Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à "France 2" le 23 mars 2015, sur les résultats du premier tour de l'élection départementale et l'appel à faire barrage au Front national au deuxième tour.

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Média : France 2

Texte intégral

ROLAND SICARD
Bonjour à tous, bonjour Stéphane LE FOLL.

STEPHANE LE FOLL
Bonjour.

ROLAND SICARD
Le Parti socialiste réalise un score moins mauvais que prévu, il limite la casse ?

STEPHANE LE FOLL
Ah oui ! Il limite la casse. Si on regarde les choses de manière claire après un premier tour, 36 % pour la droite, le total de gauche est à 36 % et 28 % pour le PS et ses alliés…

ROLAND SICARD
Alliés, alliés très divisés.

STEPHANE LE FOLL
PS et alliés 28 %, et puis après il y a Front de gauche et vert, tout ça ! Ça fait 36 %, donc les blocs de droite et de gauche sont à égalité ; et le Front national est à 25 %...

ROLAND SICARD
Mais il y a une grande différence, c'est qu'à droite le bloc est uni et qu'à gauche il est désuni.

STEPHANE LE FOLL
C'est la grande différence et c'est ce qui fait la différence aussi au soir du premier tour, c'est que dans 1.200 ou 1.300 cantons la droite a été unie, la gauche a été unie dans à peine 400 à 430 cantons, la différence est là. Donc…

ROLAND SICARD
Ça fait que dans 500 cantons, il n'y aura pas de représentant du Parti…

STEPHANE LE FOLL
Dans 500 cantons…

ROLAND SICARD
Socialiste au second tour.

STEPHANE LE FOLL
Oui, absolument. Et dans nos départements c'est très clair, 8 cantons où il n'y aura pas la gauche au deuxième tour tout simplement à cause de la division ; et certains cantons d'ailleurs où la gauche aurait été majoritaire au deuxième tour, c'est fait. Maintenant, il faut se mobiliser pour le deuxième tour, rassembler et appeler à voter pour les candidats de gauche qui sont au deuxième tour, parce que dans ce débat il y a l'enjeu départemental, il y a derrière une politique et des valeurs à défendre. Et donc moi j'appelle ce matin tous les électeurs de gauche qui ont pu se déplacer au premier tour, ont pu voter pour d'autres candidats à se rassembler, c'est important.

ROLAND SICARD
Mais comment… comment vous allez vous rassembler avec le Front de gauche qui a dit que vous meniez une politique de droite, qui a voté la censure, ça paraît impossible !

STEPHANE LE FOLL
J'ai vu… oui oui, ça paraît difficile mais il faut avoir la force de la conviction, et répondre aussi au Front de gauche. Ce matin, je lisais que le pouvoir d'achat a augmenté en France en 2014, qui est complètement à l'encontre de ce que peut dire par exemple le Front de gauche sur la politique d'austérité. Donc il faut qu'on soit capable de s'expliquer, s'expliquer aussi pour dire que quand le premier budget aujourd'hui de l'Etat et de la France, c'est l'Education, c'est un choix de gauche ; que lorsqu'on débat sur la santé et en même temps qu'on fait des efforts pour réduire le déficit, on fait des choix d'accès de tous aux soins, c'est un choix de gauche. Donc voilà ce qu'il faut faire, mais j'appelle et je rappelle qu'on est à la veille du deuxième tour, il reste une semaine et donc il faut se mobiliser et se rassembler.

ROLAND SICARD
Le Front de gauche vous dit « il faut changer de politique », vous allez le faire ou pas ?

STEPHANE LE FOLL
Oui, j'ai bien compris que le Front de gauche nous demande depuis le départ d'ailleurs de changer de politique. Qu'est-ce qu'on a comme objectif ? Redresser un pays, la France, déficit budgétaire, déficit commercial, déficit de la Sécurité sociale, on doit réduire ces déficits. Redresser l'industrie, c'est le pacte de compétitivité et de solidarité ; et en même temps on conduit une politique qui préserve, qui garantit, qui pérennise le modèle social français, c'est ça l'enjeu. La droite elle, elle veut taper dans le modèle social français, et quant au Front national lui, il veut sortir et de l'Europe et de l'euro et fermer les frontières.

ROLAND SICARD
La droite, elle justement, elle arrive nettement en tête…

STEPHANE LE FOLL
Oui.

ROLAND SICARD
Beau succès pour Nicolas SARKOZY.

STEPHANE LE FOLL
C'est un succès du rassemblement du premier tour, c'est un succès stratégique. Mais la droite en tête à 36 % alors qu'elle est dans l'opposition et qu'on connaît les difficultés que nous traversons, on connaît aussi le bilan que nous avons trouvé, eh bien ! C'est un score qui est loin et qui devrait être l'occasion d'être beaucoup plus modeste dans les commentaires qui sont faits, en particulier pour Nicolas SARKOZY. Il y a eu une stratégie gagnante, c'est celle de…

ROLAND SICARD
Vous ne dites pas que Nicolas SARKOZY fait une belle performance, c'est son premier scrutin de président de l'UMP ?

STEPHANE LE FOLL
En tout cas, je trouve que la droite – je le dis – à 36 % alors qu'elle est dans l'opposition, ce n'est pas un score qui devrait permettre à Nicolas SARKOZY… je l'ai entendu d'ailleurs annoncer déjà la marche irréversible vers l'alternance. Qu'il regarde bien et chacun aura à partir de là à mener et à faire des choix. Il n'a pas beaucoup de choix aujourd'hui l'UMP, à part taper dans le modèle social, je l'ai dit, il ne fait pas beaucoup de propositions.

ROLAND SICARD
Le Front national, lui, est à 25 %...

STEPHANE LE FOLL
25.

ROLAND SICARD
Le Parti socialiste seul à 21 %, c'est donc le deuxième parti de France.

STEPHANE LE FOLL
Non, parce que là vous faites une erreur que tout le monde fait en termes de commentateur, c'est que le Parti socialiste seul dans les cantonales c'est l'étiquette PS sur un binôme socialiste dans des cantons. Mais le Parti socialiste pour ces cantonales…

ROLAND SICARD
Enfin le Parti socialiste seul c'est 21 et le Front national c'est 25.

STEPHANE LE FOLL
Le Parti socialiste n'est pas seul dans ces cantonales, puisqu'à chaque fois qu'il y a un accord avec un divers gauche sur les binômes, on met ça dans « autre gauche ». Mais c'est de l'électorat et c'est un électorat qui a été voté pour ces binômes qui est un électorat socialiste, celui qu'on retrouve au moment des législatives. Donc je ne vois pas pourquoi on ferait cette différence. Le Parti socialiste et ses alliés, c'est-à-dire le choix qui a été fait par le Parti socialiste avec ses alliés, c'est 28 %, vous l'avez très bien présenté ce matin. 28 pour le Parti socialiste, 36…

ROLAND SICARD
Et ses alliés, et ses alliés.

STEPHANE LE FOLL
Et ses alliés. 28 pour le Parti socialiste et ses alliés, 36 pour l'UMP, l'UDI et divers droite ; et si je rajoute le Front de gauche au premier tour et les verts, on est à 36 – 36, voilà.

ROLAND SICARD
Le Front national, premier parti ouvrier de France, ça vous préoccupe ?

STEPHANE LE FOLL
Oui, c'est un sujet de préoccupation, surtout de travail de fond à faire. Il y a dans ce vote ouvrier plusieurs éléments, il y a ce qui est de la dimension identitaire, et en particulier dans tout un tas de zones rurales, périurbaines, péri-rurales où là il y a des sujets majeurs liés à l'identité. Et puis il y a aussi un vote ouvrier qui consiste à dire « mais on n'arrivera jamais à garder notre emploi, garder des industries si on est dans l'Europe, si on est dans le monde ». Et là, il y a un vrai sujet de travail à faire pour expliquer qu'au contraire, si on veut garder de manière durable des emplois et des industries, il ne faut pas penser qu'en fermant toutes nos frontières on va s'en sortir. Mais ça, c'est un travail qui va être un travail politique de longue haleine, mais j'ai parfaitement mesuré dans ce vote ouvrier ces deux dimensions et il faut qu'on s'attèle en particulier à la deuxième.

ROLAND SICARD
Vous appelez à faire barrage au Front national, qu'est-ce qui va se passer dans les cantons où il y a triangulaire, où le Front national est en deuxième position ou première position, l'UMP en première ou en deuxième position et le PS en troisième ?

STEPHANE LE FOLL
Alors d'abord là où il y a un risque de Front national, le Parti socialiste – il l'a toujours dit – il prendra ses responsabilités et nous appelons à voter pour le candidat ou les candidats républicains…

ROLAND SICARD
Mais est-ce que vous vous reculez dans le cas de cette triangulaire ?

STEPHANE LE FOLL
Et c'est dans des cas de triangulaire, lorsqu'il y a l'UMP et une droite en tête, ou un total de gauche qui peut mettre la gauche en tête, il n'y a aucune raison de se retirer, il faut regarder tout ça au cas par cas. Mais nous ce qu'on a rappelé, c'est que lorsqu'il y a un duel, c'est le cas dans un certain nombre d'endroits, avec l'UMP et la droite républicaine et le Front national, on fait le choix de la République. J'appelle d'ailleurs, parce que dans la Sarthe j'ai deux cantons où il y a un duel FN/PS, à ce que les républicains de droite et de centre droit fassent le choix aussi de la République. A chaque fois, ça devrait être la règle…

ROLAND SICARD
Mais est-ce qu'il y aura…

STEPHANE LE FOLL
J'ai bien compris que Nicolas SARKOZY ne veut pas choisir, mais moi je fais un appel aux électeurs.

ROLAND SICARD
Mais est-ce qu'il y aura des cas – je reprends ma question – où le Parti socialiste se retirera ?

STEPHANE LE FOLL
Ecoutez ! C'est des décisions qui seront prises en analysant (je l'ai dit) au cas par cas. S'il y a un risque, on regarde et des décisions seront prises. Mais s'il n'y a pas de risque, je l'ai rappelé, dans des triangulaires où la droite peut être en tête ou le total de gauche peut mettre le candidat… le binôme en tête, à ce moment-là il n'y a pas de raison de se retirer.

ROLAND SICARD
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 mars 2015