Texte intégral
YVES CALVI
Jean-Michel APHATIE, vous recevez le ministre des Finances et des Comptes publics, Michel SAPIN.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Oui, bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous évoquons beaucoup sur RTL ce matin, François LENGLET vient de le faire, la note de conjoncture de l'INSEE qui dit que la croissance va un peu augmenter en France, 0,4 au premier trimestre, 0,3 au second. Ça n'enraillera probablement pas la montée du chômage. Ce n'est pas un peu désespérant, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Non, je vois beaucoup d'éléments positifs, même si évidemment ils ne suffisent pas à eux seuls. J'écoutais le terme de « reprisette », c'est donc qu'il y a une reprise, mais ce n'est pas ce que l'on disait
JEAN-MICHEL APHATIE
Petite.
MICHEL SAPIN
Petite.
JEAN-MICHEL APHATIE
Par rapport à nos voisins européens.
MICHEL SAPIN
Et l'objectif La comparaison avec les voisins européens, il faudrait voir ce qui se passe dans tel ou tel pays, il y a des différences très très différentes d'un pays à l'autre, si vous voulez. Regardez en Italie, les chiffres d'aujourd'hui, pour eux, seraient des chiffres extraordinaires. Bon.
JEAN-MICHEL APHATIE
Petite reprise en France.
MICHEL SAPIN
Donc, reprise, donc reprise. Ce n'est pas le commentaire que l'on faisait à la fin de l'année dernière. Lorsqu'à la fin de l'année dernière on regardait 2015, et quand je disais : « Je fais une hypothèse de 1 % de croissance pour 2015 », des gens très sérieux me disaient « ce n'est pas vrai, vous êtes beaucoup trop optimiste, comme d'habitude, vous allez annoncer des choses qui ne viendront pas, comme d'habitude », disaient-ils. Non, ce n'est pas comme d'habitude, nous avons dit 1 %, et aujourd'hui, tous les observateurs, ça vient d'être dit là aussi à l'instant, nous disent que pour 2015 il y a 1 % de croissance. Alors, je ne vais pas me réjouir de 1 % de croissance, parce que je sais très bien que 1 % de croissance ça n'est pas suffisant, tout particulièrement pour faire reculer le chômage. Mais ce 1 % de croissance aujourd'hui
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce qui pèse sur la psychologie générale.
MICHEL SAPIN
Sûrement, sûrement, mais cette question de psychologie, ça s'exprime comment ? Que chacun prenne ses responsabilités. Quelle responsabilité avons-nous pris au gouvernement, et quelle responsabilité aurons-nous devant nous ? Nous avons dit : tant que les entreprises ne retrouvent pas leurs marges, leurs marges c'est leur capacité de décider quelque chose, que ce soit d'embaucher ou d'investir, surtout, tant qu'elles ne retrouvent pas leurs marges, elles ne pourront pas créer véritablement des emplois. Donc nous décidons le CICE, nous décidons des baisses de cotisations qui sont rentrées en application depuis le 1er janvier de cette année. Et que voyons-nous ? Que ces marges des entreprises, globalement, il y en a certaines pour lesquelles ça va mal, d'autres pour lesquelles ça va mieux, ont retrouvé un bon niveau, donc il y a une capacité d'investissements. Mais ça ne suffit pas, il faut que ces marges se transforment en décisions et en investissements, ça c'est la responsabilité de qui ? Du monde économique. Il y a un moment donné où chacun est face à lui-même et doit prendre les bonnes décisions. Aujourd'hui, les entreprises, oui, ont la capacité d'investir, elles doivent investir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous suggérez qu'elles ne le font pas assez.
MICHEL SAPIN
Mais ce n'est pas, quand je dis ça, ce n'est pas faire la leçon
JEAN-MICHEL APHATIE
Non ? C'est ce que vous suggérez, elles ne le font pas assez ?
MICHEL SAPIN
Mais, elles ne le font pas suffisamment globalement, pour qu'une croissance solide, une croissance durable, s'installe en France. Nous avons
JEAN-MICHEL APHATIE
Pourquoi ne le font-elles pas ? Parce qu'elles ne jouent pas le jeu ou bien parce qu'elles ne font pas confiance ? Qu'est-ce qui se passe ?
MICHEL SAPIN
Je ne considère pas qu'un chef d'entreprise fait de la politique et prendrait de mauvaises décisions pour son entreprise, uniquement pour ne pas faire plaisir au gouvernement en place. Non, il y a un moment donné où, oui, il faut qu'il retrouve cette confiance, et cette confiance, et là aussi c'est une des responsabilités du gouvernement, elle passe par la constance de notre politique. C'est pour ça que c'est très important. Nous répétons les uns et les autres, là, depuis quelques jours, depuis la défaite de dimanche dernier, où il est tout à fait légitime que les uns ou les autres, fassent des remarques, fassent des propositions, nous, nous disons, je dis que la première chose à faire c'est de tenir le cap, parce que si nous changeons
JEAN-MICHEL APHATIE
Ne rien changer.
MICHEL SAPIN
Non, ne rien changer faites attention à cela.
JEAN-MICHEL APHATIE
Tenir le cap, d'accord, d'accord.
MICHEL SAPIN
Tenir le cap, ça ne veut pas dire ne pas bouger. J'ai vu une Une d'un hebdomadaire qui disait : « Maintenant c'est la sieste », ce qui voudrait dire « on ne bouge plus ». Mais non, tenir un cap ça veut dire qu'on sait où on va, et on peut accélérer pour aller plus vite dans cet endroit-là. Ne pas tenir le cap, ça serait zigzaguer, et ça c'est le pire qui pourrait arriver, s'agissant du monde économique, qui lui a besoin de cette constance. Il a besoin de croire que quand on leur dit : « On baisse de 12 milliards cette année, les charges des entreprises », on le fait, et on le fait, et l'année prochaine on baissera de 10 milliards, et on le fera, et c'est ça qui va leur permettre de décider de reprendre l'investissement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, restons sur cette question de la confiance, Michel SAPIN, on va essayer de l'explorer par deux ou trois aspects. David habite à Béthune, il est chef d'entreprise, il était tout à l'heure à 07h26, sur l'antenne de RTL.
DAVID
Qu'il explique aux gens sur RTL, qu'il soit franc, qu'il explique que le zéro charge sur le smic c'est un gros mensonge, et je viens de recevoir mon appel de cotisations, je n'ai aucune baisse de charge, aucune.
YVES CALVI
Pardonnez-moi, j'insiste, vous êtes formel, vous, vous êtes patron d'une TPE et vous n'avez aucune baisse de charges.
DAVID, AUDITEUR PATRON D'UNE TPE
Je peux vous assurer, sur le SMIC, que j'ai déjà eu l'appel de cotisations, j'ai déjà fait un premier versement, il n'y a pas de baisse de charges.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, « qu'il l'explique », il s'adressait à vous, Michel SAPIN, voyez, il y a un problème de confiance avec les chefs d'entreprise.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas un problème de confiance, ça c'est un problème de faits, parce que ce que dit le chef d'entreprise
JEAN-MICHEL APHATIE
David.
MICHEL SAPIN
c'est certainement ce qu'il perçoit, mais ça n'est pas exact. Ça n'est pas exact. Vraiment, je le dis, ça n'est pas exact. Au 1er janvier de cette année, au niveau du SMIC, s'agissant des cotisations que l'on appelle URSSAF, hein, c'est la maladie, c'est la retraite, il y a zéro cotisation. Simplement, son comptable n'a pas du changer véritablement le logiciel qui établit la feuille de paie, et il a du voir quelque part, sur une vieille ligne, qui s'appelait par exemple « les avantages Fillon », qui ont disparu, parce que son comptable n'a pas changé le système informatique. Il a du voir
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est intéressant. D'accord peut-être
MICHEL SAPIN
Mais la réalité, non mais, pourquoi je dis ça ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, voilà, peut-être que l'on va s'écarter de ce cas particulier.
MICHEL SAPIN
Non non non, je reviens à ce cas particulier, parce qu'il ne ment pas
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, il est convaincu de ce qu'il dit.
MICHEL SAPIN
Il est convaincu de ce qu'il dit, donc je respecte totalement ce qu'il dit, mais ça n'est pas exact. Que chacun regarde les faits, et regardant les faits, il s'apercevra que sur le SMIC, il n'y a plus de cotisations, et donc on ne peut plus dire : « Je ne t'embauche pas, parce que tu me coutes trop cher quand tu es au SMIC ».
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que ça identifie un problème de confiance ? On a du mal à vous croire, c'est terrible.
MICHEL SAPIN
Il peut y avoir plusieurs choses, mais je vous ai décrit très précisément ce qui se passe. Le logiciel qui établit la feuille de paie, n'a pas été changé, alors qu'il peut être changé, et donc il ne fait pas apparaitre une baisse de cotisations qui est considérable. Je répète le chiffre : en 2015, pour l'ensemble des entreprises, le CICE, plus la baisse de cotisations, c'est 12 milliards d'allègements de charges. Ça n'a jamais été fait. Jamais été fait au cours de ces années, et nous ne le faisons pas pour faire un cadeau, nous le faisons parce que nous savons que c'est le seul moyen pour que les entreprises, en France, reprennent l'investissement et reprennent l'embauche.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous persisterez dans cette voie, vous l'avez dit Michel SAPIN, alors que c'est aussi une question qui mine la confiance, des dirigeants politiques, pas n'importe lesquels, vous critiquent : Martine AUBRY, socialiste, qui dit « ça ne va pas du tout, le CICE ça ne marche pas », elle l'a dit mardi devant ses copains. Arnaud MONTEBOURG, « vous étouffez l'économie », ancien ministre, il y a six mois. Christiane TAUBIRA qui dit : « C'est dommage elle, elle est encore au gouvernement mes copains ils emploient les mots de la droite », et tout ça, ça n'installe pas la confiance Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Le débat politique il existe, il existe aussi entre la gauche et la droite et il existe aussi au sein de la gauche. Ce n'est pas pour autant que l'on doit mettre en cause la confiance. Mais, attention à ne pas tout confondre, pardon.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je confonds tout, peut-être ?
MICHEL SAPIN
Non, pas tout, mais les personnes, et ce que disent les personnes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais Christiane TAUBIRA, elle dit, « vous employez les mots de la droite ».
MICHEL SAPIN
Christiane TAUBIRA elle a dit des choses extrêmement justes, dans son interview
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, vous employez les mots de la droite.
MICHEL SAPIN
Non non non
JEAN-MICHEL APHATIE
Si si, elle a dit ça.
MICHEL SAPIN
et vous savez très bien pourquoi, par exemple, quand on parle d'assistanat, ceux qui parleraient d'assistanat, prennent un terme de la droite qui n'est pas exact.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais c'est ça la cacophonie, c'est pour ça qu'on ne vous croit pas après, parce qu'il y a des gens dans l'équipe qui disent des choses terribles.
MICHEL SAPIN
Arnaud MONTEBOURG, alors lui, il est dans l'erreur totale. Pourquoi ? Parce qu'il décrit la situation de la France quand il était au gouvernement, et qui n'est plus du tout la situation de la France. Il voulait que l'euro baisse, nous avons fait baisser l'euro. Il voulait que les taux d'intérêt baissent, nous avons fait baisser les taux d'intérêt. Il voulait qu'il y ait plus de marges pour les entreprises, nous avons plus de marges pour les entreprises. Donc il devrait plutôt reconnaitre que la politique que nous menons, c'est celle qu'il aurait souhaité à l'époque.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et Martine AUBRY.
MICHEL SAPIN
Et enfin, Martine AUBRY, je fais beaucoup de différence, parce que c'est une responsable politique, et elle agit en responsable politique, et on peut être responsable politique et dire : l'investissement et je viens de le dire ne redémarre pas, que fait-on pour que l'investissement redémarre ? L'investissement dans les collectivités locales, c'est important, parce que c'est l'activité de ces petites entreprises du bâtiment, sur l'ensemble du territoire, que fait-on ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Martine AUBRY, elle dit : « Réorientons quelques milliards du CICE qui ne servent à rien ».
MICHEL SAPIN
Voyez, réorienter, c'est pas changeons de cap, c'est pas changeons tout
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle pourrait avoir gain de cause ?
MICHEL SAPIN
c'est pas repartons en arrière, c'est repartons ailleurs. Non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle pourrait avoir gain de cause ?
MICHEL SAPIN
C'est
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pourrirez remettre en cause une partie du CICE ?
MICHEL SAPIN
Mais ce n'est pas remettre en cause, c'est « comment fait-on ? » c'est répondre à une question qui est la seule question juste, elle vient d'être posée par l'observateur, LENGLET, précédent. Comment fait-on démarrer cet investissement ? Et Martine AUBRY, elle est comme moi, elle a comme seule idée que si l'investissement ne reprend pas en France, eh bien ça sera une reprisette. Si l'investissement reprend, et il va reprendre, grâce à ces mesures prises déjà et qui vont être prises maintenant, elle va reprendre et à ce moment-là ça sera une vraie reprise et derrière la vraie reprise, il y a le vrai recul du chômage.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bon, vous pensez que votre interview participe à la solidification de la confiance ?
MICHEL SAPIN
J'espère.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors vous n'êtes pas venu pour rien. Ce matin, Michel SAPIN, était l'invité de RTL.
YVES CALVI
On ne peut plus dire : « Je ne t'embauche pas, parce que tu me coûtes trop cher au SMIC », c'est ce que viens de nous dire Michel SAPIN, répondant ainsi à un auditeur, patron de TPE, qui nous appelait tout à l'heure sur l'antenne de RTL. Merci à tous les deux. L'entretien est bien entendu, comme chaque jour, à réécouter et à retrouver sur le site RTL.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 avril 2015
Jean-Michel APHATIE, vous recevez le ministre des Finances et des Comptes publics, Michel SAPIN.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Oui, bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous évoquons beaucoup sur RTL ce matin, François LENGLET vient de le faire, la note de conjoncture de l'INSEE qui dit que la croissance va un peu augmenter en France, 0,4 au premier trimestre, 0,3 au second. Ça n'enraillera probablement pas la montée du chômage. Ce n'est pas un peu désespérant, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Non, je vois beaucoup d'éléments positifs, même si évidemment ils ne suffisent pas à eux seuls. J'écoutais le terme de « reprisette », c'est donc qu'il y a une reprise, mais ce n'est pas ce que l'on disait
JEAN-MICHEL APHATIE
Petite.
MICHEL SAPIN
Petite.
JEAN-MICHEL APHATIE
Par rapport à nos voisins européens.
MICHEL SAPIN
Et l'objectif La comparaison avec les voisins européens, il faudrait voir ce qui se passe dans tel ou tel pays, il y a des différences très très différentes d'un pays à l'autre, si vous voulez. Regardez en Italie, les chiffres d'aujourd'hui, pour eux, seraient des chiffres extraordinaires. Bon.
JEAN-MICHEL APHATIE
Petite reprise en France.
MICHEL SAPIN
Donc, reprise, donc reprise. Ce n'est pas le commentaire que l'on faisait à la fin de l'année dernière. Lorsqu'à la fin de l'année dernière on regardait 2015, et quand je disais : « Je fais une hypothèse de 1 % de croissance pour 2015 », des gens très sérieux me disaient « ce n'est pas vrai, vous êtes beaucoup trop optimiste, comme d'habitude, vous allez annoncer des choses qui ne viendront pas, comme d'habitude », disaient-ils. Non, ce n'est pas comme d'habitude, nous avons dit 1 %, et aujourd'hui, tous les observateurs, ça vient d'être dit là aussi à l'instant, nous disent que pour 2015 il y a 1 % de croissance. Alors, je ne vais pas me réjouir de 1 % de croissance, parce que je sais très bien que 1 % de croissance ça n'est pas suffisant, tout particulièrement pour faire reculer le chômage. Mais ce 1 % de croissance aujourd'hui
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce qui pèse sur la psychologie générale.
MICHEL SAPIN
Sûrement, sûrement, mais cette question de psychologie, ça s'exprime comment ? Que chacun prenne ses responsabilités. Quelle responsabilité avons-nous pris au gouvernement, et quelle responsabilité aurons-nous devant nous ? Nous avons dit : tant que les entreprises ne retrouvent pas leurs marges, leurs marges c'est leur capacité de décider quelque chose, que ce soit d'embaucher ou d'investir, surtout, tant qu'elles ne retrouvent pas leurs marges, elles ne pourront pas créer véritablement des emplois. Donc nous décidons le CICE, nous décidons des baisses de cotisations qui sont rentrées en application depuis le 1er janvier de cette année. Et que voyons-nous ? Que ces marges des entreprises, globalement, il y en a certaines pour lesquelles ça va mal, d'autres pour lesquelles ça va mieux, ont retrouvé un bon niveau, donc il y a une capacité d'investissements. Mais ça ne suffit pas, il faut que ces marges se transforment en décisions et en investissements, ça c'est la responsabilité de qui ? Du monde économique. Il y a un moment donné où chacun est face à lui-même et doit prendre les bonnes décisions. Aujourd'hui, les entreprises, oui, ont la capacité d'investir, elles doivent investir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous suggérez qu'elles ne le font pas assez.
MICHEL SAPIN
Mais ce n'est pas, quand je dis ça, ce n'est pas faire la leçon
JEAN-MICHEL APHATIE
Non ? C'est ce que vous suggérez, elles ne le font pas assez ?
MICHEL SAPIN
Mais, elles ne le font pas suffisamment globalement, pour qu'une croissance solide, une croissance durable, s'installe en France. Nous avons
JEAN-MICHEL APHATIE
Pourquoi ne le font-elles pas ? Parce qu'elles ne jouent pas le jeu ou bien parce qu'elles ne font pas confiance ? Qu'est-ce qui se passe ?
MICHEL SAPIN
Je ne considère pas qu'un chef d'entreprise fait de la politique et prendrait de mauvaises décisions pour son entreprise, uniquement pour ne pas faire plaisir au gouvernement en place. Non, il y a un moment donné où, oui, il faut qu'il retrouve cette confiance, et cette confiance, et là aussi c'est une des responsabilités du gouvernement, elle passe par la constance de notre politique. C'est pour ça que c'est très important. Nous répétons les uns et les autres, là, depuis quelques jours, depuis la défaite de dimanche dernier, où il est tout à fait légitime que les uns ou les autres, fassent des remarques, fassent des propositions, nous, nous disons, je dis que la première chose à faire c'est de tenir le cap, parce que si nous changeons
JEAN-MICHEL APHATIE
Ne rien changer.
MICHEL SAPIN
Non, ne rien changer faites attention à cela.
JEAN-MICHEL APHATIE
Tenir le cap, d'accord, d'accord.
MICHEL SAPIN
Tenir le cap, ça ne veut pas dire ne pas bouger. J'ai vu une Une d'un hebdomadaire qui disait : « Maintenant c'est la sieste », ce qui voudrait dire « on ne bouge plus ». Mais non, tenir un cap ça veut dire qu'on sait où on va, et on peut accélérer pour aller plus vite dans cet endroit-là. Ne pas tenir le cap, ça serait zigzaguer, et ça c'est le pire qui pourrait arriver, s'agissant du monde économique, qui lui a besoin de cette constance. Il a besoin de croire que quand on leur dit : « On baisse de 12 milliards cette année, les charges des entreprises », on le fait, et on le fait, et l'année prochaine on baissera de 10 milliards, et on le fera, et c'est ça qui va leur permettre de décider de reprendre l'investissement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, restons sur cette question de la confiance, Michel SAPIN, on va essayer de l'explorer par deux ou trois aspects. David habite à Béthune, il est chef d'entreprise, il était tout à l'heure à 07h26, sur l'antenne de RTL.
DAVID
Qu'il explique aux gens sur RTL, qu'il soit franc, qu'il explique que le zéro charge sur le smic c'est un gros mensonge, et je viens de recevoir mon appel de cotisations, je n'ai aucune baisse de charge, aucune.
YVES CALVI
Pardonnez-moi, j'insiste, vous êtes formel, vous, vous êtes patron d'une TPE et vous n'avez aucune baisse de charges.
DAVID, AUDITEUR PATRON D'UNE TPE
Je peux vous assurer, sur le SMIC, que j'ai déjà eu l'appel de cotisations, j'ai déjà fait un premier versement, il n'y a pas de baisse de charges.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, « qu'il l'explique », il s'adressait à vous, Michel SAPIN, voyez, il y a un problème de confiance avec les chefs d'entreprise.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas un problème de confiance, ça c'est un problème de faits, parce que ce que dit le chef d'entreprise
JEAN-MICHEL APHATIE
David.
MICHEL SAPIN
c'est certainement ce qu'il perçoit, mais ça n'est pas exact. Ça n'est pas exact. Vraiment, je le dis, ça n'est pas exact. Au 1er janvier de cette année, au niveau du SMIC, s'agissant des cotisations que l'on appelle URSSAF, hein, c'est la maladie, c'est la retraite, il y a zéro cotisation. Simplement, son comptable n'a pas du changer véritablement le logiciel qui établit la feuille de paie, et il a du voir quelque part, sur une vieille ligne, qui s'appelait par exemple « les avantages Fillon », qui ont disparu, parce que son comptable n'a pas changé le système informatique. Il a du voir
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est intéressant. D'accord peut-être
MICHEL SAPIN
Mais la réalité, non mais, pourquoi je dis ça ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, voilà, peut-être que l'on va s'écarter de ce cas particulier.
MICHEL SAPIN
Non non non, je reviens à ce cas particulier, parce qu'il ne ment pas
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, il est convaincu de ce qu'il dit.
MICHEL SAPIN
Il est convaincu de ce qu'il dit, donc je respecte totalement ce qu'il dit, mais ça n'est pas exact. Que chacun regarde les faits, et regardant les faits, il s'apercevra que sur le SMIC, il n'y a plus de cotisations, et donc on ne peut plus dire : « Je ne t'embauche pas, parce que tu me coutes trop cher quand tu es au SMIC ».
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que ça identifie un problème de confiance ? On a du mal à vous croire, c'est terrible.
MICHEL SAPIN
Il peut y avoir plusieurs choses, mais je vous ai décrit très précisément ce qui se passe. Le logiciel qui établit la feuille de paie, n'a pas été changé, alors qu'il peut être changé, et donc il ne fait pas apparaitre une baisse de cotisations qui est considérable. Je répète le chiffre : en 2015, pour l'ensemble des entreprises, le CICE, plus la baisse de cotisations, c'est 12 milliards d'allègements de charges. Ça n'a jamais été fait. Jamais été fait au cours de ces années, et nous ne le faisons pas pour faire un cadeau, nous le faisons parce que nous savons que c'est le seul moyen pour que les entreprises, en France, reprennent l'investissement et reprennent l'embauche.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous persisterez dans cette voie, vous l'avez dit Michel SAPIN, alors que c'est aussi une question qui mine la confiance, des dirigeants politiques, pas n'importe lesquels, vous critiquent : Martine AUBRY, socialiste, qui dit « ça ne va pas du tout, le CICE ça ne marche pas », elle l'a dit mardi devant ses copains. Arnaud MONTEBOURG, « vous étouffez l'économie », ancien ministre, il y a six mois. Christiane TAUBIRA qui dit : « C'est dommage elle, elle est encore au gouvernement mes copains ils emploient les mots de la droite », et tout ça, ça n'installe pas la confiance Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Le débat politique il existe, il existe aussi entre la gauche et la droite et il existe aussi au sein de la gauche. Ce n'est pas pour autant que l'on doit mettre en cause la confiance. Mais, attention à ne pas tout confondre, pardon.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je confonds tout, peut-être ?
MICHEL SAPIN
Non, pas tout, mais les personnes, et ce que disent les personnes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais Christiane TAUBIRA, elle dit, « vous employez les mots de la droite ».
MICHEL SAPIN
Christiane TAUBIRA elle a dit des choses extrêmement justes, dans son interview
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, vous employez les mots de la droite.
MICHEL SAPIN
Non non non
JEAN-MICHEL APHATIE
Si si, elle a dit ça.
MICHEL SAPIN
et vous savez très bien pourquoi, par exemple, quand on parle d'assistanat, ceux qui parleraient d'assistanat, prennent un terme de la droite qui n'est pas exact.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais c'est ça la cacophonie, c'est pour ça qu'on ne vous croit pas après, parce qu'il y a des gens dans l'équipe qui disent des choses terribles.
MICHEL SAPIN
Arnaud MONTEBOURG, alors lui, il est dans l'erreur totale. Pourquoi ? Parce qu'il décrit la situation de la France quand il était au gouvernement, et qui n'est plus du tout la situation de la France. Il voulait que l'euro baisse, nous avons fait baisser l'euro. Il voulait que les taux d'intérêt baissent, nous avons fait baisser les taux d'intérêt. Il voulait qu'il y ait plus de marges pour les entreprises, nous avons plus de marges pour les entreprises. Donc il devrait plutôt reconnaitre que la politique que nous menons, c'est celle qu'il aurait souhaité à l'époque.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et Martine AUBRY.
MICHEL SAPIN
Et enfin, Martine AUBRY, je fais beaucoup de différence, parce que c'est une responsable politique, et elle agit en responsable politique, et on peut être responsable politique et dire : l'investissement et je viens de le dire ne redémarre pas, que fait-on pour que l'investissement redémarre ? L'investissement dans les collectivités locales, c'est important, parce que c'est l'activité de ces petites entreprises du bâtiment, sur l'ensemble du territoire, que fait-on ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Martine AUBRY, elle dit : « Réorientons quelques milliards du CICE qui ne servent à rien ».
MICHEL SAPIN
Voyez, réorienter, c'est pas changeons de cap, c'est pas changeons tout
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle pourrait avoir gain de cause ?
MICHEL SAPIN
c'est pas repartons en arrière, c'est repartons ailleurs. Non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle pourrait avoir gain de cause ?
MICHEL SAPIN
C'est
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pourrirez remettre en cause une partie du CICE ?
MICHEL SAPIN
Mais ce n'est pas remettre en cause, c'est « comment fait-on ? » c'est répondre à une question qui est la seule question juste, elle vient d'être posée par l'observateur, LENGLET, précédent. Comment fait-on démarrer cet investissement ? Et Martine AUBRY, elle est comme moi, elle a comme seule idée que si l'investissement ne reprend pas en France, eh bien ça sera une reprisette. Si l'investissement reprend, et il va reprendre, grâce à ces mesures prises déjà et qui vont être prises maintenant, elle va reprendre et à ce moment-là ça sera une vraie reprise et derrière la vraie reprise, il y a le vrai recul du chômage.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bon, vous pensez que votre interview participe à la solidification de la confiance ?
MICHEL SAPIN
J'espère.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors vous n'êtes pas venu pour rien. Ce matin, Michel SAPIN, était l'invité de RTL.
YVES CALVI
On ne peut plus dire : « Je ne t'embauche pas, parce que tu me coûtes trop cher au SMIC », c'est ce que viens de nous dire Michel SAPIN, répondant ainsi à un auditeur, patron de TPE, qui nous appelait tout à l'heure sur l'antenne de RTL. Merci à tous les deux. L'entretien est bien entendu, comme chaque jour, à réécouter et à retrouver sur le site RTL.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 avril 2015