représentatives de ce que j'ai pu voir hier soir, c'est-à-dire la masse des habitants de Copenhague qui se rendaient au milieu de la nuit, à vélo, à pieds, qui traversaient toute la ville pour être là, devant ce petit théâtre, ce centre culturel où un cinéaste avait été tué, où on avait mitraillé les participants, où des policiers avaient été blessés en protégeant ceux qui étaient à ce débat.
Et puis, il y avait aussi beaucoup de monde devant la synagogue parce que, vous le savez, il y a eu aussi une attaque antisémite devant cette synagogue où avait lieu une cérémonie religieuse ; un homme a été tué, un vigile qui peut-être par cette interposition a réussi à sauver les autres personnes.
Je ne sais pas comment il faut interpréter le fait que quelques personnes aillent là où a été abattu le terroriste mais ce n'est absolument pas représentatif du sentiment massif des Danois qui vraiment m'a fait penser à la manifestation du 11 janvier à Paris : beaucoup de force, beaucoup d'unité, beaucoup de détermination et la volonté effectivement d'apporter une réponse au niveau européen.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 février 2015