Texte intégral
Q - Pourquoi l'inquiétude est-elle toujours là ? L'épidémie est contenue, disait il y a peu l'Organisation mondiale de la santé...
R - L'épidémie est contenue, mais elle est toujours là. L'objectif, je vous le rappelle, c'est «zéro cas». Pour cela, il faut rester totalement mobilisé. On a bien vu qu'il va nous falloir encore accentuer notre action et rester mobilisés pour, nous l'espérons, atteindre «zéro cas» avant la fin de l'année, notamment - en ce qui concerne la France - en Guinée.
Q - Un plan «zéro cas» qui était notamment prévu par les trois pays les plus touchés d'ici le 15 avril ; cela paraît peu réaliste. Vous vous êtes déplacée à trois reprises sur le terrain, en Guinée notamment. Quelles sont les zones réinfectées et, surtout, pourquoi cette recrudescence ? Y-a-t-il un relâchement ?
R - Non, il n'y a pas de relâchement. Il y a un manque de confiance des populations sur place, de sorte que l'on voit aujourd'hui l'épidémie agir différemment, plutôt par petits foyers. Il faut donc aujourd'hui - c'est ce que l'on a fait avec la Guinée - construire des équipes de riposte mobiles qui interviennent dès qu'il y a un nouveau foyer.
Permettez-moi malgré tout de dire que cela fait aujourd'hui un an que l'équipe française a diagnostiqué ce virus Ebola, que l'Europe s'est largement mobilisée et la France également. Je crois qu'il faut dire combien nous en sommes fiers mais combien il faut rester mobilisés.
Je voudrais aussi dire à cette occasion qu'il y a aujourd'hui d'autres urgences qu'Ebola autour de la santé : l'urgence alimentaire, qu'il faut traiter ; l'urgence aux côtés de la jeunesse, avec ces jeunes et ces enfants isolés, déscolarisés pour ces enfants en Guinée, mais aussi dans les autres pays touchés.
Et puis, c'est aussi aujourd'hui l'occasion de dire que cette solidarité, qui a été massive pendant cette crise et qui continue, devra également accompagner ces pays dans la durée avec des stratégies régionales et nationales. C'est aussi l'occasion de rappeler que la France a toujours été présente en Guinée : ce sont plus de 600 personnes qui sont mobilisées en France autour de cette question ; c'est une compagnie aérienne, Air-France, qui n'a jamais cessé ses liaisons ; c'est un lycée français qui a ouvert en septembre dernier ; ce sont des milieux économiques qui sont, malgré tout restés sur place.
Je crois que la France a été très mobilisée en Guinée et il faut dire que c'est tous ensemble que nous avons réussi cette mobilisation.
Q - On salue bien entendu le travail de Médecins Sans Frontières, en première ligne, notamment en Guinée. Vous vous félicitez de la solidarité de la France et de l'Europe, justement l'aide promise par la Communauté internationale s'élève à 5 milliards de dollars. Où en sont les promesses ? L'argent a-t-il été versé en totalité ?
R - Pas en totalité, il n'a pas été en totalité décaissé. Vous savez, aujourd'hui, pour l'Europe, c'est 1,3 milliards ; en ce qui concerne la France et la partie guinéenne, c'est 160 millions d'euros. Ce sont des sommes qui sont aujourd'hui utilisées dans l'urgence, qui vont être utilisées sur les autres urgences Ebola et, également, autour de la reconstruction : la reconstruction du système de santé, mais aussi des éléments socio-économiques car ces pays ont largement été touchés dans leur croissance, dans leur développement économique. Il faut pouvoir les remettre sur les rails d'un développement durable. J'insiste beaucoup sur la solidarité parce qu'en cette année 2015, la solidarité est au centre de toute notre action, en matière de développement mais aussi dans le domaine climatique.
Q - Sans argent, la lutte est un peu plus difficile, est-ce qu'on a des engagements ? Vous êtes à cette réunion, que faut-il en attendre ? Y-a-t-il des mesures concrètes ? Est-ce que l'argent va arriver, va être débloqué ? Où en est-on ?
R - Cela avance petit à petit. L'objectif de cette réunion n'est pas de mobiliser, là, des sommes complémentaires, c'est de faire un bilan, de voir quelle expérience nous tirons de cette crise, de la manière dont nous sommes intervenus. Il s'agit aussi de faire en sorte que plus jamais on ne prenne du temps pour réagir, car il faut avouer que nous avons pris un peu de temps. En disant «nous», j'entends la communauté internationale et, notamment, le déclenchement des actions avec l'OMS. Il y a eu l'appel de Médecins Sans Frontières qui a produit un électrochoc.
Aujourd'hui, c'est tout cela que l'on veut analyser pour mettre à l'avenir des dispositifs qui répondent à toutes ces problématiques nouvelles de crises qui pourraient nous arriver en matière sanitaire, notamment en Afrique.
Donc, il n'y a pas que le volet financier dont il est question. Nous avons de grands rendez-vous : à Washington au printemps ; en juillet prochain en Guinée, où nous pourrons effectivement finaliser la stratégie d'accompagnement de ces pays vers un nouveau développement économique.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 mars 2015