Interview de M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, à "BFM-TV" le 18 février 2015, sur le contenu de son projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, le recours à l'article 49-3 de la Constitution pour son adoption.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin est Emmanuel MACRON, Ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique. Emmanuel MACRON, merci d'être avec nous et bonjour.
MONSIEUR LE MINISTRE EMMANUEL MACRON
Bonjour. Bonjour à vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si vous étiez chômeur, dans quel état d'esprit seriez-vous ce matin ? Dites-moi tout.
EMMANUEL MACRON
D'abord, c'est toujours très difficile de se mettre dans ce genre de situation, mais inquiet, concentré et au combat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Déçu ?
EMMANUEL MACRON
Pourquoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Par le spectacle donné par la classe politique.
EMMANUEL MACRON
Non, je ne crois pas qu'on puisse dire cela. Je ne crois pas, vraiment. Je ne serais pas déçu. Je pense que si j'étais chômeur, je n'attendrai pas tout de l'autre. J'essaierais de me battre d'abord. Mais par rapport au spectacle, comme vous dites, qui a été donné hier, au contraire. Je crois que le gouvernement a pris ses responsabilités pour des réformes qui sont importantes et qui sont bonnes pour le pays. Si j'étais chômeur, je ne serai pas déçu de ce qui s'est passé hier. Au contraire. Je considère qu'on veut avancer, il y a eu un débat, il y a eu un travail énorme qui a été fait pour arriver à un texte, qui va dans le bon sens pour l'économie française et apportera des résultats concrets. Le gouvernement a pris ses responsabilités pour que ce texte avance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Recours au 49-3, aveu de faiblesse, déni de démocratie, coup de force : j'ai lu tout ça, j'ai entendu tout ça. Que répondez-vous ?
EMMANUEL MACRON
Déni de démocratie, quand on a passé deux cents heures dans l'Hémicycle à débattre, qu'on a accepté plus de mille amendements sur un texte qui était initialement celui du gouvernement, pour arriver à ce qui est aujourd'hui une coproduction entre le gouvernement et les parlementaires, je n'accepte pas ce qualificatif. Coup de force non plus, parce que quand on est précisément sur un texte donc chaque article a été voté à la majorité dans l'Hémicycle, a été débattu pendant des heures, jour, nuit, week-end, qu'on ne vienne pas me parler de coup de force. Simplement à la fin des fins, quand la droite d'une part, qui ne propose rien, qui a fait perdre une décennie à ce pays sur le plan économique, ne veut pas prendre ses responsabilités et, à l'exception de quelques-uns que je veux ici saluer, qui à l'UDI et à l'UMP, ont eu le courage au-delà de leurs intérêts partisans de suivre ce texte et sa logique, au-delà de ces quelques-uns, les autres n'ont pas voulu prendre leurs responsabilités et sont restés dans le vieux chicaya politique d'une part, et quand d'autre part vous avez, par convictions que je respecte, un Front de gauche qui se cabre dans des postures passéistes et une partie de la majorité qui décide, les uns par conviction de ne pas voter ce texte et d'aller au-delà de ce qui s'est toujours fait, c'est-à-dire à un vote contre, et les autres qui décident de le prendre en otage pour d'autres enjeux que le pays, alors la responsabilité du gouvernement c'est d'avancer. Parce qu'il y a cette réforme sur laquelle nous nous sommes battus, et il y a les autres réformes à venir. Donc nous avançons pour réformer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous allons parler des réformes à venir ; nous allons parler de cette réforme, de l'avenir de cette réforme. « Le 49-3 est une brutalité », on vous a diffusé hier sur France 2 l'image de François HOLLANDE qui disait cela en 2006. « C'est un déni de démocratie », c'est ce que disait François HOLLANDE en 2006. L'utilisation du 49-3, un déni de démocratie.
EMMANUEL MACRON
Jean-Jacques BOURDIN, d'abord 1°) les contextes ne sont pas les mêmes. 2°) Le texte dont nous parlons, a-t-il fait l'objet d'un déni de démocratie ? C'est ce que je viens de vous dire, ce qui n'était pas le cas du texte de 2006. Et troisième point, je vais quand même vous le dire, ce n'est pas un déni de démocratie. Il y avait une réforme sur la table. Cette réforme, peut-être on se trompe toujours dans la vie, moi je ne considère pas qu'on est infaillible, mais quand on a passé deux cents heures avec des femmes et des hommes de bonne volonté pour améliorer un texte, on a quelque chose que les Françaises et les Français attendent qui va changer. La réforme, on ne la joue pas aux dés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez ce que vous avez dit ? « L'autorité est le refuge de la bêtise ».
EMMANUEL MACRON
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était un acte d'autorité hier du Premier ministre.
EMMANUEL MACRON
Non. Non. C'est un acte de responsabilité. C'est un acte de responsabilité. Le gouvernement par le 49-3 engage sa responsabilité, c'est-à-dire qu'une motion de censure a été déposée hier soir. Ce n'est pas de l'autorité, il y a un débat démocratique. Il y a une motion de censure. C'est la constitution de la Vème République qui prévoit ça. S'il n'y avait pas eu de débat contradictoire, s'il n'y avait pas eu des aménagements – les mêmes qui m'ont reproché parfois de faire des reculades ne peuvent pas aujourd'hui dire : « Vous faites acte d'autorité ». Non ! Il y a eu un débat démocratique plein et entier mais il ne peut pas y avoir de prise en otage de la réforme du pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les députés socialistes qui voulaient voter contre voulaient prendre en otage votre réforme ?
EMMANUEL MACRON
Je pense que la coagulation de ceux qui voulaient voter contre pour des raisons politiciennes, de ceux qui n'ont pas voulu bouger pour des raisons politiciennes et de ceux qui considèrent que la réforme économique est une mauvaise chose en général, mettaient en danger cette réforme et donc ce dont notre pays a besoin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous pensez par exemple que certains députés comme Benoît HAMON préparaient plutôt le congrès du Parti socialiste du mois de juin plutôt que pensaient aux Français ?
EMMANUEL MACRON
Le résultat, c'est que c'était à mon avis plus utile pour le congrès que pour les Français. Maintenant, Benoît HAMON est quelqu'un que je respecte, il a ses convictions et je sais que c'est un homme de convictions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non. Ça, c'est facile.
EMMANUEL MACRON
Non. Ce n'est pas facile, c'est la vérité. Je ne vais pas m'amuser à ça. Il a fait un choix en responsabilité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'était quoi ? C'est une posture politique ?
EMMANUEL MACRON
Il est arrivé sur un point du débat qui a été, on en parlera peut-être, les compensations pour le travail du dimanche. Sur ce point-là, on a travaillé le texte, on l'a travaillé en profondeur, on a regardé. Le choix qu'il proposait n'était pas un bon choix. Je lui ai dit et je l'ai dit à celles et ceux qui portaient cela. Nous avons travaillé, nous avons discuté. Nous sommes arrivés à un équilibre. Je ne vais pas faire des compromis sur un texte qui sont des compromis de motion.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quoi ? C'était une posture politicienne de leur part ? de ceux qu'on a appelés les frondeurs ?
EMMANUEL MACRON
Je ne vais pas la qualifier. En tout cas, je considère que quand on n'est pas d'accord avec une disposition d'un texte qui contient deux cents articles et qu'on est un député de la majorité, on prend sa responsabilité quand on décide de voter contre ce texte pour cette raison, mais vous me permettrez de penser que cette raison est un peu dérisoire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la raison, c'est laquelle ?
EMMANUEL MACRON
La raison, c'est qu'il a pris une responsabilité politique. Il l'a assumée, c'est un homme politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pourquoi ?
EMMANUEL MACRON
C'est son choix. Ce n'est pas à moi de le qualifier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour préparer le congrès du mois de juin ?
EMMANUEL MACRON
Peut-être, peut-être. Ou peut-être parce qu'il voulait bloquer ce texte avec d'autres. Je n'ai pas à le qualifier. A la rigueur je vais vous dire, ça ne m'intéresse pas. Moi, j'ai passé jour et nuit ce texte au Parlement. J'ai vu, et je veux ici leur rendre hommage, des parlementaires à la tâche avec moi, à mes côtés. Ils ont amélioré ce texte, ils étaient avec nous. Pour eux, on ne pouvait pas abandonner cette réforme parce qu'elle est attendue par les Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Emmanuel MACRON, un mot sur le travail le dimanche justement. Dans ces fameuses zones touristiques, accord au sein même des entreprises ; c'est-à-dire que les travailleurs qui travailleront ces dimanches-là ne seront pas automatiquement payés double.
EMMANUEL MACRON
La règle pour toutes les ouvertures dominicales en zone touristique, en zone commerciale, comme en zone touristique internationale qui ne concernent que quelques quartiers, c'est une règle qui est pas d'accord, pas d'ouverture. S'il n'y a pas d'accord au niveau de la branche ou de l'entreprise, ou du territoire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il peut y avoir un accord pour que le salarié soit payé double. C'est ce que vous reprochent les frondeurs.
EMMANUEL MACRON
Mais ils ont raison de me le reprocher parce que ce n'est pas à la loi excepté, et nous l'avons fait pour le travail en soirée qui est très particulier, ça n'était pas à la loi de définir en dur une compensation. Parce que vous avez des endroits, et ce que je dis là est vrai et le débat que nous avons eu avec les frondeurs, vous avez plus tôt eu un député parisien, mais le débat que nous avons eu avec les frondeurs en fait était pour toutes les zones. Il n'était pas que pour ces zones touristiques internationales. Nous croyons dans le dialogue social. La loi, elle doit définir une règle. Aujourd'hui en France, il y a plus de six cents zones touristiques où les Françaises et les Français travaillent les dimanches ; la loi n'impose aucune compensation. Il y en a qui ont pris par accord, d'autres non. Il y a une inégalité. Nous avons mis dans cette loi le principe de la compensation en la renvoyant aux accords de branche, ou d'entreprise, ou de territoire avec une règle très forte qui est pas d'accord, pas d'ouverture. Ça veut dire que s'il n'y a pas d'accord avec les salariés, et donc une juste compensation identifiée par les salariés, ils peuvent décider de ne pas ouvrir. Il y a beaucoup de grands magasins parisiens, on le sait très bien, où vous n'avez pas cet accord aujourd'hui obtenu. C'est d'ailleurs pour ça que vous avez vu des grandes enseignes nous reprocher ce mécanisme, mais je l'assume jusqu'au bout. Mais en même temps, comme nous croyons au dialogue social qui n'est pas – j'ai entendu des bêtises tout à l'heure – ce n'est pas la représentativité des confédérations syndicales. Vous pouvez avoir des salariés qui sont mandatés dans l'entreprise, on l'a déjà fait. On croit au dialogue social dans l'entreprise. Si ça n'est pas satisfaisant, il n'y aura pas d'ouverture et ça n'est pas le salarié laissé seul face au patron, c'est un accord. Mais ce que je veux dire par-là, c'est que la loi ne doit pas définir une règle de compensation pour tous et partout. Ça n'a aucun sens, parce qu'il y a des villes de province qui ouvrent le dimanche aujourd'hui, et qui ne peuvent pas payer double leurs salariés le dimanche. Vous allez les faire fermer ? Qu'est-ce qu'elles donnent en échange ? Elles compensent à trente ou quarante pourcent et elles donnent plus de jours de repos et d'autres avantages. Il y a d'autres endroits, dans les grands centres commerciaux, où le payé double est la règle. Donc il faut laisser les secteurs et les territoires avoir de l'intelligence. On ne peut pas tout décider par la loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Emmanuel MACRON, regardons l'avenir de votre loi. La motion de censure sera probablement repoussée. Elle va passer au Sénat, elle sera amendée, elle sera retravaillée au Sénat, elle reviendra devant l'Assemblée nationale, elle sera sans aucun doute plus libérale votre loi. Est-ce qu'à ce moment-là vous pourrez et vous réutiliserez s'il le faut le 49-3 ?
EMMANUEL MACRON
Je n'ai jamais pris le débat parlementaire avec le moindre esprit de menace.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne s'agit pas de menacer.
EMMANUEL MACRON
Il y a un peu ça. Quand on dit : « Vous avez le 49-3 »…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si vous êtes obligé, vous le ferez ?
EMMANUEL MACRON
Mais on ira au bout de nos responsabilités sur ce texte. C'est une décision qui a été prise hier par le Premier ministre et que le président de la République l'a autorisé à prendre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes prêt éventuellement à utiliser encore une fois le 49-3.
EMMANUEL MACRON
Il existe sur ce texte. C'est un fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous le ferez.
EMMANUEL MACRON
Je suis prêt à avancer, vous l'avez compris Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dénoncez d'ailleurs l'union de ceux qui ne veulent pas changer le pays, mais est-ce que cette loi changeait vraiment le pays ? N'a-t-elle pas été trop présentée comme une loi miraculeuse qui allait bouleverser, qui allait créer de la croissance, qui allait créer de l'emploi ? Franchement ?
EMMANUEL MACRON
Vous ne m'avez jamais entendu présenter cette loi comme miraculeuse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Peut-être pas vous mais peut-être d'autres.
EMMANUEL MACRON
Non, mais cette loi permettait d'avancer. Je vais vous dire, la gauche qui ne fait rien ne sert à rien. La droite qui n'a rien fait et qui ne propose rien ne sert à rien, donc nous avançons. Cette loi, de manière honnête, sur des dizaines de secteurs, elle permettait d'ouvrir, elle permettait de débloquer, et c'est cela que nous avons aujourd'hui sur la table. C'est pour ça que je veux que ça devienne une réalité, et ce sera une réalité pour une partie de ces motions et de ces dispositions dès l'été, pour le reste à la fin de l'année le temps de prendre les décrets. Je me suis toujours engagé et je l'ai fait ici le 7 novembre dernier. Je veux prendre les décrets le plus vite possible. Mais quand on ouvre un secteur comme celui des autocars, quand on réforme les prudhommes – demandez à des salariés qui attendent pendant des mois et des mois, et ça n'est pas la faute des juges prudhommaux, c'est la mauvaise organisation du système – mais demandez à des salariés qui attendent pendant des mois de savoir quel est leur sort, demandez à des patrons de petites et moyennes entreprises ce que c'est d'être aux prudhommes aujourd'hui en France et demandez-leur si la réforme qu'on fait, qui permettra d'avoir, de passer des compromis plus vite, d'avoir un référentiel, pour voir où on va dès le début, d'avoir un mécanisme qui permet d'aller plus rapidement si ça ne va pas changer leur vie. L'ouverture des commerces le dimanche dans les gares les plus fréquentées, dans ces zones touristiques internationales, en laissant aux maires la possibilité à douze dimanches, ça va changer la vie des gens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc cette loi va créer de la croissance.
EMMANUEL MACRON
Mais bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que cette loi va créer de l'emploi ?
EMMANUEL MACRON
Oui, elle créera de l'emploi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites : « la gauche doit être le parti du travail…
EMMANUEL MACRON
Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et non le parti du temps libre, quand on a 10 % de chômeurs et 25 % de jeunes sans activité être de gauche c'est les aider à avoir un job, mais, quand je dis cela, je choque ». Mais vous choquez qui ? Vous choquez une partie de votre parti politique ? Vous êtes membre du PS, Emmanuel MACRON ?
EMMANUEL MACRON
Je l'ai été ! Je suis ministre du gouvernement aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui, vous ne l'êtes plus ?
EMMANUEL MACRON
Non !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'êtes pas encarté au PS ?
EMMANUEL MACRON
Non ! Je ne suis pas encarté au PS aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'ailleurs cette politique que vous vivez-là, elle est trop politicienne ? Est-ce que vous êtes déçu depuis hier, je vous ai senti énervé hier à l'Assemblée nationale ?
EMMANUEL MACRON
Bien sûr !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Désabusé un peu…
EMMANUEL MACRON
Pas désabusé !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Devant le comportement des uns et des autres, non ?
EMMANUEL MACRON
Non ! Non, pas désabusé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En colère ?
EMMANUEL MACRON
J'étais en colère bien sûr ! Parce que quand vous voulez avancer de manière honnête, quand vous avez mis toute votre énergie pour que les choses avancent, pour construire une majorité de convictions et que vous êtes entravé, que vous êtes caricaturé, agressé par des représentants de la Nation qui ne proposent rien d'autre et qui font de ce travail une espèce de caricature d'ultralibéralisme - comme ils le disent - ce n'est pas à la hauteur des débats et ce n‘est pas à la hauteur…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Agressé quand on vous accuse d'être un ancien banquier, ça pèse ça vous pensez dans le regard que ceux-là portent sur vous ?
EMMANUEL MACRON
Peut-être ! Si c'est ça, ce n'est pas l'idée que je me fais de la gauche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
EMMANUEL MACRON
Parce que, quand on a été…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On vous reproche votre passé ?
EMMANUEL MACRON
Je ne crois pas ! On l'a fait au début, maintenant on apprend à me connaître.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quand vous dites par exemple : « il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires »…
EMMANUEL MACRON
Je dis : « il faut que notre jeunesse ait envie de réussir, d'aller plus haut, plus loin » - c'est ça notre responsabilité – et, si on met des règles partout, des plafonds, j'entendais encore tout à l'heure des blocs… si on veut bloquer, c'est ça, si on veut toujours considérer que c'est bien de réussir un peu mais pas trop, est-ce qu'on rend service à notre jeunesse ? Je ne crois pas ! Moi je pense que dans notre pays il faut protéger les plus faibles de manière évidente, il faut réparer les injustices, mais surtout être de gauche aujourd'hui c'est combattre la rente et c'est redonner à chaque moment important de la vie la possibilité de réussir, de s'épanouir, d'aller plus haut - c'est ça - et donc ce texte il est mu par cet esprits, ces dispositions elles sont mues par cet esprit. Alors, certains disaient : « vous cassez, vous cassez des réalités », quand on ouvre l'autocar et qu'on revient par exemple sur le monopole qu'avait la SNCF, on dit : « c'est un crime de lèse-majesté » ; quand on permet à des jeunes d'être plus facilement… (brouhaha)…
JEAN-JACQUES BOURDIN
… sur la privatisation par exemple d'aéroports alors qu'on a privatisé à tort et maladroitement, et mal, les autoroutes ?
EMMANUEL MACRON
Mais ça n'a rien à voir ! Ca n'a rien à voir, on ouvre le capital de sociétés de gestion d'aéroports, d‘abord c'est difficile à délocaliser un aéroport, vous ne m'enlèverez pas ça de l'idée ; ensuite, ça n'a rien à voir avec les autoroutes, les autoroutes on a mal régulé pendant 10 ans cette privatisation, parce que les prix ont augmenté – vous le savez très bien – de manière éhontée et déconnectée de la réalité. Les aéroports, le contrat de régulation c'est l'Etat qui le dirige et qui le décide, l'ouverture de chaque ligne elle est décidée par l'Etat, l'aviation civile, donc ouvrir le capital c'est : 1) extrêmement profitable et bon pour le contribuable et 2) c'est pour se désendetter et réinvestir. Comment voulez-vous qu'on aille sauver PEUGEOT CITROEN comme on l'a fait il y a 18 ou 24 mois ? Comment voulez-vous qu'on puisse être crédibles sur ALSTOM où nous avons la possibilité de monter au capital ? Comment voulez-vous qu'on puisse aller recapitaliser des entreprises qui en ont besoin quand on ne décide pas de s'alléger dans des structures, des sociétés, où l'Etat n'est pas indispensable puisqu'il régule tout le reste ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Emmanuel MACRON, est-ce que les péages d'autoroutes vont augmenter ?
EMMANUEL MACRON
Il y a une négociation qui est en cours avec les sociétés autoroutières, le gel des péages fait partie de cela…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les péages vont augmenter ?
EMMANUEL MACRON
Vous avez vu qu'avec Ségolène ROYAL nous avons décidé de les bloquer jusqu'à la fin de la négociation - et puis dans cette loi nous avons le dispositif pour réguler les sociétés d'autoroutes, c'est-à-dire qu'une autorité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elles devaient augmenter en février...
EMMANUEL MACRON
Elles ne l'ont pas fait !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les sociétés d'autoroutes devaient augmenter les péages, si ça augmente…
EMMANUEL MACRON
Ca ne vous pas échappé qu'elles ne l'ont pas fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si ça augmente, ça augmentera quand ?
EMMANUEL MACRON
Ecoutez, moi je ne préempte pas les négociations, il faut avoir du respect pour ça, donc les négociations se finiront dans les prochaines semaines et à ce moment-là on le verra. Notre souhait c'est que ça n'augmente pas cette année, mais c'est surtout…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, pas d'augmentation cette année ?
EMMANUEL MACRON
C'est notre souhait ! Ne me faites pas dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est votre volonté ! Ce n'est pas tout à fait pareil.
EMMANUEL MACRON
Exactement ! Nous l'avons exprimé. Mais nous discutons, je veux dire ce qui est important c'est qu'il y ait des travaux qui soient faits, c'est que les prix soient régulés et que pour ces sociétés d'autoroutes nous pilotions la profitabilité, parce que ce que n'acceptent pas les Français c'est que des sociétés qui gèrent des autoroutes puissent avoir des profits très importants et parfois ils ont le sentiment sur le dos. Donc, il faut remettre tout ça en transparence.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous avez envie…
EMMANUEL MACRON
Et, ça, c'est dans cette loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous avez envie de faire de la politique, mais autrement, de faire de la politique sur le terrain, d'aller vous confronter aux électeurs, vous en avez envie ou pas ?
EMMANUEL MACRON
Ecoutez, aujourd'hui je fais de la politique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Vous faites de la politique, mais…
EMMANUEL MACRON
Et donc on m'a confié des responsabilités, je les assume, je fais de mon mieux pour…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous présenter devant les électeurs, est-ce que vous en avez envie ?
EMMANUEL MACRON
Les choses se feront à leur rythme !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous en avez envie ou pas ?
EMMANUEL MACRON
A leur rythme. Mais ça ferait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous aimeriez devenir député ? Vous êtes ministre, député, peut-être un jour - je ne sais pas moi - Premier ministre, président de la République, je ne sais pas Emmanuel MACRON, je…
EMMANUEL MACRON
Mais vous savez j'ai peut-être ce défaut, mais moi j'aime ce que je fais au moment où je le fais et je ne suis pas de celles et…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de plan de carrière !
EMMANUEL MACRON
Je ne suis pas de celles et ceux qui, à chaque moment de leur vie, pense à l'étape d'après, j'ai toujours fonctionné comme ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'êtes pas un vrai politique ? Non ! Vous venez du privé, mais c'est rare en politique…
EMMANUEL MACRON
Et alors ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Mais pas et alors. Mais c'est un atout ? C'est un atout…
EMMANUEL MACRON
Et, quand j'étais dans le privé, on me disait que j'étais un fonctionnaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un atout ?
EMMANUEL MACRON
Evidemment que c'est un atout, c'est un atout. Vous savez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes riche ?
EMMANUEL MACRON
Non ! Malheureusement, pas autant que les gens le pensent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Parce que ça été dit et écrit : « il est riche…
EMMANUEL MACRON
Oui ! Mais après ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est très riche » j'ai même lu.
EMMANUEL MACRON
C'est malheureusement faux pour moi, mais qu'importe, mais j'ai à un moment de ma vie gagné de l'argent pas suffisamment pour être riche aujourd'hui. Mais qu'importe ! Mais moi je suis libre et volontaire et donc, quand je décide de faire quelque chose, je le fais et je le fais jusqu'au bout, mais quand je fais quelque chose je ne pense pas au reste et pas de goût, d'état d'âme, etc., je suis ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique, je le serai jusqu'au dernier quart d'heure et je me battrai pour ça jusqu'au dernier quart d'heure.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement industrie numérique, quelles sont les lois prochaines après la loi Macron, quelles sont les lois prochaines, les grands chantiers que vous avez envie d'engager ?
EMMANUEL MACRON
On a un très grand chantier sur l'entrepreneuriat et le numérique !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! C'est-à-dire l'entrepreneuriat ?
EMMANUEL MACRON
Que j'ai engagé avec mes deux secrétaires d'Etat, Carole DELGA et Axelle LEMAIRE, c'est-à-dire que les Assises de l'entrepreneuriat vont être relancées et pour les…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelle est l'idée, l'objectif, inciter les Français à entreprendre ?
EMMANUEL MACRON
Permettre d'aller plus vite ! Plus fort, plus loin, pour les entreprises…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
EMMANUEL MACRON
Pour les petits entrepreneurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais qu'est-ce que vous allez leur apporter aux petits entrepreneurs, justement ?
EMMANUEL MACRON
Des aménagements très concrets !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lesquels ? Lesquels ?
EMMANUEL MACRON
C'est tout sur quoi nous allons travailler dans le trimestre à venir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Mais vous avez déjà des idées, j'en suis certain ?
EMMANUEL MACRON
J'en ai ! Mais pourquoi je vous les donnerais là ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien parce que, parce qu'ils attendent…
EMMANUEL MACRON
Vous êtes terrible ! On est en train de faire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais parce que moi j'avance, vous aussi vous avancez…
EMMANUEL MACRON
J'avance !
JEAN-JACQUES BOURDIN
La politique, c'est quoi ? C'est la vision !
EMMANUEL MACRON
Alors moi je vais vous dire, ce qu'on vient de travailler là – parce qu'on en a très peu parlé – qui est pour les entrepreneurs, les bons de souscription pour créateur d'entreprise c'est dans cette loi, on allège la fiscalité et les charges, donc tous les créateurs de start-up pourront intéresser leurs cadres beaucoup plus qu'ils ne le faisaient aujourd'hui ; la société, la libre participation, c'est-à-dire permettre de faire rentrer le capital risque beaucoup plus facilement, on le fait dans cette loi ; permettre aux entreprises d'être financées par d'autres entreprises, ce qui est une révolution, c'est la fin du monopole bancaire, c'est dans cette loi et, ça, nous l'avons fait dans l'hémicycle pour les petites entreprises…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pour aller plus loin, donc ?
EMMANUEL MACRON
Pour les petites entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pour les petites entreprises, pour les entrepreneurs, pour aller loin ?
EMMANUEL MACRON
Oui ! Mais je vais attirer votre attention sur une chose, je ne fais pas d'annonce, c'est-à-dire qu'il y a les annonces et la réalité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ?
EMMANUEL MACRON
Et les gens ne supportent plus cette déconnexion. Donc, ces éléments…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, donc, il y aura d'autres projets de loi avant la fin de l'année ?
EMMANUEL MACRON
Oui ! Sur ces sujets…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De ?
EMMANUEL MACRON
L'entrepreneuriat, le numérique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Entrepreneuriat et numérique, avant la fin de l'année ?
EMMANUEL MACRON
Avant la fin de l'année.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur le numérique ça peut être quoi ?
EMMANUEL MACRON
Eh bien sur le numérique c'est tout ce qu'on peut faire sur la donnée publique, l'accès à la donnée publique, là aussi pour permettre à des sociétés de se développer plus facilement à partir de celles-ci, entreprendre plus facilement en France, c'est de la simplification, c'est de la libération. Il y a un chantier sur la réforme du dialogue social qui s'engage dès demain autour du Premier ministre avec les syndicats qui est aussi une façon d'aller plus vite, plus fort, les Françaises et les Français l'attendent, parce que c'est comment moderniser notre dialogue social pour rendre notre économie plus efficace ; et puis l'industrie, on va réformer les plans industriels, réorganiser en profondeur les filières pour que ça fonctionne mieux. Ca, on n'a pas besoin d'une loi, on a besoin de volonté, d'huile de coude et de beaucoup de terrain.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Emmanuel MACRON, notre invité ce matin.Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 février 2015