Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les efforts en faveur de l'œnotourisme, à Paris le 22 avril 2015.

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Circonstance : Lancement du livre sur les Grands Crus classés de 1855, à Paris le 22 avril 2015

Texte intégral

Monsieur le Secrétaire d'État, Cher Matthias,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Cher Philippe Castéja, Cher Jacques Glénat,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
D'abord, bienvenue à tous dans cette Maison qui est la vôtre.
Merci à tous d'être là ce soir au Quai d'Orsay et merci, Cher Philippe Castéja, d'avoir pris l'initiative de cet événement.
En commençant ce court propos, j'ai à l'esprit ce mot de Wilson Churchill, qui n'était pas avare de mots d'esprit, et qui, s'agissant d'œnologie était non seulement un croyant, mais un excellent pratiquant. Il disait : «En matière de vin, je suis un amateur facile, je me contente toujours du meilleur». Au fond, c'est bien la définition de ce qui nous réunit aujourd'hui.
Puisque l'on parle de mots d'esprit, j'adore cette citation d'Oscar Wilde à propos de Bordeaux : «Les Français sont si fiers de leurs vins qu'ils ont donné à certaines de leurs villes le nom d'un grand cru».
Pour ce qui est du meilleur, c'est justement ce que nous célébrons ce soir puisque nous fêtons le 160ème anniversaire de la liste des grands crus classés de Bordeaux et le lancement de l'ouvrage magnifique - je viens de le parcourir - réalisé à cette occasion. D'ailleurs, nous sommes d'une précision quasiment parfaite puisque si mes informations, que je n'ai pas vérifiées avec le ministre de l'intérieur, sont exactes, il s'agissait du 18 avril 1855 ; nous ne sommes donc vraiment pas loin de l'anniversaire.
Ce que nous savons avec certitude, c'est que ces 88 châteaux d'exception ont été classés pour une occasion précise dont nous parlions tout à l'heure avec M. Fromentin qui est, malgré son jeune âge, le père de l'exposition universelle future : présenter les grands vins de Bordeaux à l'exposition universelle de 1855.
C'est au fond cette origine qui justifie doublement de célébrer cet anniversaire dans cette Maison. D'abord, ces salons Second empire que certains trouvent un peu chargés, mais que je trouve, comme vous, magnifiques et qui impressionnent dans le bon sens du terme mes visiteurs, nous replace dans l'ambiance de l'époque. Et surtout, l'objectif de ce classement, c'était de promouvoir, devant le monde, l'excellence de l'œnologie française. Vous le savez, faire rayonner nos vins en France et à l'étranger, c'est l'une des actions que je mène à la tête de cette Maison.
Jusqu'à présent, l'œnologie - je tiens à le préciser - ne constituait pas un champ majeur de l'activité du ministre des affaires étrangères, ou alors sous une forme spécifique, rappelée par quelques anecdotes, consistant, pour certains de mes prédécesseurs, à développer la cave du Quai d'Orsay. Je m'inscris dans cette tradition, mais les vins représentent, au-delà de nos goûts personnels, une affaire très sérieuse pour notre pays parce que c'est une part importante de l'identité des Français et les noms des grands crus classés font partie de notre patrimoine culturel. C'est un facteur de rayonnement de la France dans le monde et un élément de notre attractivité touristique.
Toutes ces tâches, toutes ces exigences, il se trouve que c'est le Quai d'Orsay, dans sa compétence actuelle qui en est chargé.
Juste un mot sur le tourisme parce que, tout comme Matthias Fekl, je suis intarissable sur le sujet. C'est un atout absolument extraordinaire pour notre pays. Cela représente, d'abord, des centaines de milliers d'emplois non délocalisables et cela représente des ressources considérables. Cet atout est le suivant : lorsque l'on interroge les citoyens du monde, avec cette question simple, où souhaiteriez-vous vous rendre ? Ce qui sort en numéro un, c'est la France. Nous sommes numéro un dans un certain nombre de champs et de disciplines ; pas dans toutes, mais dans celle-là c'est incontestable.
Il se trouve que le tourisme va se développer d'une façon exceptionnelle dans les années qui viennent : il y a un milliard de touristes à travers le monde ; dans 15 ans, leur nombre aura doublé. Si nous savons capter - et nous avons les atouts naturels pour cela - une partie importante de ce milliard et de ce milliard supplémentaire, soyons très réalistes, la situation économique de notre pays se présentera de façon différente. Il n'y a pas que l'économie, il y a aussi le rayonnement et l'influence que cela procure. Il y par conséquent une concurrence croissante, mais nous avons des atouts, j'en suis sûr, non seulement pour résister - parce que la concurrence est là - mais aussi pour progresser.
Aujourd'hui, 84 millions de touristes étrangers visitent notre pays ; ils restent trop peu de temps d'ailleurs et ils ne dépensent pas assez. Ils seront 100 millions en 2020. Nous ne sommes pas les premiers pour la durée des séjours ni pour les recettes, nous ne sommes que les troisièmes. On voit donc le champ qui est devant nous. Si je parle de cela, c'est parce que les vins français constituent un aimant touristique extrêmement puissant et les statistiques, qui ne sont pas toujours inexactes, nous indiquent qu'un tiers des touristes qui viennent en France citent l'œnologie et la gastronomie comme la première raison du choix de leur destination.
À cet égard, M. Glénat, je veux saluer votre travail parce que par vos publications, à la fois sur l'œnologie et sur la gastronomie, vous contribuez à célébrer, que ce soit en France ou à l'étranger, notre savoir-faire, notre identité. Bravo et merci pour ce que vous faites.
Mon travail et celui de Matthias Fekl, c'est d'essayer d'agir concrètement pour soutenir notre œnologie. L'autre jour, pour cette action, on m'a même remis un prix dont j'étais extrêmement fier et que j'ai affiché dans mon bureau. Je disais, lors de la remise de ce prix, qui est je crois «l'homme de l'année 2015» pour la promotion de l'œnotourisme, que j'en ferai état, y compris auprès de ma propre famille, et que ce sera un sujet de fierté. La fois précédente où j'avais été distingué, c'était lorsque j'avais été élu parlementaire de l'année. C'était il y a quelques années et dans le discours que j'avais prononcé à cette occasion, je disais que j'étais très heureux d'être le parlementaire de l'année mais que je trouvais que le jury avait fait un choix un peu particulier puisqu'il me reconnaissait comme tel la seule année où je n'avais pas pris la parole au Parlement. J'espérais qu'à cette occasion, s'agissant du vin, ce fut autre chose et je veux confirmer que c'est autre chose. C'est non seulement le théoricien, mais le pratiquant que vos collègues ont su distinguer.
Nous essayons donc d'agir concrètement. Vous avez eu la gentillesse de faire allusion à l'opération que nous avons réalisée, il y a maintenant quelques semaines, avec «Goût de France» : dans le monde entier, près de 15.000 restaurateurs et nous-mêmes, à Versailles, avec les ambassadeurs, nous avons célébré la cuisine et le vin français. Je pense, en voyant justement des ambassadeurs ici présents, que je salue, que ce dîner ne les a pas totalement déçu.
Puisque je parlais de M. Fromentin, c'est avec ce même objectif de rayonnement que nous travaillons pour que la France puisse accueillir l'exposition universelle en 2025 ; ce qui permettrait de fêter dignement, avec une symbolique particulière et il faut commencer à y réfléchir, les 170 ans du classement des grands crus.
Quant à l'inscription de ce classement au patrimoine matériel français, M. Castéja, vous pouvez compter sur mon appui dans votre démarche.
Il y a un autre élément important qui est relié, c'est le développement de ce que l'on appelle l'œnotourisme. C'est un secteur très important et, de plus en plus, les touristes cherchent des expériences qu'ils qualifient d'authentiques, souvent loin des capitales. Ils demandent qu'il y ait de la créativité, du caractère comme on le dit d'ailleurs d'un bon vin. Un nombre croissant de touristes - les chiffres deviennent vraiment impressionnants - souhaitent visiter les grands vignobles français, découvrir le savoir-faire viticole. Du coup, a été créé ce que l'on appelle les «pôles d'excellence» : il y en a un pour Bordeaux, pour la Bourgogne avec le vin pour thème. Je me rends d'ailleurs vendredi à Bordeaux pour signer un contrat concernant cette région. L'œnotourisme, c'est vraiment un secteur que nous avons l'intention de développer avec vous.
Il se trouve qu'avec Matthias Fekl, nous sommes chargés du commerce extérieur. Ce n'est pas nous qui allons directement améliorer les chiffres du commerce extérieur, mais nous pouvons aider et c'est ce que j'ai demandé à tous mes ambassadeurs. Je rappelle que le solde des vins et spiritueux est positif et même très positif, mais que nous devons être très vigilants.
Sans vouloir vous ennuyer avec ces éléments, il faut en particulier que nous soyons attentifs - puisque maintenant c'est ainsi que les choses fonctionnent - à la question dite du référencement sur Internet puisque beaucoup de gens utilisent cette étrange machine pour non pas dicter leur choix, mais en tout cas les faciliter. Il faut donc que les sites Internet soient faciles à trouver, il faut qu'ils soient de qualité ; c'est l'une des conditions du succès. Qu'on le veuille ou non, c'est maintenant ainsi que les choses se développent. La question de l'encadrement, de la publicité est aussi très importante et je veille donc, avec plusieurs de mes collègues, à ce que les débats parlementaires ne modifient pas l'équilibre actuel et n'aboutissent pas à une stigmatisation de la consommation modérée d'alcool, ce qui serait absurde car en ce qui me concerne, je n'ai jamais confondu la dégustation du vin et l'alcoolisme. Je pense que ce qui se dit clairement doit être aussi écrit clairement.
Sur ces questions comme sur les autres qui concernent l'œnologie, je peux vous assurer de mon soutien entier.
Je ne veux pas être plus long parce qu'après cette partie très théorique, il y a la partie pratique. Néanmoins, un dernier mot : je comprends que les élèves sommeliers de l'école Le cordon bleu, avec parmi eux un certain nombre qui sont des amis étrangers, sont ici présents. C'est une école qui incarne, elle aussi, le rayonnement du savoir-faire gastronomique et œnologique français dans le monde. D'ailleurs, une école «Le cordon bleu» va ouvrir très prochainement à Shanghai au mois de juin, une autre l'an prochain à Rio à l'occasion des Jeux Olympiques. Je pense que ce qui caractérise la filière du vin, c'est que depuis le plus modeste vigneron jusque ce que, finalement, l'on sert sur les tables, il y a un effort commun qui est à faire et qui est illustré magnifiquement par les grands crus que nous célébrons aujourd'hui.
Vous avez eu la gentillesse de me remercier de vous accueillir, j'inverserai le propos, je suis très heureux de vous accueillir ici, tout simplement parce que vous êtes de remarquables ambassadeurs de la France.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 avril 2015