Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marisol TOURAINE est notre invitée ce matin, ministre de la Santé, ministre des Affaires social et du Droit des femmes. Bonjour Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Du monde dans la rue hier, beaucoup de monde dans les rues de Paris, la médecine libérale qui protestait, qui manifestait. Manifestation politique ou pas à 6 jours des départementales ?
MARISOL TOURAINE
Les médecins et les professionnels de santé, parce que les professionnels de santé dans leur ensemble expriment une inquiétude sur leur métier, et surtout les médecins, les jeunes, les futurs médecins s'interrogent sur les conditions d'exercice de leur métier. Alors j'ai bien entendu qu'il y avait des tentatives de récupération, et le fait que l'UMP par exemple appelle au retrait de la loi de santé, ce que la plupart de mes interlocuteurs
JEAN-JACQUES BOURDIN
Manif politique alors hier ?
MARISOL TOURAINE
Je ne crois pas que la manif en elle-même était politique, que certains portent des slogans politiques à l'occasion de cette manifestation je n'en doute pas. Mais moi au fond ce qui m'intéresse, c'est la manière de répondre aux attentes de santé de nos concitoyens parce que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien ! Je vais vous poser les questions qu'il faut
MARISOL TOURAINE
Les Français, qu'est-ce qu'ils disent ? Les Français, ils disent à la fois qu'ils sont évidemment et c'est normal et c'est heureux extraordinairement attachés aux médecins et à leur médecin qui les soigne au quotidien ; et puis en même temps ils disent qu'ils veulent que ça bouge, que le système de santé évolue, qu'il y ait les transformations, les modernisations nécessaires pour mieux les prendre en charge. Et la loi de santé c'est cela
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Alors justement
MARISOL TOURAINE
C'est moderniser notre système de santé pour les Français
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va entrer dedans.
MARISOL TOURAINE
Et avec les médecins bien entendu, pas contre les médecins comme certains le disent, avec les médecins et avec les professionnels de santé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors on va entrer dans votre projet de loi sur la santé, qui sera examiné demain en Commission des affaires sociales
MARISOL TOURAINE
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A l'Assemblée nationale. Ensuite, le vote fin mars, début avril, c'est bien ça ?
MARISOL TOURAINE
Le débat commencera
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le débat commencera à ce moment-là.
MARISOL TOURAINE
Dans l'hémicycle fin mars, début avril et donc
JEAN-JACQUES BOURDIN
Procédure accélérée ou pas ?
MARISOL TOURAINE
Ecoutez ! On verra ce qui sera décidé au niveau gouvernemental
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous l'avez demandé à Manuel VALLS ?
MARISOL TOURAINE
La demande a été faite il y a déjà plusieurs mois, donc
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc demande de procédure accélérée, ça veut dire quoi, une fois à l'Assemblée, une fois au Sénat et si
MARISOL TOURAINE
Retour à l'Assemblée pour
JEAN-JACQUES BOURDIN
Retour à l'Assemblée et c'est l'Assemblée qui a le dernier mot ?
MARISOL TOURAINE
Comme toujours.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comme toujours mais là, ça va plus vite ?
MARISOL TOURAINE
Ça va plus dire, un peu plus vite
JEAN-JACQUES BOURDIN
Procédure accélérée, vous l'avez demandé donc ?
MARISOL TOURAINE
Oui, la procédure accélérée a été demandée il y a plusieurs mois, parce que tout simplement le délai d'examen des textes est long. Et moi je le dis, je ne crois pas qu'il soit utile que la loi s'étire pendant 6 mois, 8 mois à l'Assemblée nationale. Compte tenu de l'encombrement qu'il y a au Parlement, faire passer un texte en procédure classique, c'est le faire s'étaler pendant de très nombreux mois. Moi, je pense que le débat il a lieu avant, il a lieu pendant le débat parlementaire, on n'a pas besoin de l'allonger outre mesure.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord. Le texte va se poursuivre, donc il est maintenu, on est bien d'accord, réécrit, reporté report non plus
MARISOL TOURAINE
Non
JEAN-JACQUES BOURDIN
Réécrit sur les amendements qui vont réécrire le texte !
MARISOL TOURAINE
Oui, c'est ça parce que j'entends dire depuis hier certains, pas tous d'ailleurs des médecins qui disent « elle ne bouge pas, elle n'évolue pas, elle n'entend pas ». J'ai
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce qu'ils ont dit à la sortie de l'entretien que vous leur avez donné hier !
MARISOL TOURAINE
J'ai entendu
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que vous leur avez accordé après la manif.
MARISOL TOURAINE
J'ai entendu les inquiétudes qu'ils portent et j'ai entendu notamment des demandes de réécriture de certains articles, pas de tous les articles de loi. Parce que comme ils le disent eux-mêmes, ils partagent les objectifs de la loi, ils en partagent l'essentiel des mesures. Et d'ailleurs, je voudrais rappeler que cette loi porte des mesures de prévention, de droit des malades, et il serait donc préoccupant que les médecins n'accompagnent pas ces évolutions-là. Donc ils m'ont demandée des évolutions du texte sur des points précis
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura des évolutions ?
MARISOL TOURAINE
Je leur ai dit que des amendements avaient été déposés, des amendements qui leur ont été soumis sans doute à des phases intermédiaires. S'ils souhaitent voir ces amendements avant le début du débat à l'Assemblée nationale, je leur ai indiqué que c'était évidemment possible et que nous pouvions travailler aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors quels sont ces amendements ?
MARISOL TOURAINE
Donc très précisément, je vais vous donner des exemples
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y.
MARISOL TOURAINE
Premier exemple, les médecins ont dit « vous nous proposez que les pharmaciens vaccinent chez eux
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans les pharmacies.
MARISOL TOURAINE
Dans les pharmacies, nous on est inquiet ». Ça se fait dans beaucoup de pays, j'ai entendu cette inquiétude, j'ai donc dit « il n'y aura pas de généralisation de cette idée, nous allons commencer par expérimenter et nous allons discuter ensemble de ce que nous allons expérimenter », premier exemple. Deuxième exemple, ils m'ont dit « nous avons peur ou nous avons le sentiment que vous nous proposez une médecine étatisée et où l'organisation des soins dans les territoires qui est nécessaire, et ils le disent eux-mêmes, qui est nécessaire parce qu'il faut que le médecin généraliste se coordonne mieux avec le médecin spécialiste et se coordonne mieux avec l'hôpital, on est d'accord sur les objectifs mais on a l'impression que vous donnez trop de rôles, trop de place à l'Etat ». « Très bien, ai-je dit, nous allons réécrire cet amendement pour qu'il soit clair que cette coopération, elle se fait à l'initiative des médecins et des professionnels de santé. Et pour que les choses soient encore plus claires, puisque cette coordination elle avait un nom, on va changer le nom de la coordination pour faire apparaître la place des médecins ». Donc ça, c'est un amendement qui répond
JEAN-JACQUES BOURDIN
Autre exemple !
MARISOL TOURAINE
Alors autre exemple, le tiers-payant pour prendre le sujet qui est partout dans les discussions. Pendant tous les débats, j'ai entendu cette inquiétude que les Français d'ailleurs comprennent d'un système qui serait complexe, parce que les Français sont attachés au tiers-payant, ils le disent massivement, ils trouvent que c'est une façon
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tiers-payant c'est je vais chez mon médecin, je ne paie pas.
MARISOL TOURAINE
Je n'avance pas, oui c'est a, je n'avance pas l'argent comme lorsque je vais à l'hôpital.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le médecin qui se fait rembourser par la Sécurité sociale
MARISOL TOURAINE
Qui se fait payer
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et par les complémentaires.
MARISOL TOURAINE
Oui, comme
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui pose problème d'ailleurs.
MARISOL TOURAINE
Comme quand on va à l'hôpital, comme quand on va à l'hôpital. Et donc oui, comme quand on va à l'hôpital
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais enfin le médecin, c'est un libéral, ce n'est pas l'hôpital public.
MARISOL TOURAINE
Oui mais aujourd'hui, s'il n'y avait pas la Sécurité sociale, est-ce que vous croyez que les médecins auraient le même type de relation avec leurs patients. Regardons ce qui se passe dans les pays où la Sécurité sociale n'a pas le rôle qu'elle a en France, il y a des gens qui se soignent beaucoup moins, il y a des gens qui ont des maladies qu'ils ne peuvent pas voir prendre en charge, je crois que personne ne peut souhaiter cela. Donc au fond le tiers-payant c'est quoi ? C'est faciliter l'accès aux soins
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir.
MARISOL TOURAINE
Et l'égalité d'accès aux soins, parce que c'est une avancée pour les patients et les patients le disent. Mais
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! Je vais revenir sur le tiers-payant, qu'est-ce que vous leur proposez dans l'amendement ?
MARISOL TOURAINE
J'ai dans l'amendement proposé qu'on inscrive d'une part des garanties, garanties de paiement puisque beaucoup m'ont dit « vous savez, lorsqu'on fait le tiers-payant pour la CMU aujourd'hui, puisque ça existe pour la CMU, il arrive qu'on soit payé avec retard ». J'ai dit « très bien, garantie de paiement en moins de 7 jours et si ce délai n'est pas respecté, on vous paiera des pénalités de retard ». Donc ça, c'est une avancée concrète, une garantie concrète
JEAN-JACQUES BOURDIN
Garantie de paiement de la part de la Sécurité sociale
MARISOL TOURAINE
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et de la part des complémentaires et assurances.
MARISOL TOURAINE
Oui, dans un premier temps dans un premier temps, ce sera et la deuxième chose que j'ai inscrite dans l'amendement que j'ai indiqué, c'est que la mise en oeuvre de ce tiers-payant se ferait de manière progressive, étalée dans le temps. Il n'y a pas du jour au lendemain, on bascule d'un système à un autre, on le fait très progressivement pour pouvoir roder les systèmes, pour pouvoir s'approprier les systèmes. On commence avec les personnes qui ont le plus de difficulté financière, disons dans un premier temps, au 1er juillet
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
MARISOL TOURAINE
2015, donc il y aura les gens qui ont la CMU et les gens qui sont bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé. Mais moi, pour moi le tiers-payant ça n'est pas un tiers-payant social, ça n'est pas un tiers-payant pour les pauvres. Ce qui compte, c'est une mesure pour les classes moyennes, c'est pour que la famille qui a 2 enfants et qui a un revenu de 2.000, 2.500 , 3.000 puisse se dire : mes enfants ont tous la maladie de l'hiver, une gastro, une rhino, n'importe quoi, il faut que j'aille consulter, eh bien moi ! Je ne peux pas avancer l'argent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais Marisol TOURAINE, le tiers-payant sera généralisé en 2017, on est bien d'accord
MARISOL TOURAINE
A partir de 2017, ça deviendra un droit progressivement pour l'ensemble des Français, c'est-à-dire que le système sera mis à disposition des médecins au début de l'année 2017. Ceux qui le souhaiteront le feront, ils auront le temps de se familiariser
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les autres non ?
MARISOL TOURAINE
Pendant au tout début, ils se familiariseront et puis tout au long de l'année 2017, ça montera en puissance et avant la fin de l'année 2017, ce sera un droit pour l'ensemble
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le problème, c'est la lourdeur administrative pour un médecin.
MARISOL TOURAINE
Mais un médecin ne verra pas la lourdeur administrative
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon !
MARISOL TOURAINE
C'est justement cela l'engagement qui est pris
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment, comment ?
MARISOL TOURAINE
Et l'Assurance maladie y travaille. Ecoutez ! Comme aujourd'hui, est-ce que quand vous passez la Carte Vitale, pas vous mais votre médecin, quand il passe la Carte Vitale dans la machine, derrière il y a des tas de systèmes techniques très compliqués, ça ne se fait pas comme ça. Eh bien ! Le tiers-payant, ça doit être aussi simple que ce qu'est la Carte Vitale aujourd'hui. L'idée c'est bien cela, un seul geste et au fond ce qui se passera derrière, ce n'est pas le problème du médecin
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais Marisol TOURAINE
MARISOL TOURAINE
Et ça je le comprends. Le médecin, ça doit lui prendre ni temps ni argent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous vous êtes mise à la place des médecins, j'imagine.
MARISOL TOURAINE
Oui, bien sûr, j'ai reçu beaucoup de médecins de terrain
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un médecin aujourd'hui
MARISOL TOURAINE
J'ai été sur le terrain et j'ai rencontré beaucoup de médecins
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais le médecin nous dit « mais moi, je suis à la merci maintenant, je vais être à la merci de la Sécurité sociale, des complémentaires santé, ce sont eux qui vont gérer
MARISOL TOURAINE
Mais pourquoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ma médecine, la médecine que je pratique. Le médecin aujourd'hui, il connaît ses patients, quand un patient est en difficulté financière, il lui permet de payer un peu plus tard, il l'aide d'une autre façon
MARISOL TOURAINE
Ecoutez ! Comment
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et puis ils ont une proposition que je trouve intéressante Marisol TOURAINE, c'est la Carte Santé, ça existe, il y a une banque qui la pratique cette Carte Santé à paiements différés.
MARISOL TOURAINE
Ecoutez ! Si vous trouvez ça simple
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est bien ou pas ?
MARISOL TOURAINE
Le tiers-payant, ça existe pour les gens qui ont la CMU, un système existe qu'il faut améliorer et qu'il faut pouvoir étendre. Vous trouvez que la simplicité, c'est d'ajouter un nouveau dispositif, donc le médecin il aurait deux terminaux, vous allez proposer une Carte Bleu au patient, une Carte Bleu spéciale santé comme manière de ne pas avancer les frais
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais le patient est remboursé, le patient est remboursé avant même que son compte ne soit débité.
MARISOL TOURAINE
Ecoutez ! C'est le tiers-payant, c'est le tiers-payant, le dispositif du tiers-payant c'est ne pas avancer les frais. Et ça ne doit rien changer, j'insiste là-dessus, rien changer dans la relation qui existe aujourd'hui entre les médecins, les professionnels de santé et la Sécurité sociale ou les complémentaires. Vous savez aujourd'hui, la Sécurité sociale elle dit aux médecins par exemple : moi je souhaite, parce que c'est la politique que je fixe ou que fixe le gouvernement, je souhaite que vous mettiez l'accent sur la prévention, sur les dépistages, sur le fait d'aider les gens à arrêter de fumer. Et si vous engagez ces actions-là, vous aurez des rémunérations forfaitaires. Les médecins sont aussi payés pour des objectifs de santé publique qu'ils portent, et ces objectifs-là ils sont fixés par la Sécurité sociale
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que le médecin va être un employé de la Sécurité sociale
MARISOL TOURAINE
Mais non, il n'est pas un employé
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et de la mutuelle et des mutuelles ?
MARISOL TOURAINE
Pourquoi un employé, est-ce qu'il l'est aujourd'hui ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui non, mais peut-être qu'il le sera demain.
MARISOL TOURAINE
Alors pourquoi est-ce que le tiers-payant changerait quoi que ce soit, c'est juste une manière de faciliter l'accès aux soins, parce que revenons à l'idée de départ. L'idée de départ, ça n'est pas de mettre tel ou tel système entre le médecin et la Sécurité sociale, l'objectif de départ c'est de favoriser l'accès aux soins et l'égalité d'accès aux soins. Et si les Français disent qu'ils sont favorables au tiers-payant, tout en reconnaissant que ça doit être simple, mais si les Français disent qu'ils y sont favorables, c'est bien que l'égalité d'accès aux soins est un enjeu
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que je suis médecin, je dépends des remboursements de la Sécurité sociale et des mutuelles, eh oui, je suis médecin
MARISOL TOURAINE
Et donc vous, vous dites « il faut que ce soit les Français qui dépendent du remboursement de la Sécurité sociale et des mutuelles. Eh bien ! Moi ce que je dis, c'est que pour que les Français aillent se faire soigner, nous mettons en place un système qui garantira un remboursement en moins de 7 jours, moins de 7 jours. Voilà ce qui est l'engagement qui est pris par le gouvernement, qui est pris par la loi, les médecins seront remboursés en moins de 7 jours.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le problème, c'est qu'il y a quand même 400 complémentaires santé, plus les assurances, enfin
MARISOL TOURAINE
Mais c'est bien pour cela
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je me mets à la place du médecin, ça va être compliqué.
MARISOL TOURAINE
Il n'est pas question que le médecin ait 400 interlocuteurs
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'espère oui
MARISOL TOURAINE
Le médecin ne doit avoir qu'un interlocuteur, sa machine (si j'ose dire) dans laquelle il met sa carte ou la carte plutôt de son patient.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Espérons que ça fonctionnera. Marisol TOURAINE, autre chose dans ce projet de loi parce qu'il y a beaucoup de choses, vous parliez de tabac, j'ai vu « interdiction de fumer en voiture en présence d'un enfant de moins de 12 ans dans le véhicule », ça fait partie du projet de loi. Mais alors il va y avoir quoi, des contraventions ?
MARISOL TOURAINE
Oui, il y aura des contraventions, j'espère
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un agent de police ou un gendarme pourra arrêter un automobiliste qui conduit en fumant, alors qu'il y a un enfant dans la voiture ?
MARISOL TOURAINE
Je reviens sur ce que vous disiez au départ, cette loi elle comporte effectivement beaucoup de choses, parce qu'on parle du tiers-payant, et c'est une loi qui a pour ambition de moderniser le système de santé en insistant notamment sur la prévention. Parce que la prévention, c'est la seule manière aujourd'hui de faire reculer les inégalités de santé. Et puisque vous parlez du tabac, on constate que bien sûr il y a des gens de catégorie sociale aisée qui fument, ça il n'y a absolument aucun doute sur la question, mais il y a deux fois plus de chômeurs et de personnes en situation précaire qui fument que de cadres supérieurs
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce qu'ils fument ?
MARISOL TOURAINE
Et donc il y a un an
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'ils sont désespérés souvent, que c'est un rare moment de plaisir.
MARISOL TOURAINE
Il faut peut-être les accompagner, les soutenir, les aider parce qu'on meurt du tabac, ce n'est pas simplement un moment de plaisir, c'est sûrement un moment de plaisir pour les gens qui fument
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ben oui ! Ben évidemment.
MARISOL TOURAINE
Mais il y a 73.000 personnes qui meurent chaque année du tabac, 73.000, c'est comme si vous aviez un accident d'avion de 250 personnes par jour
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je vous repose la question
MARISOL TOURAINE
Donc on ne peut pas s'en satisfaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y aura des contraventions ?
MARISOL TOURAINE
Est-ce que lorsque vous fumez sur un quai de gare où on n'a pas le droit de fumer, est-ce qu'il y a des contraventions ? Il y en a lorsque la personne refuse de s'arrêter. Vous savez, que fait le gendarme
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura des contraventions ?
MARISOL TOURAINE
Mais le gendarme, il va dire, le gendarme ou le policier municipal, il va dire : Madame, Monsieur, vous avez un enfant, vous devriez ne pas fumer, et il est probable que la personne arrêtera de fumer, et les choses s'arrêteront là, si la personne persiste, elle pourra être verbalisée. Mais je veux croire que le bon sens l'emportera, et que cette mesure montrera à ceux qui fument en présence d'un enfant dans une voiture, que ça n'est quand même pas la meilleure des choses à faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les paquets neutres aussi, début 2016 ?
MARISOL TOURAINE
Au milieu sans doute de l'année 2016, puisque la loi arrive, nous allons notifier à l'Union européenne, comme l'ont déjà fait deux autres pays de l'Union européenne, comme l'ont fait des pays qui ne sont pas membres de l'Union européenne, et à partir de là, la procédure s'engagera.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le remboursement des médicaments, parce que ça, ça me c'est étrange ce pays, nous sommes dans un pays étrange, nous remboursons à 15, à 30, à 65 à 100%, c'est rare, parce que dans d'autres pays, ça ne se passe pas comme ça ; pourquoi ? Il y a des médicaments qui ne sont pas très bons, donc on les rembourse à 30%, d'autres qui sont excellents, donc on les rembourse à 100% ? Est-ce qu'il ne faudrait pas généraliser ?
MARISOL TOURAINE
Non, les médicaments 100%, c'est un cas très particulier, c'est pour les gens qui ont des maladies ce qu'on appelle de longue durée, graves, les cancers, etc., et donc c'est la Sécurité sociale qui prend tout en charge. Le taux de remboursement normal, si j'ose dire, du médicament, c'est 65%, c'est pour celui dont on considère que l'efficacité est maximale ; et puis, vous pouvez ensuite avoir des médicaments qui sont utiles
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plus ou moins efficaces ?
MARISOL TOURAINE
Non, ce n'est pas efficace par rapport à la maladie, c'est simplement, au fur et à mesure que le temps passe
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il ne s'agirait pas d'uniformiser le taux de remboursement ?
MARISOL TOURAINE
C'est une question qui pourrait se poser, d'ailleurs, c'est une réflexion qui pourrait
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui est posée, oui
MARISOL TOURAINE
Non, parce que ça ne ferait pas nécessairement faire des économies, vous savez, très concrètement. Lorsque je vois la mobilisation qu'il y a, lorsque pour un médicament, dont l'ensemble des experts considère que, il n'est plus médicalement utile, même s'il peut apporter du confort, lorsque je vois la mobilisation qu'il y a, je me dis que nous avons besoin d'expliquer avant de prendre des mesures qui pourraient être perçues comme trop fortes. Mais qu'il y ait des taux de remboursement différents pour montrer qu'il y a une vie dans le médicament, un médicament, il est très utile, et puis après, il y en a d'autres qui arrivent, et donc lui devient moins utile, ce qui ne veut pas dire qu'il est inefficace. Ça ne me paraît pas absurde qu'il y ait plusieurs taux de remboursement, c'est une façon de dire : après tout, regardez si vraiment ce médicament-là, qui peut-être un jour, ne sera plus du tout utile, et donc ne sera plus remboursé, vous en avez vraiment besoin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marisol TOURAINE, est-ce que vous allez soutenir les amendements contre la dénutrition des mannequins et contre l'apologie de l'anorexie ?
MARISOL TOURAINE
Oui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le gouvernement va soutenir ?
MARISOL TOURAINE
Oui, je vais soutenir l'amendement, enfin, je n'ai pas
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les deux amendements, il y en a deux
MARISOL TOURAINE
Oui, je ne l'ai pas examiné encore, et nous ne les avons pas expertisés, je trouve que, indiquer que quand on est mannequin, on doit aussi s'alimenter et prendre soin de sa santé, c'est un message important, et c'est un message important à destination en particulier des jeunes filles, des jeunes femmes, qui voient dans ces mannequins des modèles esthétiques. Si ces modèles esthétiques se font au détriment de la santé, ça n'est pas une bonne chose. Donc je trouve que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc des amendes sont prévues d'ailleurs s'il y a apologie de l'anorexie ou
MARISOL TOURAINE
Voilà, je trouve que la démarche est bonne, nous regarderons précisément la rédaction des amendements, ça, je ne peux pas vous dire encore, mais je trouve que la démarche est bonne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Autre chose, je reviens sur le tabac, c'est une enquête que nous avons réalisée, de plus en plus de bars permettent de fumer, je ne sais pas si vous avez vu ça, dans plusieurs bars, en France, on fume maintenant, entorse au règlement, pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de contrôle, Marisol TOURAINE
MARISOL TOURAINE
Eh bien, c'est regrettable, je le dis, c'est regrettable, parce que, au fond, on est en train de jouer c'est une bombe à retardement, le tabac, une vraie bombe à retardement, parce que le tabac, ça ne tue pas du jour au lendemain, bien sûr, ça prend des années à tuer, et donc on vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, en se disant que peut-être, elle ne tombera pas. Mais je le répète, il y a 73.000 morts par an, et une personne sur deux qui fume à 17 ans mourra du tabac, donc c'est quand même quelque chose de dramatique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les prix vont augmenter encore, des cigarettes, cette année ?
MARISOL TOURAINE
Les prix augmentent régulièrement, là, il n'y a pas de hausse de prix
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a pas de hausse, là ?
MARISOL TOURAINE
On n'est pas dans la période
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour l'instant, non ?
MARISOL TOURAINE
On n'est pas dans une période de toute façon où les prix augmentent
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va augmenter dans l'année ? En juillet ? Non ? Vous ne savez pas ?
MARISOL TOURAINE
Vous savez, je ne peux pas vous dire, aucune décision
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'êtes pas ministre du Budget. Mais
MARISOL TOURAINE
Je ne suis pas le ministre du Budget, et aucune décision n'a été prise ni dans un sens ni dans l'autre à ce stade
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pour vous, le prix devrait être beaucoup plus haut ?
MARISOL TOURAINE
Oh, vous savez, plus le prix du tabac est élevé, mieux c'est pour empêcher de fumer, mais en même temps, je tiens à souligner que le plan antitabac que j'ai lancé, qui comporte de très nombreuses mesures, permet de faire reculer le tabac, les associations ne s'y sont pas trompées, elles soutiennent ce plan, parce qu'elles-mêmes le disent, il n'y a pas une mesure miracle pour faire reculer le tabac, il doit y avoir tout un ensemble de mesures, et vous savez, Jean-Jacques BOURDIN, la France est très mal classée pour le tabac. Quand on regarde ce qui se passe chez nos voisins européens, eh bien, on fume moins, on fume beaucoup moins que chez nous, les femmes fument moins qu'en France, les femmes enceintes fument moins qu'en France. Il n'y a aucune raison de se résoudre à cette exception française-là qui, pour le coup, n'est pas une exception positive.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez quitter le gouvernement ? Non, non, je ne sais pas, parce que je lis
MARISOL TOURAINE
Je présente la loi mardi en commission
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je lis partout : Marisol TOURAINE, ses jours sont comptés au gouvernement
MARISOL TOURAINE
Mais moi, je porte la loi, et je la présenterai en commission à partir de mardi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mars 2015