Texte intégral
NICOLAS CROZEL
Bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM
NAJAT VALLAUD-BELKACEM, PAR TELEPHONE
Bonjour.
NICOLAS CROZEL
Merci d'être avec nous en direct ce matin une semaine après la révélation des faits, de ces faits abominables sur ces actes de pédophilie à l'école à Villefontaine. Est-ce que vous en savez plus déjà sur cette question que tout le monde se pose, comment un homme, condamné pour recel d'images pédopornographiques, a-t-il pu continuer à travailler aux côtés des enfants ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il faut que nous en sachions plus ! Et d'ailleurs c'est pour cela que, en plus de l'enquête judiciaire qui est déjà en cours, nous avons très vite - avec la garde des Sceaux diligenté une enquête administrative de nos deux inspections de la Justice et de l'Education nationale pour comprendre comment est-ce qu'un homme en effet qui a été condamné en 2008 a continué à exercer dans l'Education nationale ? Ce que nous savons déjà, c'est qu'en 2008, lorsqu'il a été condamné, cette condamnation n'a pas été transmise par la Justice à l'Education nationale, l'Education nationale n'a pas été informée de ces faits
NICOLAS CROZEL
Mais il ne faut pas changer ça, il ne faut pas modifier ça, ce système ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr que si ! Bien sûr que si. Pour être tout à fait clair, normalement il est imposé aux magistrats par une circulaire que signe régulièrement la garde des Sceaux de transmettre les condamnations aux employeurs des fonctionnaires qui ont été ainsi poursuivis en justice, là ça n'a pas été respecté. Donc il y a un texte qui existe, qui est une circulaire, est-ce que ça veut dire que ce texte n'est pas suffisant et qu'il faudra légiférer pour renforcer cette obligation faite à la justice de transmettre l'information ? Vraisemblablement ! C'est ce que nous dira l'inspection administrative qui est en cours pour
NICOLAS CROZEL
Et vous aurez les réponses quand ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Dans un mois ! Dans un mois. Puisqu'on a demandé à cette inspection de faire un travail inédit, c'est la première fois que travaillent ensemble celle de la Justice et celle de l'Education nationale, on lui a demandé : d'aller regarder, lever toutes les zones d'ombre pour comprendre toutes nos procédures, où se sont faites les défaillances, où il y a eu faute - parce que bien sûr dans cette affaire s'il y a des individus, des agents publics qui auraient commis une faute, eh bien il y aura sanction, parce que c'est extrêmement grave ce qui s'est passé et je ne veux surtout pas qu'on minimise ce qui s'est passé, vous l'avez dit c'est abominable qu'on ait pu
NICOLAS CROZEL
Est-ce que vous comprenez que certains parents puissent avoir aujourd'hui peur de l'école, une défiance envers une institution qui est pourtant censée protéger leurs enfants ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr que je les comprends ! Mais vous savez enfin je suis avant même d'être ministre, je suis parent moi-même, quand cette affaire a éclaté j'ai évidemment tout de suite pensé à mes propres enfants qui ont l'âge de ceux qui ont été terriblement brisés dans leur innocence dans cette affaire de Villefontaine, donc c'est intolérable, absolument intolérable. J'ai été saisie par l'horreur et je ne laisserai rien passer ! Et d'ailleurs si monsieur FARINA, dès que nous avons connu les faits, nous l'avons suspendu comme vous le savez et aujourd'hui, parce que nous avons enfin entre les mains cette condamnation de 2008 que nous n'avions pas eue entre les mains auparavant, j'ai pris la décision d'engager la procédure de révocation définitive, donc dans quelques heures ce monsieur sera définitivement radié des services de l'Education nationale.
NICOLAS CROZEL
C'est une information que vous nous donnez ce matin, Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est une information !
NICOLAS CROZEL
Est-ce que vous irez à Villefontaine samedi lors de la marche silencieuse qui a rassemblé un millier de personnes, des parents ont demandé votre présence, ont regretté que vous ne soyez pas là samedi dernier et ont demandé à ce que vous veniez les voir ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Simplement pour finir sur ma phrase précédente, donc révocation de ce monsieur et révocation à l'avenir systématique de chaque individu qui aura subi une condamnation pour crime ou délit contraire à la probité et aux moeurs, c'est ce que prévoit la loi - la loi doit être appliquée - et il ne doit y avoir aucune tolérance ou aucune faiblesse face à ce type de délit et de crime. Consulter des images pédopornographiques, se livrer à des actes pédophiles cela doit être totalement exclu des salles de classe, nos enfants doivent être protégés des prédateurs sexuels. Pour revenir à Villefontaine, bien sûr que j'irai, évidemment que j'irai, mais nous avons convenu avec les parents qu'il fallait le faire dans la plus grande dignité, vous savez il y a une forme de double peine à subir ce qu'on subi ces familles et puis, ensuite, à avoir une forme de sensationnalisme médiatique qui attire l'oeil des caméras et qui ne les laisse pas d'une certaine façon dans la discrétion, dans la dignité à laquelle elles aspirent, donc j'irai dans quelques jours dans de bonnes conditions pour pouvoir discuter avec elles et puis, surtout, pour pouvoir leur apporter quelques premiers éléments de réponse, les familles aujourd'hui bien sûr qu'elles ont besoin de solidarité mais elles ont surtout de la part de l'Education nationale besoin de réponses et de certitudes sur le fait que ça ne puisse plus jamais se produire, ni dans cette école, ni dans aucune autre.
NICOLAS CROZEL
Najat VALLAUD-BELKACEM, on entend comment vous allez, en tant que ministre et en représentant l'Etat, aider, en tout cas apporter votre soutien aux enfants et aux parents. Peut-être un mot sur les enseignants, parce qu'on n'en a pas beaucoup parlés, mais les collègues de l'instituteur en question ils doivent quand même se demander comment ils ont fait pour ne pas voir, certains peut-être s'en veulent aussi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! Je vous remercie de penser à eux. Nous y avons pensé nous aussi, lorsque dès le premier jour, dès le lundi, lorsque nous avons eu connaissance de cette affaire, nous avons mis en place une cellule médico-psychologique sur place dans l'établissement, qui était là pour aussi bien aider les enfants, les parents, mais aussi l'équipe enseignante qui était tout aussi traumatisée d'une certain façon et c'est vrai qu'on se pose toujours comme adulte des questions a posteriori : est-ce qu'il y a des choses que j'aurais du voir ? Maintenant qu'on arrive à retracer à peu près le parcours de ce directeur d'école, on sait que de fait ses collègues n'étaient pas en condition de voir véritablement ce qui se passait dans la mesure où il changeait très souvent d'établissement, on sait que c'est un monsieur qui visiblement ne nouait pas de relations particulières, donc il y a évidemment toujours des interrogations qu'on peut avoir après coup. Il y a surtout un choc, un traumatisme dans l'équipe enseignante et il y a l'occasion pour moi, en plus de les accompagner et de leur dire notre soutien, c'est l'occasion pour moi de rappeler à tous les personnels de l'Education nationale que, quand ils ont un doute, une suspicion, une information préoccupante au sujet d'un enfant qui serait maltraité - d'ailleurs soit par sa famille, soit dans l'établissement scolaire il faut qu'ils transmettent, il y a une obligation de transmettre les informations
NICOLAS CROZEL
Parler, ne pas garder ses doutes ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Exactement ! Transmettre ça veut dire parler, ça veut dire intervenir à temps pour que le danger cesse pour l'enfant ; et donc je le dis, pardonnez-moi j'insiste parce que je sais que c'est difficile pour les équipes enseignantes de transmettre ces informations, parce que parfois on a peur que ça soit juste des informations qui sont considérées comme calomnieuses, des dénonciations calomnieuses, mais l'institution Education nationale sera là à vos côtés pour vous soutenir, nous préférons que vous transmettiez et que vous parliez quand il y a un soupçon ou un doute, plutôt qu'il y ait le silence et la poursuite d'agissements d'une telle nature.
NICOLAS CROZEL
De telles pratiques. Merci à vous Najat VALLAUD-BELKACEM, ministre de l'Education nationale, invitée ce matin de France Bleu Isère
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci !
NICOLAS CROZEL
Et on a retenu votre annonce, la révocation définitive de lenseignant soupçonné donc de ces actes pédophiles à Villefontaine, c'est lannonce que vous nous avez faite ce matin en direct sur France Bleu Isère, merci à vous et bonne journée.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Au revoir.
INTERVENANT
Merci Najat VALLAUD-BELKACEM, au revoir. Une interview à réécouter dans quelques minutes sur francebleu.fr
source : Service d'information du Gouvernement, le 1er avril 2015