Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle, dans "Paris Normandie" du 12 octobre 2001, sur la lutte contre l'impunité des délinquants, la réduction du temps de travail, le développement industriel de la Haute-Normandie et la protection de la nature par les chasseurs.

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Média : Paris Normandie

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Le bus du candidat UDF à la présidentielle, François Bayrou, reprend sa route. Dans le cadre de ses rencontres avec les Français. Il est aujourd'hui en Haute-Normandie.
Le tour de France de François Bayrou, président de l'UDF, interrompu au moment de l'attentat de New York, passe aujourd'hui par la Haute-Normandie. Le bus " aux couleurs de la France " fera d'abord halte à la criée de Dieppe, avant de se rendre à la linerie de Saint-Pierre-le-Viger, puis d'aller à la rencontre des harkis de Seine-Maritime à Isneauville. Enfin, une rencontre avec les chasseurs est prévue dans le Marais Vernier avant le débat public prévu à Bazoques, dans l'Eure.
Paris-Normandie : Le vote de rejet semble prendre le pas, depuis quelques années, sur le vote d'adhésion. Les Français votent contre, quand ils votent, et non pour. L'avènement d'un troisième homme, que vous prônez, n'est-il pas basé, également, sur le rejet des deux autres ?
François Bayrou : " Oui, bien sûr. Il y a vingt ans que les Français voient que leurs problèmes de tous les jours ne trouvent pas de solution. A chaque élection, sans exception, depuis 1981, les Français cherchent une vraie alternance et ils ne la trouvent pas. Ce qu'on leur offre, ce n'est pas une alternance, une autre voie, un changement d'équipes, c'est seulement de reprendre ceux qu'ils avaient écarté la fois d'avant. C'est pour cela que rien ne change sur le fond. C'est pourquoi il faut, non pas, continuer la partie de ping-pong entre la même gauche et la même droite depuis vingt ans, mais trouver une troisième voie qui permette de sortir des affrontements stériles et de conduire durablement une politique courageuse. C'est cela que je proposerai. "
Un renouvellement des méthodes et des idées
P-N : Votre candidature peut faire penser à un simple galop d'essai pour une présidentielle plus lointaine. N'avez-vous pas le sentiment d'ajouter un peu plus de confusion dans l'esprit des électeurs de la majorité présidentielle actuelle ?
F. B. : " C'est aujourd'hui que le monde change. C'est aujourd'hui que les électeurs ont besoin d'un renouvellement profond des méthodes et des idées. Et c'est cette fois-ci, en 2002, et pas à la fin de la décennie. Une approche nouvelle est nécessaire, et des équipes nouvelles aussi. Et pour cela, foin de timidité ! Le succès est toujours un enfant de l'audace ! "
Insécurité : l'urgence c'est l'impunité
P-N : Les Français attendent des solutions à leurs problèmes, et pas seulement qu'on les cerne ou qu'on les comprenne. Quelles sont celles que vous allez proposer dans les domaines qui les préoccupent : insécurité, remontée du chômage, système de protection sociale ?
F. B. : " Les comprendre, c'est déjà un premier pas. Je vous assure que parcourir la France en bus, ce n'est pas la même chose que de la survoler en avion de luxe. Pour les questions cruciales, je vous donne mes orientations. D'abord l'insécurité : la question d'urgence, c'est l'impunité. Tout le monde cite des centaines de cas d'agressions, de vols, de menaces, dont les auteurs sont connus, mais qui restent libres de recommencer aussi souvent qu'ils le veulent. Je propose un objectif simple : que toute personne, quelque soit son âge, reconnue coupable de vol ou d'agression soit sanctionnée au moins en étant obligée de réparer son forfait, ou sa dégradation. Cela veut dire que les Travaux d'intérêt général auxquels on les condamne, par exemple, soient effectivement exécutés, sans possibilité d'y échapper. C'est la mission de l'Etat ! Qu'il ne s'y dérobe plus ! Et qu'une autorité indépendante, représentant les citoyens, puisse contrôler et rendre publics les résultats de la " tolérance zéro ". Pour le chômage, dont dépend la protection sociale, les charges pesant sur le travail sont trop lourdes en France et cela empêche de créer des centaines de milliers d'emplois, et de payer le travail à son juste prix ! "
P-N : Quel bilan faites-vous de la loi Aubry sur les 35 heures ? Poursuivrez-vous ce type de politique si vous êtes élu ?
F. B. : " Pourquoi aucun pays dans le monde, de gauche ou de droite, ne nous a-t-il suivis sur les 35 heures ? Parce que c'est une mauvaise orientation ! Cela ne crée pas d'emplois en France (en revanche cela en fait créer beaucoup à l'étranger) et cela fait baisser le pouvoir d'achat. Que ceux qui veulent travailler 35 heures puissent le faire, très bien ! Mais que ceux qui souhaitent travailler davantage, pour améliorer leur niveau de vie puissent le faire aussi. "
P-N : L'industrie pétrochimique pèse lourd dans le dynamisme économique de la Haute-Normandie. L'environnement en subit le contre-coup. Où se situent, selon vous, les priorités pour une meilleure qualité de la vie ?
F. B. : " Les Pyrénées-Atlantiques, où je suis né, où je vis et où je suis élu, c'est le département de Lacq ! Je sais ce que pèse le secteur pétrolier et pétrochimique pour le développement d'une région. Il faut se réjouir du dynamisme de ce secteur et non pas le combattre. Une politique qui sacrifierait ce secteur serait suicidaire. Donc, une politique agressive, type " écotaxe " démagogique, qui frapperait les entreprises, en alourdissant leurs charges sans faire attention aux conséquences, serait un grand danger. En revanche, une politique qui récompenserait les entreprises qui font des efforts pour protéger l'air et l'environnement, cela irait dans le bon sens. Et les résultats seraient autrement probants ! "
Protéger la nature avec les chasseurs
P-N : La chasse fait partie des traditions de l'estuaire de la Seine. Le Parlement européen doit-il continuer à ignorer les spécificités régionales ?
F. B. : " Je veux bâtir l'Europe qui respecte la culture et les traditions de ses régions. L'Europe, c'est précisément la somme de ces cultures, de ces modes de vie, de ces traditions venues du fond des siècles. Ce n'est pas pour rien que je défends " la France humaine ", et donc l'Europe humaine ! Pour moi, c'est clair : il faut assurer la protection de la nature et des milieux naturels. Mais il faut le faire avec les chasseurs et non pas contre eux. Et je sais qu'il existe une méthode pour le faire : je l'ai appliquée, avec mes amis, dans les Pyrénées pour les ours ! Les vrais chasseurs défendent la nature et son équilibre : c'est particulièrement vrai pour l'estuaire de la Seine qui, sans les chasseurs, n'aurait plus les zones humides indispensables à l'écosystème. Là aussi, la " troisième voie " est indispensable : il faut défendre la nature, et il faut le faire avec les chasseurs, et pas contre eux ! "
Propos recueillis par Jean-Pierre Boulais
(Source http://www.udf.org, le 18 octobre 2001)