Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Thierry MANDON, secrétaire d'État à la Réforme de l'État et à la Simplification, est l'invité d'I Télé ce matin. Bonjour.
THIERRY MANDON
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup d'être avec nous. L'INSEE a publié il y a quelques minutes : le taux de chômage en France au quatrième trimestre, il atteint 10 % en métropole, pour ce dernier trimestre 2014 et même 10,4 si on inclut l'Outremer. Alors, Jérôme LIBESKIND, notre spécialiste économique, nous disait que c'était la deuxième fois en 17 ans, seulement, que l'on passait cette barre symbolique des 10 %. Quel échec.
THIERRY MANDON
Oui, oui, les résultats ne sont pas là et c'est un taux très très élevée, c'est sur la dernière partie de l'année dernière
BRUCE TOUSSAINT
Quatrième trimestre.
THIERRY MANDON
qui n'intègre pas les peut-être durables, en tous cas les premiers bons résultats du début d'année. Mais oui, sur l'emploi, il faut continuer à agir, parce qu'on n'a pas réussi.
BRUCE TOUSSAINT
Qu'est-ce qui marche ?
THIERRY MANDON
Eh bien il faut de la croissance, c'est absolument indispensable. De ce point de vue là
BRUCE TOUSSAINT
Ce que je veux dire, c'est que l'emploi ça ne marche pas, est-ce qu'il y a autre chose qui marche, depuis trois ans ?
THIERRY MANDON
Ecoutez, économiquement, quand on regarde les choses de près, aujourd'hui on a les signes d'un début de réveil. Consommation maintenue, confiance des entreprises, reprise beaucoup trop timide de l'investissement privé, donc on a aujourd'hui enfin peut être, on est peut-être dans le moment où on va commencer à empocher des premiers résultats, mais c'est un travail long, parce que c'est un travail de réforme des structures de l'économie française.
BRUCE TOUSSAINT
Il reste deux ans, si on est un peu honnête on peut dire qu'il reste un an, parce que la dernière année sera en grande partie consacrée à la campagne présidentielle. Vous y croyez, vraiment, à l'idée d'un inversement de la tendance ?
THIERRY MANDON
Ah oui, oui oui, moi je crois que
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
THIERRY MANDON
D'abord il reste plus d'un an, on est début 2015 et les présidentielles c'est 2017, donc, considérons, peu importe, 18 mois, deux ans pleins. Moi je crois que dès cette année, la situation économique va se redresser et si nous continuons les efforts, y compris ceux que nous avons faits ces derniers temps avec la loi Macron par exemple, les premiers résultats sur l'emploi apparaitront, mais il faut réformer en profondeur notre économie, qui ne crée pas suffisamment d'emploi, qui ne crée pas suffisamment d'emploi par rapport aux qualifications disponibles dans notre population.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, dans ce contexte, les départementales, c'est dans dix jours, est-ce qu'il y est encore possible d'éviter pardon pour l'expression une raclée pour la gauche ?
THIERRY MANDON
Ah oui oui oui, je pense, oui. Je pense que ça ne sera pas une élection facile, on le sait, mais le gouvernement se bat, fait campagne, explique le sens de cette élection, explique le sens de ses réformes, et je crois que les résultats peuvent être moins mauvais que ceux que beaucoup prédisent.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, Thierry MANDON, justement, vous venez de dire une chose très importante, vous dites : le gouvernement a expliqué que le gouvernement fait campagne. C'est quand même très timide, non ? Est-ce que les enjeux sont bien compris par tous ceux qui nous regardent, là, ce matin, est-ce qu'on sait vraiment, précisément, ce qu'est un conseiller départemental, à quoi il va servir, la réforme des territoires, est-ce que justement ce travail pédagogique est fait ?
THIERRY MANDON
Non, vous avez raison, cette élection intervient dans un bouleversent institutionnel, qui redonne des nouvelles responsabilités aux régions, qui pousse les communes à se regrouper entre elles, et dans cette redistribution des cartes, le rôle du département est peut-être pas suffisamment clair. Mais il faut dire aux Français une chose très simple : le département c'est l'aide social. Un budget d'un département, pour plus de 50 %, c'est les handicapés, les retraités, la petite enfance, c'est toute l'action sociale, et il est donc non seulement important de voter aux départementales, pour consolider ces politiques auxquelles les Français sont très attachés, mais aussi de voter pour des gens qui croient en ces politiques, qui croient que l'action sociale en direction des handicapés, des retraités, que cette action là est déterminante, et de ce point de vue là ça peut orienter des choix politiques.
BRUCE TOUSSAINT
Vous passez votre temps, pas vous, mais le gouvernement passe son temps à nationaliser ce scrutin, même le président de la République dans son interview au Parisien Aujourd'hui en France, hier, en pointant du doigt le Front national, a nationalisé ce scrutin.
THIERRY MANDON
Oui, alors que c'est un scrutin comme tous les scrutins locaux, qui a une composante locale très forte. Les politiques, c'est des gens qui travaillent considère qu'il y a à peu près 50 % de déterminant local, et c'est vrai que dans les départements, moi je suis dans le département de l'Essonne, quand je regarde ce qui a été fait en matière de handicap ou en matière de petite enfance, je vois combien des électeurs essonniens, quoi qu'ils pensent par ailleurs de la politique gouvernementale, pourraient soutenir l'action du département sortant.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, je voudrais vous faire entendre Marine LE PEN, qui était à votre place hier matin, ici, sur I Télé, et qui évoquait cette, c'est vrai, cette obsession de l'UMP, du PS, du gouvernement et même de l'Elysée, pour le FN. Ecoutez.
MARINE LE PEN, PRESIDENTE DU FRONT NATIONAL
Je remarque que le Front national est devenu le toc de la classe politique française, c'est le trouble obsessionnel compulsif, dès qu'on leur tend un micro, ils n'ont aucune proposition, si ce n'est lutter contre le Front national. C'est le programme commun de l'UMPS.
BRUCE TOUSSAINT
Elle n'a pas tort.
THIERRY MANDON
On parle beaucoup trop du Front national, mais la réalité c'est que la vie politique est devenue tripolaire, et ça durablement. Il y a trois forces politiques : le PS, l'UMP
BRUCE TOUSSAINT
On a l'impression qu'elle est monopolaire, pardon, mais
THIERRY MANDON
Donc, on parle beaucoup du Front national parce que la vie politique a changé, mais le Front national ce n'est pas le sujet, le sujet c'est les électeurs aujourd'hui qui quand ils se saisissent du bulletin de vote Front national, font passer un message à l'ensemble de la classe politique. Marine LE PEN se trompe quand elle croit que ses électeurs sont des gens qui sont attachés à son programme. Ils n'y croient pas, la plupart n'y croient pas. Ce qu'ils veulent dire à la classe politique française, aujourd'hui, c'est : attention, il y a une rupture, vous ne nous entendez plus, il y a une rupture considérable entre nous, citoyens, et vous les élus qui dirigez, hier, aujourd'hui, donc il y en a pour tout le monde, et il faut repenser, c'est des réponses à cette crise démocratique, à cette crise économique et cette crise sociale.
BRUCE TOUSSAINT
Oui
THIERRY MANDON
C'est ça. Moi, ce qui m'intéresse, c'est les gens qui sont partis, que je trouve partis égarés au Front national, comment les faire revenir dans la République, voilà.
BRUCE TOUSSAINT
C'est un peu ce qu'a dit aussi François HOLLANDE quand il a parlé d'arracher les électeurs du FN. Vous, vous avez dit hier, d'ailleurs, devant les journalistes parlementaires, qu'il fallait reconquérir cet électorat. Comment ?
THIERRY MANDON
Alors, moi je crois que la crise principale du pays, aujourd'hui, il y a évidemment la crise économique et sociale dont tout le monde parle, mais il y a plus grave que ça, c'est la crise démocratique, c'est le fait qu'il y a des millions de Français qui ne se sentent absolument pas représentés par le discours public, qu'il soit de gauche, qu'il soit de droite ; c'est ce que Pierre ROSANVALLON appelle « les invisibles ». Ces gens là ont des problèmes, des gros problèmes, et des tous petits problèmes du quotidien. Face à ces problèmes, il n'y a personne. Il y a des services publics qui ferment, il y a des territoires dans lesquels les usines ferment, il y a des élus ou des administrations qui ne répondent pas aux demandes, et c'est ces plaies là qu'il faut d'abord entendre et ensuite ça sera long, auxquelles il faut répondre. Ça demande un renversement des perspectives
BRUCE TOUSSAINT
Ça sera long ou c'est insoluble ?
THIERRY MANDON
Non, non non, ça veut dire que la politique doit réinvestir la proximité et l'empathie avec les douleurs de la société. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que par exemple, je prends l'Etat dont je m'occupe, ces dernières années on a fait de gros efforts de réorganisation de l'Etat, d'économies avec monsieur SARKOZY avait dit « on ne remplacera pas un fonctionnaire sur deux », et il a coupé une bonne partie des fonctionnaires de terrain. Il faut réinvestir les territoires, réinvestir le terrain, pour que face à eux, face aux problèmes, les Français aient des interlocuteurs.
BRUCE TOUSSAINT
Je vais vous poser une question que, à mon avis les gens, « se posent entre eux », comme ça, dans les dîners, dans les conversations à la machine à café, vous croyez qu'elle sera un jour présidente de la République, Marine LE PEN ?
THIERRY MANDON
Eh bien le risque existe.
BRUCE TOUSSAINT
Non mais ce n'est pas tout à fait ma question.
THIERRY MANDON
Il se trouve, je vais vous répondre, vous qui avez bien suivi la vie politique américaine, avant j'allais souvent aux Etats-Unis avant l'élection d'OBAMA, « jamais un président de couleur sera élu aux Etats-Unis », voilà, et il a été élu. Donc il n'y a jamais de jamais en politique, il n'y a jamais de jamais, et donc moi je ne veux pas prendre ce risque et je pense qu'il faut, si on veut reconquérir l'électorat égaré au Front national, il faut prendre, partir de la reconquête démocratique, comprendre que c'est cette distance entre les Français et la vie publique, qu'il faut colmater et faire un travail de très long terme de recrédibilisation de la démocratie.
BRUCE TOUSSAINT
Si la gauche paraissait unie, soudée, la gauche, pas le PS, ça serait un premier pas, selon vous ?
THIERRY MANDON
Non, le problème n'est pas qu'elle paraisse, le problème c'est qu'elle soit, et moi, à des majorités.
BRUCE TOUSSAINT
Là on en est loin.
THIERRY MANDON
Absolument. A des majorités composites, qui finalement font semblant d'être d'accord le jour des élections, je préfère les vrais mots mauls majoritaires, c'est-à-dire des regroupements de personnes, peut être un peu moins larges, mais qui prennent le temps de se mettre d'accord sur les programmes. Il y a parmi les socialistes, parmi les écologistes, parmi les associatifs de France, possibilité de faire une plateforme à vocation majoritaire, qui elle peut donner du sens, des points de repères à une société qui en a besoin et qui les réclame.
BRUCE TOUSSAINT
Thierry MANDON, tout le monde est frapp, hein, ce matin, par les chiffres de la grippe et ces 8 500 décès supplémentaires depuis la mi-janvier. Est-ce qu'il y a une faillite des autorités sanitaires, selon vous ?
THIERRY MANDON
D'abord je crois que ces chiffres, qui sont considérables, sont des chiffres assez proches de ce qui malheureusement se passe chaque hiver. On ne mesure pas, on dit 3 000 accidents, morts sur les routes, c'est absolument une catastrophe national, mais chaque année il y a un nombre considérable, à peu près, de cet ordre là, de décès.
BRUCE TOUSSAINT
que d'habitude, il faut le reconnaitre, voilà, + 19 % alors qu'en général ça va entre 10 et 17 % pour être très précis.
THIERRY MANDON
Eh bien moi je suis pour l'humilité généralisée dans les politiques publiques, il faut donc examiner les raisons pour lesquelles on en est là. On sait que le vaccin n'a pas marché, on sait que la population a vieilli, il y a peut être d'autres causes. S'il y a des causes qui relèvent de l'organisation des services sanitaires, ce que je ne crois pas, parce que les premiers éléments ne le montrent pas, mais s'il y a des choses à corriger, à améliorer, il faut être dans une logique d'amélioration permanente des politiques publiques. De la modeste, pour remettre en permanence ce qu'on fait sur le métier.
BRUCE TOUSSAINT
Geneviève FIORASO, votre collègue du gouvernement, pourrait quitter très rapidement, pour raison de santé, l'équipe gouvernementale. Est-ce qu'on vous a proposé le poste pour la remplacer ?
THIERRY MANDON
Non. Non non, il n'y a pas de remplacement. En revanche, Geneviève FIORASO, qui est une amie, qui a fait un très bon travail, doit être soutenue, parce que c'est un moment difficile pour elle et vraiment on lui adresse tous nos voeux de rétablissement.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà. Et elle va quitter le gouvernement dans les heures, là
THIERRY MANDON
J'imagine, elle l'a demandé parce que là c'est une question de santé très importante pour elle.
BRUCE TOUSSAINT
Bon, une toute dernière question ou plutôt une toute dernière image, pour sourire un peu, au milieu de cette actualité. Jean-Vincent PLACE, vous connaissez, vous avez vu cette photo de Jean-Vincent PLACE dans le Marie Claire qui sort aujourd'hui ? Ce n'est pas une blague, ce n'est pas un photomontage, c'est à l'occasion de la Journée de la femme, et oui oui, vous allez voir, je vais vous expliquer
THIERRY MANDON
Je m'accroche, allez-y.
BRUCE TOUSSAINT
Que vient faire une poule dans les bras de Jean-Vincent PLACE ? Vous vous souvenez de l'histoire de cette députée, Véronique MASSONNEAU, et de ces cris de poule dans l'hémicycle, à l'Assemblée nationale, elle avait dit « arrêtez, ça suffit, je ne suis pas une poule » parce qu'elle prenait la parole et il y avait des collègues masculins qui avaient trouvé très amusant de faire cot cot codec, donc il a pris cette poule, à l'initiative du journal, bon, qu'est-ce que ça vous inspire ?
THIERRY MANDON
Politique happy few, il n'y en a pas beaucoup qui vont comprendre. Bon, pourquoi pas, mais je pense que la politique, dans la reconquête démocratique, elle doit s'adresser à tous les Français et d'abord ceux qui en sont le plus éloignés.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Thierry MANDON. Bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 mars 2015
Thierry MANDON, secrétaire d'État à la Réforme de l'État et à la Simplification, est l'invité d'I Télé ce matin. Bonjour.
THIERRY MANDON
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup d'être avec nous. L'INSEE a publié il y a quelques minutes : le taux de chômage en France au quatrième trimestre, il atteint 10 % en métropole, pour ce dernier trimestre 2014 et même 10,4 si on inclut l'Outremer. Alors, Jérôme LIBESKIND, notre spécialiste économique, nous disait que c'était la deuxième fois en 17 ans, seulement, que l'on passait cette barre symbolique des 10 %. Quel échec.
THIERRY MANDON
Oui, oui, les résultats ne sont pas là et c'est un taux très très élevée, c'est sur la dernière partie de l'année dernière
BRUCE TOUSSAINT
Quatrième trimestre.
THIERRY MANDON
qui n'intègre pas les peut-être durables, en tous cas les premiers bons résultats du début d'année. Mais oui, sur l'emploi, il faut continuer à agir, parce qu'on n'a pas réussi.
BRUCE TOUSSAINT
Qu'est-ce qui marche ?
THIERRY MANDON
Eh bien il faut de la croissance, c'est absolument indispensable. De ce point de vue là
BRUCE TOUSSAINT
Ce que je veux dire, c'est que l'emploi ça ne marche pas, est-ce qu'il y a autre chose qui marche, depuis trois ans ?
THIERRY MANDON
Ecoutez, économiquement, quand on regarde les choses de près, aujourd'hui on a les signes d'un début de réveil. Consommation maintenue, confiance des entreprises, reprise beaucoup trop timide de l'investissement privé, donc on a aujourd'hui enfin peut être, on est peut-être dans le moment où on va commencer à empocher des premiers résultats, mais c'est un travail long, parce que c'est un travail de réforme des structures de l'économie française.
BRUCE TOUSSAINT
Il reste deux ans, si on est un peu honnête on peut dire qu'il reste un an, parce que la dernière année sera en grande partie consacrée à la campagne présidentielle. Vous y croyez, vraiment, à l'idée d'un inversement de la tendance ?
THIERRY MANDON
Ah oui, oui oui, moi je crois que
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
THIERRY MANDON
D'abord il reste plus d'un an, on est début 2015 et les présidentielles c'est 2017, donc, considérons, peu importe, 18 mois, deux ans pleins. Moi je crois que dès cette année, la situation économique va se redresser et si nous continuons les efforts, y compris ceux que nous avons faits ces derniers temps avec la loi Macron par exemple, les premiers résultats sur l'emploi apparaitront, mais il faut réformer en profondeur notre économie, qui ne crée pas suffisamment d'emploi, qui ne crée pas suffisamment d'emploi par rapport aux qualifications disponibles dans notre population.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, dans ce contexte, les départementales, c'est dans dix jours, est-ce qu'il y est encore possible d'éviter pardon pour l'expression une raclée pour la gauche ?
THIERRY MANDON
Ah oui oui oui, je pense, oui. Je pense que ça ne sera pas une élection facile, on le sait, mais le gouvernement se bat, fait campagne, explique le sens de cette élection, explique le sens de ses réformes, et je crois que les résultats peuvent être moins mauvais que ceux que beaucoup prédisent.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, Thierry MANDON, justement, vous venez de dire une chose très importante, vous dites : le gouvernement a expliqué que le gouvernement fait campagne. C'est quand même très timide, non ? Est-ce que les enjeux sont bien compris par tous ceux qui nous regardent, là, ce matin, est-ce qu'on sait vraiment, précisément, ce qu'est un conseiller départemental, à quoi il va servir, la réforme des territoires, est-ce que justement ce travail pédagogique est fait ?
THIERRY MANDON
Non, vous avez raison, cette élection intervient dans un bouleversent institutionnel, qui redonne des nouvelles responsabilités aux régions, qui pousse les communes à se regrouper entre elles, et dans cette redistribution des cartes, le rôle du département est peut-être pas suffisamment clair. Mais il faut dire aux Français une chose très simple : le département c'est l'aide social. Un budget d'un département, pour plus de 50 %, c'est les handicapés, les retraités, la petite enfance, c'est toute l'action sociale, et il est donc non seulement important de voter aux départementales, pour consolider ces politiques auxquelles les Français sont très attachés, mais aussi de voter pour des gens qui croient en ces politiques, qui croient que l'action sociale en direction des handicapés, des retraités, que cette action là est déterminante, et de ce point de vue là ça peut orienter des choix politiques.
BRUCE TOUSSAINT
Vous passez votre temps, pas vous, mais le gouvernement passe son temps à nationaliser ce scrutin, même le président de la République dans son interview au Parisien Aujourd'hui en France, hier, en pointant du doigt le Front national, a nationalisé ce scrutin.
THIERRY MANDON
Oui, alors que c'est un scrutin comme tous les scrutins locaux, qui a une composante locale très forte. Les politiques, c'est des gens qui travaillent considère qu'il y a à peu près 50 % de déterminant local, et c'est vrai que dans les départements, moi je suis dans le département de l'Essonne, quand je regarde ce qui a été fait en matière de handicap ou en matière de petite enfance, je vois combien des électeurs essonniens, quoi qu'ils pensent par ailleurs de la politique gouvernementale, pourraient soutenir l'action du département sortant.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, je voudrais vous faire entendre Marine LE PEN, qui était à votre place hier matin, ici, sur I Télé, et qui évoquait cette, c'est vrai, cette obsession de l'UMP, du PS, du gouvernement et même de l'Elysée, pour le FN. Ecoutez.
MARINE LE PEN, PRESIDENTE DU FRONT NATIONAL
Je remarque que le Front national est devenu le toc de la classe politique française, c'est le trouble obsessionnel compulsif, dès qu'on leur tend un micro, ils n'ont aucune proposition, si ce n'est lutter contre le Front national. C'est le programme commun de l'UMPS.
BRUCE TOUSSAINT
Elle n'a pas tort.
THIERRY MANDON
On parle beaucoup trop du Front national, mais la réalité c'est que la vie politique est devenue tripolaire, et ça durablement. Il y a trois forces politiques : le PS, l'UMP
BRUCE TOUSSAINT
On a l'impression qu'elle est monopolaire, pardon, mais
THIERRY MANDON
Donc, on parle beaucoup du Front national parce que la vie politique a changé, mais le Front national ce n'est pas le sujet, le sujet c'est les électeurs aujourd'hui qui quand ils se saisissent du bulletin de vote Front national, font passer un message à l'ensemble de la classe politique. Marine LE PEN se trompe quand elle croit que ses électeurs sont des gens qui sont attachés à son programme. Ils n'y croient pas, la plupart n'y croient pas. Ce qu'ils veulent dire à la classe politique française, aujourd'hui, c'est : attention, il y a une rupture, vous ne nous entendez plus, il y a une rupture considérable entre nous, citoyens, et vous les élus qui dirigez, hier, aujourd'hui, donc il y en a pour tout le monde, et il faut repenser, c'est des réponses à cette crise démocratique, à cette crise économique et cette crise sociale.
BRUCE TOUSSAINT
Oui
THIERRY MANDON
C'est ça. Moi, ce qui m'intéresse, c'est les gens qui sont partis, que je trouve partis égarés au Front national, comment les faire revenir dans la République, voilà.
BRUCE TOUSSAINT
C'est un peu ce qu'a dit aussi François HOLLANDE quand il a parlé d'arracher les électeurs du FN. Vous, vous avez dit hier, d'ailleurs, devant les journalistes parlementaires, qu'il fallait reconquérir cet électorat. Comment ?
THIERRY MANDON
Alors, moi je crois que la crise principale du pays, aujourd'hui, il y a évidemment la crise économique et sociale dont tout le monde parle, mais il y a plus grave que ça, c'est la crise démocratique, c'est le fait qu'il y a des millions de Français qui ne se sentent absolument pas représentés par le discours public, qu'il soit de gauche, qu'il soit de droite ; c'est ce que Pierre ROSANVALLON appelle « les invisibles ». Ces gens là ont des problèmes, des gros problèmes, et des tous petits problèmes du quotidien. Face à ces problèmes, il n'y a personne. Il y a des services publics qui ferment, il y a des territoires dans lesquels les usines ferment, il y a des élus ou des administrations qui ne répondent pas aux demandes, et c'est ces plaies là qu'il faut d'abord entendre et ensuite ça sera long, auxquelles il faut répondre. Ça demande un renversement des perspectives
BRUCE TOUSSAINT
Ça sera long ou c'est insoluble ?
THIERRY MANDON
Non, non non, ça veut dire que la politique doit réinvestir la proximité et l'empathie avec les douleurs de la société. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que par exemple, je prends l'Etat dont je m'occupe, ces dernières années on a fait de gros efforts de réorganisation de l'Etat, d'économies avec monsieur SARKOZY avait dit « on ne remplacera pas un fonctionnaire sur deux », et il a coupé une bonne partie des fonctionnaires de terrain. Il faut réinvestir les territoires, réinvestir le terrain, pour que face à eux, face aux problèmes, les Français aient des interlocuteurs.
BRUCE TOUSSAINT
Je vais vous poser une question que, à mon avis les gens, « se posent entre eux », comme ça, dans les dîners, dans les conversations à la machine à café, vous croyez qu'elle sera un jour présidente de la République, Marine LE PEN ?
THIERRY MANDON
Eh bien le risque existe.
BRUCE TOUSSAINT
Non mais ce n'est pas tout à fait ma question.
THIERRY MANDON
Il se trouve, je vais vous répondre, vous qui avez bien suivi la vie politique américaine, avant j'allais souvent aux Etats-Unis avant l'élection d'OBAMA, « jamais un président de couleur sera élu aux Etats-Unis », voilà, et il a été élu. Donc il n'y a jamais de jamais en politique, il n'y a jamais de jamais, et donc moi je ne veux pas prendre ce risque et je pense qu'il faut, si on veut reconquérir l'électorat égaré au Front national, il faut prendre, partir de la reconquête démocratique, comprendre que c'est cette distance entre les Français et la vie publique, qu'il faut colmater et faire un travail de très long terme de recrédibilisation de la démocratie.
BRUCE TOUSSAINT
Si la gauche paraissait unie, soudée, la gauche, pas le PS, ça serait un premier pas, selon vous ?
THIERRY MANDON
Non, le problème n'est pas qu'elle paraisse, le problème c'est qu'elle soit, et moi, à des majorités.
BRUCE TOUSSAINT
Là on en est loin.
THIERRY MANDON
Absolument. A des majorités composites, qui finalement font semblant d'être d'accord le jour des élections, je préfère les vrais mots mauls majoritaires, c'est-à-dire des regroupements de personnes, peut être un peu moins larges, mais qui prennent le temps de se mettre d'accord sur les programmes. Il y a parmi les socialistes, parmi les écologistes, parmi les associatifs de France, possibilité de faire une plateforme à vocation majoritaire, qui elle peut donner du sens, des points de repères à une société qui en a besoin et qui les réclame.
BRUCE TOUSSAINT
Thierry MANDON, tout le monde est frapp, hein, ce matin, par les chiffres de la grippe et ces 8 500 décès supplémentaires depuis la mi-janvier. Est-ce qu'il y a une faillite des autorités sanitaires, selon vous ?
THIERRY MANDON
D'abord je crois que ces chiffres, qui sont considérables, sont des chiffres assez proches de ce qui malheureusement se passe chaque hiver. On ne mesure pas, on dit 3 000 accidents, morts sur les routes, c'est absolument une catastrophe national, mais chaque année il y a un nombre considérable, à peu près, de cet ordre là, de décès.
BRUCE TOUSSAINT
que d'habitude, il faut le reconnaitre, voilà, + 19 % alors qu'en général ça va entre 10 et 17 % pour être très précis.
THIERRY MANDON
Eh bien moi je suis pour l'humilité généralisée dans les politiques publiques, il faut donc examiner les raisons pour lesquelles on en est là. On sait que le vaccin n'a pas marché, on sait que la population a vieilli, il y a peut être d'autres causes. S'il y a des causes qui relèvent de l'organisation des services sanitaires, ce que je ne crois pas, parce que les premiers éléments ne le montrent pas, mais s'il y a des choses à corriger, à améliorer, il faut être dans une logique d'amélioration permanente des politiques publiques. De la modeste, pour remettre en permanence ce qu'on fait sur le métier.
BRUCE TOUSSAINT
Geneviève FIORASO, votre collègue du gouvernement, pourrait quitter très rapidement, pour raison de santé, l'équipe gouvernementale. Est-ce qu'on vous a proposé le poste pour la remplacer ?
THIERRY MANDON
Non. Non non, il n'y a pas de remplacement. En revanche, Geneviève FIORASO, qui est une amie, qui a fait un très bon travail, doit être soutenue, parce que c'est un moment difficile pour elle et vraiment on lui adresse tous nos voeux de rétablissement.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà. Et elle va quitter le gouvernement dans les heures, là
THIERRY MANDON
J'imagine, elle l'a demandé parce que là c'est une question de santé très importante pour elle.
BRUCE TOUSSAINT
Bon, une toute dernière question ou plutôt une toute dernière image, pour sourire un peu, au milieu de cette actualité. Jean-Vincent PLACE, vous connaissez, vous avez vu cette photo de Jean-Vincent PLACE dans le Marie Claire qui sort aujourd'hui ? Ce n'est pas une blague, ce n'est pas un photomontage, c'est à l'occasion de la Journée de la femme, et oui oui, vous allez voir, je vais vous expliquer
THIERRY MANDON
Je m'accroche, allez-y.
BRUCE TOUSSAINT
Que vient faire une poule dans les bras de Jean-Vincent PLACE ? Vous vous souvenez de l'histoire de cette députée, Véronique MASSONNEAU, et de ces cris de poule dans l'hémicycle, à l'Assemblée nationale, elle avait dit « arrêtez, ça suffit, je ne suis pas une poule » parce qu'elle prenait la parole et il y avait des collègues masculins qui avaient trouvé très amusant de faire cot cot codec, donc il a pris cette poule, à l'initiative du journal, bon, qu'est-ce que ça vous inspire ?
THIERRY MANDON
Politique happy few, il n'y en a pas beaucoup qui vont comprendre. Bon, pourquoi pas, mais je pense que la politique, dans la reconquête démocratique, elle doit s'adresser à tous les Français et d'abord ceux qui en sont le plus éloignés.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Thierry MANDON. Bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 mars 2015