Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur le nucléaire iranien, la situation en Ukraine, le terrorisme et sur les relations entre l'Union européenne et les pays du sud de la Méditerranée, à Wroclaw le 3 avril 2015.

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Circonstance : Déplacement à Wroclaw (Pologne) en format « triangle de Weimar », le 3 avril 2015

Texte intégral


Notre rencontre d'aujourd'hui a contribué à accélérer l'accord avec les Iraniens, en tout cas nous en avons parlé avec Frank-Walter, nous avons eu le temps de parler et pas seulement du sujet iranien car nous sommes ensemble depuis samedi.
J'ai dit que la réunion de Lausanne était rentrée, à différents titres, dans l'Histoire et que maintenant, il y aurait en plus les nuits blanches de Lausanne où nous nous étions dits : «il faut que l'on finisse parce que sinon que va-t-il se passer ?». Ce n'est pas la seule raison pour laquelle nous avons pu conclure un accord hier...
Nous nous étions vus à trois à la fin du mois d'octobre à Paris mais il faut que vous sachiez que même si les pays du triangle de Weimar, l'Allemagne, la Pologne et la France, ne se réunissent que périodiquement, nous sommes en permanence en contact les uns avec les autres. Il ne se passe pas de circonstances importantes sans que nous nous consultions, à la fois pour des raisons amicales mais aussi fondamentalement pour des raisons politiques car l'armature européenne est très largement fondée sur ce que nous faisons ensemble.
Nous nous étions donc rencontrés à Paris à l'automne et il est très utile que nous puissions nous revoir dans ce format restreint pour échanger sur le fond des dossiers et en prenant le temps, - même s'il y a toujours des contraintes - pour précisément parler du fond.
Nous sommes aussi dans un moment historique particulier avec des menaces à l'Est et au Sud, d'une diversité et d'une intensité exceptionnelle.
À cet égard, je voudrais renouveler mes condoléances à la Pologne pour les ressortissants polonais qui sont malheureusement décédés lors de l'attentat du musée du Bardo à Tunis très récemment. Je sais que le président polonais s'est entretenu avec le président français dimanche dernier pour dire, avec tous ceux qui étaient là et avec les millions de gens présents par la pensée, que nous n'acceptons pas le terrorisme et que nous sommes tous unis dans la lutte contre le terrorisme.
Aujourd'hui, notre réunion est importante à plusieurs titres.
D'abord pour faire le point sur l'application des accords de Minsk. Nous partageons la même analyse, c'est-à-dire que c'est la voie politique qui doit prévaloir. Le cadre, qui a été posé à Minsk, doit être mis en oeuvre par toutes les parties. Il y a telle ou telle difficulté et nous ne nous épargnons les uns et les autres aucun effort pour surmonter ces difficultés et à ce titre, nous apportons tout notre soutien, y compris sur le plan pratique, à l'action de l?OSCE dans le Sud-Est de l'Ukraine.
Au-delà, nous sommes évidemment tout à fait déterminés à accompagner l'Ukraine dans les réformes qu'elle conduit. Cela peut prendre différentes formes, financières et administratives. Et, au sein de l'Union européenne, nous soutenons toutes les initiatives qui contribuent à traiter des questions sur le fond. Sachez en tout cas qu'en ce qui concerne l'Ukraine, la Russie et tout ce qui se passe à l'Est, nous sommes en permanence côte à côte et nous travaillons de concert.
Il y a également des crises au Sud et d'ailleurs, c'est un point sur lequel nous travaillions ce matin. Souvent dans le passé, on disait que la Pologne ne serait préoccupée que par ce qui se passe à l'est, la France par ce qui se passe au sud et l'Allemagne préoccupée par l'un et par l'autre. En réalité, maintenant, tout nous concerne, pas seulement nous les ministres des affaires étrangères mais aussi les citoyens. On l'a vu tragiquement avec ce qui s'est passé en Tunisie, on le voit de manière douloureuse avec ce qui se passe en Ukraine. C'est quelque chose à quoi il faut malheureusement s'habituer et qu'il faut prendre en compte. Quelle que soit la situation géographique d'un pays de l'Europe, il est concerné par tout ce qui se passe aux frontières de l'Europe, que ce soit à l'Est ou au Sud. Tous les citoyens sont concernés. L'action doit donc être menée ensemble.
C'est ce que nous faisons en réagissant à la barbarie de Daech en Irak, en Syrie et désormais en Libye. C'est donc à ce titre que nos différentes nations prennent leurs responsabilités en s'engageant dans toute une série d'actions qui sont nécessaires si l'on veut lutter contre Daech en Irak par exemple. Même si nous nous pensons à l'abri, on sait bien que ces terroristes vont nous chercher.
Nous avons parlé de la stabilité, de la préparation de l'avenir avec nos partenaires du Sud, c'est tout à fait fondamental. Nous voulons renforcer ensemble notre soutien aux pays qui ont réalisé une transition démocratique exemplaire et qui ont besoin de nous aujourd'hui.
Nous avons commencé ce matin à parler - mais nous avions déjà eu l'occasion de le faire dans le passé - de la Tunisie. Ce pays est peut-être le meilleur exemple d'une transition démocratique réussie dans les pays arabes et donc il faut l'aider.
De la même façon, nous devons adapter l'action de l'Union européenne aux réalités que connaissent nos partenaires du Sud : il faut être efficace et il faut agir vite. Il ne sert à rien de faire des promesses mirifiques pour dans douze ans, il faut agir vite, concrètement et là-dessus nous sommes entièrement d'accord.
C'est d'ailleurs à ce titre que nous participerons ensemble à la réunion de Barcelone mi-avril qui rassemblera les ministres de l'Union européenne et nos homologues du Sud de la Méditerranée.
Il est significatif aussi dans cet environnement de menaces que l'Union européenne doivent renforcer ses capacités de réponse, y compris en matière de défense. Ce n'est pas très facile d'avancer à vingt-huit en matière de défense. Mais la nouveauté est que nous parvenions à définir, avec réalisme et pragmatisme, les domaines dans lesquels nous sommes d'accord pour progresser. C'est l'objet de la lettre que nous venons de signer qui vise les priorités d'actions pour les prochaines années, les capacités européennes d'intervention extérieures, la mise en commun des moyens là où c'est utile.
Je termine ce court propos en renouvelant mes remerciements à Grzegorz Schetyna avec lequel nous avons un grand plaisir à travailler parce que nous ne nous embarrassons pas de formalités et parce que nous travaillons concrètement.
Je crois que dans l'amitié qui nous lie, c'est la meilleure façon d'avancer ensemble, c'est l'occasion de dire nos priorités communes pour les prochains mois. Je veux réaffirmer combien le Triangle de Weimar est absolument essentiel et dire à quel point nous sommes heureux, nous la France, de travailler avec la Pologne et l'Allemagne représentées par mes deux amis ministres des affaires étrangères.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 avril 2015