Interview de M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, à BFM TV/RMC le 30 mars 2015, sur le résultat du deuxième tour des élections départementales, les perspectives de réforme du contrat de travail et le dialogue entre le gouvernement et la majorité.

Prononcé le

Média : BFM TV - Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Marie LE GUEN, bonjour…
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour. JEAN-JACQUES BOURDIN
Et proche de Manuel VALLS et grand défenseur de la politique suivie par Manuel VALLS, je vais y revenir. Auparavant, vous êtes médecin, ce matin donc j'avais un médecin psychiatre qui me disait : « moi, si j'avais eu LUBITZ devant moi, je n'aurais pas prévenu la compagnie aérienne de son état de santé, j'aurais peut-être prévenu la médecine du travail ». Vous aussi, le secret médical est absolu Jean-Marie LE GUEN ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Le secret médical, c'est fondamental, pour deux raisons : d'abord, si moi médecin je commence à envoyer à tous les responsables d'entreprises des patients qui sont en face en moi leur bilan de santé, plus personne ne croira dans la médecine et il n'y aura plus de relations entre le médecin et le malade et il y aura une atteinte à la liberté individuelle. J'entends bien que devant cette horrible phénomène des questions importantes soient posées, mais il faut faire attention de ne pas franchir un certain nombre de limites, sinon c'est évidemment la liberté de chacun d'un côté et la capacité de soigner de l'autre, parce que si vous êtes psychiatre et que… demain vous vous sentez malade, si vous savez que vous allez voir votre médecin et vous savez que celui-ci va vous dénoncer à votre entreprise ou à qui que ce soit d'autre, évidemment vous allez masquer votre maladie et vous n'aurez plus personne à qui vous confier pour essayer justement d'être soigné.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'être soigné. A la rigueur, on peut prévenir la médecine du travail ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui ! Je crois. Par ailleurs, il peut y avoir une réflexion sur toutes ces questions, mais en tout cas ne mettons pas le secret médical comme ça à l'encan, c'est une sagesse millénaire de l'humanité qui a su se protéger et protéger chacun de ses individus, mais aussi la santé collectivité. Voilà ! Alors, cela dit, la médecine n'est pas toute puissante, je veux dire il va falloir aussi l'accepter cette idée-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Jean-Marie LE GUEN, il va falloir aussi que… vous avez accepté la défaite hier ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui ! Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez subi une sévère défaite hier ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui ! On parle de recul, on parle de défaite. Mais évidemment…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas un recul, c'est une défaite ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien dans un combat c'est une défaite, oui, absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Certains disent défaite, on ne comprend pas, avant même le scrutin le président de la République et le Premier ministre avaient annoncé qu'ils poursuivraient la même politique, c'était faire fi du vote des Français, c'est ce qu'a dit Nicolas SARKOZY hier soir ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui ! Mais là c'est un peu un jeu de mots, je me rappelle que quand monsieur SARKOZY avait perdu 21 régions sur 22 je ne suis pas sûr qu'il ait changé de politique. Mais la question n'est pas là ! C'est de savoir, est-ce que les Français ont des choses ? Oui ! Est-ce qu'ils ont dit qu'ils voulaient une autre politique ? Laquelle ? Ils ne se sont pas exprimés là-dessus ! Parce que ce n'est pas d'abord l'objet de ces élections et puis parce qu'on n'a pas vu véritablement l'UMP - on a entendu les critiques de l'UMP mais on n‘a pas vu les propositions de l'UMP – et si nous devons réfléchir, et c'est bien normal, à ce que nous on dit les électeurs, on ne nous a pas dit de changer de politique pour aller dans tel sens ou dans tel autre. On a critiqué la politique du gouvernement et je crois qu'on l'a critiquée pourquoi, parce que vraisemblablement les résultats concrets ne sont pas encore là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Pourtant à gauche, vous avez vu, il y a la gauche qui n'est pas avec vous – c'est le moins que l'on puisse dire – et puis il y a la gauche socialiste, dite frondeuse, qui conteste cette politique conduite et qui demande un changement de politique, pas de changement, il n'y aura pas de changement, on l'a bien compris. Mais pourquoi est-ce qu'il n'y aura pas de changement, Jean-Marie LE GUEN ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais parce que nous avons l'impression et plus que l'impression, mais je ne veux pas être péremptoire, que les premiers résultats économiques sont aujourd'hui en mars, c'est-à-dire que nous avons des indices qui montrent que la confiance est en train de repartir, des secteurs industriels comme l'automobile, le bâtiment, tout ceci est en train de… l'agroalimentaire, sont en train de repartir. Alors, en termes d'emploi, il n'y a pas aujourd'hui d'avancées notables, mais nous pensons que d'ici quelques semaines, quelques mois, il y aura des avancées en termes de croissance, en termes d'emploi, notre responsabilité c'est d'accélérer ce processus de retour vers plus d'emploi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Manuel VALLS a parlé de nouveaux projets dans les semaines qui viennent, il y en a un dont vous avez déjà parlé, il s'agit d'un nouveau contrat de travail destiné aux TPE-PME, l'employeur pourrait licencier simplement le salarié embauché si les résultats économiques ne sont pas au rendez-vous. Vrai ou faux ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez ! Je…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un projet ou pas, Jean-Marie LE GUEN ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non ! Ce qui est certain c'est qu'il y a une volonté du gouvernement de travailler sur le fait que dans les TPE-PME il y ait plus de facilités à embaucher et donc quelque part on allège un certain nombre de politiques. Mais les modalités techniques, je ne les connais pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Mais vous allez alléger…
JEAN-MARIE LE GUEN
Elles ne sont pas arrêtées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez alléger les conditions d'embauche et les conditions de licenciement pour les TPE et PME ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Nous voulons que l'acte d'embauche soit simplifié, soit accéléré, que ceci accompagne la reprise économique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ca veut dire nouveau contrat de travail et contrat spécifique ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Il faudra trouver des formes particulières peut être qui permettent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nouveau contrat spécifique ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Des formes particulières de contrat qui favorisent cette flexibilité et qui favorisent cette confiance de l'entrepreneur. C'est vrai que nous savons que certaines formes aujourd'hui d'employabilité sont assez rigides, c'est-à-dire que si on n'est pas en CDD, si on veut vraiment des CDI – et c'est un souhait des salariés – si on veut des CDI reste la grande question pour l'employeur de se dire : Ah ! Oui, mais alors, si j'embauche quelqu'un en CDI, je ne peux plus - si demain l'économie se retourne et devient négative - je suis pris à la gorge, je ne peux plus débaucher », il faut sans doute trouver des formes qui permettent d'accompagner ce mouvement de croissance…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, un CDI un peu particulier, amélioré ou…
JEAN-MARIE LE GUEN
Voilà ! Sur lequel il faut qu'il y ait un dialogue social, qu'il y ait une réflexion qui soit menée, mais je pense qu'il est très important – parce que la bataille centrale c'est la question de l'emploi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui donnerait plus de flexibilité et qui permettrait à l'employeur de se séparer plus facilement de son salarié ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Parce que, comme ça, il en embaucherait beaucoup plus avec cette reprise de la croissance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot encore ! Vous êtes secrétaire d'Etat aux Relations…ministre avec le Parlement, dites-moi pour faire passer la loi Macron et le budget 2016 ça ne va pas être facile, non ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez ! On va très largement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement, avec cette gauche qui renâcle…
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez ! La majorité a fait passer tous ses textes et il y aura du dialogue, etc. Maintenant, ce qui est vrai c'est qu'on ne peut pas non plus empêcher – et ça été un peu un certain nombre de questions qui ont été posées dans cette campagne, qui sont posées dans le débat politique – est-ce qu'il y a une gauche qui veut absolument l‘échec de la gauche ? Alors, si c'est cela, effectivement il y aura des interrogations ! Mais pour notre part nous avons fait passer tous nos textes, nous continuerons à dialoguer pour faire en sorte que tout le monde puisse se retrouver sur ces textes avec la volonté de défendre l'intérêt général, de faire avancer ce pays. Nous sommes quand même dans une situation… le Front national a connu un échec hier soir mais je n'oublie pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah ! Eh bien un échec…
JEAN-MARIE LE GUEN
Je n'oublie pas qu'au premier tour il a fait énormément de voix, donc on est dans une situation qui est quand même particulièrement grave, ce n'est pas parce que l'UMP - et j'allais dire d'une façon mécanique – a aujourd'hui gagné ces élections…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Oui.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais je n'oublie pas la pesée de l'extrême droite, nous sommes dans une situation tout à fait particulière qui justifie un sursaut de la gauche, que la gauche soit capable de se dépasser elle-même et surtout de dépasser ses petites querelles pour essayer de voir quel est l'intérêt général, la capacité de rassembler. La gauche, certes, mais aussi au-delà de la gauche, l'enjeu il est de rassembler tous les républicains - c'est ça l'enjeu aujourd'hui de la période – et il faut une politique économique qui soit en phase avec ça, une politique économique qui donne des résultats sur le terrain de l'emploi, qui rassemble les Français, parce que notre redressement il ne se fera pas en opposant une fraction des Français à une autre, c'est en les rassemblant dans une dynamique qu'on arrivera à avancer.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 mars 2015