Texte intégral
Monsieur le Vice-président du Conseil d'État,
Monsieur le Secrétaire Général du ministère des affaires étrangères et du développement international,
Madame la Directrice Générale de l'administration et de la fonction publique
Madame la Directrice de l'École Nationale d'Administration,
Mesdames et Messieurs les Directeurs et Chefs de Services,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants du corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs les Élèves de la «promotion Winston Churchill»,
C'est pour moi un honneur et un réel plaisir de présider cette cérémonie de remise des diplômes aux élèves de la promotion Winston Churchill du cycle international long de l'ENA. Je commencerai par adresser mes sincères et chaleureuses félicitations à chacune et à chacun d'entre vous. Non seulement vous avez brillamment obtenu votre diplôme, surmonté des épreuves dont seuls les initiés connaissent les tourments raffinés qu'elles infligent mais vous avez, avec vos camarades français, choisi un des plus beaux noms pour votre promotion : Winston Churchill. Félicitations à tous ces titres.
Winston Churchill avait décrit avec précision, bien avant que cette École n'ait vu le jour, le parcours d'un énarque en définissant le succès : «Le succès, disait-il, c'est la capacité à voler d'échecs en échecs sans jamais perdre de son enthousiasme. »
On ne saurait mieux dire. N'en déduisez pas pour autant que je ne garde que de cuisants souvenirs de ma scolarité. Ce serait oublier que mon enthousiasme est intact et que je le mets aujourd'hui au service du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des français de l'étranger. Je suis très heureux et très fier de travailler au service de l'attractivité de notre pays, et de son rayonnement.
Avant d'y venir, je saisis l'occasion pour vous remercier Madame la Directrice de votre engagement pour cette École, qui attire aujourd'hui de brillants élèves partout dans le monde. Preuve en est que nous nous rassemblons aujourd'hui pour honorer une promotion de 30 élèves de 22 nationalités issus de 5 continents. Le cycle international long est un succès qui ne se dément pas et qui contribue à donner toute sa place à l'ouverture internationale dans la formation des futurs hauts fonctionnaires.
La recherche comme la formation sont aujourd'hui mondialisés, et la concurrence y est très vigoureuse : concurrence entre les universités au niveau mondial, mais aussi entre les grandes écoles. Aujourd'hui 30% des élèves de nos grandes écoles d'ingénieurs ou de commerce sont étrangers. Le nombre d'étudiants étrangers accueillis en France a pratiquement doublé en 16 ans passant de 149.000 en 1998 à 295.084 en 2014.
Sur 4 millions d'étudiants en mobilité dans le monde en 2012, la France en a accueilli près de 7% (plus de 200.000), à la 3ème place après les États Unis et le Royaume-Uni et devant l'Australie et l'Allemagne. Nous faisons partie des 5 pays qui accueillent 50% de la mobilité mondiale.
Dans cette compétition, la France a des atouts à faire valoir. Mais elle doit savoir les mettre en valeur. Je me réjouis que l'ENA se soit engagée en 2014 dans une réflexion avec le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) sur sa stratégie d'action à l'international. C'est vital.
Pour que nos grandes écoles rayonnent dans le monde, il faut qu'elles répondent concrètement à des attentes de plus en plus exigeantes en matière de formation, d'accueil, de débouchés professionnels. M. Richard Descoings a révolutionné Sciences Politiques en faisant de l'ouverture à l'international l'une des clefs de la réforme. Cette exigence demeure aujourd'hui une référence forte.
Le point de vue des élèves que nous avons la chance d'accueillir est également une ressource précieuse. Ils portent, pour reprendre une expression de Claude Lévi-Strauss, un «regard éloigné» sur l'École, à même d'en voir les forces et les faiblesses, qui n'apparaissent pas toujours aux yeux des Français. Je souhaite que les Écoles, l'ENA en particulier, profitent de ce regard qui, fort de sa distance objective, est très instructif sur ce qu'elles sont et la manière dont elles fonctionnent.
L'ouverture au monde n'est pas seulement une affaire d'attractivité ou de compétition internationale. Elle doit aussi profondément être au coeur de la formation des hauts fonctionnaires. On connait l'estime réciproque que se portaient De Gaulle et Churchill, même si des témoins aussi incontestables qu'André Malraux révèlent qu'ils étaient l'un pour l'autre source d'agacement.
Mais l'on dit moins que ces deux hommes partageaient la même vision de la formation des hommes, et notamment de ceux qui sont appelés à exercer des fonctions dirigeantes, quelle que soit la nature de ces fonctions. De Gaulle disait que la «meilleure école du commandement» était la culture générale. Comme en écho, Winston Churchill disait aux universités que leur premier devoir était d'enseigner la sagesse et le caractère et pas seulement un savoir d'experts. En une formule dont il avait le secret, il affirmait : «nous voulons beaucoup d'ingénieurs dans le monde moderne, mais nous ne voulons pas d'un monde d'ingénieurs».
Ces propos s'appliquent parfaitement à la formation des hauts fonctionnaires. Ils doivent aujourd'hui servir un État en constante évolution, qui doit s'adapter à des transformations profondes des sociétés. Je pense bien sûr aux crises systémiques, qu'elles soient économiques, géopolitiques ou financières, mais aussi au numérique qui est le nouveau fait social total à l'échelle de la société. Il s'agit aussi de servir un État qui est confronté à des attentes aussi nombreuses que diverses, tout en voyant son statut discuté, voire remis en cause. Ces profonds changements appellent une formation qui favorise l'ouverture d'esprit comme l'ouverture sur le monde.
Je suis bien placé pour constater régulièrement que la «technocratie», l'approche purement technicienne des choses, le règne de l'expertise, tendent à se substituer à la confrontation des points de vue, à l'exercice de la démocratie. Il ne s'agit pas de nier que les compétences techniques sont utiles, ce serait méconnaitre la réalité de sociétés complexes. Mais il s'agit de répondre à des dérives préoccupantes.
En octobre 1945, la création de l'ENA avait répondu au besoin de donner une culture commune aux hauts-fonctionnaires et les compétences nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. Mais aussi et il ne faut pas l'oublier, elle a répondu au déshonneur, à la honte suscité par le comportement de hauts fonctionnaires pendant la Seconde guerre mondiale, en créant une haute fonction publique fidèle aux valeurs de la démocratie et de la République. Promotion après promotion, les noms choisis par les élèves témoignent de leur attachement à ces principes : Jean Zay, République, René Cassin, Condorcet, Marc Bloch, Louise Michel, droits de l'Homme, Léon Blum, Voltaire, Charles de Gaulle. J'ajoute, au vu de l'actualité, Robert Badinter, incarnation de la justice, de l'État de droit, et du combat universel pour l'abolition de la peine de mort.
Ces valeurs sont plus que jamais chères à notre pays. Elles doivent s'incarner dans des organisations qui favorisent la mobilité, la diversité des profils, la multiplicité des approches, le débat contradictoire, la connaissance des différentes cultures. Il faut se battre contre tout ce qui contribue à rigidifier la formation, à fabriquer une société dans laquelle les destins sont scellés très tôt, trop tôt.
La France est dans son rôle lorsqu'elle porte ses valeurs à l'étranger et accueille tous ceux qui souhaitent partager notre expérience et notre vision de l'administration. Ces dernières années, près de 3.500 auditeurs étrangers ont ainsi pu bénéficier des diverses possibilités de formation offertes par l'ENA, dont un millier d'auditeurs pour le seul cycle International Long.
La France a également inspiré, dans de nombreux pays, la création d'institutions de formation pour les futurs hauts fonctionnaires. Aujourd'hui, avec le soutien de nos ambassades, l'ENA apporte son expertise à près d'une quarantaine d'écoles d'administration publique dans le monde dont une vingtaine en Afrique. L'ENA est un partenaire important de notre politique étrangère et un acteur majeur de notre expertise et de notre politique d'influence.
En tant qu'anciens élèves, à partir d'aujourd'hui, vous faites partie d'un réseau fondé sur la confiance, la tolérance, les liens de camaraderie, le souci du service public, l'usage commun de la langue française et le partage de compétences. Ce réseau doit être aussi une manière de partager une ambition et des valeurs pour soutenir l'action de l'État et de l'administration. Grâce à cette formation d'excellence, vous saurez j'en suis certain entamer une brillante carrière et faire honneur à vos pays. Vous serez aussi, je l'espère, des ambassadeurs dans vos pays d'origine, tant l'art des diplomates est de créer un langage commun au-delà de nos différences.
Vous voilà donc investis d'une mission, qui s'ajoute à mes voeux chaleureux de bonheur et de réussite.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2015
Monsieur le Secrétaire Général du ministère des affaires étrangères et du développement international,
Madame la Directrice Générale de l'administration et de la fonction publique
Madame la Directrice de l'École Nationale d'Administration,
Mesdames et Messieurs les Directeurs et Chefs de Services,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants du corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs les Élèves de la «promotion Winston Churchill»,
C'est pour moi un honneur et un réel plaisir de présider cette cérémonie de remise des diplômes aux élèves de la promotion Winston Churchill du cycle international long de l'ENA. Je commencerai par adresser mes sincères et chaleureuses félicitations à chacune et à chacun d'entre vous. Non seulement vous avez brillamment obtenu votre diplôme, surmonté des épreuves dont seuls les initiés connaissent les tourments raffinés qu'elles infligent mais vous avez, avec vos camarades français, choisi un des plus beaux noms pour votre promotion : Winston Churchill. Félicitations à tous ces titres.
Winston Churchill avait décrit avec précision, bien avant que cette École n'ait vu le jour, le parcours d'un énarque en définissant le succès : «Le succès, disait-il, c'est la capacité à voler d'échecs en échecs sans jamais perdre de son enthousiasme. »
On ne saurait mieux dire. N'en déduisez pas pour autant que je ne garde que de cuisants souvenirs de ma scolarité. Ce serait oublier que mon enthousiasme est intact et que je le mets aujourd'hui au service du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des français de l'étranger. Je suis très heureux et très fier de travailler au service de l'attractivité de notre pays, et de son rayonnement.
Avant d'y venir, je saisis l'occasion pour vous remercier Madame la Directrice de votre engagement pour cette École, qui attire aujourd'hui de brillants élèves partout dans le monde. Preuve en est que nous nous rassemblons aujourd'hui pour honorer une promotion de 30 élèves de 22 nationalités issus de 5 continents. Le cycle international long est un succès qui ne se dément pas et qui contribue à donner toute sa place à l'ouverture internationale dans la formation des futurs hauts fonctionnaires.
La recherche comme la formation sont aujourd'hui mondialisés, et la concurrence y est très vigoureuse : concurrence entre les universités au niveau mondial, mais aussi entre les grandes écoles. Aujourd'hui 30% des élèves de nos grandes écoles d'ingénieurs ou de commerce sont étrangers. Le nombre d'étudiants étrangers accueillis en France a pratiquement doublé en 16 ans passant de 149.000 en 1998 à 295.084 en 2014.
Sur 4 millions d'étudiants en mobilité dans le monde en 2012, la France en a accueilli près de 7% (plus de 200.000), à la 3ème place après les États Unis et le Royaume-Uni et devant l'Australie et l'Allemagne. Nous faisons partie des 5 pays qui accueillent 50% de la mobilité mondiale.
Dans cette compétition, la France a des atouts à faire valoir. Mais elle doit savoir les mettre en valeur. Je me réjouis que l'ENA se soit engagée en 2014 dans une réflexion avec le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) sur sa stratégie d'action à l'international. C'est vital.
Pour que nos grandes écoles rayonnent dans le monde, il faut qu'elles répondent concrètement à des attentes de plus en plus exigeantes en matière de formation, d'accueil, de débouchés professionnels. M. Richard Descoings a révolutionné Sciences Politiques en faisant de l'ouverture à l'international l'une des clefs de la réforme. Cette exigence demeure aujourd'hui une référence forte.
Le point de vue des élèves que nous avons la chance d'accueillir est également une ressource précieuse. Ils portent, pour reprendre une expression de Claude Lévi-Strauss, un «regard éloigné» sur l'École, à même d'en voir les forces et les faiblesses, qui n'apparaissent pas toujours aux yeux des Français. Je souhaite que les Écoles, l'ENA en particulier, profitent de ce regard qui, fort de sa distance objective, est très instructif sur ce qu'elles sont et la manière dont elles fonctionnent.
L'ouverture au monde n'est pas seulement une affaire d'attractivité ou de compétition internationale. Elle doit aussi profondément être au coeur de la formation des hauts fonctionnaires. On connait l'estime réciproque que se portaient De Gaulle et Churchill, même si des témoins aussi incontestables qu'André Malraux révèlent qu'ils étaient l'un pour l'autre source d'agacement.
Mais l'on dit moins que ces deux hommes partageaient la même vision de la formation des hommes, et notamment de ceux qui sont appelés à exercer des fonctions dirigeantes, quelle que soit la nature de ces fonctions. De Gaulle disait que la «meilleure école du commandement» était la culture générale. Comme en écho, Winston Churchill disait aux universités que leur premier devoir était d'enseigner la sagesse et le caractère et pas seulement un savoir d'experts. En une formule dont il avait le secret, il affirmait : «nous voulons beaucoup d'ingénieurs dans le monde moderne, mais nous ne voulons pas d'un monde d'ingénieurs».
Ces propos s'appliquent parfaitement à la formation des hauts fonctionnaires. Ils doivent aujourd'hui servir un État en constante évolution, qui doit s'adapter à des transformations profondes des sociétés. Je pense bien sûr aux crises systémiques, qu'elles soient économiques, géopolitiques ou financières, mais aussi au numérique qui est le nouveau fait social total à l'échelle de la société. Il s'agit aussi de servir un État qui est confronté à des attentes aussi nombreuses que diverses, tout en voyant son statut discuté, voire remis en cause. Ces profonds changements appellent une formation qui favorise l'ouverture d'esprit comme l'ouverture sur le monde.
Je suis bien placé pour constater régulièrement que la «technocratie», l'approche purement technicienne des choses, le règne de l'expertise, tendent à se substituer à la confrontation des points de vue, à l'exercice de la démocratie. Il ne s'agit pas de nier que les compétences techniques sont utiles, ce serait méconnaitre la réalité de sociétés complexes. Mais il s'agit de répondre à des dérives préoccupantes.
En octobre 1945, la création de l'ENA avait répondu au besoin de donner une culture commune aux hauts-fonctionnaires et les compétences nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. Mais aussi et il ne faut pas l'oublier, elle a répondu au déshonneur, à la honte suscité par le comportement de hauts fonctionnaires pendant la Seconde guerre mondiale, en créant une haute fonction publique fidèle aux valeurs de la démocratie et de la République. Promotion après promotion, les noms choisis par les élèves témoignent de leur attachement à ces principes : Jean Zay, République, René Cassin, Condorcet, Marc Bloch, Louise Michel, droits de l'Homme, Léon Blum, Voltaire, Charles de Gaulle. J'ajoute, au vu de l'actualité, Robert Badinter, incarnation de la justice, de l'État de droit, et du combat universel pour l'abolition de la peine de mort.
Ces valeurs sont plus que jamais chères à notre pays. Elles doivent s'incarner dans des organisations qui favorisent la mobilité, la diversité des profils, la multiplicité des approches, le débat contradictoire, la connaissance des différentes cultures. Il faut se battre contre tout ce qui contribue à rigidifier la formation, à fabriquer une société dans laquelle les destins sont scellés très tôt, trop tôt.
La France est dans son rôle lorsqu'elle porte ses valeurs à l'étranger et accueille tous ceux qui souhaitent partager notre expérience et notre vision de l'administration. Ces dernières années, près de 3.500 auditeurs étrangers ont ainsi pu bénéficier des diverses possibilités de formation offertes par l'ENA, dont un millier d'auditeurs pour le seul cycle International Long.
La France a également inspiré, dans de nombreux pays, la création d'institutions de formation pour les futurs hauts fonctionnaires. Aujourd'hui, avec le soutien de nos ambassades, l'ENA apporte son expertise à près d'une quarantaine d'écoles d'administration publique dans le monde dont une vingtaine en Afrique. L'ENA est un partenaire important de notre politique étrangère et un acteur majeur de notre expertise et de notre politique d'influence.
En tant qu'anciens élèves, à partir d'aujourd'hui, vous faites partie d'un réseau fondé sur la confiance, la tolérance, les liens de camaraderie, le souci du service public, l'usage commun de la langue française et le partage de compétences. Ce réseau doit être aussi une manière de partager une ambition et des valeurs pour soutenir l'action de l'État et de l'administration. Grâce à cette formation d'excellence, vous saurez j'en suis certain entamer une brillante carrière et faire honneur à vos pays. Vous serez aussi, je l'espère, des ambassadeurs dans vos pays d'origine, tant l'art des diplomates est de créer un langage commun au-delà de nos différences.
Vous voilà donc investis d'une mission, qui s'ajoute à mes voeux chaleureux de bonheur et de réussite.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2015