Interview de M. Emmanuel Macron, à "RTL" le 9 avril 2015, sur les mesures gouvernementales d'aide à l'investissement des entreprises, sur les négociations avec les partenaires sociaux pour la modernisation du marché du travail.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Emmanuel MACRON.
EMMANUEL MACRON
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Premier ministre a présenté hier des mesures fiscales susceptibles de faciliter l'investissement des entreprises, qu'en attendez-vous concrètement, Emmanuel MACRON ?
EMMANUEL MACRON
Concrètement, ces mesures doivent aider à déclencher les investissements productifs, c'est-à-dire les éléments de modernisation que les chefs d'entreprises vont prendre, les investissements pour leurs entreprises, leurs usines, pour, ou monter en gamme, ou repartir à la conquête de nouveaux marchés, et donc…
JEAN-MICHEL APHATIE
Aider à déclencher, parce que ce n'est pas spontané !
EMMANUEL MACRON
Ça permet en tout cas d'accélérer, cet effet de reprise. Vous savez, on le dit depuis le début de l'année, nous avons une nouvelle donne qui est plutôt favorable, pour partie c'est grâce à ce qu'on a pu déjà faire, le CICE, la baisse du coût du travail, pour partie c'est aussi grâce au contexte macroéconomique international, on en bénéficie. Ce contexte il doit nous encourager à faire deux choses, la première c'est continuer les réformes en profondeur, c'est-à-dire moderniser notre économie, on va, je pense, y revenir, mais moderniser notre marché du travail, nos différents marchés, ouvrir, déverrouiller, c'est toute l'entreprise qui est la nôtre, et, en même temps, avoir des mesures, ce qu'on appelle conjoncturelles, c'est ce qu'expliquait à l'instant Monsieur LENGLET, c'est-à-dire aider à accélérer, en effet, certaines décisions, au moment où ça repart.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça va créer des emplois ?
EMMANUEL MACRON
Bien évidemment que ça créera des emplois, c'est ce que j'essaie d'expliquer. C'est-à-dire que, si aujourd'hui, on déclenche, on accélère, les choix d'investissements qui sont fait par les chefs d'entreprise, eh bien ces investissements d'aujourd'hui ce seront les emplois de demain, et donc, plus on va vite à créer ces investissements, qui vont aider nos entreprises à mieux se battre contre leurs compétiteurs, ou à repartir à l'attaque, eh bien plus celles-ci pourront, ensuite, créer les emplois qui vont avec. On ne crée pas d'emplois, s'il n'y a pas d'investissements faits.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous diriez, comme le dit Michel SAPIN, ministre des Finances, ce matin dans Les Echos, le chômage va baisser à partir de l'année prochaine ?
EMMANUEL MACRON
Ecoutez, en tout cas je souscris au pronostic de Michel SAPIN, je ferai tout…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous y souscrivez ?
EMMANUEL MACRON
Bien sûr.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le chômage va baisser l'année prochaine ?
EMMANUEL MACRON
Ecoutez, moi je pense que ma fonction ce n'est pas de donner des pronostics, qu'ils soient sportifs ou économiques, c'est…
JEAN-MICHEL APHATIE
Sportifs, non, on est d'accord.
EMMANUEL MACRON
C'est de tout faire pour que ça reparte, et donc je pense que ces mesures, à la fois ce qu'on fait sur le plan structurel, et conjoncturel, eh bien ces mesures, en effet, elles contribueront à ce que notre activité reparte plus vite cette année, et donc que la création d'emplois puisse s'accélérer et, se faisant, le chômage baisser, parce que c'est la finalité de notre action politique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous aidez les entreprises Emmanuel MACRON, vous l'expliquez, certains même vous le reprochent. Le Premier ministre hier a dit, à propos du CICE, et visant les chefs d'entreprise, il a dit « le compte n'y est pas », les contreparties n'y sont pas, si on comprend ce que veut dire le Premier ministre. Vous reprochez, Emmanuel MACRON, aux entreprises, de ne pas assez jouer le jeu, de ne pas assez embaucher, par exemple ?
EMMANUEL MACRON
Vous savez, nous ne sommes pas dans une économie planifiée qui permettrait au gouvernement de dire on doit embaucher plus ou pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
« Le compte n'y est pas » a dit le Premier ministre.
EMMANUEL MACRON
Oui, c'est ce que disait le Premier ministre, ce que j'avais pu dire en fin d'année dernière, il a eu raison de le faire, c'est simplement de dire il y a eu ce Pacte de responsabilité et de solidarité. Qu'est-ce qui se passe, quel est notre choix macroéconomique ? C'est de dire, pendant les 3 ans, 2015, 2016, 2017, on va faire 50 milliards d'économies, par rapport aux tendancielles, et on va investir 40 milliards d'euros dans les marges des entreprises. Et, les partenaires sociaux s'étaient engagés, il y a 1 an, même un peu plus, en mars 2014, pour dire face à ce geste que fait le gouvernement, ce choix, eh bien nous on doit négocier branche par branche et réfléchir à faire mieux, ou embaucher, ou créer des apprentis, etc. Ce que nous constatons aujourd'hui c'est que ces négociations par branche, je ne suis pas en train de dire des engagements au trébuchet dans les emplois qu'on va créer, elles sont encore insuffisantes. Et donc, il faut aller plus loin.
JEAN-MICHEL APHATIE
Du fait de qui ?
EMMANUEL MACRON
Du fait des partenaires sociaux et…
JEAN-MICHEL APHATIE
Des chefs d'entreprise ?
EMMANUEL MACRON
Une partie du MEDEF, les représentants…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, une partie du MEDEF.
EMMANUEL MACRON
Les représentants des chefs d'entreprise, ce ne sont pas les chefs d'entreprise qui nous écoutent ce matin. Et donc, les chefs d'entreprise qui nous écoutent ce matin, ce sont ceux qui font les choix, et c'est pour eux qu'on se bat, et donc, notre programme c'est de restaurer la confiance, parce que sans confiance, il n'y a pas d'investissement. Ensuite, de déclencher l'investissement grâce à la stabilité que nous donnons, et je veux insister là-dessus, le Pacte de responsabilité et de solidarité c'est de la stabilité sur 3 ans, c'est notre crédibilité. Et donc, ce Pacte, nous l'exécutons, année après année, donc c'est comme ça qu'on recrée la confiance, de la visibilité. Et puis, on modernise le pays, on leur donne plus de marges de manoeuvre, on ouvre des secteurs, et en même temps, à court terme, pour avoir des effets à cette politique, parce que tout ça va prendre du temps, eh bien on accélère avec des mesures conjoncturelles, plus ponctuelles, comme celles que nous avons annoncées hier parce qu'elles aideront les chefs d'entreprise à anticiper certains choix et à aller plus vite.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez dit, Emmanuel MACRON, qu'il fallait moderniser le marché du travail. Qu'est-ce qu'il faut faire, il faut créer un contrat de travail, plus souple, qui permet peut-être de faciliter les licenciements, donc, à l'entrée, d'embaucher plus facilement ? « Lever les freins à l'embauche » disait le Premier ministre.
EMMANUEL MACRON
Vous savez, si on crée un nouveau contrat, j'ai peur qu'on complexifie.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est quoi moderniser le marché du travail alors ?
EMMANUEL MACRON
Moderniser le marché du travail c'est aller vers ce qu'on appelle la flexisécurité.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça fait tellement qu'on en parle, qu'on ne sait plus ce que ça veut dire !
EMMANUEL MACRON
Non, mais je vais essayer de l'expliquer alors.
JEAN-MICHEL APHATIE
Simplement.
EMMANUEL MACRON
Ça veut dire, de manière très simple, ça veut dire qu'il faut, pour les entreprises, pour les chefs d'entreprise, donner plus de visibilité, plus de capacités à s'adapter, et, en quelque sorte, reconnaître qu'il y a un droit à l'erreur économique. Et qui fait que, quand vous embauchez quelqu'un, parce que vous pensez que ça va mieux, vous investissez pour que ça reparte…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et puis ça ne va pas mieux.
EMMANUEL MACRON
Et que dans 6 mois, 1 an, 2 ans, ça se passe moins bien, vous puissiez avoir les moyens de vous adapter. Et donc, pour ça…
JEAN-MICHEL APHATIE
De vous adapter, c'est-à-dire de licencier.
EMMANUEL MACRON
Pour ça, il y a plusieurs moyens. D'abord, quand vous êtes une grande entreprise, que vous devez aller vers un plan social, il faut donner de la visibilité, de la sécurité, c'est ce qu'on a fait en 2013 avec la loi de sécurisation de l'emploi, on a encadré dans le temps, et en montant, les plans sociaux. Ensuite, quand vous êtes un entrepreneur, souvent plus petit, votre crainte c'est d'aller devant les Prud'hommes, et donc moderniser le droit du travail c'est de dire, pareil, si ça devait mal de passer, entre les deux parties, il faut que, en cas de désaccord, ça aille plus vite, et que ce soit plus sûr. C'est la réforme que la loi pour la croissance et l'activité porte, en matière de justice prud'homale, avec…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous vous arrêterez là ?
EMMANUEL MACRON
Avec, en particulier, un référentiel. On donne de la visibilité à chaque partie. La troisième chose c'est que, si ça va moins bien, il faut donner la possibilité à l'entreprise de négocier avec les salariés, c'est l'accord de maintien dans l'emploi défensif. On veut, sur cet accord de maintien dans l'emploi défensif qu'on a créé en 2013, qui consiste à dire, au niveau de l'entreprise, si on a un accord majoritaire avec les partenaires sociaux, on doit pouvoir adapter notre organisation.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'y aura pas de nouveau contrat de travail ?
EMMANUEL MACRON
Et donc, cet accord, c'est ce qu'on est en train de négocier, d'évaluer, avec les partenaires sociaux, on en tirera les conséquences au mois de mai, c'est demain, on peut peut-être lui donner plus de flexibilité. Et puis il y a ce qu'on peut faire pour simplifier la vie, c'est le quatrième point, j'essaie d'être complet…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'y en a pas de cinquième j'espère !
EMMANUEL MACRON
Je vous rassure, mais j'essaie d'être complet, parce que vous me dites les mots sont vides et usés, donc vous avez raison, il faut qu'il y ait des réalités derrière. Quatrième point, c'est de dire, pour les patrons de TPE et de PME, il faut sans doute simplifier les choses. Donc, ce n'est pas créer un nouveau contrat de travail, mais c'est simplifier les choses pour donner plus de visibilité. Et puis, de l'autre côté, et je vais être très court, de l'autre côté, quand on fait tout ça, qu'on donne plus d'adaptabilité, de mobilité, il faut créer plus de sécurité pour les salariés, c'est comme ça qu'on leur donne la couverture maladie, quand ils sont dans l'entreprise, c'est comme ça qu'on leur reconnaît des droits et qu'on reconnaît, en particulier, ce qu'on appelle la portabilité de leurs droits. Si on veut que notre économie soit plus adaptable, plus flexible, avec en même temps un vrai niveau de sécurité, eh bien il faut bien former les salariés, tout au long de leur vie, c'est l'ambition d'une vraie réforme de la formation professionnelle, et reconnaître…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc, avec tout ça, le chômage devrait baisser l'année prochaine ?
EMMANUEL MACRON
Reconnaître l'existence d'un compte personnalisé, parce que c'est comme ça que le salarié sera mobile. C'est ça moderniser notre économie.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord. En deux mots. RENAULT, pourquoi vous avez décidé une augmentation du capital ? Pourquoi l'Etat augmente-t-il sa présence au capital de RENAULT ?
EMMANUEL MACRON
Parce que l'Etat veut défendre sa position qui est précisément d'avoir des droits de vote doubles. Nous avons fait voter une loi pour favoriser l'actionnariat de long terme. Quand on est actionnaire de long terme d'une entreprise, ça veut dire qu'on l'accompagne dans sa stratégie industrielle. L'Etat est aux côtés de RENAULT depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, nous avons aidé cette entreprise à croître, nous avons environ 15 % de son capital, et il y avait une résolution, qui va être discutée en assemblée générale, pour nous empêcher d'avoir ces droits de vote doubles. Eh bien, l'Etat croit à l'actionnariat de long terme pour accompagner les entreprises, il accompagne d'ailleurs tous ceux qui y croient, Vincent BOLLORE dans le cadre de sa bataille pour VIVENDI va dans le même sens et il a mon plein soutien, mais pour se donner les moyens d'aller jusqu'au bout, nous nous battons, y compris avec les règles du marché, donc on prend des parts au capital pour défendre nos voix en assemblée générale.
JEAN-MICHEL APHATIE
Confirmez-vous l'engagement du Premier ministre, les tarifs des autoroutes n'augmenteront pas cette année ?
EMMANUEL MACRON
En 2015, la négociation est en train de se terminer ce matin avec Ségolène ROYAL…
JEAN-MICHEL APHATIE
En 2015…
EMMANUEL MACRON
Mais, l'objectif de cette négociation est bien le gel des tarifs…
JEAN-MICHEL APHATIE
L'objectif, ce n'est pas acquis ?
EMMANUEL MACRON
Tant que ce n'est pas signé, vous savez, je suis quelqu'un de prudent, mais le premier l'a dit…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah ! Le Premier ministre l'a été moins que vous alors.
EMMANUEL MACRON
Non, pas du tout, le Premier ministre il est Premier ministre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et alors ?
EMMANUEL MACRON
Et donc il a dit que le gel des tarifs est acquis pour 2015, donc, je vous le confirme, et j'espère que dans les prochaines heures ce sera signé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et Ségolène ROYAL dans Le Parisien dit « la hausse de cette année est annulée, elle ne sera pas rattrapée l'année prochaine. »
EMMANUEL MACRON
Ça fait partie, en effet, de la négociation, pour ne pas le rattraper en 2016.
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle est peut-être un petit peu imprudente, les autoroutes abandonnent leur recours devant le Conseil d'Etat ?
EMMANUEL MACRON
Ecoutez, je ne vais pas m'engager pour les autoroutes. Les sociétés concessionnaires d'autoroutes, je pense, attendent la fin de cette discussion. Il y a trois objectifs à cette discussion, le gel des tarifs en 2015, deuxièmement, relancer l'investissement, c'est ce qu'attendent nos concitoyens, relancer l'investissement, avec un plan de relance autoroutier ; c'est plus de 15.000 emplois à la clé, c'est plus de 15.000 emplois à la clé, dès cet été.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous me faites peur quand vous… il y a trois objectifs, et le troisième ?
EMMANUEL MACRON
Etre plus transparent. On a mal géré ces contrats ces dernières années, on va être plus transparent, on porte une réforme dans la loi Croissance et Activité, pour cela.
JEAN-MICHEL APHATIE
Emmanuel MACRON avec les auditeurs de RTL dans un moment.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2015