Texte intégral
- Syrie
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Q - Quatre ans de guerre en Syrie. Plus de 200.000 morts. Ce pays a-t-il un avenir ?
R - La vraie solution à la tragédie syrienne ne peut être que politique. Où en est-on ? Les jihado-terroristes de Daech et Bachar Al-Assad se font face. D'une certaine façon, ils s'épaulent l'un l'autre. Aucun d'eux ne peut être l'avenir de la Syrie. Nous souhaitons que soit trouvé un accord entre des éléments du régime, sans Bachar Al-Assad, et l'opposition modérée. Un accord qui devra respecter toutes les communautés. Et nous agissons en ce sens.
Q - Des députés proches du régime Assad doivent être prochainement reçus par des parlementaires en France.
R - Je suis partisan de la diplomatie parlementaire, mais pas de l'antidiplomatie. Comment ignorer que soutenir Bachar Al-Assad pousserait une grande partie de la population syrienne, par réaction, dans les bras des terroristes ?
Q - Mais ce scénario sans Bachar n'a pas marché jusqu'à présent...
R - Ce n'est pas une raison pour l'abandonner. Avec nos partenaires arabes et américains, nous y travaillons et nous discutons aussi avec les Russes. C'est le rôle des diplomates de trouver des solutions créatives.
Q - Les modifications de frontières font-elles partie des options considérées ?
R - Nous n'y sommes généralement pas favorables, même s'il est vrai que certaines frontières dans la région sont artificielles. Elles ont été découpées sur le papier et ne correspondent pas forcément à une réalité physique. Si vous déclarez que, partout où il existe des mouvements locaux d'opposition, il faut modifier les frontières, alors il n'y aura plus 195 États dans le monde mais plus de 300, avec des conflits de délimitation sanglants et interminables. Ce qui est en cause, c'est la notion d'État.
Celui-ci doit permettre à des communautés différentes de vivre ensemble. Or, au Proche et au Moyen-Orient, beaucoup de pays voient aujourd'hui leur État affaibli ne plus représenter qu'une seule communauté, à l'exclusion des autres. C'est aussi le problème tragique de l'éradication des chrétiens d'Orient, sur lequel la France essaie de mobiliser la communauté internationale. (...).
- Iran
Q - Un accord-cadre a été conclu sur le nucléaire iranien. Un document final doit être signé fin juin. D'ici là, un nouveau rebondissement peut-il compromettre la signature d'un accord final ?
R - Ce n'est pas l'hypothèse la plus probable, mais on ne peut l'écarter. A Lausanne début avril, nous avons obtenu des avancées incontestables. Nous nous sommes mis d'accord notamment sur la réduction du nombre des centrifugeuses iraniennes, son stock d'uranium. Mais plusieurs sujets sensibles n'ont pas encore été réglés. Par exemple, comment s'assurer que l'Iran ne se dotera pas d'un programme à dimension militaire ? À quel rythme lever les sanctions, et si l'accord n'est pas respecté, comment les rétablir ? Par ailleurs, comment le congrès américain va-t-il accueillir ce préaccord ? Et le guide suprême iranien ? Cela fait encore beaucoup d'interrogations. On va donc plutôt vers un accord, mais rien n'est définitivement acté.
Q - Avez-vous le sentiment que l'Iran renonce vraiment à ses ambitions militaires nucléaires ?
R - Le gouvernement iranien a toujours prétendu qu'il ne poursuivait pas d'objectif militaire. Or, à plusieurs reprises, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) nous a alertés sur l'inverse. Dans la logique de la négociation actuelle, nous disposerions pour les dix ans qui viennent d'une garantie solide concernant l'Iran. Ensuite, c'est moins évident. Aujourd'hui, les Iraniens pourraient construire une bombe en deux mois. Si l'accord que nous souhaitons est conclu, ce délai sera d'un an. Cela permettrait de réagir. (...).
- Dérèglement climatique
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Q - Vous présiderez la conférence sur le climat, en fin d'année. Quel est le critère de réussite ?
R - L'obtention d'un accord universel qui limite l'augmentation des températures à 2°C. Ce n'est jamais arrivé. Nous devrons aussi trouver des financements pour que les pays pauvres puissent acquérir les technologies efficaces permettant de concilier transition écologique et développement économique. Réussir cette COP 21 ne sera pas facile - il faudra le consensus de 195 pays -, mais c'est indispensable. Il n'y a pas de solution de rechange, parce qu'il n'y a pas de planète de rechange. (...).
- Tourisme
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Q - La France reste la première destination touristique du monde. Comment faire pour maintenir cette place ?
R - En 2014, nous avons reçu dans notre pays 84 millions de touristes étrangers. Je souhaite que nous atteignions les 100 millions en 2020. La concurrence est rude. Dans quelques jours, nous allons mettre en place des voies réservées aux bus et aux taxis, qui relieront Paris aux aéroports de Roissy et d'Orly. Le tarif des taxis sera forfaitaire sur ces trajets. Chaque mois, de nouvelles initiatives sont prises. Économiquement, le tourisme constitue un de nos meilleurs secteurs, avec des perspectives très fortes. Aujourd'hui, un milliard de personnes voyagent dans le monde. Dans quinze ans, elles seront deux milliards.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 avril 2015