Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur les réformes du système de santé et la place, la formation et l'exercice du médecin interne des hôpitaux, Paris le 30 janvier 2015.

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Je me réjouis d'intervenir à nouveau, deux après ma première venue, en ouverture du Congrès National des Internes de Médecine Générale, organisé par l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale.
C'est vous, les jeunes professionnels de santé, qui représentez l'avenir de la médecine. C'est vous qui, demain, accueillerez quotidiennement des Français et apporterez des réponses à leurs besoins de santé.
J'ai tenu à être présente aujourd'hui car je sais que la nouvelle génération se pose de nombreuses questions sur l'évolution de la profession et de ses conditions d'exercice.
Notre paysage de santé connait de profondes mutations qui bousculent les habitudes et remettent en cause des équilibres. Deux défis majeurs se dressent devant nous : le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques.
I. Mon objectif est d'apporter des réponses à ces enjeux en apportant à notre système de santé les réformes structurantes dont il a besoin
Le projet de loi de santé que je porte est un projet global pour la santé des Français qui anticipe ces mutations et prépare l'avenir. Il donne la priorité à la prévention qui doit devenir le socle de notre politique de santé. Prévenir avant d'avoir à guérir, c'est une évidence pour les futurs médecins que vous êtes ; c'est donc une priorité du projet de loi qui renforce l'éducation à la santé et la prévention primaire.
Mon objectif est également de réorganiser l'offre de soins autour du patient et non-plus autour des structures. On ne soignera pas demain comme on soigne aujourd'hui. C'est autour du parcours du patient et de ses besoins que doit s'organiser la prise en charge.
Je sais que le Service territorial de santé au public (STSP) suscite des interrogations. Je veux le dire : il ne s'agit nullement d'une atteinte à la liberté d'installation ou au choix du médecin par le patient. Au contraire, ce sera un facilitateur de la coordination des professionnels de santé sur nos territoires. Les jeunes médecins – mais c'est à vous de le dire - préfèrent le travail en équipe à l'exercice isolé. Les dispositions du projet de loi correspondantes devront être réécrites : l'organisation des soins dans les territoires doit s'appuyer sur les initiatives du terrain et les projets développés par les professionnels eux-mêmes, au plus près du terrain. Je m'y suis engagée et je tiendrai cet engagement.
La médecine de parcours place le médecin traitant au cœur de l'organisation de la prise en charge du patient. C'est lui qui déclenche les soins et suit le patient du début à la fin de son parcours. Développer la médecine de proximité, c'est reconnaitre la place et la spécificité de la médecine générale.
Je veux mettre fin à l'inégalité de considération entre les médecins spécialistes en médecine générale et les autres médecins spécialistes. La révolution que représente le virage ambulatoire repose sur une place accrue du médecin généraliste dans le système de soins.
Voilà pourquoi je souhaite renverser la tendance à la baisse du nombre de médecins généralistes. Pour cela, je porte un renforcement de la place du médecin généraliste sur le terrain et un accroissement de son rôle dans la coordination du parcours du patient. A long terme, il s'agira de rétablir une meilleure distribution entre les médecins généralistes et les autres spécialités.
Développer la médecine de proximité suppose nécessairement de lutter contre le renoncement aux soins. Je porte pour cela une mesure qui suscite, je le sais, des interrogations : la généralisation du tiers-payant.
J'ai entendu la crainte qui est la vôtre que le tiers-payant généralisé rime avec complexité. Je veux vous dire aujourd'hui que j'apporterai toutes les garanties nécessaires, y compris dans la loi, pour prévenir ce risque.
J'ai tenu à lancer personnellement, hier, les travaux du groupe de travail sur le tiers-payant généralisé. Je sais que la tenue de votre rassemblement ici, à Toulouse, ne vous a pas permis d'y participer mais je compte sur vous, à l'avenir, pour y apporter votre contribution.
II. Je tiens à renforcer la place des jeunes professionnels de santé dans les échanges sur ces sujets
Je sais que ces changements suscitent des attentes fortes de la part des internes, des chefs de clinique et des assistants. Vos questionnements et vos doutes sont parfaitement légitimes.
La première de vos attentes, c'est d'être reconnus comme des acteurs à part entière
L'internat et le clinicat sont des périodes transitoires courtes dans la carrière d'un médecin. Mais les dispositions du projet de loi sur l'exercice de la médecine vous concernent aujourd'hui dans la préparation de vos choix de mode d'exercice demain.
Depuis 2012, nous avons ensemble réalisé des avancées importantes, notamment sur les conditions de formation, de travail et d'installation des jeunes médecins. Votre statut et votre place dans le système de santé n'auront jamais autant progressé que ces deux dernières années.
J'ai entendu l'aspiration des jeunes médecins à contribuer activement aux discussions que je mène avec les acteurs de la santé. J'ai donc décidé d'accorder une place à vos représentants dans les groupes de travail que j'ai mis en place pour poursuivre la concertation avec les organisations syndicales. La mission de ces groupes de travail est de reprendre l'écriture de certaines dispositions du projet de loi.
Je tiens à cette concertation car je sais que c'est ensemble, dans un esprit de dialogue, que nous réussirons à faire progresser notre système de santé. Il nous faut surtout garder à l'esprit l'essentiel : faire avancer l'égalité d'accès aux soins pour une meilleure santé. Chacun doit s'attacher à refuser l'immobilisme et à penser l'intérêt social.
III. J'ai également entendu vos inquiétudes quant à la qualité de la formation
Je tiens à rappeler que, depuis 2012, j'ai travaillé activement à la modernisation de votre formation en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés :
- J'ai ouvert les stages en ambulatoire à toutes les formations, alors qu'ils étaient jusqu'alors réservés aux seuls médecins généralistes. Les futurs professionnels de santé doivent en effet être davantage formés dans les conditions de leur futur exercice. L'exemple de la médecine générale doit essaimer car c'est un bon modèle.
- J'ai amélioré les conditions de réalisation de ces stages, en sanctuarisant la formation des maîtres de stage et en mettant en place une indemnité de transport pour les étudiants.
- Pour augmenter les capacités de formation en milieu ambulatoire, j'ai réorganisé les modalités de financement des postes d'internes en regroupant l'ensemble des crédits sur une seule ligne budgétaire dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
- J'ai diligenté une enquête sur le financement des postes d'interne dont les conclusions me seront remises à la fin du mois de mars. Je m'appuierai sur ces résultats pour permettre un renforcement de la qualité de ces stages de formation.
- J'ai imposé un taux d'inadéquation de 7% entre le nombre d'internes et le nombre de poste d'internes au choix. Cela permet de garantir à tous les internes un véritable choix entre plusieurs terrains de stage.
- Enfin, j'ai doublé le nombre d'années de recherche pour les internes. Je vais permettre, par arrêté, que cette année de recherche puisse être effectuée en fin d'internat. Je sais que, sans cette mesure, il est difficile pour les internes de médecine générale de bénéficier de cette formation à la recherche.
En deux ans et demi, j'ai donc travaillé avec vous à renforcer votre formation. Je souhaite continuer dans cette voie pour anticiper le virage ambulatoire et adapter la formation des médecins à cette nouvelle réalité. Les réformes à mener en ce sens ne nécessitent pas de traduction législative.
En lien avec la Secrétaire d'Etat à l'enseignement supérieur et à la recherche, un travail spécifique pour les jeunes médecins sera conduit pour définir les orientations et les modalités d'évolution de la formation, de l'installation et de l'exercice médical futur.
Pour faciliter les conditions de formation en ambulatoire, un label sera créé pour les maisons de santé universitaires dont le cahier des charges sera construit avec les acteurs concernés. De plus, pour renforcer la filière universitaire, il faut créer un vivier de jeunes attirés par la formation et la recherche et donc des postes de chef de clinique de médecine générale. Avec Genevieve FIORASO, nous avons l'intention d'en doubler le nombre sur deux ans.
S'agissant de la réforme de la formation des internes de médecine générale, je sais qu'il n'y a pas encore de consensus entre les internes, les enseignants et d'autres acteurs de la médecine générale. Je tiens à ce que le dialogue se poursuive et je laisserai le temps nécessaire au consensus.
Avant de conclure, je tiens à revenir sur la réforme statutaire de la durée de travail des internes. J'ai mené avec vous un travail de conviction sur ce sujet. Dans un décret actuellement au Conseil d'Etat, j'ai réduit la durée de travail de 11 demi-journées à 10 demi-journées. J'ai sanctuarisé les demi-journées consacrées spécifiquement à la formation universitaire en rendant obligatoire leur inscription dans les tableaux de service. J'ai également intégré le temps de permanence des soins dans le calcul de la durée hebdomadaire de travail.
J'ai pris note qu'il y a toujours des problèmes dans le respect du repos de sécurité ; c'est pourquoi je prendrai des mesures de sanction si nécessaire à l'égard des établissements qui continueraient de méconnaitre le droit des internes à un repos après une garde ou une astreinte.
A l'issue de leur examen par le Conseil d'Etat, ces dispositions pourront entrer en vigueur à compter du 1er mai prochain.
Mesdames et messieurs,
Vous avez un rôle à jouer dans les groupes de travail que j'ai mis en place. Si le projet de loi doit être clarifié, je souhaite qu'il garde à l'esprit l'essentiel : notre système de santé va évoluer pour répondre aux enjeux majeurs de ce début de siècle.
C'est vous, les jeunes médecins, qui allez être les artisans de ces changements. C'est donc à vous qu'il revient de réfléchir aujourd'hui à vos conditions d'exercice futures.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 22 avril 2015