Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, à "Europe 1" le 12 juin 2012, sur l'enjeu du deuxième tour des élections législatives, en particulier dans certaines circonscriptions, sur le prêt accordé à la Grèce.

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Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH A Montbéliard vous battez votre record électoral dès le premier tour, dimanche vous resterez probablement ministre à Bercy.
 
PIERRE MOSCOVICI Si le Président de la République et le Premier ministre en décident ainsi, et si je suis effectivement réélu, mais c’est vrai que je suis confronté à une triangulaire. Ce que je souhaite c’est de faire un très beau score, plus de 50 % pour montrer que même en triangulaire on peut avoir la majorité absolue, ce serait un signe de confiance, c’est celui que je demande à mes électeurs.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et vous vous battez aussi pour les autres. Le Parti socialiste peut être satisfait de ses performances, mais le cas de La Rochelle est en train de lui gâcher le plaisir, puisqu’on sait que le dissident Olivier FALORNI, têtu comme pas un, fait tout pour battre la camarade Ségolène ROYAL. Une défaite de Ségolène ROYAL, qui était inimaginable, devient possible. Elle serait injuste je suppose pour vous ?
 
PIERRE MOSCOVICI Je reviens aussi que le signe de dimanche dernier, c’est un signe de confiance, un signe de confiance dans nos institutions, les Français ne veulent pas de la cohabitation, ils ont raison, parce que ça paralyse le pays ; c’est un signe de confiance dans le Président de la République et le Premier ministre, je crois qu’ils approuvent la façon dont ce gouvernement a entamé son action. C’est un signe de confiance dans le projet qui est à mener parce qu’il faut pour ça la force de la loi et donc une majorité. Je reviens à La Rochelle, pour moi les choses sont claires, il y a une candidate du Parti socialiste, il y a une candidate qui devrait être la candidate de toute la gauche, il y a des confusions qui existent maintenant, puisque la droite qui est incapable de choisir entre le Front national et l’UMP, plutôt entre le Front national et le Parti socialiste, cette droite là qui est aujourd’hui dans l’ambigüité, qui se mélange ….
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous avez des difficultés aussi avec des candidats qui ne respectent pas les consignes….
 
PIERRE MOSCOVICI Non, non, on va y venir si vous voulez, mais en tout cas la droite qui est incapable de faire la distinction entre la gauche républicaine et l’extrême droite, cette droite-là, se mêle des affaires de La Rochelle. Et je dis moi aux Rochelais, aux électeurs de ne pas de tromper et de ne pas être dans la confusion, je souhaite que Ségolène ROYAL soit élue.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais Olivier FALORNI est un socialiste qui veut être le tombeur d’une autre socialiste Ségolène ROYAL.
 
PIERRE MOSCOVICI C’est un homme qui a refusé la candidature du Parti socialiste et qui maintenant accepte le soutien de Dominique BUSSEREAU et de quelques autres, et donc il n’est plus tout à fait le candidat, même de la gauche dissidente. Il est maintenant un homme qui poursuit sa propre voie.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et même si les électeurs libres quels qu’ils soient vont voter pour lui ?
 
PIERRE MOSCOVICI Ecoutez nous verrons. Moi je pense que Ségolène ROYAL est une personnalité importante, qu’elle a de la combativité et des ressources, et je pense qu’elle l’emportera dimanche. Je le souhaite.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ce matin un premier commando de secours, Martine AUBRY, Cécile DUFLOT, va être à La Rochelle pour soutenir Ségolène ROYAL. D’autres chefs iront peut-être. Est-ce que vous croyez que c’est décent, que ces secouristes ne risquent pas de fâcher les Rochelais qui fidèles à leur histoire et leurs traditions sont fiers et rebelles.
 
PIERRE MOSCOVICI Ils choisiront eux-mêmes leur député. Mais vous savez de toute façon moi ce qui compte c’est très important que Ségolène ROYAL soit parmi nous parce que c’est une personnalité qui a été notre candidate en 2007 mais c’est qu’il y ait dimanche une large majorité pour François HOLLANDE, pour le gouvernement, une majorité présidentielle ; et j’ajoute qu’il serait mieux encore qu’il y ait une majorité socialiste parce que c’est la colonne vertébrale de la majorité, ça donnerait de la cohérence. Et pardonnez moi, en face de nous, qu’avons-nous… je veux en dire un mot quand même, c’est à dire cette droite républicaine, qui aujourd’hui n’existe plus, n’a plus de clarté idéologique, n’a plus de principe, n’a plus d’ordre, qui est dans la confusion absolue et qui est en train de tomber dans le piège que lui tend Marine Le PEN. D’un côté, on ne condamne pas le Front national et de l’autre côté on subit les listes noires. Franchement, que reste t-il de la droite, de ses principes, de ses valeurs ? Pas grand-chose.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Marine Le PEN continue son oeuvre de démolition, vous avez vu qu’elle lance un appel à faire battre deux PS, Jacques LANG et François PUPPONI, et quatre UMP, mais pas Jean-François COPE, Claude GUEANT et Nadine MORANO, et contre Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, elle veut faire voter socialiste. Est-ce que vous acceptez les voix du Front national ?
 
PIERRE MOSCOVICI Encore une fois ce n’est pas un problème de voix, moi ce que je récuse c’est cette prétention qu’a le Front national à être l’arbitre des élégances. Je dis moi qu’il faut être clair par rapport au Front national, nous nous le sommes. Nous le sommes au sens où quand un député Front national risque d’être élu, c’est le cas de la nièce de Marine Le PEN, nous disons qu’il faut se retirer. Et je le dis à la candidate socialiste, il faut se retirer, c’est très important…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais elle ne veut pas, elle ne veut pas non plus.
 
PIERRE MOSCOVICI Eh bien moi j’appelle les électeurs …
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Il y a des désobéissances dans chaque camp, vous le savez.
 
PIERRE MOSCOVICI Ce n’est pas un problème de désobéissance, parce que nous nous avons pris une position, nous avons dit qu’elle devait se retirer. Si elle ne le fait pas c’est son problème. La droite, elle, a une stratégie c’est le « ni-ni », ni PS, ni UMP…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous n’arrête pas de le répéter, on l’a entendu…
 
PIERRE MOSCOVICI Mais non mais…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH On a compris. Comment répondre aux fatwas de madame Le PEN ?
 
PIERRE MOSCOVICI Vous savez pourquoi je le répète ? Parce qu’on ne peut pas faire confiance à un parti qui aujourd’hui est dans une telle confusion qu’il ne sait plus où il habite, qui ne sait plus où sont ses valeurs fondatrices.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Comment répondre aux fatwas de madame Le PEN ?
 
PIERRE MOSCOVICI Ecoutez, en laissant les électeurs libres. Moi je souhaite que les socialistes soient élus parce que je ne fais pas cette confusion-là. Et encore une fois c’est la droite qui elle ne répond pas, parce qu’elle n’est plus dans les principes.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Alors l’Espagne va recevoir 100 milliards d’euros pour ses banques qui sont aux abois, c’est le fonds européen de stabilité financière qui va les recapitaliser, est-ce que vous pensez que les banques et l’économie espagnole seront pour autant sauvées ?
 
PIERRE MOSCOVICI Permettez-moi une précision ! Je ne dis pas que l’Espagne va recevoir 100 milliards d’euros, ce que je dis c’est que l’Espagne (qui était en difficulté dans une partie de son secteur bancaire) a demandé à l’Europe, à l’Eurogroupe, à la Zone Euro de pouvoir venir en aide le cas échéant jusqu’à hauteur de 100 milliards, personne ne sait ce que ce sera le montant et j’ajoute qu’il y a quelque chose de très convaincant dans ce montant c’est qu’il est plus important que toutes les estimations qui ont été faites jusqu’alors et, moi, je crois que c’est un geste fondamental qui a été fait par la Zone Euro, parce que cette fois-ci on a pris le problème en amont, on a anticipé, on a trouvé des solutions structurelles, des solutions adaptées, on n’a pas mis l’Espagne sous programme de stabilité.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais est-ce qu’on sauve l’Euro pour autant, monsieur le ministre des Finances ?
 
PIERRE MOSCOVICI Je pense que c’est quelque chose de tout à fait décisif et convaincant, parce qu’on a vu qu’on pouvait avoir à la fois de la stabilité – ça c’est la nécessité – de la solidarité envers un pays et puis en même temps pas d’austérité, parce que, je le répète, on n’a pas mis en place un programme global d’ajustement pour l’Espagne.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que vous diriez que les prochains mois sont décisifs ou seront décisifs pour l’Europe ?
 
PIERRE MOSCOVICI Oui ! Sans aucun doute. D’ailleurs on va entrer, même dans quelques semaines qui sont très importantes, après les élections législatives en France et en Grèce, on va avoir un sommet du G20, on aura une rencontre à 4 à Rome avec l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et la France…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Le sommet européen à la fin du mois !
 
PIERRE MOSCOVICI On aura le sommet européen des 28 et 29 ! Et j’en dis un mot, parce que c’est le moment me semble-t-il où les Européens doivent définir enfin le cadre qui permet de consolider définitivement sur le plan politique, sur le plan budgétaire, sur le plan social aussi l’Euro, et le président de la République François HOLLANDE a une proposition, qui est à la fois d’avancer vers l’union bancaire en Europe, d’avancer vers la stabilité, vers la solidarité et aussi…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Michel BARNIER en avait lancé l’idée !
 
PIERRE MOSCOVICI De mettre en oeuvre une politique de croissance. Ca, j’y insiste, nous nous battrons pour qu’il y ait en Europe…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous avez vu…
 
PIERRE MOSCOVICI Davantage cette dimension de croissance…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous avez que les marchés financiers ne sont pas apaisés, qu’ils sont en train de regarder vers l’Italie, comment stopper, réduire ou arrêter la spéculation ?
 
PIERRE MOSCOVICI Moi je crois que l’Italie est une économie solide, qui a des fondamentaux qui sont sains et nous allons tout faire pour que, encore une fois, il y ait dans les semaines qui viennent ce cadre structurel qui rassure définitivement, sur le fait que l’Euro c’est à la fois un espace monétaire mais c’est aussi un espace de croissance, c’est un espace de solidarité. J’ai confiance, mais il faudra que toute le monde fasse ces mouvements, et ce que nous avons fait pour l’Espagne c’est une étape convaincante mais il faut aller encore plus loin.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Justement sur l’argent donné à l’Espagne, bientôt la France va garantir parait-il le cinquième, est-ce qu’il est vrai que ça représente 20 milliards ?
 
PIERRE MOSCOVICI Eh bien on ne sait pas quelle est la somme ! Parce que, encore une fois, 100 milliards…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ce sera le cinquième !
 
PIERRE MOSCOVICI 100 milliards est un plafond. Mais je vais vous dire tout de suite que par rapport à nos finances publiques c’est neutre, parce que nous avons déjà voté un plafond de garantie au Parlement qui inclut cette éventualité, donc pas d’effet.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et est-ce qu’on connaîtra un jour le montant des aides accordées par la France à l’Irlande, la Grèce, le Portugal, à l’Espagne ?
 
PIERRE MOSCOVICI Evidemment ! La représentation parlementaire y a droit, elle sera informée, donc vous-mêmes les Français.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Oui ! Ce n’est pas pour aujourd’hui. Mutualiser les dettes, Pierre MOSCOVICI, c’est payer les dettes des autres, donc c’est s’endetter, or vous disiez avec François HOLLANDE et Jean-Marc AYRAULT : « l’ennemi de la Gauche c’est la dette », donc la solidarité aujourd’hui c’est la dette ?
 
PIERRE MOSCOVICI Nous restons, nous, partisans d’une Europe de la solidarité – je le répète – parce que c’est la seule façon…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et donc de la dette ?
 
PIERRE MOSCOVICI Non ! C’est la seule façon de lutter contre la spéculation contre les autres qui finit par atteindre l’ensemble et c’est la raison pour laquelle François HOLLANDE propose effectivement, vous le savez, ces Eurobonds, cette proposition d’Euro-obligations elle est toujours sur la table.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et la grande question qui se pose ce matin, c’est est-ce que la France est menacée d’une croissance nulle et même de récession pendant plusieurs mois ?
 
PIERRE MOSCOVICI Eh bien vous savez qu’il y a eu des prévisions qui ont été négatives sur un trimestre, nous sommes en train d’ajuster les prévisions pour l’année prochaine, mais, si on met en oeuvre cette politique de croissance en Europe, cette politique de redressement productif en France, une politique de lutte contre le chômage, c’est tout le projet que nous demandons de valider aux électeurs dimanche prochain, j’ai confiance dans l’économie française.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 19 juin 2012