Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, en hommage à Jean Zay, un homme politique français emprisonné en octobre 1940 par le gouvernement de Vichy et assassiné en juin 1944 par la Milice, à Paris le 4 mars 2015.

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Circonstance : Ouverture de la journée consacrée à « Jean Zay au Panthéon », à Paris le 4 mars 2015

Texte intégral


Monsieur le Préfet,
Madame l'adjointe au maire de Paris,
Monsieur le professeur Antoine Prost, président de l'association des amis de Jean Zay,
Madame Nicole Dorra, présidente de Ciné Histoire,
Mesdames et messieurs les représentants du monde combattant,
Mesdames et messieurs les intervenants,
Mesdames et messieurs, chers amis,
Le 27 mai prochain, nous vivrons un moment exceptionnel de rassemblement patriotique et de fierté nationale : Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay feront leur entrée au Panthéon.
« Le Panthéon ne peut pas être un mausolée, rappela le Président de la République au Mont Valérien le 21 février 2014. Le Panthéon, c'est un lieu de vie, un lieu d'éducation, un lieu que l'on visite ou que l'on doit visiter davantage. Un lieu de culture. Un lieu où la République s'incarne et se partage. Un lieu où chacun doit ressentir, quand il y pénètre, à la fois l'inspiration, l'émotion et l'exemple ».
Et c'est ce que ces quatre figures nous inspirent. Nous devons veiller à ce que nos concitoyens sachent ce qu'incarnent et représentent ceux qui rejoindront la place des grands Hommes.
Oui le Panthéon honore les grands Hommes de la Patrie républicaine, qu'ils soient des hommes, des femmes, des artistes, des écrivains, des scientifiques, des personnages politiques ou qui ont marqué l'histoire.
Le Panthéon, c'est aussi un hommage immortel rendu à celles et ceux qui ont fait les gloires de la République. C'est l'hommage qui survit aux Hommes. Et avec ces 4 figures, c'est tous ceux qui furent animés par l'esprit de Résistance qui recevront l'hommage de la Nation.
Tous ceux dont la Nation a salué la mémoire en faisant entrer Jean Moulin au Panthéon il y a 50 ans. Jean Moulin dont l'engagement a permis de témoigner jusqu'où le courage des hommes peut s'exprimer.
Tous ceux, sans uniforme, parfois sans armes, mais dotés d'un courage et d'un esprit de sacrifice exceptionnels, qui sont devenus des exemples universels.
Tous ceux qui n'ont pas survécu à la guerre, tombés sous les balles ennemies, disparus dans la nuit des combats et de l'Occupation, emportés dans les camps de l'horreur.
Tous ceux dont l'engagement, le courage, le sacrifice de la vie parfois, furent le terreau sur lequel refleurit la liberté.
Tous ceux qui ont fait entrer en résonance ces deux mots, honneur et Résistance. Leur honneur fut de résister. Et leur Résistance fut l'honneur de la France.
Je veux remercier très chaleureusement l'association Ciné Histoire et tout particulièrement sa présidente, madame Nicole Dorra, pour son engagement, son investissement, l'énergie et le cœur qu'elle met à diffuser toutes ces mémoires qui font notre richesse par des films et documentaires, l'image animée étant sans doute l'une des plus belles expressions du souvenir.
Je veux associer à ces remerciements la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, et l'Office national des Anciens combattants et victimes de guerre, partenaires de ce cycle.
Je n'ai pas besoin de revenir ici en détails sur l'itinéraire et le parcours exceptionnels de Jean Zay. Le récit de sa vie, vous le connaissez. Et les mots manquent parfois pour traduire ce que fut son engagement.
Il est celui d'un citoyen exemplaire viscéralement attaché à la République et à la France comme il en a fait la démonstration dans toutes les étapes de sa vie.
Ses grands-parents paternels, originaires d'Alsace, avaient opté pour la France en 1871, en venant s'installer à Orléans. Jean Zay est né et a grandi dans une famille qui a fait le choix de la France.
Faire le choix de la France, quand on est ministre chargé des Anciens combattants mais surtout quand on est Mosellan, on sait ce que cela veut dire, on sait ce que cela représente. Ce patriotisme, Jean Zay a su l'exprimer au cours de sa vie, en donnant à la France des preuves d'amour.
Dès 1916, l'un de ces devoirs est cité par l'inspection d'académie comme un symbole de patriotisme, exaltant le sacrifice au nom de la France. En 1936, il vote le budget de la défense nationale, ce dernier prévoyant un réarmement et une augmentation des crédits militaires.
En 1939, lorsque la guerre éclate, il s'engage volontairement au sein de l'armée : « Je désire partager le sort de cette jeunesse française pour laquelle j'ai travaillé de mon mieux au gouvernement depuis quarante mois. Je demande donc à suivre le sort normal de ma classe », écrit-il.
Alors qu'il séjourne en Lorraine, son courage et son dévouement, au sein de la 4earmée, sont attestés par ses chefs militaires. En 1940, il embarque à bord du Massilia afin de poursuivre le combat en Afrique du Nord. Avec les 80 parlementaires qui refusèrent les pleins pouvoirs à Pétain, ces hommes faisaient faire à la France ses premiers pas dans la Résistance.
Faire le choix du réarmement, de la défense nationale puis de la guerre contre le nazisme quand on a toujours tenu un discours pacifiste, c'est faire preuve d'un grand patriotisme.
Des preuves d'amour, Jean Zay n'a pas manqué non plus d'en donner à la République.
Comme ministre de l'éducation nationale, il tient à faire de l'école le lieu privilégié de la transmission du patriotisme républicain et des valeurs de liberté et de laïcité. Et je dois dire qu'ayant été au lycée Jean Zay de Jarny en Meurthe-et-Moselle, j'ai toujours associé à son nom à l'école de la République.
Son combat républicain se poursuit jusque dans la prison de Riom où il est incarcéré après le procès du 4 octobre 1940. Durant quatre années, il ne cesse de réfléchir et de travailler aux réformes qu'il pense nécessaires pour rétablir la République à la Libération.
Dans l'ombre de l'occupation et des murs de la prison, Jean Zay dessinait déjà le visage de la France de demain.
Une France qu'il n'aura pas le temps de connaître. Le 20 juin 1944, il est assassiné par trois miliciens dans un bois, près d'une carrière abandonnée, au lieu-dit Les Malavaux.
Jean Zay tomba, trouvant la force d'un dernier souffle pour s'écrier « Vive la France ». Il l'aimait tant la France qu'il venait de lui offrit sa vie.
Oui, Jean Zay, c'est le patriotisme. Jean Zay, c'est la République. Jean Zay, c'est l'esprit de Résistance dont il a toujours témoigné, non pas seulement par les mots, les discours et les promesses mais surtout par les actes et les engagements.
Voilà ce que fut Jean Zay.
Et je veux remercier l'ensemble des intervenants qui se mobilisent à travers leurs écrits, leurs documentaires, leurs interventions, leurs actions mémorielles pour faire connaître cet homme d'actes et d'engagements.
Mesdames et messieurs, le parcours de ce patriote républicain ne peut que se terminer au Panthéon des Grands Hommes. Ceux qui brandissent aujourd'hui son poème rédigé en 1924, que l'on ne peut lire qu'à l'aune d'un contexte nourri du rejet du patriotisme guerrier, oublient que l'auteur ne l'a jamais publié et s'en est expliqué en 1936 devant la Chambre des députés.
Je le cite : « Si le texte qui a été produit était, et ce n'est pas le cas, l'expression d'une opinion sérieuse et réfléchie, l'homme que je suis le repousserait avec horreur et, ayant voté ici les crédits concernant la défense nationale, attesterait avec force, quels que puissent être les commentaires, la loyauté de son patriotisme ».
Les critiques dont Jean Zay est aujourd'hui victime trouvent malheureusement une forte résonnance dans le combat mené contre lui par l'extrême-droite dans les années 1930. L'utilisation du texte rédigé à 19 ans comme une arme politique est alors emblématique d'une période nourrie de haine et d'antisémitisme.
C'est pourquoi on ne peut tolérer un retour à de telles attaques à l'heure où la Nation est appelée à se rassembler autour de son Histoire et à se montrer intransigeante avec les négateurs des valeurs républicaines.
Jean Zay, à l'instar d'un Jean Jaurès à qui personne ne reproche d'être un humaniste pacifiste, a toute sa place au Panthéon : pour ce qu'il a fait en tant que militant de la République et pour ce qu'on lui a fait subir pour avoir incarné la République.
Mesdames et messieurs, des figures comme celles de Jean Zay, de Pierre Brossolette, de Germaine Tillion et de Geneviève de Gaulle-Anthonioz doivent s'élever en exemples. Ils ont incarné le combat pour la justice et la liberté. Ils ont incarné cette France debout que la haine et la violence de certains avaient voulu mettre à terre. Ils ont incarné cette immense foi en la France.
Une France pour laquelle ils étaient prêts à donner leur vie. Ils resteront à jamais le combat de demain. C'est tout l'enseignement de Germaine Tillion : « Rien n'est jamais acquis. Notre devoir de vigilance doit être absolu », a-t-elle écrit.
L'entrée de ces quatre figures au Panthéon, lieu d'une mémoire républicaine à la fois partagée et apaisée, sera l'occasion d'une grande cérémonie qui se veut le prolongement de la marche républicaine et du sursaut national que les terribles événements de ce début d'année imposent à notre société.
Je souhaite que l'ensemble de nos concitoyens y soient associés, et notamment la jeunesse, architecte de la Nation de demain. Celle que Jean Zay esquissait déjà dans « Souvenirs et solitude », rédigé en prison où sa plume était devenue Résistance, et dont je tiens à vous lire un extrait en guise de conclusion.
« La jeunesse fait partie intégrante de la Nation. (...) Elle ne doit rester étrangère à aucun plan d'avenir. Elle doit inspirer et animer les grandes pensées gouvernementales. Mais elle ne demande pas à faire bande à part. Ce qu'elle réclame surtout, c'est qu'on lui fasse confiance ».
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 6 mars 2015