Interview de Mme Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux droits des femmes à I-Télé le 29 avril 2015, sur le droit de vote des femmes, la parité dans les secteurs industriels et politiques et l'égalité salariale.

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Texte intégral


PASCAL HUMEAU
Bonjour Pascale BOISTARD.
PASCALE BOISTARD
Bonjour.
PASCAL HUMEAU
Bonjour et merci d'être avec nous ce matin sur le plateau de « La matinale info », secrétaire d'Etat chargée des Droits des femmes. Pourquoi ? Parce qu'il y a 70 ans tout juste, les femmes pouvaient exercer pour la toute première fois leur droit de vote à l'occasion de municipales juste après la Libération, l'ordonnance datait de quelques mois plus tôt, le 5 octobre 44, droit de vote, et droit d'éligibilité aussi. 70 ans après, petit état des lieux, 27 % des députés, 25 % des sénateurs, 16 % des maires seulement, sont des femmes. On n'a pas beaucoup avancé finalement.
PASCALE BOISTARD
Et 10 % présidentes des nouveaux conseils départementaux.
PASCAL HUMEAU
Exactement. Même pas, si on chipote, 8 % exactement.
PASCALE BOISTARD
Tout à fait.
PASCAL HUMEAU
On n'a pas beaucoup avancé.
PASCALE BOISTARD
On a avancé aux dernières élections parce que pour la première fois il y a une parité dans les conseils départementaux, je vous rappelle, c'était 13,9 % de présence des femmes, aujourd'hui on est à 50 %. Et puis la loi du 4 août 2014 a renforcé les sanctions vis-à-vis des partis politiques qui ne respectent pas la présentation à parité de candidates et de candidats aux élections législatives. Donc, effectivement, il y a aussi, après l'arsenal, je dirais législatif, il y a aussi la responsabilité des partis politiques dans cette affaire.
PASCAL HUMEAU
Il se dit que la parité s'arrête là où le pouvoir commence.
PASCALE BOISTARD
Oui, d'une certaine manière, c'est vrai en politique, comme c'est vrai dans l'entreprise, c'est pour ça que, en France, pour aller plus vite, et pour corriger ces inégalités…
PASCAL HUMEAU
On légifère.
PASCALE BOISTARD
On légifère.
PASCAL HUMEAU
On légifère, est-ce que ça sert vraiment à quelque chose ?
PASCALE BOISTARD
Oui.
PASCAL HUMEAU
Est-ce que finalement ça ne cristallise pas les discriminations, de légiférer à tout-va ?
PASCALE BOISTARD
Pas du tout. Il s'agit de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit donc de rétablir une justice et un équilibre qui fait que, aujourd'hui, je vous le rappelle, les femmes sont un peu plus nombreuses, d'ailleurs, que les hommes, dans la population, elles ont été très raisonnables puisqu'elles n'exigent que d'être à 50/50, eh bien, dans les postes à pouvoir, que ce soit politique ou économique, et c'est pour ça qu'on légifère, des objectifs chiffrés, des calendriers précis, autrement, devant les sanctions, il faudra que celles-ci soient appliquées.
PASCAL HUMEAU
Encore trop peu de femmes donc, aujourd'hui, évidemment, dans la représentation nationale. Est-ce que vous avez été victime, est-ce que vous êtes encore de temps en temps victime de sexisme, vous, à l'Assemblée, vous êtes députée de la Somme ?
PASCALE BOISTARD
Alors j'étais députée de la Somme effectivement, ce sont, oui, le sexisme au quotidien, mais comme il peut exister aussi dans l'entreprise, ou aussi dans la rue, dans l'espace public, tous les jours, et les femmes y sont confrontées tous les jours. Donc, c'est une question de respect, c'est une question aussi de respecter le travail, par exemple parlementaire, des femmes, qui sont là, au même titre que les hommes, pour représenter les citoyens et les citoyennes.
PASCAL HUMEAU
Et au sein de l'équipe gouvernementale, tout va bien, tout se passe bien ?
PASCALE BOISTARD
Ça se passe très bien, et c'est la première fois qu'un gouvernement est à parité.
PASCAL HUMEAU
Non.
PASCALE BOISTARD
Si.
PASCAL HUMEAU
15 femmes, 17 hommes, sans compter Manuel VALLS.
PASCALE BOISTARD
C'est en parité au niveau des secrétaires d'Etat, et des ministres.
PASCAL HUMEAU
D'accord.
PASCALE BOISTARD
C'est une parité dans ce gouvernement, c'est une volonté donc aussi politique. Il y a la loi, mais il faut qu'il y ait une volonté politique, et cette volonté politique, elle est mesurée, et sur Forum Economique Mondial la France a pris 16 places dans un classement, au niveau mondial, c'est parce que justement on progresse sur l'égalité professionnelle, même s'il y a encore du chemin à parcourir, et parce que justement, en politique aussi, on améliore la représentation des femmes dans les différents lieux de pouvoir.
PASCAL HUMEAU
Les lettres de cadrage ont été envoyées ces derniers jours aux ministères par Bercy qui veut absolument faire des économies, il y a un Conseil de Défense ce matin, parce que Jean-Yves LE DRIAN, le ministre de la Défense, ne veut pas de coupe budgétaire dans son ministère, chez lui. Est-ce que vous, vous êtes concernée, au secrétariat d'Etat chargé des Droits des femmes, par ces coupes budgétaires ?
PASCALE BOISTARD
Moi je suis préservée jusqu'à présent, évidemment, parce que je travaille en transversalité avec tous les autres ministères…
PASCAL HUMEAU
Vous l'avez défendu votre bifteck, en quelque sorte, pour ne pas être concerné justement ce coup-ci ?
PASCALE BOISTARD
Je n'ai pas eu à la défendre véritablement.
PASCAL HUMEAU
C'était évident ?
PASCALE BOISTARD
Je pense que c'est évident, et là aussi ça marque une volonté politique de la part du gouvernement et du président de la République.
PASCAL HUMEAU
Vous pourriez faire le même travail avec un peu moins d'argent ?
PASCALE BOISTARD
Ce serait peut-être compliqué parce qu'on n'a pas un budget non plus faramineux, même s'il a été quand même fortement augmenté, sur les sujets qui concernent effectivement tout ce qui est autour des droits des femmes.
PASCAL HUMEAU
Parlons maintenant des entreprises, des femmes, évidemment, dans les entreprises, dans les conseils d'administrations des grandes sociétés. Il y a un objectif qui a été fixé, là aussi on a légiféré, objectif : 40 % de femmes dans les conseils d'administrations en 2017, mais, les dirigeants d'entreprise semblent dire, semblent penser, que ce sera compliqué de trouver 2000 femmes compétentes - je ne plaisante pas ! - semblent dire que ce sera compliqué de trouver 2000 femmes compétentes d'ici 2017. C'est bien ça ?
PASCALE BOISTARD
S'ils n'y arrivent pas ça prouvera leur incompétence.
PASCAL HUMEAU
Il faut les aider à les trouver ces femmes compétentes, qu'est-ce que c'est que ça ?
PASCALE BOISTARD
Bien sûr. Il faut les aider… ils ont… parce que ça concerne, par exemple, les très grandes entreprises !
PASCAL HUMEAU
Exactement.
PASCALE BOISTARD
En 2017, donc ils ont des femmes, qu'ils doivent faire progresser, d'ailleurs, au fur et à mesure, dans la société qu'ils dirigent, et il y a des « viviers » de femmes, comme d'hommes, qui doivent pouvoir accéder à des responsabilités, et les femmes sont très en retard aujourd'hui dans leur présence dans les conseils d'administrations. Nous avons légiféré, parce que tout cela ne va pas assez vite, et donc nous avons des exigences, effectivement, vis-à-vis de ces inégalités. Donc, nous aidons les entreprises, nous ne sommes pas que dans la sanction, nous les aidons, nous les accompagnons, que ce soit sur la prise de responsabilités plus importantes des femmes dans les entreprises, mais aussi sur les inégalités salariales.
PASCAL HUMEAU
Pas que dans la sanction, vous l'avez dit, mais quand même, 48 entreprises ont été sanctionnées pour ne pas avoir respecté leur obligation en matière d'égalité salariale. Un élu d'Europe Ecologie-Les Verts veut d'ailleurs saisir la justice pour connaître enfin ces entreprises, pour que la liste soit publiée. Vous ne voulez pas, pourquoi ?
PASCALE BOISTARD
Ce n'est pas moi qui ne veux pas, c'est le droit, puisque lorsque les entreprises sont condamnées, il n'y a pas l'autorisation de publier cette liste. Par contre, il y a un enjeu sur ces entreprises condamnées, qui ne pourraient plus avoir, aujourd'hui, accès aux marchés publics, et donc les collectivités peuvent très bien, par contre, demander et vérifier si ces entreprises respectent l'égalité entre les femmes et les hommes, et si elles ont été, ou pas, sanctionnées.
PASCAL HUMEAU
Parlons justement d'égalité salariale parce que c'est à ça que pensent les femmes qui nous regardent ce matin, évidemment, le fossé est toujours énorme, entre les salaires des femmes et les salaires des hommes, 8 % de moins pour les femmes cadres, à profil identique, à poste identique. Pourquoi ne pas légiférer, encore une fois, là-dessus ?
PASCALE BOISTARD
Mais on a légiférer.
PASCAL HUMEAU
Obliger, dès maintenant, les entreprises, à poste identique, à profil identique, on parle d'âge évidemment, de compétences, à payer les gens de la même manière.
PASCALE BOISTARD
Il y a une obligation dans la loi, mais…
PASCAL HUMEAU
Qui vraisemblablement n'est pas respectée du tout.
PASCALE BOISTARD
Lorsqu'elle n'est pas respectée, vous avez 1500 entreprises qui sont mises en demeure, et 48 qui sont condamnées.
PASCAL HUMEAU
C'est-à-dire que toutes les autres entreprises de France payent exactement de la même manière, aujourd'hui, les femmes et les hommes à poste identique ?
PASCALE BOISTARD
Ça veut dire que les autres entreprises de France font évoluer favorablement cette égalité, nous les accompagnons, et nous permettons justement que cet écart se réduise. Et d'ailleurs nous sommes à -1,5 point de la moyenne européenne, en ce qui concerne cette question, et nous évoluons favorablement grâce aux lois que nous votons, à l'accompagnement qui est fait, des entreprises, et aux sanctions qui peuvent tomber lorsque celles-ci ne s'engagent pas sur le chemin de l'égalité.
PASCAL HUMEAU
Pascale BOISTARD, la parité, l'égalité en tout genre, entre hommes et femmes, pourquoi ne pas l'ancrer dès le plus jeune âge, finalement, c'est-à-dire dans les esprits, dans les têtes de nos enfants à l'école ?
PASCALE BOISTARD
Et des parents aussi.
PASCAL HUMEAU
Oui, mais à commencer par l'école, pour au moins s'assurer que plus tard, ils respecteront l'égalité, la parité.
PASCALE BOISTARD
Mais l'école fait ce travail, et d'ailleurs Najat VALLAUD-BELKACEM fait ce travail en décidant, par exemple, la révision des manuels scolaires, vous savez que, encore, peuvent exister des situations où les garçons, et les filles, sont dans des rôles prédéterminés, par exemple, ou des exercices continuent à expliquer que les filles sont fragiles et les garçons sont très forts.
PASCAL HUMEAU
Le sexisme dans les transports à présent, on en a beaucoup parlé il y a quelques temps. 100 % des femmes, c'est assez impressionnant, affirment avoir été victimes, une fois au moins, d'agressions sexistes dans les transports. Au Japon, au Brésil, au Mexique, en Egypte, bus et wagons réservés aux femmes, c'est une idée, ça, pour en finir avec ce 100 % femmes ?
PASCALE BOISTARD
Ce n'est absolument pas une idée puisque ce serait détourner le problème. Nous, ce qu'on veut, c'est la mixité, c'est que les hommes et les femmes vivent ensemble. Et donc, pour cela, le Haut Conseil à l'Egalité m'a remis des propositions, et je travaille d'ailleurs depuis le mois de janvier avec les transporteurs, le ministère de l'Intérieur, et le ministère des Transports, et les associations, pour justement que, en juin, nous puissions poser des propositions, des dispositifs concrets, pour faire évoluer le fait que dans les transports on ne considère pas les femmes comme des proies.
PASCAL HUMEAU
30 secondes, pour votre réaction sur l'affaire, le cas Agnès SAAL, la patronne de l'Ina, qui ne fait pas honneur, pour le coup, aux femmes, vous me direz qu'il y a beaucoup d'hommes patrons aussi qui ne font pas honneur à leur genre, 40.000 euros de taxis à titre privé alors qu'elle a un chauffeur, une voiture de fonction.
PASCALE BOISTARD
Eh bien écoutez, elle a démissionné, et Fleur PELLERIN…
PASCAL HUMEAU
On lui a demandé, avec insistance.
PASCALE BOISTARD
Et Fleur PELLERIN a dit très clairement qu'effectivement ce type de comportement n'était pas acceptable.
PASCAL HUMEAU
Pascale BOISTARD, dernière question. Un homme à votre poste, ça vous choquerait ? Un homme secrétaire d'Etat chargé des Droits des femmes.
PASCALE BOISTARD
Ecoutez, on verra.
PASCAL HUMEAU
Ça serait bon signe.
PASCALE BOISTARD
Je ne sais pas si c'est un bon signe, ce qu'il faut ce sont des personnes engagées, il y a des hommes qui sont engagés, sur le chemin de l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est tout ce qu'on souhaite. Ce n'est pas une guerre contre les hommes, c'est juste une question de justice et d'équilibre de notre société pour que la vie de chacun et chacune soit un peu plus douce aussi.
PASCAL HUMEAU
Merci beaucoup Pascale BOISTARD d'être venue ce matin sur le plateau de « La matinale info. » Je précise que cet après-midi vous allez inaugurer une très belle exposition, « Femmes et Résistance », à l'Hôtel de ville de Paris.
PASCALE BOISTARD
Oui, grâce aux Bâtisseurs de Mémoire, et c'est rendre hommage… et des femmes qui sont présentes dans l'exposition, seront présentes aussi, elles ont été résistantes, elles ont voté pour la première fois il y a 70 ans, et c'est un grand moment, à la fois d'émotion, mais aussi de montrer que ces femmes ont mené des combats extrêmement durs.
PASCAL HUMEAU
Merci beaucoup Pascale BOISTARD.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 avril 2015