Déclaration de Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État aux droits des femmes, sur l'engagement des femmes dans la résistance et le droit de vote des femmes, Paris le 29 avril 2015.

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Il y a 70 ans, jour pour jour, les femmes votaient pour la première fois.
En faisant ce geste de déposer un bulletin dans une urne, elles choisissaient pour la première fois qui allait les représenter. Leurs voix allaient compter dans une démocratie qui écoutait enfin l'avis de la moitié de la population.
Le 29 avril 1945, les femmes participaient à l'élection des maires, premier échelon de la démocratie. Le 30 mars 2014, pour la première fois, une femme devenait maire de Paris.
Ces premières fois sont toutes issues de combats.
C'est pourquoi, avec le Secrétaire d'Etat aux anciens combattants et la ville de Paris, nous avons voulu mettre à l'honneur les combattantes. De nombreux partenaires, que je tiens à saluer, ont tenu à soutenir cette réhabilitation historique des femmes à travers cette exposition « Femmes et Résistance ».
Les femmes se sont battues. Elles furent les premières victimes des conflits, et le sont d'ailleurs encore aujourd'hui. Elles étaient des guerrières, des militantes, des soldates de la liberté. Elles étaient des résistantes. Si elles ne pouvaient pas voter à l'époque de cet engagement, elles n'ont attendues aucune permission pour de dire non. Elles ont refusé l'inacceptable. Elles ont décidé d'être citoyennes dans la guerre.
Elles ont participé à l'organisation des réseaux de résistance. Elles ont été agents de liaison. Elles ont favorisé la presse clandestine. Elles se sont engagées dans le Maquis. Elles ont caché des clandestins, des soldats des armées alliées, des Juifs. Elles ont participé à la libération de la France, et par là même, ont ouvert la voie à l'émancipation et au droit de vote des femmes.
Les femmes s'étaient engagées dans la Résistance, la Résistance s'est engagée pour les femmes.
En effet le 24 mars 1944, l'Assemblée consultative adopte à Alger le principe du droit de vote des femmes. Le 21 avril, le général de Gaulle ratifie l'ordonnance qui prévoit le vote, mais aussi l'éligibilité des femmes, l'autre volet de la participation citoyenne. Après la guerre, le combat civique continue. Beaucoup des résistantes ont fait de leur vie un engagement. En politique ou dans le mouvement associatif, elles ont fait entendre la voix des femmes. Elles ont lutté contre l'injustice. Elles ont porté la mémoire de la guerre, de la déportation et de la Résistance.
Germaine Tillion et Geneviève Anthonioz de Gaulle en sont des exemples célèbres.
L'esprit de la Résistance doit vivre. « Le mot résister doit toujours se conjuguer au présent » disait Lucie Aubrac. Contester, remettre en cause, militer : ce sont les bases d'une société démocratique, progressiste et libre. Mais ces bases sont fragiles. Soyons toujours vigilants face à la montée des conservatismes et de l'obscurantisme qui peuvent aller à l'encontre de droits si durement acquis par et pour les femmes. Nous devons veiller à ce que chaque génération trouve toujours la force et les mots pour faire vivre et poursuivre les combats humanistes de la Résistance.
J'étais il y a 15 jours à Ravensbrück, ce camp où des femmes ont été déportées en raison de leurs actions résistantes. Les 70 ans de la libération de ce camp a été l'occasion de faire le lien entre la résistance, l'enfermement, l'engagement et enfin la reconnaissance.
Nous avons souhaité cette exposition pour que les femmes résistantes soient mieux connues et reconnues par tous.
Pour que l'on sache que Marie-Madeleine Fourcade a dirigé un réseau. Pour que d'autres pionnières suivent l'exemple d'Hélène Terré, qui a participé à la création des Auxiliaires féminines de l'armée de terre et fut directrice de l'armée féminine au sein du ministère de la Guerre.
Pour que l'on reconnaisse le rôle joué par les femmes, comme celui de Denise Vernay, sœur de Simone Veil et agent de liaison alors qu'elle est encore adolescente.
Pour que l'on comprenne que de la Résistance à l'engagement politique il n'y a qu'un pas que beaucoup de résistantes ont franchi au sortir de la guerre : Madeleine Braun, Gilberte Brossolette, Eugénie Eboué-Tell, Germaine Poinso-Chapuis en sont l'incarnation.
Leur héroïsme ne doit pas rester dans l'ombre du machisme guerrier.
La reconnaissance de ces combattantes de l'ombre, c'est aussi ce qu'a souhaité le président de la République. Il a décidé que Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle Anthonioz entreront au Panthéon le 27 mai prochain, journée nationale de la Résistance. C'est un évènement historique ! Jusqu'à lors, seule une femme avait eu droit à la reconnaissance suprême de la nation.
Germaine Tillion, c'est l'égalité. Toute sa vie, elle a œuvré pour les droits des femmes, pour la compréhension d'autres cultures, pour le rapprochement entre les peuples. Après l'enfer de Ravensbrück où elle a été déportée, elle s'est engagé pour l'Algérie, contre les inégalités.
Geneviève de Gaulle Anthonioz, c'est la fraternité, la solidarité. Présidente pendant des décennies d'ATD Quart monde, elle a mené une autre guerre : la guerre contre la pauvreté, contre l'exclusion.
Avec leur entrée au Panthéon, leur nom, leur histoire, leurs combats seront désormais connus de tous. Pourquoi est-ce important ? Parce que pour protéger les droits des femmes, nous avons besoin d'ancrer les femmes dans notre Histoire, dans notre mémoire collective. Oui les femmes artistes de grand talent existent, oui les femmes scientifiques ont fait des découvertes qui ont changé le monde, oui les femmes ont été de valeureuses combattantes.
Cela doit se savoir pour que jamais nous ne puissions remettre en question l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons besoin de symboles, qui servent autant à connaître le passé qu'à changer l'avenir. Ce sont ces symboles que nous construisons aujourd'hui en inaugurant cette exposition « Femmes et Résistance ». 46 femmes. 46 portraits. 46 parcours de vie qui seront visibles de tous.
Elles ont été choisies parce qu'elles étaient à la fois emblématiques et très différentes. Elles sont issues de tous les milieux sociaux, jeunes ou moins jeunes, françaises ou étrangères. Et dans la Résistance, elles ont construit l'idéal d'une France plus égalitaire.
Plus d'égalité c'est une meilleure représentativité. C'est pour cela que le gouvernement agit ; pour que les femmes soient pleinement représentées au sein des institutions. L'objectif de parité est le troisième combat pour l'égalité politique avec le droit de vote et le droit à l'éligibilité. Le mois dernier, une nouvelle étape a été franchie : la loi a permis que les élus des départements soient à 50% des femmes et à 50% des hommes.
Ainsi depuis ce 29 avril 1945, les progrès sont notables, même s'il reste toujours à faire. Le premier vote des femmes a été acquis aussi grâce à ces 46 femmes résistantes, que vous allez pouvoir découvrir ou redécouvrir au fil des panneaux de cette magnifique exposition « Femmes et Résistance ». Une exposition réalisée avec talent par les Bâtisseurs de mémoire dont je tiens à saluer le travail.
Je vous remercie.
Source http://femmes.gouv.fr, le 30 avril 2015