Texte intégral
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Madame le maire de Paris, chère Anne,
Madame le maire du 7e arrondissement,
Monsieur le Directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives,
Monsieur le Professeur Jean-Pierre Azéma,
Mesdames et messieurs les anciens combattants, résistants, déportés, prisonniers de guerre et requis du STO,
Chers élèves ici présents,
Permettez-moi avant toute chose de saluer les anciens déportés, prisonniers de guerre, requis du service du travail obligatoire et travailleurs forcés ici présents car ils sont les témoins vivants de l'histoire que nous commémorons aujourd'hui.
En avril 1945, il y a 70 ans, la gare d'Orsay s'apprêtait à accueillir des milliers de visages fatigués et de corps décharnés dont l'absence avait tant pesé sur la France pendant des années.
Combien de femmes et d'hommes débarquèrent dans le hall de la gare ? Nouvellement libres mais portant dans leur cur le poids de tous ceux qui ne reviendraient pas et qu'ils avaient vus mourir à côté d'eux.
Car ce qui séparait les morts des rescapés, ce n'était que quelques jours. « Nous étions des morts revenus par hasard » écrit Violette Maurice, rescapée de Ravensbrück.
Combien de survivants des camps, rescapés de l'horreur, requis du service du travail obligatoire et prisonniers de guerre firent leur retour en France en espérant que ce fut leur retour à la vie ?
Ils étaient plus de 930 000 prisonniers de guerre, 650 000 travailleurs requis, 40 000 déportés politiques et résistants et 2 500 déportés juifs.
Et je ne peux oublier les Alsaciens-Mosellans incorporés de force dans la Wehrmacht et faits prisonniers par l'Armée rouge dont le retour en France leur a imposé des années de silence.
Près de 1,7 millions de femmes et d'hommes qui retrouvent un nom, une identité, une famille, un pays, une Nation. Près de 1,7 millions de femmes et d'hommes qui ont vécu, souffert, résisté avant de raconter, de témoigner et de transmettre.
Combien d'entre eux avaient rêvé ce jour où ils fouleraient le sol de la France Libre et goûterait à la liberté ? Ce jour arriva ici en gare d'Orsay, comme ce fut le cas ailleurs.
Le 14 avril 1945 en gare de l'Est, le général de Gaulle accueille les femmes provenant du camp de Ravensbrück.
Mesdames et messieurs, cette exposition rend à tous ces survivants un très bel hommage en même temps qu'elle traduit ce que fut « le choc du retour ».
Je veux remercier tout particulièrement Jean-Pierre Azema pour l'excellent travail réalisé et plus largement pour son précieux concours dans l'ensemble de ce cycle commémoratif.
Je veux associer à ces remerciements la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives, la mairie de Paris et la société Artevia pour leur mobilisation autour de cet événement.
Mesdames et messieurs, ici a eu lieu le retour des absents.
La gare d'Orsay fut le lieu de scènes émouvantes : des familles brisées par la guerre attendent de pouvoir renouer les liens affectifs qui leur ont tant manqué. Mais aussi terriblement éprouvantes : d'autres espèrent revoir un visage disparu avec la guerre et appellent un nom auquel plus personne ne répondra.
Les retours s'organisent jusqu'à l'été, la plupart des prisonniers, des travailleurs et des déportés transitant par l'hôtel Lutetia, réquisitionné par le général de Gaulle.
Pour les premiers arrivés, le retour en France fut aussi le retour à la vie civique. Dans l'obscurité des camps, dans l'horreur du quotidien et l'angoisse du lendemain, ils n'avaient jamais cessé d'être des citoyens.
Et bientôt allaient naître à leurs côtés des citoyennes : les femmes voteraient pour la première fois le 29 avril 1945.
Beaucoup participent le 1er mai au rassemblement des syndicats et des forces politiques de la Résistance, de la place de la Bastille à celle de Nation et le 8 mai 1945, aux célébrations de la victoire, devant l'Arc de triomphe.
Au fils des jours et des semaines, le retour en France devient enfin le retour à la vie. Mais une vie qu'il faut entièrement reconstruire.
Mesdames et messieurs les survivants et rescapés des camps, anciens prisonniers et travailleurs forcés, permettez-moi de m'adresser à vous : vos récits, vos parcours, votre engagement nous inspirent tant de courage.
Celui avec lequel vous avez continué le combat dans la paix quand on pourrait croire que la guerre et la barbarie nazie avaient épuisé toutes vos forces. Car après votre retour, vous avez su, nombreux et solidaires, susciter des mouvements associatifs engagés et mobilisés.
Vous avez su guider l'action de l'Etat et de la République pour faire de la justice son idéal, du respect de la dignité humaine son moteur, de la fraternité des peuples son plus grand combat.
Et aujourd'hui, mesdames et messieurs, c'est votre mémoire et celle de vos camarades disparus qui imprègne nos berges parisiennes. Je veux vous en remercier madame le maire, chère Anne.
Paris est une ville de mémoire dont les rues, les places, les monuments, les plaques, racontent l'histoire. Celle de la France. Celle de l'Europe aussi.
L'Europe qui s'est construite sur les tas de ruines de la Seconde Guerre mondiale mais aussi grâce à la volonté, l'ouverture d'esprit et le courage des survivants.
Ceux restés fidèles à la pensée de Victor Hugo qui doit continuer de nous animer : « les souvenirs sont nos forces. Ils dissipent les ténèbres. Ne laissons jamais s'effacer les anniversaires mémorables. Quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates comme on allume les flambeaux ».
Oui, c'est dans la mémoire des souffrances d'hier que germent les actions et les combats de demain. C'est pourquoi je terminerai en vous remerciant tous d'être venus à nos côtés rallumer les lumières du passé pour voir plus clairement dans l'avenir.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 avril 2015