Texte intégral
C'est avec plaisir que j'ai répondu à l'invitation de Laurent FABIUS à participer à votre réunion sur le passage à l'euro dans le secteur social.
Mon engagement en faveur de la construction européenne est non seulement ancien, mais il est fort. Je suis fière d'avoir pu contribuer, avec quelques autres personnes présentes ici aujourd'hui, à la construction de l'euro, en particulier au moment du traité de Maastricht, comme ministre des affaires européennes et, par la suite, comme parlementaire européenne.
Ce passage à l'euro est maintenant très proche. Il nous concerne tous. C'est un changement majeur dans nos habitudes.
Le 11 mai dernier, devant le Comité national de l'euro, le Premier ministre a formulé le souhait - je cite- " que les organismes sociaux soient exemplaires dans le passage à l'euro parce qu'ils sont en contact avec tous les Français, notamment les plus démunis d'entre eux ".
Où en est-on, à cet égard, à quelques semaines de l'échéance ?
A la lumière du suivi que les services du ministère font régulièrement avec les institutions qui forment le secteur social, mon constat tient en trois phases :
1- Les organismes sociaux sont prêts.
2- Les initiatives se multiplient afin de faciliter le passage des personnes qui risqueraient d'être des exclues de l'euro.
3- Le ministère de l'emploi et de la solidarité apporte toute sa contribution à cet effort collectif.
C'est ce que je veux illustrer aujourd'hui de façon concrète, comme il convient s'agissant d'un processus aussi concret que le passage à l'Euro.
I - Les organismes sociaux sont prêts :
A- Il n'est pas inutile de se mettre rapidement en tête l'immensité du champ où s'effectuera le " basculement "
- Il concerne toute la population.
- Il porte sur des sommes considérables.
- Il est mis en œuvre par un réseau d'organismes qui maillent l'ensemble du territoire.
Quelques chiffres donnent la mesure de l'opération.
En 2000, le montant des prestations de protection sociale reçues par les ménages en France s'est élevé à 400 milliards d'euros, soit 28,5 % du P.I.B.
L'assurance chômage verse près de 20 milliards d'euros.
La CNAF : 40 milliards d'euros à plus de 10 millions de personnes.
La branche retraite, qui pour le seul régime général représente près de 15 millions de cotisants et 9,6 millions de retraités, verse un peu plus de 57 milliards d'euros de prestations.
L'assurance maladie : plus de 94 milliards d'euros au titre des régimes maladie, invalidité, accidents du travail et décès.
Les URSSAF prélèvent 178 milliards d'euros auprès de plus de 5 millions de cotisants : entreprises, travailleurs indépendants, professionnels de santé, employeurs de personnels de maisons
B - Tous les organismes sociaux sont prêts pour l'échéance du 1er janvier 2002.
Certains ont anticipé.
Comme vous le savez dans cette assemblée, c'est le cas des URSSAF qui ont basculé entre le 1er septembre 2000 et le 1er juillet 2001.
Certains vont anticiper.
Pour le régime général de l'assurance maladie, le régime des cultes et le régime des militaires, la date de basculement est fixée le 1er octobre.
Le régime d'assurance maladie des travailleurs indépendants échelonne l'opération sur les mois octobre et de novembre.
Pour l'UNEDIC, la date retenue est le 1er décembre.
Pour la mutualité sociale agricole (MSA), le passage sera complètement achevé le 17 décembre.
Quant à la CNAF elle a choisi, ainsi que la majorité des caisses d'assurance vieillesse (dont le régime général), de faire le basculement le 1er janvier 2002.
C- Avant de terminer ce bref panorama, je veux mettre l'accent sur deux orientations de travail majeures de ces organismes qui sont des atouts pour la réussite du passage :
La première traduit la préoccupation de tout organisme financier : la fiabilité, la sécurité des procédures. C'est la condition de base de la réussite. Les organismes s'y préparent depuis plusieurs années. En effet, basculer, ce n'est pas simplement afficher en euro. C'est travailler en euro sur toute la chaîne de traitement des données financières, ce qui nécessite par exemple de convertir en euro tous les fichiers de base des institutions.
(La seconde préoccupation majeure des organismes sociaux est celle de tout organisme en contact avec le public : la communication. Les organismes sociaux sont sans doute, dans la sphère publique, ceux qui ont les relations financières les plus nombreuses, les plus fréquentes, avec les Français.
L'enjeu de la communication n'est donc pas secondaire.
L'euro, c'est plus difficile pour certains mais ce n'est évident pour personne.
Particuliers, associations, entreprises, tous les publics en contact avec ces organismes ont besoin d'une information sur le passage à l'euro.
J'observe que dans ce domaine, les grandes institutions sociales suivent les mêmes méthodes.
Elles ne travaillent pas seules mais en lien avec la banque de France et le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.
Elles utilisent tous les supports de communication disponibles depuis les CD.ROM très spécialisés jusqu'aux dépliants accessibles au grand public.
Enfin, elles ne négligent pas la formation des personnels qui sont en contact avec le public.
Leur but : c'est expliquer
c'est rassurer en particulier sur le fait que le passage à l'euro ne diminue pas le montant des prestations.
Il faut donc avoir le souci d'informer tout le monde. Mais, à l'expérience, il apparaît que, pour certaines personnes ou dans certaines situations, c'est l'intérêt des organismes non seulement d'informer et d'expliquer mais aussi d'accompagner les gens dans le passage à l'euro concret.
II - Au fur et à mesure que l'échéance approche, des initiatives se multiplient pour accompagner les personnes les plus vulnérables.
Quelle que soit la cause de cette vulnérabilité, l'âge l'invalidité, le handicap, la situation personnelle ou sociale, il ne doit pas y avoir d'exclus de l'euro. Tous ici vous êtes préoccupés par ce sujet. Je vais m'y attarder un instant.
A- Cet objectif mobilise des actions à caractère national.
1) Les organismes sociaux dont je viens de parler ont une politique d'accompagnement spécifique.
C'est particulièrement nécessaire bien sûr pour les Caisses d'allocations familiales qui versent le RMI.
Je précise ici, en écho à une préoccupation qui s'est exprimée au sein de votre comité en juillet dernier, que j'ai demandé aux responsables concernés, de bien veiller à informer les bénéficiaires de prestations sociales, le RMI notamment, très en amont du jour J, pour éviter que les demandes d'informations se concentrent au guichet de la poste ou ailleurs, sur la première semaine de l'année 2002.
2) Sur l'ensemble du territoire, il y a également l'opération " tous prêts pour l'Euro " qui consistent à démultiplier, dans tout le pays, des formations à l'accompagnement des publics en situation de précarité.
C'est une action pilotée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, à laquelle Laurent Fabius consacre beaucoup d'énergie et de conviction. Le ministère de l'emploi et de la solidarité apporte sa contribution, en particulier au niveau départemental par le biais des directions des affaires sanitaires et sociales. Je leur ai donné pour mission de favoriser le rapprochement entre ce qu'on pourrait appeler " les offreurs d'accompagnement " (personnes formées à cet effet) et " les demandeurs d'accompagnement " (personnes en contact avec les publics ).
B - Et il y a aussi des initiatives locales.
Les associations en sont le plus souvent à l'origine, elles qui ont une longue pratique du service aux plus vulnérables.
A travers les comptes rendus qui me parviennent, notamment des directeurs départementaux des affaires sanitaires et sociales, on peut noter deux traits dominants de ces initiatives :
1- L'utilisation intelligente du " terrain ", des moyens et des actions qui existent déjà.
L'accompagnement à l'euro ne doit pas rendre plus complexes les dispositifs d'aide aux personnes qui existent.
C'est pourquoi bénévoles ou professionnels, les acteurs locaux s'appuient sur les actions habituelles de soutien dont les personnes font l'objet.
Pour les personnes en grande difficulté d'insertion, on s'appuie par exemple sur les Centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).
Pour les publics qui ont des difficultés avec l'écrit, on s'appuie sur les ateliers de lutte contre l'illettrisme.
De façon générale, les établissements qui accueillent des personnes handicapées ou des personnes âgées, ainsi que les associations d'aide à domicile, intègrent de plus en plus l'accompagnement au passage de l'euro dans leurs contacts avec les personnes.
Etre au plus près des gens sur le terrain, donc.
A cet égard, l'intervention des maires, et en particulier des centres communaux d'action sociale, est précieuse.
Laurent FABIUS, François PATRIAT et moi-même ne manquons jamais de le rappeler dans nos contacts avec les élus locaux.
2ème dominante le souci de s'adapter aux besoins des personnes.
Cela induit une certaine spécialisation des actions.
Selon la nature du handicap ou de la difficulté personnelle ou sociale, le besoin d'aide est différent.
Prenons le cas des personnes âgées. Certains ont considéré qu'elles étaient les plus mal placées pour s'adapter au passage à l'euro. Pourtant, par l'histoire qu'elles ont vécue et par le souvenir des conflits qui ont déchiré les peuples européens pendant le dernier siècle, elles peuvent apprécier l'importance du progrès que représente la monnaie unique européenne. De surcroît, elles ont déjà connu un changement de monnaie avec le passage des anciens francs aux nouveaux francs et peuvent non pas nier, mais relativiser la difficulté d'un tel changement.
Comme vous le savez, il existe trois programmes spécifiques aux personnes âgées, destinés respectivement aux formateurs (programme euro-formateurs), à l'aide à domicile et aux personnes vivant en établissement.
Je suis heureuse de mettre en exergue, ici, la part active que dans l'animation de ces programmes prend Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, qui, auprès de moi, a la charge du Secrétariat d'Etat aux personnes âgées. Le 20 juin dernier, elle a installé un comité de suivi des programmes de formation à l'euro pour les personnes âgées. Il s'assure que tous les acteurs qui participent à ces programmes sont mobilisés. Ses travaux se poursuivront jusqu'en mars 2002 afin d'accompagner pleinement ce changement.
III - A cet effort collectif, le ministère de l'emploi et de la solidarité apporte toute sa contribution.
A - Il le fait dans son activité réglementaire.
Je citerai trois séries de mesures prises à la demande des partenaires sociaux dans le domaine du droit du travail :
- une circulaire de novembre 1998, élaborée à la suite des travaux du groupe de travail présidé par MM. Simon et Creyssel, rappelle par exemple que les contrats de travail des salariés ne sont pas modifiés par l'établissement de la feuille de paye en euros.
- des recommandations adoptées par la commission nationale de la négociation collective invitent les partenaires sociaux à mettre à jour les conventions de branches pour anticiper la conversion des grilles de salaire en euros. Les premières recommandations sont intervenues en 1999. Les plus récentes ont été diffusées en juillet à l'ensemble des branches professionnelles.
Troisième exemple : deux décrets et un arrêté sont intervenus récemment pour tenir compte de la charge de travail due à l'introduction des pièces et billets en euros dans les établissements de crédits, sociétés de gestion et entreprises d'investissement. Ces textes ont pour effet de simplifier les procédures de dérogation aux durées maximales du travail et les procédures d'autorisation de dépassement des contingents d'heures supplémentaires. Ils permettent au chef d'entreprise d'adresser une seule demande au directeur du travail du département où se trouve le siège de l'entreprise. Cette demande unique est valable pour l'ensemble des établissements de l'entreprise.
Par ailleurs, un des textes autorise le repos hebdomadaire par roulement pour les salariés concernés.
Ces dispositions s'appliquent exclusivement pour la période du 1er septembre 2001 au 31 mars 2002 et pour les personnels concernés par les opérations.
Elles ont été prises sur la base d'un accord intervenu entre les partenaires sociaux en juin dernier.
S'agissant des experts comptables et des sociétés de services informatiques, des discussions entre les partenaires sociaux sont en cours, en fonction desquelles je serai amenée le cas échéant à prendre des mesures du même type.
S'agissant des convoyeurs de fonds, mon collègue Jean Claude GAYSSOT vient de décider les mesures de centralisation des procédures que j'ai évoquées plus haut.
B - Le ministère aide également au mouvement général dans son activité de tutelle.
Il en est ainsi particulièrement pour l'hôpital public.
C'est le 1er janvier 2002 que le secteur public hospitalier (1 500 établissements) basculera la comptabilité, le budget, la paie des agents... Mais il anticipe. Depuis le début de la période transitoire, les hôpitaux utilisent progressivement l'euro dans leurs procédures: par le double affichage sur les documents budgétaires, sur les bulletins de paie et les documents destinés au public ; par l'acceptation des paiements en euros et par la possibilité offerte de régler des factures en euros
On observe aussi que les Centres hospitaliers régionaux (CHR) et les établissements psychiatriques en particulier se sont beaucoup investis dans les actions de communication à l'attention de leurs patients et des familles de ceux-ci.
C - Dans sa propre gestion, enfin, le ministère de l'emploi et de la solidarité veut être exemplaire.
Deux illustrations :
a) Ce ministère a été retenu par le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie comme site pilote pour valider les applications comptables d'exécution des dépenses de l'Etat en euros.
b)Des cadres particulièrement motivés du ministère m'ont proposé d'organiser, sur les lieux de travail, une semaine d'animation illustrant divers aspects du passage à l'euro. Il va sans dire que je les ai encouragés.
Je suis consciente des difficultés qu'il faut traiter.
Je reste attentive à la montée en charge des opérations de préparation.
Mais au total, la volonté et la capacité de réussir le passage à l'euro dans le secteur social m'inspire un sentiment de confiance.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 14 septembre 2001)