Texte intégral
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Les turbulences sont derrière nous. Voilà le premier message que nous avons acté avec Sa Majesté le Roi qui a voulu nous recevoir cet après-midi, avec le chef du gouvernement, avec mon collègue et ami M. Mezouar et avec ceux que je vais voir, de nombreux membres du gouvernement marocain. C'est un voyage bref, mais important pour la France parce que il se résume en trois mots, la relance, le renforcement, et le renouvèlement.
La relance chacun comprend de quoi il s'agit. Le renforcement c'est l'approfondissement de nos liens, dans tous les domaines, et le renouvèlement parce que les choses sont ainsi faites, il faut que nous soyons ambitieux, audacieux dans tous les chapitres de notre coopération. Et ce voyage ne sera pas sans suite puisque dans quelques semaines le Premier ministre du gouvernement français sera ici, d'autres ministres aussi et, à son tour, le chef du gouvernement marocain sera en France avec nous fin mai-début juin, avec bien d'autres perspectives pour le reste de l'année. Le message que j'apporte entre aujourd'hui et demain c'est un message à l'ensemble de la population marocaine qui est un message de grande amitié et de confiance. Il y a eu des difficultés, elles sont maintenant derrière nous, et maintenant nous allons pouvoir continuer à faire de grandes et belles choses ensembles.
Il y a parmi vous, et je vous remercie beaucoup d'avoir pris votre temps pour venir m'accueillir, des responsables de différents secteurs, des responsables politiques, je salue en particulier les membres du gouvernement, les responsables économiques, sociaux, et puis les nombreux responsables du domaine de la culture, de l'éducation, merci d'être là.
Nous avons saisi cette occasion, pour marquer le lancement de la saison culturelle française au Maroc. Elle s'annonce exceptionnelle : dans douze villes du Royaume, plus de 300 jours de programmation sont prévus, une vingtaine d'événements majeurs, parmi lesquels une tournée très attendue de la Comédie-Française - je salue son administrateur général Eric Ruf. Les Marocains auront le plaisir et la chance d'admirer Georges Dandin à l'automne et j'aimerais bien que mes activités me laissent le loisir d'y assister.
Au cours de mes entretiens d'aujourd'hui à Rabat, la culture a été plusieurs fois abordée. Dans la période récente, quelles que purent être les turbulences, la culture marocaine a été mise à l'honneur : au Louvre, à l'Institut du Monde arabe, au nouveau Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille. Le public français a pu découvrir ou redécouvrir, la richesse extraordinaire du patrimoine marocain et la créativité de la nouvelle génération d'artistes. Et je sais que les Français ont été très nombreux à participer à ces manifestations.
Ici, au Maroc, plusieurs événements culturels très importants ont réunis nos deux pays. Le festival de littérature «Étonnants voyageurs» a rassemblé des écrivains majeurs des deux rives de la Méditerranée. En novembre, la Nuit de la philosophie, organisée à Rabat et Casablanca à l'initiative de l'École normale supérieure de Paris, a accueilli un très grand nombre de personnes, près de 10.000 jeunes Marocains désireux de débattre. Je me réjouis qu'il ait 10.000 jeunes Marocains qui s'intéressent directement, y compris la nuit, à la philosophie. Depuis la semaine dernière, le musée Mohammed VI d'art moderne et contemporain accueille l'exposition du Louvre consacrée au Maroc impérial. Et je pourrais allonger cette liste.
J'en tire une conclusion. Dans les temps que nous vivons, le besoin de défendre la culture se fait plus impérieux que jamais. Nous avons tous été consternés, bouleversés même, en découvrant les images du saccage par Daech du musée de Mossoul. Qu'est-ce que cela signifie ? Dans leur fureur destructrice, ces terroristes ne massacrent plus des femmes, des hommes, des enfants mais ils massacrent aussi des oeuvres d'art. Voilà qu'il y a quelques jours, ils s'en sont aussi pris à la cité historique assyrienne de Nimroud, détruite au bulldozer. Ils veulent tuer non seulement le présent mais également, détruire physiquement ses racines. Et je pense que c'est le propre des idéologies totalitaires : leur culture de la haine s'exprime par une haine de la culture.
Comme d'autres, nous nous sommes immédiatement mobilisés, aux côtés de l'UNESCO, pour condamner ces crimes. Et, parce que Daech même s'il le popularise moins cherche également à monnayer ce patrimoine, nous avons fait adopter aux Nations unies une résolution qui sanctionne les revenus tirés du pillage et de la contrebande de ce patrimoine. Ces attaques contre le patrimoine culturel de l'humanité doivent renforcer notre détermination à tous à combattre Daech : il est de notre devoir de ne pas laisser se propager cette barbarie.
Dans le monde actuel, chaotique et souvent extrêmement violent, nous avons d'autant plus besoin de la culture qu'elle porte des valeurs d'humanisme, de tolérance, de respect des différences, de dialogue. Souvent quand on m'interroge sur la culture, je répète que la culture n'est pas seulement un divertissement, c'est aussi un avertissement. Oui, un avertissement que l'autre existe, que la vraie richesse naît de l'échange, que l'enrégimentement et l'obscurantisme ne sont pas une fatalité. La culture doit nous aider, et ce n'est pas un luxe, à déjouer le piège qui nous est tendu par les terroristes. La culture doit nous permettre d'écarter le spectre de cette absurde prétendue «guerre des civilisations». Jamais nous n'avons eu autant besoin de nous parler et d'échanger de part et d'autre de la Méditerranée.
C'est l'ambition de la Saison culturelle que nous lançons ce soir. Le programme comporte plusieurs «temps forts». J'ai évoqué la Comédie-Française. Dans un autre domaine, Daniel Buren, avec plusieurs autres artistes contemporains, exposera des œuvres éphémères à proximité de monuments emblématiques du patrimoine marocain. Je citerai aussi le nom de Preljocaj, référence de la scène chorégraphique internationale, dont la compagnie présentera ici les pièces new-yorkaises. Je vous annonce également le lancement - c'est une première - d'un festival du film français au Maroc, qui réservera une place de choix aux talents français et marocains du 7ème art : Jamel Debbouze y est attendu. Enfin, je constate avec plaisir que la gastronomie française trouvera sa place dans le programme de la Saison culturelle, notamment le 19 mars prochain pour l'opération Goût de France qui verra 1 500 restaurants dans le monde mettre à l'honneur notre art culinaire.
C'est donc une Saison culturelle particulièrement riche, organisée au sein du plus grand réseau culturel français à l'étranger, qui commencera dans quelques jours. Elle illustre les deux mots d'ordre que j'évoquais au début de mon propos : renforcement et renouvellement. De nombreuses entreprises ont accepté de s'y associer - je les en remercie.
Mesdames et Messieurs,
Vous faites partie de ceux qui, hors de nos frontières, connaissez, que vous soyez Français ou Marocains, le mieux la France. Et je veux dire, parce que c'est encore tout proche de nous, que vous avez été nombreux, après les attentats de janvier qui ont frappé Paris, à vous sentir blessés avec la France. Vous avez été nombreux à vous joindre à l'élan de solidarité envers la France que ce soit par des messages de sympathie, des rassemblements publics, des publications. Je remercie les autorités et le peuple marocains, et d'abord Sa Majesté le Roi, pour ces marques d'amitié qui nous ont touchées, qui ont touché mon peuple. Elles nous rappellent que nos deux pays ont un rôle particulier à jouer, ensemble, dans la lutte contre le terrorisme et l'intolérance, des deux côtés de la Méditerranée. Ces liens entre le Maroc et la France, je souhaite que nous les renforcions encore.
Par la francophonie, d'abord. La francophonie marocaine, une des plus belles et des plus fortes du monde, joue un rôle majeur. Nous continuerons bien sûr de la soutenir. Je pense notamment aux sections internationales francophones qui se développent dans les lycées marocains. Elles existent dans près de 200 établissements. Nous devons poursuivre cet effort qui répond à un besoin exprimé par beaucoup de jeunes Marocains, qui y voient un atout pour leurs études et pour leur avenir professionnel.
Renforcer nos liens passe aussi par les échanges universitaires et scientifiques. La France accueille désormais 34.000 Marocains qui étudient en France et qui constituent la première communauté d'étudiants étrangers. Je souhaite, non seulement que notre pays continue d'accueillir des étudiants marocains en France, où ils sont les bienvenus et où leur niveau d'excellence est reconnu, mais aussi, comme elles ont commencé de le faire, que nos universités et grandes écoles participent à la formation d'étudiants marocains ici même au Maroc, dans le cadre de doubles diplômes franco-marocains. Pour une raison simple : c'est à la fois l'intérêt du Maroc et de la France. Le Maroc est un laboratoire de la nouvelle géographie universitaire mondiale. Il possède la capacité de devenir une plateforme d'innovation, un hub pour une formation universitaire de qualité - dans la région et sur l'ensemble du continent africain. Les établissements d'enseignement supérieur français doivent s'associer à des établissements marocains, pour proposer des formations co-diplômantes ambitieuses. Ils le font déjà mais ce mouvement doit être encouragé. À cet égard, je veux saluer la création prochaine d'une École centrale à Casablanca et d'un INSA international [Institut national des sciences appliquées] à Fès, au sein de l'Université euro-méditerranéenne, pour former des étudiants marocains et subsahariens. Nous avons tous à gagner à cette évolution.
Une autre voie pour renforcer nos liens est le réseau des anciens étudiants ou «alumni». J'ai décidé d'organiser ce réseau à l'échelle mondiale, avec la création il y a quelques mois de la plateforme Internet «France Alumni». Le Maroc a le réseau le plus important au monde d'anciens étudiants des universités françaises. Il a constitué, à l'initiative de l'ambassade, un «Conseil des alumni», qui est une force de propositions pour la coopération entre nos deux pays. Il aide aussi les jeunes étudiants marocains à revenir dans leur pays et y trouver une place qui valorise leurs compétences. Les alumni donnent enfin la possibilité à des jeunes qui n'en ont pas les moyens financiers de s'inscrire dans les écoles françaises présentes dans le Royaume. Je salue tous ceux qui sont associés à ce réseau France-Maroc, promis à un bel avenir. La France n'a pas les listes des centaines de milliers qui sont passés par ses écoles, nous devons faire ce réseau, et le Maroc en donne l'exemple.
Je veux enfin souligner les efforts accomplis pour faciliter la mobilité de nos populations. La France représente aujourd'hui le premier point d'entrée des Marocains au sein de l'espace Schengen, avec plus de 200 000 visas délivrés en 2014. Plusieurs mesures importantes ont été prises ces derniers mois. La délivrance de visas de circulation aux acteurs de la relation franco-marocaine et aux jeunes diplômés est désormais beaucoup plus systématique. Nous souhaitons poursuivre cette dynamique. Nous nous concentrons désormais sur l'amélioration des services rendus aux personnes qui souhaitent se rendre en France.
Au cours de cette visite très rapide, je parlerai culture, éducation, économie aussi, diplomatie économique, je parlerai climat parce que la France va accueillir à la fin de l'année ce qu'on appelle la COP21. Nous allons réunir à Paris 196 parties pour essayer de trouver un accord universel, ce serait le premier dans le monde, et qui permettrait à la planète de rester vivable. Et il se trouve qu'après la COP21 accueillie à Paris, la COP22 sera accueillie au Maroc. Et donc nous allons préparer aussi bien de Paris que la conférence de l'an prochain au Maroc, ensemble avec les représentants du gouvernement marocain, et j'ai dit, en plaisantant, à Sa Majesté que c'était très audacieux d'accueillir une COP et que lorsque la France a été désignée, le choix était facilité par le fait que nous étions les seuls candidats. Nous allons travailler étroitement en liaison avec nos amis marocains, de la même façon que dans tous les champs d'expansion de nos deux pays, nous avons décidé de continuer et même d'augmenter notre travail. Je pense que c'est le message principal qui est le mien, et celui aussi que vous souhaitiez entendre. Non pas pour flatter la réalité, parce que si vous êtes ici c'est que vous, comme moi, vous tenez à l'amitié entre la France et le Maroc, mais vous savez que celle-ci est fondamentale pour nos deux pays, pour l'équilibre de la région et de nos continents.
Le message de ce soir, nous avons de grandes et utiles choses à faire ensemble, elles passent en particulier par la culture. Merci non seulement de vous y associer mais d'en être les artisans.
Vive l'amitié entre le Maroc et la France !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mars 2015