Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Nous sommes avec Jean-Marie LE GUEN et je suis ravi de vous retrouver, bien évidemment. Il est ministre des Relations avec le Parlement, vous le savez probablement. Beaucoup considèrent, Olivier DARTIGOLLES, porte-parole du Parti de gauche, l'essentiel de l'état-major de l'UMP, que c'est peut-être la gaffe de l'année, les propos de Manuel VALLS, considérant, je reprends ce verbe, que finalement il ne fait que faire le jeu du Front national. D'où la justification de la formule de SARKOZY FN-PS.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, essayons de
GUILLAUME DURAND
Est-ce que c'est une gaffe ou est-ce que c'est un pronostic ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, pas du tout, mais c'est ni un pronostic, ni une gaffe, c'est un cri d'alarme et un cri de mobilisation pour ceux qui aujourd'hui se laissent aller, finalement, à l'idée que les élections c'est pas important, qu'un Front national à 30 % dans les sondages, mais déjà à 30 % aussi au moment des élections, 25 % au moment des élections européennes, tout ceci n'a aucune conséquence, ce n'est pas grave. Et donc il y a une espèce de déresponsabilisations générales dans la société, auxquelles le Premier ministre dit : « Ecoutez, voilà la réalité de notre pays ». Pendant ce temps-là, effectivement, vous avez les petites phrases, à la gauche de la gauche, à la droite, où on continue à s'étriper
GUILLAUME DURAND
Ils le transforment en parole du Front national, pardonnez-moi
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais non, mais excusez-moi, il ne suffit pas de parler du Front national
GUILLAUME DURAND
Ils disent clairement : « Manuel VALLS c'est une sorte de porte-parole involontaire du Front national ».
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, c'est ce que dit l'un des porte-parole qui a dont la spécialité est effectivement de taper sur le gouvernement, de la gauche de la gauche
GUILLAUME DURAND
Olivier DARTIGOLLES, mais il n'y a pas que lui, la droite dit la même chose.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais
GUILLAUME DURAND
J'ai vu Thierry SOLERE dire la même chose chez nos confrères de BFM TV hier soir.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, je pense que d'abord, essayons de mettre les choses de côté. Ce n'est pas parce que les gens hurlent parce qu'ils aimeraient continuer leur petit jeu délétère dans lequel s'enfonce le débat politique dans notre pays, sans regarder les enjeux, car derrière tout ça, il y a l'idée de dire que nous ne sommes pas dans une période comme d'habitude, si j'ose dire, et qu'il y a premièrement de la gravité dans la période. La gravité dans la période, c'est quoi ? C'est le fait que notre pays est soumis à un certain nombre d'agressions, de menaces, à la fois extérieures, de difficultés intérieures, puisque le chômage de masse est encore là, et sur ces sujets-là, eh bien cela ronge le pacte républicain. Premier élément d'analyse. Deuxième élément d'analyse, c'est que la France, comme d'autres pays en Europe et comme d'autres pays dans le monde, soumis à ces agressions, sent monter en elle des réflexes xénophobes, qui existent. Chez nous, les réflexes xénophobes, à la différence d'autres pays européens, prennent un caractère encore plus radical qu'ailleurs. Vous avez que le Front national a cette particularité, c'est qu'il refuse d'être, enfin, plus exactement, les autres forces nationales populistes en Europe, refusent même de discuter avec le Front national, tellement il est considéré comme extrémiste et radical. Et devant cette situation où on voit un Front national qui est en tout état de cause très largement au-dessus de 20 %, qui va faire des scores, tout le monde nous le dit, les élus de droite, les élus de gauche, moi je suis chargé des Relations avec le Parlement, je discute avec tous les parlementaires et tout le monde dit « il y a une poussée ». Eh bien il faudrait que le Premier ministre se taise
GUILLAUME DURAND
Mais non, mais je ne lui demande pas de se taire, le Premier ministre, la question c'est de savoir si c'était opportun d'employer ces mots.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais c'est opportun de dire la réalité. L'un des traits de Manuel VALLS
GUILLAUME DURAND
Mais alors, il y a deux mois, vous disiez, Jean-Marie LE GUEN
JEAN-MARIE LE GUEN
c'est dire la vérité aux Français.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais il y a deux mois, Jean-Marie LE GUEN, il venait de la gauche, et qui dit, « arrêtons d'employé le mot stigmatisé » ! C'était pas le même contexte, mais le mot lui-même et maintenant on commence à stigmatiser 30 % des électeurs.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais on ne stigmatise pas 30 % des électeurs.
GUILLAUME DURAND
Mais c'est lui qui l'a dit !
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, il a dit : « Je stigmatise, oui, le Front national
GUILLAUME DURAND
Vous permettez que je lise ! « Je revendique la stigma
JEAN-MARIE LE GUEN
Le Front national, pas les électeurs ! Pas les électeurs !
GUILLAUME DURAND
Non, mais enfin bon
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais écoutez, non, ne faites pas les amalgames, si vous le voulez bien, entre madame Marine LE PEN, les candidats zozos que l'on voit apparaitre, avec tous des déclarations, enfin, un nombre d'entre eux considérable, avec des déclarations xénophobes, racistes, homophobes, etc. tout ça parait tout à fait normal.
GUILLAUME DURAND
Mais pas du tout
JEAN-MARIE LE GUEN
Personne ne dit rien !
GUILLAUME DURAND
Mais, vous le saviez, ça
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais vous, vous le savez, Guillaume ?
GUILLAUME DURAND
Depuis que vous militez
JEAN-MARIE LE GUEN
Non mais écoutez, est-ce que oui ou non, dans ce pays, vous êtes concerné par la montée de l'extrême droite ou vous considérez que tout ceci est un spectacle tout à fait normal ? Ce que dit le Premier ministre
GUILLAUME DURAND
Non, ce n'est pas un spectacle.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien justement, vous avez raison. Ce n'est pas un spectacle. Donc il y a des enjeux derrière tout ça, c'est sérieux, c'est grave, donc le Premier ministre le dit, alors il faudrait dire
GUILLAUME DURAND
Mais alors vous découvrez ça
JEAN-MARIE LE GUEN
disait un peu Guillaume TABARD, « ne parlons pas du Front national », mais excusez-moi, on ne parlerait pas du fait qu'il y a une force d'extrême droite, qui est une des plus extrêmes dans toute l'Europe, qui a des propositions qui vont mettre notre pays complètement à feu et à sang, et en tout cas dans une chute économique et sociale tout à fait considérable, et on ne dira rien ? Alors le débat politique, c'est parler de quoi ?
GUILLAUME DURAND
Ce n'est pas ça, c'est qu'on reproche à Manuel VALLS
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est de reprendre les petites phrases des uns et des autres ?
GUILLAUME DURAND
On reproche à Manuel VALLS, au fond, pour essayer de remobiliser la gauche, je lis ce matin, par exemple, chez nos confrères de Libération, Cécile DUFLOT, qui dit : « A gauche, une nouvelle force va s'imposer », c'est-à-dire que la gauche est divisée, la gauche n'a pas de résultats, donc pour essayer de remobiliser tout le monde, on hisse le drapeau Front national comme on hissait le drapeau des pirates, dans la France du XVIIIème siècle.
JEAN-MARIE LE GUEN
Qu'il y ait la volonté de dire à l'électorat de gauche, mais d'ailleurs Manuel VALLS s'est adressé beaucoup plus largement à l'électorat républicain, vous savez qu'on nous dit qu'il va y avoir 60 % d'abstention à ces élections départementales.
GUILLAUME DURAND
Mais c'est de votre faute.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais non ce n'est pas de notre faute. Il n'y a pas un bouton sur lequel on appuie pour dire : eh bien les électeurs viennent voter. On est en démocratie.
GUILLAUME DURAND
Enfin, si tout allait bien, si le chômage
JEAN-MARIE LE GUEN
Ah si tout allait bien, bien sûr, ça serait la fin de l'histoire, il n'y aurait plus de politique ! Mais qu'est-ce que ça veut dire, ça, Guillaume ? Enfin, franchement, vous croyez qu'on va arriver un jour où tout ira bien ? C'est ça, vous demandez aux politiques de dire que tout ira bien ? Non, tout ne va pas bien, mais on se bat.. On trouve des résultats politiques
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi de vous interrompre. Quand je disais « si tout allait bien », ce n'était pas une phrase de neuneu essayant de mettre de la guimauve sur la réalité, je voulais dire que s'il y avait des résultats patents en matière de chômage, des résultats patents en matière de déficit du commerce extérieur, des résultats patents dans le domaine de la baisse des impôts, etc. etc .
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien il y a, sur tous ces sujets-là, il y a des avancées
GUILLAUME DURAND
S'il y avait ces résultats-là, il n'y aurait peut-être pas un Front national à 30 %.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais bien sûr, mais si si si si on pourrait mettre Paris en bouteille !
GUILLAUME DURAND
Mais c'est pas moi qui suis au pouvoir, c'est vous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais écoutez, aujourd'hui il y a des résultats, objectivement il y a des résultats. La croissance est en train de repartir, il y a des signaux économiques positifs. Vous parliez du commerce extérieur, il va s'améliorer cette année, et largement, etc. etc. Cela dit, est-ce que cela suffit ? Non. Est-ce qu'il y a un lien mécanique entre le Front national et la situation économique et sociale ? Ce n'est pas notre analyse. Nous pensons qu'il y a un lien, bien sûr, si comme vous dites, tout allait bien, sans aucun doute le vote radicalisé d'extrême droite n'aurait pas lieu d'être, mais comme nous n'avons pas la prétention, ni nous, et objectivement quand nous regardons les autres, nous n'avons pas une baguette magique pour que tout aille bien tout de suite. Nous savons que les progrès que nous faisons, sont contrebalancés par d'autres sujets, parce que nous ne croyons plus à l'idée que seule la situation économique et sociale et que l'électeur est une sorte de consommateur, qui appuie sur un bouton en fonction des résultats de la situation économique et sociale. Nous pensons que nous sommes dans une situation où notre pays, le continent européen, est environné d'un certain nombre de menaces, que face à ces menaces il y a des réactions xénophobes de notre peuple, et nous disons à notre peuple, au peuple français, « ce n'est pas la bonne ligne », et nous disons aux responsables politiques, « prenez conscience des dangers », voilà ce que nous disons, parce que l'histoire nous l'a appris et que nous avons conscience de nos responsabilités, il y a ce que doit faire le gouvernement et il y a le débat politique, le débat des idées, qui n'est pas simplement le résultat indexé sur la croissance, le chômage, même si tout ça est très important.
GUILLAUME DURAND
Question : quelle est finalement la bonne stratégie dans ce domaine, vous allez me dire que c'est celle de Manuel VALLS, vous avez d'un côté, la semaine dernière, Nicolas SARKOZY dans Le Figaro, qui parle peu du Front national et qui tire à boulets rouges sur la gauche
JEAN-MARIE LE GUEN
Excusez-moi ! Qu'est-ce qu'il dit
GUILLAUME DURAND
Non mais vous permettez que je termine ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui.
GUILLAUME DURAND
Et deuxièmement, justement, la stratégie de Manuel VALLS, depuis maintenant 48 heures, qui tire à boulets rouges sur le Front national, et qui tend la main à Nicolas SARKOZY, en cas, au fond, de, c'est ce qu'il a dit.
JEAN-MARIE LE GUEN
peut-être été un peu vite, non ?
GUILLAUME DURAND
En cas de dégénérescence absolue de la situation politique en France.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais non, mais écoutez, ce n'est absolument pas ça. Ce que dit Manuel VALLS, il dit : les désaccords politique que j'ai avec la droite, qui sont nombreux, sur le rôle de l'Etat, sur les politiques publiques, n'est pas de la même nature que les enjeux posés par le Front national, avec ce que cela veut dire en termes économiques, la sortie de la zone euro, de l'Europe, avec ce que cela veut dire au plan intérieur, en termes de xénophobie, de crise civilisationnelle. Sur ces éléments-là, c'est pas se jeter dans les bras les uns des autres que de considérer qu'il y a un danger maximal pour notre civilisation européenne, que sont les risques national populiste, et en l'occurrence le Front national en France, et de dire que nous avons des différences qui ne vont pas s'estomper entre la droite et la gauche, mais que nous sommes a priori dans un cadre républicain. Ce que conteste aussi Manuel VALLS, et il n'est pas le seul à parler du Front national, que dit monsieur SARKOZY ? Il avance ce mot d'ordre, par ailleurs incompris des Français, qui le rejettent, c'est le mot d'ordre FN PS. Bien. Ce mot d'ordre là, ça veut dire quoi ? Ça voudrait dire que le Front national est égal au Parti socialiste. C'est ça que dit monsieur SARKOZY. Cela veut dire quoi ? Eh bien qu'il banalise complètement l'existence du Front national. Est-ce qu'une alternance, est-ce qu'une présence du Front national, en responsabilités, c'est la même chose pour les changements dans la société, j'allais dire que la présence du Parti socialiste ? Bien sûr que non ! Donc
GUILLAUME DURAND
Mais Jean-Marie LE GUEN, je vous laisse parler parce que je suis gentil ce matin
JEAN-MARIE LE GUEN
Alors je m'arrête.
GUILLAUME DURAND
Non, pas du tout, je ne vous demande pas de vous arrêter, mais enfin le Front national est à 30 %, d'accord, mais il est à 30 % et ça fait maintenant deux ans et demi que François HOLLANDE est au pouvoir, il y a quand même une responsabilité, il n'y a pas simplement une déliquescence de la société française !
JEAN-MARIE LE GUEN
Est-ce que mais je ne dis pas ça.
GUILLAUME DURAND
Vous avez Aquilino MORELLE, ce matin, dans Le Parisien, qui parle des fautes morales de la gauche.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, mais Aquilino MORELLE, écoutez, c'est pas ça qui va moi je vois des électeurs, vous, vous voyez des citoyens français, il n'y en a pas qui viennent vous parler d'Aquilino MORELLE, excusez-moi.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais enfin lui, il
JEAN-MARIE LE GUEN
Donc ils nous parlent de quoi ? Ils nous parlent de terrorisme, ils nous parlent de
GUILLAUME DURAND
Là vous parlez des électeurs.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bien sûr, moi je sais de quoi ils me parlent. Ils me parlent à la fois de la crise économique et sociale, bien évidemment, ils me parlent de pouvoir d'achat, ils me parlent de chômage, mais ils me parlent et certains d'entre eux parlent et ils écoutent le discours que certains d'entre eux leur tiennent, en l'occurrence le Front national, souvent le Front national pas simplement le Front national, sur le fait que les difficultés que l'on rencontre c'est à cause des immigrés, c'est à cause des gens d'origine étrangère, qui sont présents sur notre sol. Ils nous parlent aussi des risques du terrorisme. Il y a un magma de menaces qui existe sur notre pays et qui est ressenti comme tel par nos compatriotes, donc il faut dire : attention, la solution Front national c'est pire que toutes les autres solutions et c'est un danger pour notre société.
GUILLAUME DURAND
Et vous ne croyez pas une seule seconde que ce comportement d'indignation morale est improductif ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ça ne veut pas dire que je suis d'accord et que nous sommes d'accord, entre la gauche et la droite. Nous ne sommes pas dans l'indignation morale, et c'est la grande différence, voilà.
GUILLAUME DURAND
Parce que le Front national, c'est une question politique ou est-ce que c'est une question morale ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est une question politique. Moi je ne dis pas, et je ne dis pas des électeurs, ils sont mauvais et je suis gentil, ce n'est pas du tout ça. Je dis quelles sont les Je respecte, moi, d'un certain point de vue, les électeurs qui se posent ces types de questions, et nous leur disons : attention, vous êtes responsables des choix que vous allez faire, et je respecte l'idée qu'il y a le Front national avec des propositions, qui sont dangereuses pour mon pays, dangereuses pour les collectivités territoriales, et je dis donc regardez les choix que vous allez faire. Quand 30 % des Français, apparemment, sont prêts à faire ce choix, je dis : regardons les conséquences de ce choix. Je ne peux pas simplement les excuser en leur disant : ah mais c'est pas grave, c'est normal, vous êtes en colère, ou bien leur dire : oh ben c'est pas grave, ça va servir contre la gauche ou contre la droite, ce qui est la politique qui a été faite depuis des années, le déni du Front national, voire l'instrumentalisation. Il faut que ça cesse. Donc je ne fais pas de critique morale, je dis simplement que c'est un enjeu politique majeur pour notre pays aujourd'hui.
GUILLAUME DURAND
Jean-Marie LE GUEN est ministre des Relations avec le Parlement, il était l'invité ce matin de Radio Classique et de LCI. On aurait pu parler évidemment de beaucoup d'autres sujets, comme cette petite phrase « je resterai quand même Premier ministre », qui elle aussi fait couler beaucoup d'encre.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 mars 2015
Nous sommes avec Jean-Marie LE GUEN et je suis ravi de vous retrouver, bien évidemment. Il est ministre des Relations avec le Parlement, vous le savez probablement. Beaucoup considèrent, Olivier DARTIGOLLES, porte-parole du Parti de gauche, l'essentiel de l'état-major de l'UMP, que c'est peut-être la gaffe de l'année, les propos de Manuel VALLS, considérant, je reprends ce verbe, que finalement il ne fait que faire le jeu du Front national. D'où la justification de la formule de SARKOZY FN-PS.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, essayons de
GUILLAUME DURAND
Est-ce que c'est une gaffe ou est-ce que c'est un pronostic ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, pas du tout, mais c'est ni un pronostic, ni une gaffe, c'est un cri d'alarme et un cri de mobilisation pour ceux qui aujourd'hui se laissent aller, finalement, à l'idée que les élections c'est pas important, qu'un Front national à 30 % dans les sondages, mais déjà à 30 % aussi au moment des élections, 25 % au moment des élections européennes, tout ceci n'a aucune conséquence, ce n'est pas grave. Et donc il y a une espèce de déresponsabilisations générales dans la société, auxquelles le Premier ministre dit : « Ecoutez, voilà la réalité de notre pays ». Pendant ce temps-là, effectivement, vous avez les petites phrases, à la gauche de la gauche, à la droite, où on continue à s'étriper
GUILLAUME DURAND
Ils le transforment en parole du Front national, pardonnez-moi
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais non, mais excusez-moi, il ne suffit pas de parler du Front national
GUILLAUME DURAND
Ils disent clairement : « Manuel VALLS c'est une sorte de porte-parole involontaire du Front national ».
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, c'est ce que dit l'un des porte-parole qui a dont la spécialité est effectivement de taper sur le gouvernement, de la gauche de la gauche
GUILLAUME DURAND
Olivier DARTIGOLLES, mais il n'y a pas que lui, la droite dit la même chose.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais
GUILLAUME DURAND
J'ai vu Thierry SOLERE dire la même chose chez nos confrères de BFM TV hier soir.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, je pense que d'abord, essayons de mettre les choses de côté. Ce n'est pas parce que les gens hurlent parce qu'ils aimeraient continuer leur petit jeu délétère dans lequel s'enfonce le débat politique dans notre pays, sans regarder les enjeux, car derrière tout ça, il y a l'idée de dire que nous ne sommes pas dans une période comme d'habitude, si j'ose dire, et qu'il y a premièrement de la gravité dans la période. La gravité dans la période, c'est quoi ? C'est le fait que notre pays est soumis à un certain nombre d'agressions, de menaces, à la fois extérieures, de difficultés intérieures, puisque le chômage de masse est encore là, et sur ces sujets-là, eh bien cela ronge le pacte républicain. Premier élément d'analyse. Deuxième élément d'analyse, c'est que la France, comme d'autres pays en Europe et comme d'autres pays dans le monde, soumis à ces agressions, sent monter en elle des réflexes xénophobes, qui existent. Chez nous, les réflexes xénophobes, à la différence d'autres pays européens, prennent un caractère encore plus radical qu'ailleurs. Vous avez que le Front national a cette particularité, c'est qu'il refuse d'être, enfin, plus exactement, les autres forces nationales populistes en Europe, refusent même de discuter avec le Front national, tellement il est considéré comme extrémiste et radical. Et devant cette situation où on voit un Front national qui est en tout état de cause très largement au-dessus de 20 %, qui va faire des scores, tout le monde nous le dit, les élus de droite, les élus de gauche, moi je suis chargé des Relations avec le Parlement, je discute avec tous les parlementaires et tout le monde dit « il y a une poussée ». Eh bien il faudrait que le Premier ministre se taise
GUILLAUME DURAND
Mais non, mais je ne lui demande pas de se taire, le Premier ministre, la question c'est de savoir si c'était opportun d'employer ces mots.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais c'est opportun de dire la réalité. L'un des traits de Manuel VALLS
GUILLAUME DURAND
Mais alors, il y a deux mois, vous disiez, Jean-Marie LE GUEN
JEAN-MARIE LE GUEN
c'est dire la vérité aux Français.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais il y a deux mois, Jean-Marie LE GUEN, il venait de la gauche, et qui dit, « arrêtons d'employé le mot stigmatisé » ! C'était pas le même contexte, mais le mot lui-même et maintenant on commence à stigmatiser 30 % des électeurs.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais on ne stigmatise pas 30 % des électeurs.
GUILLAUME DURAND
Mais c'est lui qui l'a dit !
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, il a dit : « Je stigmatise, oui, le Front national
GUILLAUME DURAND
Vous permettez que je lise ! « Je revendique la stigma
JEAN-MARIE LE GUEN
Le Front national, pas les électeurs ! Pas les électeurs !
GUILLAUME DURAND
Non, mais enfin bon
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais écoutez, non, ne faites pas les amalgames, si vous le voulez bien, entre madame Marine LE PEN, les candidats zozos que l'on voit apparaitre, avec tous des déclarations, enfin, un nombre d'entre eux considérable, avec des déclarations xénophobes, racistes, homophobes, etc. tout ça parait tout à fait normal.
GUILLAUME DURAND
Mais pas du tout
JEAN-MARIE LE GUEN
Personne ne dit rien !
GUILLAUME DURAND
Mais, vous le saviez, ça
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais vous, vous le savez, Guillaume ?
GUILLAUME DURAND
Depuis que vous militez
JEAN-MARIE LE GUEN
Non mais écoutez, est-ce que oui ou non, dans ce pays, vous êtes concerné par la montée de l'extrême droite ou vous considérez que tout ceci est un spectacle tout à fait normal ? Ce que dit le Premier ministre
GUILLAUME DURAND
Non, ce n'est pas un spectacle.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien justement, vous avez raison. Ce n'est pas un spectacle. Donc il y a des enjeux derrière tout ça, c'est sérieux, c'est grave, donc le Premier ministre le dit, alors il faudrait dire
GUILLAUME DURAND
Mais alors vous découvrez ça
JEAN-MARIE LE GUEN
disait un peu Guillaume TABARD, « ne parlons pas du Front national », mais excusez-moi, on ne parlerait pas du fait qu'il y a une force d'extrême droite, qui est une des plus extrêmes dans toute l'Europe, qui a des propositions qui vont mettre notre pays complètement à feu et à sang, et en tout cas dans une chute économique et sociale tout à fait considérable, et on ne dira rien ? Alors le débat politique, c'est parler de quoi ?
GUILLAUME DURAND
Ce n'est pas ça, c'est qu'on reproche à Manuel VALLS
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est de reprendre les petites phrases des uns et des autres ?
GUILLAUME DURAND
On reproche à Manuel VALLS, au fond, pour essayer de remobiliser la gauche, je lis ce matin, par exemple, chez nos confrères de Libération, Cécile DUFLOT, qui dit : « A gauche, une nouvelle force va s'imposer », c'est-à-dire que la gauche est divisée, la gauche n'a pas de résultats, donc pour essayer de remobiliser tout le monde, on hisse le drapeau Front national comme on hissait le drapeau des pirates, dans la France du XVIIIème siècle.
JEAN-MARIE LE GUEN
Qu'il y ait la volonté de dire à l'électorat de gauche, mais d'ailleurs Manuel VALLS s'est adressé beaucoup plus largement à l'électorat républicain, vous savez qu'on nous dit qu'il va y avoir 60 % d'abstention à ces élections départementales.
GUILLAUME DURAND
Mais c'est de votre faute.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais non ce n'est pas de notre faute. Il n'y a pas un bouton sur lequel on appuie pour dire : eh bien les électeurs viennent voter. On est en démocratie.
GUILLAUME DURAND
Enfin, si tout allait bien, si le chômage
JEAN-MARIE LE GUEN
Ah si tout allait bien, bien sûr, ça serait la fin de l'histoire, il n'y aurait plus de politique ! Mais qu'est-ce que ça veut dire, ça, Guillaume ? Enfin, franchement, vous croyez qu'on va arriver un jour où tout ira bien ? C'est ça, vous demandez aux politiques de dire que tout ira bien ? Non, tout ne va pas bien, mais on se bat.. On trouve des résultats politiques
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi de vous interrompre. Quand je disais « si tout allait bien », ce n'était pas une phrase de neuneu essayant de mettre de la guimauve sur la réalité, je voulais dire que s'il y avait des résultats patents en matière de chômage, des résultats patents en matière de déficit du commerce extérieur, des résultats patents dans le domaine de la baisse des impôts, etc. etc .
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien il y a, sur tous ces sujets-là, il y a des avancées
GUILLAUME DURAND
S'il y avait ces résultats-là, il n'y aurait peut-être pas un Front national à 30 %.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais bien sûr, mais si si si si on pourrait mettre Paris en bouteille !
GUILLAUME DURAND
Mais c'est pas moi qui suis au pouvoir, c'est vous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais écoutez, aujourd'hui il y a des résultats, objectivement il y a des résultats. La croissance est en train de repartir, il y a des signaux économiques positifs. Vous parliez du commerce extérieur, il va s'améliorer cette année, et largement, etc. etc. Cela dit, est-ce que cela suffit ? Non. Est-ce qu'il y a un lien mécanique entre le Front national et la situation économique et sociale ? Ce n'est pas notre analyse. Nous pensons qu'il y a un lien, bien sûr, si comme vous dites, tout allait bien, sans aucun doute le vote radicalisé d'extrême droite n'aurait pas lieu d'être, mais comme nous n'avons pas la prétention, ni nous, et objectivement quand nous regardons les autres, nous n'avons pas une baguette magique pour que tout aille bien tout de suite. Nous savons que les progrès que nous faisons, sont contrebalancés par d'autres sujets, parce que nous ne croyons plus à l'idée que seule la situation économique et sociale et que l'électeur est une sorte de consommateur, qui appuie sur un bouton en fonction des résultats de la situation économique et sociale. Nous pensons que nous sommes dans une situation où notre pays, le continent européen, est environné d'un certain nombre de menaces, que face à ces menaces il y a des réactions xénophobes de notre peuple, et nous disons à notre peuple, au peuple français, « ce n'est pas la bonne ligne », et nous disons aux responsables politiques, « prenez conscience des dangers », voilà ce que nous disons, parce que l'histoire nous l'a appris et que nous avons conscience de nos responsabilités, il y a ce que doit faire le gouvernement et il y a le débat politique, le débat des idées, qui n'est pas simplement le résultat indexé sur la croissance, le chômage, même si tout ça est très important.
GUILLAUME DURAND
Question : quelle est finalement la bonne stratégie dans ce domaine, vous allez me dire que c'est celle de Manuel VALLS, vous avez d'un côté, la semaine dernière, Nicolas SARKOZY dans Le Figaro, qui parle peu du Front national et qui tire à boulets rouges sur la gauche
JEAN-MARIE LE GUEN
Excusez-moi ! Qu'est-ce qu'il dit
GUILLAUME DURAND
Non mais vous permettez que je termine ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui.
GUILLAUME DURAND
Et deuxièmement, justement, la stratégie de Manuel VALLS, depuis maintenant 48 heures, qui tire à boulets rouges sur le Front national, et qui tend la main à Nicolas SARKOZY, en cas, au fond, de, c'est ce qu'il a dit.
JEAN-MARIE LE GUEN
peut-être été un peu vite, non ?
GUILLAUME DURAND
En cas de dégénérescence absolue de la situation politique en France.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais non, mais écoutez, ce n'est absolument pas ça. Ce que dit Manuel VALLS, il dit : les désaccords politique que j'ai avec la droite, qui sont nombreux, sur le rôle de l'Etat, sur les politiques publiques, n'est pas de la même nature que les enjeux posés par le Front national, avec ce que cela veut dire en termes économiques, la sortie de la zone euro, de l'Europe, avec ce que cela veut dire au plan intérieur, en termes de xénophobie, de crise civilisationnelle. Sur ces éléments-là, c'est pas se jeter dans les bras les uns des autres que de considérer qu'il y a un danger maximal pour notre civilisation européenne, que sont les risques national populiste, et en l'occurrence le Front national en France, et de dire que nous avons des différences qui ne vont pas s'estomper entre la droite et la gauche, mais que nous sommes a priori dans un cadre républicain. Ce que conteste aussi Manuel VALLS, et il n'est pas le seul à parler du Front national, que dit monsieur SARKOZY ? Il avance ce mot d'ordre, par ailleurs incompris des Français, qui le rejettent, c'est le mot d'ordre FN PS. Bien. Ce mot d'ordre là, ça veut dire quoi ? Ça voudrait dire que le Front national est égal au Parti socialiste. C'est ça que dit monsieur SARKOZY. Cela veut dire quoi ? Eh bien qu'il banalise complètement l'existence du Front national. Est-ce qu'une alternance, est-ce qu'une présence du Front national, en responsabilités, c'est la même chose pour les changements dans la société, j'allais dire que la présence du Parti socialiste ? Bien sûr que non ! Donc
GUILLAUME DURAND
Mais Jean-Marie LE GUEN, je vous laisse parler parce que je suis gentil ce matin
JEAN-MARIE LE GUEN
Alors je m'arrête.
GUILLAUME DURAND
Non, pas du tout, je ne vous demande pas de vous arrêter, mais enfin le Front national est à 30 %, d'accord, mais il est à 30 % et ça fait maintenant deux ans et demi que François HOLLANDE est au pouvoir, il y a quand même une responsabilité, il n'y a pas simplement une déliquescence de la société française !
JEAN-MARIE LE GUEN
Est-ce que mais je ne dis pas ça.
GUILLAUME DURAND
Vous avez Aquilino MORELLE, ce matin, dans Le Parisien, qui parle des fautes morales de la gauche.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, mais Aquilino MORELLE, écoutez, c'est pas ça qui va moi je vois des électeurs, vous, vous voyez des citoyens français, il n'y en a pas qui viennent vous parler d'Aquilino MORELLE, excusez-moi.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais enfin lui, il
JEAN-MARIE LE GUEN
Donc ils nous parlent de quoi ? Ils nous parlent de terrorisme, ils nous parlent de
GUILLAUME DURAND
Là vous parlez des électeurs.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bien sûr, moi je sais de quoi ils me parlent. Ils me parlent à la fois de la crise économique et sociale, bien évidemment, ils me parlent de pouvoir d'achat, ils me parlent de chômage, mais ils me parlent et certains d'entre eux parlent et ils écoutent le discours que certains d'entre eux leur tiennent, en l'occurrence le Front national, souvent le Front national pas simplement le Front national, sur le fait que les difficultés que l'on rencontre c'est à cause des immigrés, c'est à cause des gens d'origine étrangère, qui sont présents sur notre sol. Ils nous parlent aussi des risques du terrorisme. Il y a un magma de menaces qui existe sur notre pays et qui est ressenti comme tel par nos compatriotes, donc il faut dire : attention, la solution Front national c'est pire que toutes les autres solutions et c'est un danger pour notre société.
GUILLAUME DURAND
Et vous ne croyez pas une seule seconde que ce comportement d'indignation morale est improductif ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ça ne veut pas dire que je suis d'accord et que nous sommes d'accord, entre la gauche et la droite. Nous ne sommes pas dans l'indignation morale, et c'est la grande différence, voilà.
GUILLAUME DURAND
Parce que le Front national, c'est une question politique ou est-ce que c'est une question morale ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est une question politique. Moi je ne dis pas, et je ne dis pas des électeurs, ils sont mauvais et je suis gentil, ce n'est pas du tout ça. Je dis quelles sont les Je respecte, moi, d'un certain point de vue, les électeurs qui se posent ces types de questions, et nous leur disons : attention, vous êtes responsables des choix que vous allez faire, et je respecte l'idée qu'il y a le Front national avec des propositions, qui sont dangereuses pour mon pays, dangereuses pour les collectivités territoriales, et je dis donc regardez les choix que vous allez faire. Quand 30 % des Français, apparemment, sont prêts à faire ce choix, je dis : regardons les conséquences de ce choix. Je ne peux pas simplement les excuser en leur disant : ah mais c'est pas grave, c'est normal, vous êtes en colère, ou bien leur dire : oh ben c'est pas grave, ça va servir contre la gauche ou contre la droite, ce qui est la politique qui a été faite depuis des années, le déni du Front national, voire l'instrumentalisation. Il faut que ça cesse. Donc je ne fais pas de critique morale, je dis simplement que c'est un enjeu politique majeur pour notre pays aujourd'hui.
GUILLAUME DURAND
Jean-Marie LE GUEN est ministre des Relations avec le Parlement, il était l'invité ce matin de Radio Classique et de LCI. On aurait pu parler évidemment de beaucoup d'autres sujets, comme cette petite phrase « je resterai quand même Premier ministre », qui elle aussi fait couler beaucoup d'encre.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 mars 2015