Texte intégral
Nous avons fait un choix qui est un choix stratégique. Nous pensons que c'est abord aux Africains à mener l'action contre Boko Haram et c'est ce qui est en train de se faire. Bien sûr, nous avons alerté, nous avons facilité cette prise de conscience. Mais vous avez vu que plusieurs pays sont maintenant engagés dans la lutte contre Boko Haram. L'Union Africaine, elle-même, a décidé de mettre sur pied une force de 8.700 hommes. Nous les Français, nous venons en soutien à l'Union Africaine et nous allons aider à ce que cette initiative africaine soit soutenue au plan de l'organisation, de la formation, des financements (inaudible).
Mais la France - le président de la République a eu l'occasion de le dire - ne peut pas à elle seule résoudre tous les problèmes. Alors compte tenu de notre amitié traditionnelle avec les Africains, nous faisons tout ce que nous pouvons faire. Mais il faut qu'il y ait à la fois, comme c'est le cas, la détermination africaine et le soutien international. Et de ce point de vue-là, ce qui se fait ici est extrêmement intéressant parce que vous avez à la fois la force Barkhane qui est là pour lutter contre le terrorisme sur toute la région sahélo-sahélienne mais qui en même temps donne son concours dans la lutte contre Boko Haram pour que les Africains puissent vraiment être (inaudible).
Q - M. Déby a parlé de ses objectifs militaires dans le court terme. Est-ce qu'ils vont aller plus profondément dans le Nigeria ? Est-ce qu'ils vont rester derrière les frontières ?
R - Je ne vais pas vous révéler de grands secrets. Mais ce qui a déterminé l'action du président Déby - qui est une action extrêmement courageuse - c'est que les menaces et les exactions de Boko Haram représentent un risque économique extrêmement lourd pour le Tchad. En particulier il est très important que la route qui est entre N'Djamena et Douala puisse être libre. À partir du moment où de Boko Haram prendrait le contrôle de cette route, le Tchad est étouffé et il y a un problème symétrique de l'autre côté du côté du Niger. La décision courageuse qu'a prise le président Déby, appuyé par d'autres pays, Niger et Cameroun, est une décision nécessaire compte tenu à la fois des exactions épouvantables de Boko Haram mais qui aussi du point de vue économique est tout à fait justifiée.
Q - Est-ce que vous avez senti le président Déby préoccupé par la sécurité au Tchad ?
R - Il y a des mesures de sécurité qui ont été prises et qui sont tout à fait légitimes car il faut bien voir qu'entre Boko Haram et N'Djamena il y une centaine de kilomètres. Évidemment il suffit de regarder une carte. Le Nord du Nigeria est beaucoup plus près de la capitale du Tchad que du Sud du Nigeria. Bien évidemment il y a des mesures de sécurité à prendre, elles ont été prises et le président Déby a fait tout ce qu'il faut faire. Mais, au-delà, je pense que c'est la prise de conscience par nos amis du Tchad, du Cameroun, du Niger notamment, des autorités du Nigeria de la menace considérable que fait peser Boko Haram sur l'ensemble de la sous-région. Parce que il faut ajouter que l'on n'est pas très loin de la Centrafrique, du Soudan, qu'on n'est pas non plus très loin de la Libye.
Ici, vous avez, à travers le Tchad, le Cameroun, le Niger, une zone de stabilité et il faut éviter que ce soit déstabilisé. Et donc nous Français, Européens, communauté internationale, nous ne pouvons pas nous désintéresser de ça. Ce n'est pas seulement une question humaniste, une question d'amitié, c'est nécessaire aussi à notre propre stabilité. Bien évidemment - et c'est un autre aspect sur lequel le président Déby a insisté ; il a raison - c'est que tout cela a un coût. D'abord les prix du pétrole se sont effondrés et on a à faire à des États qui avaient une partie de leurs ressources provenant du pétrole et d'autre part tout cela coute très cher et ce sont des pays qui n'ont pas des moyens considérables. Je parle du Cameroun, du Niger et du Tchad. Il faut que la communauté internationale puisse apporter son appui à ces pays, en particulier au Tchad.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 février 2015