Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Permettez moi d'abord de vous remercier pour votre accueil chaleureux, à l'image de Mayotte et des Mahorais. Permettez moi également de vous remercier pour vos paroles de bienvenue et de tolérance, auxquelles je suis particulièrement sensible. Je crois profondément qu'en France, des communautés différentes, des appartenances variées et multiples et les nombreuses religions présentes sur notre sol peuvent coexister harmonieusement. Elles sont notre richesse, et vous y contribuez amplement.
Je suis aussi sensible à ces paroles parce qu'en ces temps troublés, on trouve parfois, dans certains commentaires, des simplifications, des raccourcis et des amalgames trompeurs. Ils voudraient nous faire croire que l'Islam et l'Occident sont opposés, voire même qu'ils sont en conflit. Je veux, avec vous, dans cette mosquée apporter, avec force, un démenti à ces contre-vérités et dire les choses comme elles sont.
Je veux réaffirmer clairement et publiquement les principes qui animent notre République et les valeurs qui nous éloignent de toute tentation fanatique, quelle qu'en soit l'origine.
Mayotte est musulmane. La religion y est très présente. Chaque village a sa mosquée. Elle est un lieu de prières, mais aussi d'études et de réunions, un lieu de partage et de convivialité.
L'identité mahoraise est liée à l'Islam. Il rythme la vie quotidienne de la population, il détermine le fonctionnement des collectivités villageoises et des familles. Les cérémonies sont nombreuses, les traditions sont respectées.
Chacun s'accorde à reconnaître qu'ici, l'Islam, fortement enraciné, est tolérant et ouvert.
Ouvert sur le monde : l'Islam est une religion monothéiste et universelle, ouverte au dialogue. Ouvert sur la modernité, comme le prouve la très large aspiration des Mahorais à s'adapter aux évolutions de notre monde. La société mahoraise n'est pas figée sur ses structures traditionnelles.
L'Islam n'est pas un obstacle au développement économique. Les difficultés économiques et sociales que rencontrent les Mahoraises et les Mahorais sont dues à la situation particulière de l'archipel et à son histoire. Je ne doute pas que les réformes engagées par le gouvernement permettront un rattrapage tant attendu par la population.
Enfin, Islam et démocratie sont parfaitement compatibles. Les Mahorais n'ont cessé, depuis vingt-cinq ans, de prouver leur attachement à la République française. Car ils savent, et ils le prouvent chaque jour, qu'on peut être musulman et républicain.
Il n'y a pas de conflit entre l'Islam et l'Occident. D'ailleurs, peut-on parler de l'Islam en général ? La religion musulmane n'est pas partout identique, elle est ouverte aux histoires et aux traditions locales. De même, quel sens y a-t-il à parler d'Occident en général et de réunir sous cette appellation des Etats, des histoires et des valeurs différentes ?
Il nous faut plus de discernement parce que la situation internationale l'impose. Les préjugés se nourrissent de l'ignorance et nous devons les combattre.
Aucune religion ne justifie la barbarie, aucune ne donne une quelconque caution à la violence, à la destruction de l'autre. Le fanatisme n'est d'aucune confession en particulier : il tient à la déraison, à l'intrusion dans une religion d'éléments qui lui sont extérieurs et qui finissent par étouffer ses valeurs morales.
Notre République est laïque. Elle défend la liberté de conscience et la liberté de culte, elle sépare ce qui est public de ce qui est privé, ce qui est profane et ce qui est sacré. Ainsi, elle protège tout autant l'Etat et les confessions.
Mayotte est pour l'ensemble de nos concitoyens un modèle auquel je veux rendre hommage ici. Vous, Mahorais, conjuguez l'attachement à la République et la fidélité à l'Islam. Je suis venu à votre rencontre porteur d'un message de fraternité républicaine et dans le respect de votre communauté. Nous partageons, j'en suis sûr, l'idéal de tolérance que l'état du monde rend plus que jamais nécessaire.
(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 14 novembre 2001)