Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le contingent français de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, à Deir Kyfa le 20 avril 2015.

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Circonstance : Déplacement au Royaume hachémite de Jordanie et en République libanaise du 19 au 21 avril-rencontre avec les militaires français armant la FINUL, à Deir Kyfa (Liban) le 20 avril 2015

Texte intégral

Mon général,
Officiers, sous-officiers et soldats,
Je suis très heureux d'être à vos côtés aujourd'hui, sur cette si belle terre du Liban. Cela faisait presque trois ans que je n'avais pas eu l'occasion de revenir dans ce pays qui est cher au cœur de la France.
Je viens d'abord pour vous assurer du soutien de vos compatriotes dans la mission qui est la vôtre depuis maintenant un peu plus d'un mois. Cette visite est aussi, d'ailleurs, le témoignage du soutien fidèle que la France entend apporter à son partenaire libanais dans les défis de sécurité qui sont les siens. Face au chaos qui s'étend dans cette partie du monde, la stabilité du Liban est essentielle pour les Libanais, pour leurs voisins et pour l'Europe.
La pertinence des missions de nos armées en est d'autant plus renforcée. Ailleurs, au Sahel ou au Moyen Orient sur le territoire national, nos armées sont engagées contre une même menace, le terrorisme djihadiste, sous ces avatars extrêmes que sont Daech ou AQMI.
Devant de telles menaces, la France a fait le choix de se montrer inébranlable, et ma responsabilité, sous l'autorité du Premier ministre et du chef de l'État, chef des armées, est de faire en sorte que notre Défense joue tout son rôle dans la fermeté que nous opposerons toujours à ceux qui voudraient nous frapper dans nos intérêts et nos valeurs.
Mais dans cette démarche, nous ne cessons jamais d'agir également au service du maintien de la paix, là où elle est préservée.
La France est viscéralement attachée à la paix. C'est un héritage de son histoire, une conviction forte qui est inscrite au cœur de ses valeurs et de sa vision du monde. Chaque individu doit pouvoir vivre dans des conditions dignes ; chaque peuple doit pouvoir se développer dans le respect des autres. Pour la France, le temps des ambitions conquérantes est passé depuis longtemps. C'est tout le sens de votre mission ici. C'est à vous, aujourd'hui, par votre engagement au sein de la FINUL, et toujours au nom de la France, qu'il revient donc porter cette exigence.
C'est pourquoi, après être passé hier saluer vos camarades en Jordanie à Safawi, j'ai souhaité vous retrouver ici, à Deir Kyfa. Je viens aujourd'hui avec un même message, celui du soutien et de la fierté des Français pour votre action.
Avec près de 900 soldats, la Force Commander Reserve (FCR) est le contingent français le plus important aujourd'hui sous la bannière des Nations unies. Cette contribution conséquente, maintenue dans la durée malgré les très nombreux engagements opérationnels de nos armées, témoigne, s'il en était besoin, de l'importance de votre mission.
Votre présence ici, en appui des différents détachements de la FINUL, est essentielle. Vous êtes en un mot leur force de réassurance.
Je dois dire que vous vous acquittez parfaitement de cette mission délicate, dans un environnement exigeant, en faisant preuve en toutes circonstances d'un professionnalisme qui vous honore et fait la fierté de la France.
Je veux également vous féliciter pour la qualité des contacts que vous avez su établir avec nos amis libanais. Ces échanges reposent sur des entrainements conjoints de très bon niveau. Ils participent directement au maintien de la capacité opérationnelle libanaise comme française. Ainsi, au cours du mandat précédent, DAMAN XXII, ce sont près de 300 militaires des forces armées libanaises (FAL), qui ont participé à une dizaine de stages communs. Mais nous devons faire davantage encore.
Depuis longtemps, vous êtes bien placés pour le savoir, la France et le Liban entretiennent une relation fraternelle. Dans un contexte marqué, depuis trois ans, par une dégradation brutale de la situation sécuritaire au Levant, qui fait désormais peser une menace existentielle sur les Etats de la région, la France réaffirme sa volonté de voir le Liban demeurer un ferment de stabilité au cœur de ce chaos.
Le Liban est en effet soumis à une pression de Daech et du Jabat al Nosra qui n'a pas de précédent, et fait du contrôle de ses frontières un enjeu vital pour sa sécurité. Les événements d'Ersal sont là pour en témoigner, le Liban, ce pays qui connaît le prix de la guerre, ne veut pas être entraîné dans le chaos qui l'entoure. La France est et sera présente pour l'y aider.
Dans ce contexte critique, il était donc essentiel que les amis et les alliés du Liban se mobilisent pour contribuer à sa sécurité, à sa stabilité. Le regretté roi Abdallah, et le roi Salman, mon ami et un ami de la France, partagent avec la République française ce désir de contribuer à cet effort. Dès 2013, nous avons donc pris la décision de conduire ensemble un projet d'ampleur pour moderniser les forces armées libanaises, et j'étais justement ce matin à Beyrouth, pour marquer la première livraison de matériels qui vient concrétiser le don saoudien aux forces armées libanaises.
Ce projet est crucial pour la sécurité du pays, car il est indispensable que les Armées libanaises qui luttent au quotidien, avec courage, contre les mouvements terroristes, soient rapidement mieux équipées. Mais ce projet va bien au-delà, avec un volet important de formation et de restructuration des forces armées libanaises. Ce partenariat franco-saoudien est donc remarquable à plus d'un titre. Il traduit très concrètement la solidarité de nos pays aux côtés de nos amis libanais.
La lutte contre le terrorisme est aujourd'hui notre combat commun. C'est notre priorité. La France, qui est elle-même engagée en première ligne, soutient les nations qui partagent ce combat vital. Ainsi, en prenant part à la coalition menée par les Etats-Unis au Levant, elle veut affaiblir durablement le groupe terroriste Daech, et permettre aux Etats de la région de retrouver leur intégrité et leur pleine souveraineté. C'est le sens des différents volts de notre action, à laquelle vous prenez part : stabilité et renforcement des capacités propres au Liban
Vous l'avez compris, la FINUL est à nouveau aujourd'hui sur le devant de la scène. Le durcissement des crises, particulièrement aigu au Levant sous l'influence de Daech, est une donnée nouvelle dont nous devons tirer les conséquences. Ce durcissement doit se traduire dans les réponses qui sont apportées au niveau international. Je pense en particulier à toutes les initiatives au service de la paix. Je pense aux moyens et à la marge de manœuvre dont doivent bénéficier les forces des Nations unies dans le cadre des opérations de maintien de la paix.
Je suis particulièrement attaché au cadre des Nations Unies, car les opérations de maintien de la paix demeurent un outil indispensable de la résolution des conflits. Je vous l'ai dit, une réflexion est en cours actuellement, et j'ai eu l'occasion, lors d'un colloque organisé le mois dernier à Paris, de dire ce que j'en pensais sur ce sujet. Loin de défendre le statu quo, notre vision des Nations Unies est celle d'une organisation qui doit sans cesse s'adapter, se réformer, prendre en compte les nouvelles réalités et les défis de demain. Ce nouvel effort sera le prix, dans les années à venir, de sa légitimité, de son efficacité et de son universalité.
Cette réforme est en mouvement, comme l'illustre la présence des Pays-Bas ou de la Suède au Mali, intégrant au sein de la MINUSMA certaines capacités rares comme des hélicoptères d'attaques ou des moyens de renseignement. Elle a commencé ici depuis plusieurs années, avec la refonte de la FINUL et l'engagement d'autres pays européens, comme l'Italie ou l'Espagne, pour ne citer que les plus influents.
Je voudrais terminer ces quelques mots en saluant tous nos partenaires étrangers, engagés comme vous au service de la paix au Liban. Vous me permettrez d'avoir une pensée toute particulière pour le soldat espagnol qui a donné sa vie, sur le plateau du Golan au mois de mars dernier, au service de la paix. Il n'y a pas de cause plus noble. Il mérite donc tout notre respect et notre reconnaissance, comme tous ceux qui l'ont précédé dans ce sacrifice suprême.
Soyez fiers de votre engagement pour la France, au sein de la FINUL, et aux côtés de nos partenaires libanais. Vous avez toute ma confiance pour relever les défis qui vous attendent.
Vive la République ! Vive la France !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 22 avril 2015