Texte intégral
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Ministre d'Etat,
Madame et Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes heureux de vous rencontrer, Mesdames et Messieurs de la presse, dans le cour de cette visite officielle en France du Premier ministre Lucien Bouchard, qui a commencé hier avec une rencontre avec le président de la République, avec les représentants du monde des entreprises et du patronat, avec des premiers entretiens entre ministres qui s'est poursuivi hier soir par un dîner amical que j'ai eu le plaisir et l'honneur d'offrir à la délégation québécoise, qui s'est prolongé ce matin par des entretiens et des discussions de travail, de façon à déboucher sur le relevé de décisions que nous venons de signer ce matin, qui se poursuivra dans la journée par d'autres rencontres entre des ministres qui n'auront pas pu se voir ce matin. Je pense notamment au ministre de la Culture en raison d'un engagement à Bruxelles qui était celui de Mme Trautmann, et qui se poursuivra ce soir par le dîner que le Premier ministre Bouchard a bien voulu donner en réponse à notre accueil d'hier soir.
Cette visite se fait dans un climat d'amitié. Il se trouve que je connaissais le Premier ministre et chacun des ministres présents, même si dans certains cas, les rencontres avaient pu être relativement fugitives. Dans d'autres, elles étaient plus approfondies et régulières. Et je crois que ce hasard témoigne du caractère naturel des liens qui se sont noués à travers les années entre le Québec et la France, et entre des personnalités québécoises et françaises.
Cette amitié entre Québécois et Français est pour nous quelque chose de profond et de naturel, en même temps que nous devons à chaque fois prolonger. Car au-delà de ce qui nous rapproche, une langue que nous vous faisons pourtant chanter autrement, ce qui en montre la force, la vivacité, la plasticité, la capacité de bouger, en dehors des liens culturels et de l'admiration réciproque que nous portons pour nos créateurs, nos artistes, et cela de plus en plus se fait dans les deux sens, au-delà des liens économiques qui s'approfondissent et se développent, je crois que ce qui me frappe surtout, après ces deux jours, c'est le caractère de modernité de cette relation.
Nous avons souvent raisonné en termes d'enracinement, de redécouverte, de retour aux racines ou aux sources, et je crois en réalité que le thème qui domine aujourd'hui, sans que tout cela soit effacé, est celui de la modernité, le Québec nous apparaissant comme un terre de modernité, et la France elle-même, je crois, dans beaucoup de domaines, étant à l'avant-garde d'un certain nombre d'évolutions du monde.
Nous avons eu donc un travail ce matin qui a débouché sur ce relevé de décisions. Je ne vais pas vous le présenter longuement dans la mesure où il vous est remis.
Il traite d'abord du renforcement de la relation directe et privilégiée entre la France et le Québec, et met notamment en place un mécanisme de concertation régulière au niveau des hauts fonctionnaires du ministère français des Affaires étrangères et ministère québécois des Relations internationales.
Il insiste ensuite, et c'était je pense l'objet de cette visite, sur la dimension stratégique de la relation économique entre le Québec et la France. Ce déplacement était véritablement sous l'égide des relations économiques, et nous ne pouvons que nous réjouir, les deux Premiers ministres, de la trentaine d'accords qui ont été signés entre entreprises françaises et québécoises.
Le relevé de décisions parle également des nouveaux axes de développement de la coopération, en particulier dans le domaine de l'innovation technologique, de l'emploi, et les problèmes d'emploi sont au coeur de nos préoccupations. On a même vu un grand responsable patronal français faire référence au sommet québécois sur l'économie et l'emploi. Je ne doute pas que cela nous inspirera pour déboucher, à partir de nos propres réflexions, sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Nous avons naturellement eu le souci de moderniser la coopération franco-québécoise avec une réforme de la commission permanente, avec la tenue en 1999 d'une saison du Québec à Paris, avec des projets menés au Québec de restauration, de lieu symbolique comme ceux des nouvelles casernes, avec une série d'accords auxquels nous pensons parvenir, et qui seront discutés notamment cet après-midi dans le domaine culturel et cinématographique.
Le soutien aux activités de l'Office franco-québécois de la jeunesse, naturellement, est pour nous tout à fait essentiel, et l'année prochaine verra son trentième anniversaire auquel il faut déjà songer.
Enfin, des échanges ont eu lieu, particulièrement au niveau des ministres des Affaires étrangères, sur la réforme, l'évolution de la Francophonie, sur lesquelles les visions des deux parties sont proches.
Voilà donc l'essentiel de ce que je voulais vous présenter. Je veux redire ma joie, mon plaisir d'avoir accueilli le Premier ministre Bouchard et la délégation québécoise, et ma certitude que nos relations se développeront de façon privilégiée et amicale dans l'avenir.
Q - Il doit y avoir au Québec un troisième référendum sur la souveraineté du Québec et on aimerait peut-être avoir de votre part quelle serait votre attitude, parce que normalement ce sera toujours pendant votre mandat comme Premier ministre.
R - J'ai envie de vous dire qu'accompagner le Québec sur le chemin qu'il choisira ne veut pas dire le précéder, et que donc, si le gouvernement français avait à adopter une attitude, il le ferait en fonction d'événements réels et non pas en fonction d'événements qui ne se sont pas produits aujourd'hui.
Q - Monsieur le Premier Ministre, j'aimerais savoir si la reconnaissance de ce choix s'accompagne de la reconnaissance d'une espèce de principes qui sont liés également, comme celui du résultat, d'un référendum à la majorité simple, 50 % des voix, la reconnaissance ou le respect de principes comme l'intégrité du territoire, par exemple. Pouvez-vous nous éclairer un petit peu ?
R - Je crois que la réponse que j'ai donnée à la première question va valoir pour la seconde, c'est-à-dire que vous voulez me faire réagir sur des événements qui ne se sont pas produits, en des conditions que je ne connais pas et donc en l'espèce, je ne vois pas comment je pourrais entrer dans ce processus qui est le vôtre. Ce qui nous guidera à tout moment, c'est le respect de la démocratie et je vous le dis de nouveau, c'est au Québec que ces questions se posent, c'est plus largement au Canada que ces questions se posent. Elles ne se posent pas et aujourd'hui en France.
La façon dont vit depuis très longtemps, mais plus particulièrement depuis 30 ans, la relation et l'amitié entre le Québec et la France ne peut pas laisser de doute sur le fait que nous sommes proches et donc aux côtés du Québec. Mais pour autant, c'est en fonction de développements qui se produiront ou ne se produiront pas et qui relèvent de la libre décision des Québécois, de leurs autorités politiques, de la libre appréciation du Canada, des autorités politiques, que la France aura à se poser ce genre de question. Donc, certes, nous ne sommes pas indifférents, même si vous, vous êtes passionnés, mais nous ne sommes pas non plus en désir ou en volonté de tomber dans l'ingérence, pour utiliser les formules que nous connaissons tous. Quand vous voulez rester au seuil d'une pièce, le mieux est de ne pas ouvrir la porte. Je n'ai pas ouvert la porte de la première question, je ne vais pas ouvrir davantage la porte de la deuxième.
Q - Je ne vous demande pas de précéder la réalité, mais j'essaie de voir si vous adhérez à certains principes qui collent à cette réalité éventuelle, celui du respect du vote à la majorité simple, celui du principe de l'intégrité du territoire.
R - Le vote à la majorité simple n'est pas un principe. J'adhère au principe de la démocratie, c'est tout. Je vous assure, un Premier ministre français a suffisamment de problèmes en France avec les questions d'aujourd'hui, pour se poser ailleurs les questions de demain.
Q - Monsieur le Premier ministre, excusez-nous d'insister, mais...
R - Je sens que nous allons insister de concert.
Q - M. Chirac, quand il était maire de Paris, avait bien dit assez clairement que la France devrait être parmi les premiers pays à reconnaître la souveraineté du Québec advenant une victoire à un référendum. Est-ce que vous adhérez aussi à ce principe en tant que Premier ministre français ?
R - Ce qui m'importe aujourd'hui, c'est ce que dit M. Chirac, président de la République. Et le président de la République française aujourd'hui, ou plus exactement hier, mais cet hier est aujourd'hui, a dit "nous accompagnerons le Québec sur le chemin qu'il choisira". Et c'est de la même façon ce que pense le gouvernement français, qui en même temps redit par ma bouche que "accompagner n'est pas précéder ".
Q - Quelle évaluation faites-vous du nationalisme québécois aujourd'hui ?
R - Il est étrange que ce que nous essayons de décrire de la relation franco-quebécoise dans sa vie, dans son inspiration et dans ses résultats, ou parfois dans ses intentions, ne provoque pas votre intérêt. Je pense que nous pourrions peut-être davantage parler de ce que nous avons décidé de faire ensemble. Pour moi, il est très difficile de faire des commentaires sur les courants politiques, dont je ne suis pas sûr d'ailleurs qu'ils revendiquent le mot nationalisme, qui selon les époques, selon les régions et selon les acceptions qu'on donne à ce mot, peut recouvrir des réalités politiques ou des références de valeur extrêmement différentes.
Il y a le nationalisme du XlXème siècle, qui a fécondé l'évolution des peuples vers la démocratie. Il y a eu des formes de nationalisme au XXème siècle qui nous ont paru des démarches régressives. Et j'ai entendu souvent mes amis québécois s'exprimer au nom du souverainisme, par exemple. Je ne me souviens pas d'avoir souvent entendu dans leur bouche, en tout cas en me parlant à moi, le mot du "nationalisme", ce qui ne veut pas dire que le problème ne puisse pas être posé autrement, autour de l'idée d'une nation. Donc, honnêtement, je ne considère pas qu'il soit de mon obligation, au-delà des échanges que nous pouvons avoir sur le plan amical ou sur le plan politique d'avoir à commenter ou à donner ma définition de ce que serait aujourd'hui le nationalisme québécois.
Q - Monsieur le Premier ministre, vous avez dit que vous feriez votre évaluation en fonction des développements au Québec et de la libre-appréciation du Canada. Ce que j'aimerais vous demander, c'est quelle portée accordez-vous à la position du gouvernement du Canada dans le débat sur la souveraineté du Québec ?
R - Mais il ne me semble pas m'être exprimé sur la position du gouvernement québécois devant nous ce matin et à aucun autre moment. Donc, je ne vois pas pourquoi je devrais m'exprimer sur une position supposée du gouvernement canadien, le Canada étant un pays avec lequel nos relations sont nombreuses, constantes, amicales sur beaucoup de plans, que ce soit le plan économique, le plan diplomatique, le plan là aussi culturel. Donc, nous sommes tout à fait attachés à la qualité, à l'ancienneté, à la chaleur de nos relations avec le Canada. Cela ne me paraît pas en cause, ni aujourd'hui, ni d'ailleurs demain.
Q - Vous avez dit que la France accompagnera le Québec sur le chemin que le Québec choisirait. Mais peut-être pouvez-vous m'expliquer comment est-ce que la France accompagnera le Québec, puis aussi respectera les termes de l'Accord de Helsinki qui normalement dit qu'un pays doit respecter l'intégrité territoriale des autres pays comme le Canada.
R - Je vais essayer de répondre de la façon aussi courtoise que possible à une insistance qui témoigne d'une ténacité qui fait partie des qualités qui vous sont généralement prêtées. Alors je ne voudrais pas être en reste en matière de ténacité. Je dirais que le moment venu, nous aurons à nous exprimer sur des événements réels. Vous savez, vous pouvez essayer, d'autres l'ont fait avant vous, y compris dans la vie politique française, et il est rare qu'on ait obtenu de moi une réponse que je ne voulais pas donner, surtout quand j'en ai déjà donnée une.
Q - C'est une autre controverse qu'il y a eu au Canada concernant un timbre commémorant la visite du président de Gaulle il y a trente ans. Le gouvernement précédant avait suspendu sa publication et le vôtre a fait la même chose. Est-ce qu'on doit s'attendre à un maintien de cette suspension étant donné ce que vous venez de dire, pour ne pas franchir le seuil de la porte. On aimerait avoir des éclaircissements là-dessus.
R - Ce n'est pas un problème dont j'ai été particulièrement saisi avec des éléments nouveaux récemment, dont là ce n'est pas le refus de répondre. D'ailleurs, j'ai donné une réponse qui était véritablement celle que je voulais donner et que les journalistes qui sont revenus avec une certaine assistance sur ces questions ne prennent pas en mauvaise part, notamment la dernière d'entre eux, peut-être la pointe de crispation qui commençait à me saisir. C'est comme quand musculairement vous restez dans le même mouvement, vous tendez à vous tétaniser un peu. En réalité, à partir du moment où je voulais vous répondre d'une certaine façon, il fallait bien que je m'y tienne. Donc, je m'y suis tenu. Non, sur ce point, je dois dire que ce n'est pas un problème sur lequel j'ai des éléments nouveaux que je pourrais vous communiquer.
Q - (inaudible)
R - Ecoutez, non, je n'ai pas d'éléments précis à vous donner. Ce que je peux vous dire, de toute façon, c'est que notre attitude à l'égard de nos amis canadiens est justement celle de l'amitié.
Néanmoins, cette conférence de presse était sous le signe de l'amitié franco-québecoise.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 juin 2001)
Monsieur le Ministre d'Etat,
Madame et Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes heureux de vous rencontrer, Mesdames et Messieurs de la presse, dans le cour de cette visite officielle en France du Premier ministre Lucien Bouchard, qui a commencé hier avec une rencontre avec le président de la République, avec les représentants du monde des entreprises et du patronat, avec des premiers entretiens entre ministres qui s'est poursuivi hier soir par un dîner amical que j'ai eu le plaisir et l'honneur d'offrir à la délégation québécoise, qui s'est prolongé ce matin par des entretiens et des discussions de travail, de façon à déboucher sur le relevé de décisions que nous venons de signer ce matin, qui se poursuivra dans la journée par d'autres rencontres entre des ministres qui n'auront pas pu se voir ce matin. Je pense notamment au ministre de la Culture en raison d'un engagement à Bruxelles qui était celui de Mme Trautmann, et qui se poursuivra ce soir par le dîner que le Premier ministre Bouchard a bien voulu donner en réponse à notre accueil d'hier soir.
Cette visite se fait dans un climat d'amitié. Il se trouve que je connaissais le Premier ministre et chacun des ministres présents, même si dans certains cas, les rencontres avaient pu être relativement fugitives. Dans d'autres, elles étaient plus approfondies et régulières. Et je crois que ce hasard témoigne du caractère naturel des liens qui se sont noués à travers les années entre le Québec et la France, et entre des personnalités québécoises et françaises.
Cette amitié entre Québécois et Français est pour nous quelque chose de profond et de naturel, en même temps que nous devons à chaque fois prolonger. Car au-delà de ce qui nous rapproche, une langue que nous vous faisons pourtant chanter autrement, ce qui en montre la force, la vivacité, la plasticité, la capacité de bouger, en dehors des liens culturels et de l'admiration réciproque que nous portons pour nos créateurs, nos artistes, et cela de plus en plus se fait dans les deux sens, au-delà des liens économiques qui s'approfondissent et se développent, je crois que ce qui me frappe surtout, après ces deux jours, c'est le caractère de modernité de cette relation.
Nous avons souvent raisonné en termes d'enracinement, de redécouverte, de retour aux racines ou aux sources, et je crois en réalité que le thème qui domine aujourd'hui, sans que tout cela soit effacé, est celui de la modernité, le Québec nous apparaissant comme un terre de modernité, et la France elle-même, je crois, dans beaucoup de domaines, étant à l'avant-garde d'un certain nombre d'évolutions du monde.
Nous avons eu donc un travail ce matin qui a débouché sur ce relevé de décisions. Je ne vais pas vous le présenter longuement dans la mesure où il vous est remis.
Il traite d'abord du renforcement de la relation directe et privilégiée entre la France et le Québec, et met notamment en place un mécanisme de concertation régulière au niveau des hauts fonctionnaires du ministère français des Affaires étrangères et ministère québécois des Relations internationales.
Il insiste ensuite, et c'était je pense l'objet de cette visite, sur la dimension stratégique de la relation économique entre le Québec et la France. Ce déplacement était véritablement sous l'égide des relations économiques, et nous ne pouvons que nous réjouir, les deux Premiers ministres, de la trentaine d'accords qui ont été signés entre entreprises françaises et québécoises.
Le relevé de décisions parle également des nouveaux axes de développement de la coopération, en particulier dans le domaine de l'innovation technologique, de l'emploi, et les problèmes d'emploi sont au coeur de nos préoccupations. On a même vu un grand responsable patronal français faire référence au sommet québécois sur l'économie et l'emploi. Je ne doute pas que cela nous inspirera pour déboucher, à partir de nos propres réflexions, sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Nous avons naturellement eu le souci de moderniser la coopération franco-québécoise avec une réforme de la commission permanente, avec la tenue en 1999 d'une saison du Québec à Paris, avec des projets menés au Québec de restauration, de lieu symbolique comme ceux des nouvelles casernes, avec une série d'accords auxquels nous pensons parvenir, et qui seront discutés notamment cet après-midi dans le domaine culturel et cinématographique.
Le soutien aux activités de l'Office franco-québécois de la jeunesse, naturellement, est pour nous tout à fait essentiel, et l'année prochaine verra son trentième anniversaire auquel il faut déjà songer.
Enfin, des échanges ont eu lieu, particulièrement au niveau des ministres des Affaires étrangères, sur la réforme, l'évolution de la Francophonie, sur lesquelles les visions des deux parties sont proches.
Voilà donc l'essentiel de ce que je voulais vous présenter. Je veux redire ma joie, mon plaisir d'avoir accueilli le Premier ministre Bouchard et la délégation québécoise, et ma certitude que nos relations se développeront de façon privilégiée et amicale dans l'avenir.
Q - Il doit y avoir au Québec un troisième référendum sur la souveraineté du Québec et on aimerait peut-être avoir de votre part quelle serait votre attitude, parce que normalement ce sera toujours pendant votre mandat comme Premier ministre.
R - J'ai envie de vous dire qu'accompagner le Québec sur le chemin qu'il choisira ne veut pas dire le précéder, et que donc, si le gouvernement français avait à adopter une attitude, il le ferait en fonction d'événements réels et non pas en fonction d'événements qui ne se sont pas produits aujourd'hui.
Q - Monsieur le Premier Ministre, j'aimerais savoir si la reconnaissance de ce choix s'accompagne de la reconnaissance d'une espèce de principes qui sont liés également, comme celui du résultat, d'un référendum à la majorité simple, 50 % des voix, la reconnaissance ou le respect de principes comme l'intégrité du territoire, par exemple. Pouvez-vous nous éclairer un petit peu ?
R - Je crois que la réponse que j'ai donnée à la première question va valoir pour la seconde, c'est-à-dire que vous voulez me faire réagir sur des événements qui ne se sont pas produits, en des conditions que je ne connais pas et donc en l'espèce, je ne vois pas comment je pourrais entrer dans ce processus qui est le vôtre. Ce qui nous guidera à tout moment, c'est le respect de la démocratie et je vous le dis de nouveau, c'est au Québec que ces questions se posent, c'est plus largement au Canada que ces questions se posent. Elles ne se posent pas et aujourd'hui en France.
La façon dont vit depuis très longtemps, mais plus particulièrement depuis 30 ans, la relation et l'amitié entre le Québec et la France ne peut pas laisser de doute sur le fait que nous sommes proches et donc aux côtés du Québec. Mais pour autant, c'est en fonction de développements qui se produiront ou ne se produiront pas et qui relèvent de la libre décision des Québécois, de leurs autorités politiques, de la libre appréciation du Canada, des autorités politiques, que la France aura à se poser ce genre de question. Donc, certes, nous ne sommes pas indifférents, même si vous, vous êtes passionnés, mais nous ne sommes pas non plus en désir ou en volonté de tomber dans l'ingérence, pour utiliser les formules que nous connaissons tous. Quand vous voulez rester au seuil d'une pièce, le mieux est de ne pas ouvrir la porte. Je n'ai pas ouvert la porte de la première question, je ne vais pas ouvrir davantage la porte de la deuxième.
Q - Je ne vous demande pas de précéder la réalité, mais j'essaie de voir si vous adhérez à certains principes qui collent à cette réalité éventuelle, celui du respect du vote à la majorité simple, celui du principe de l'intégrité du territoire.
R - Le vote à la majorité simple n'est pas un principe. J'adhère au principe de la démocratie, c'est tout. Je vous assure, un Premier ministre français a suffisamment de problèmes en France avec les questions d'aujourd'hui, pour se poser ailleurs les questions de demain.
Q - Monsieur le Premier ministre, excusez-nous d'insister, mais...
R - Je sens que nous allons insister de concert.
Q - M. Chirac, quand il était maire de Paris, avait bien dit assez clairement que la France devrait être parmi les premiers pays à reconnaître la souveraineté du Québec advenant une victoire à un référendum. Est-ce que vous adhérez aussi à ce principe en tant que Premier ministre français ?
R - Ce qui m'importe aujourd'hui, c'est ce que dit M. Chirac, président de la République. Et le président de la République française aujourd'hui, ou plus exactement hier, mais cet hier est aujourd'hui, a dit "nous accompagnerons le Québec sur le chemin qu'il choisira". Et c'est de la même façon ce que pense le gouvernement français, qui en même temps redit par ma bouche que "accompagner n'est pas précéder ".
Q - Quelle évaluation faites-vous du nationalisme québécois aujourd'hui ?
R - Il est étrange que ce que nous essayons de décrire de la relation franco-quebécoise dans sa vie, dans son inspiration et dans ses résultats, ou parfois dans ses intentions, ne provoque pas votre intérêt. Je pense que nous pourrions peut-être davantage parler de ce que nous avons décidé de faire ensemble. Pour moi, il est très difficile de faire des commentaires sur les courants politiques, dont je ne suis pas sûr d'ailleurs qu'ils revendiquent le mot nationalisme, qui selon les époques, selon les régions et selon les acceptions qu'on donne à ce mot, peut recouvrir des réalités politiques ou des références de valeur extrêmement différentes.
Il y a le nationalisme du XlXème siècle, qui a fécondé l'évolution des peuples vers la démocratie. Il y a eu des formes de nationalisme au XXème siècle qui nous ont paru des démarches régressives. Et j'ai entendu souvent mes amis québécois s'exprimer au nom du souverainisme, par exemple. Je ne me souviens pas d'avoir souvent entendu dans leur bouche, en tout cas en me parlant à moi, le mot du "nationalisme", ce qui ne veut pas dire que le problème ne puisse pas être posé autrement, autour de l'idée d'une nation. Donc, honnêtement, je ne considère pas qu'il soit de mon obligation, au-delà des échanges que nous pouvons avoir sur le plan amical ou sur le plan politique d'avoir à commenter ou à donner ma définition de ce que serait aujourd'hui le nationalisme québécois.
Q - Monsieur le Premier ministre, vous avez dit que vous feriez votre évaluation en fonction des développements au Québec et de la libre-appréciation du Canada. Ce que j'aimerais vous demander, c'est quelle portée accordez-vous à la position du gouvernement du Canada dans le débat sur la souveraineté du Québec ?
R - Mais il ne me semble pas m'être exprimé sur la position du gouvernement québécois devant nous ce matin et à aucun autre moment. Donc, je ne vois pas pourquoi je devrais m'exprimer sur une position supposée du gouvernement canadien, le Canada étant un pays avec lequel nos relations sont nombreuses, constantes, amicales sur beaucoup de plans, que ce soit le plan économique, le plan diplomatique, le plan là aussi culturel. Donc, nous sommes tout à fait attachés à la qualité, à l'ancienneté, à la chaleur de nos relations avec le Canada. Cela ne me paraît pas en cause, ni aujourd'hui, ni d'ailleurs demain.
Q - Vous avez dit que la France accompagnera le Québec sur le chemin que le Québec choisirait. Mais peut-être pouvez-vous m'expliquer comment est-ce que la France accompagnera le Québec, puis aussi respectera les termes de l'Accord de Helsinki qui normalement dit qu'un pays doit respecter l'intégrité territoriale des autres pays comme le Canada.
R - Je vais essayer de répondre de la façon aussi courtoise que possible à une insistance qui témoigne d'une ténacité qui fait partie des qualités qui vous sont généralement prêtées. Alors je ne voudrais pas être en reste en matière de ténacité. Je dirais que le moment venu, nous aurons à nous exprimer sur des événements réels. Vous savez, vous pouvez essayer, d'autres l'ont fait avant vous, y compris dans la vie politique française, et il est rare qu'on ait obtenu de moi une réponse que je ne voulais pas donner, surtout quand j'en ai déjà donnée une.
Q - C'est une autre controverse qu'il y a eu au Canada concernant un timbre commémorant la visite du président de Gaulle il y a trente ans. Le gouvernement précédant avait suspendu sa publication et le vôtre a fait la même chose. Est-ce qu'on doit s'attendre à un maintien de cette suspension étant donné ce que vous venez de dire, pour ne pas franchir le seuil de la porte. On aimerait avoir des éclaircissements là-dessus.
R - Ce n'est pas un problème dont j'ai été particulièrement saisi avec des éléments nouveaux récemment, dont là ce n'est pas le refus de répondre. D'ailleurs, j'ai donné une réponse qui était véritablement celle que je voulais donner et que les journalistes qui sont revenus avec une certaine assistance sur ces questions ne prennent pas en mauvaise part, notamment la dernière d'entre eux, peut-être la pointe de crispation qui commençait à me saisir. C'est comme quand musculairement vous restez dans le même mouvement, vous tendez à vous tétaniser un peu. En réalité, à partir du moment où je voulais vous répondre d'une certaine façon, il fallait bien que je m'y tienne. Donc, je m'y suis tenu. Non, sur ce point, je dois dire que ce n'est pas un problème sur lequel j'ai des éléments nouveaux que je pourrais vous communiquer.
Q - (inaudible)
R - Ecoutez, non, je n'ai pas d'éléments précis à vous donner. Ce que je peux vous dire, de toute façon, c'est que notre attitude à l'égard de nos amis canadiens est justement celle de l'amitié.
Néanmoins, cette conférence de presse était sous le signe de l'amitié franco-québecoise.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 juin 2001)