Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Chers Amis,
Tout d'abord, merci beaucoup de m'avoir invité, j'ai beaucoup de plaisir à me retrouver parmi vous.
Je voulais commencer par vous remercier pour ce que vous êtes, parce que les conseillers du commerce extérieur sont très utiles à la France. Par définition, je passe les trois quarts de mon temps à l'étranger et à chaque fois je rencontre des conseillers économiques et des conseillers du commerce extérieur, je pense que vous jouez un rôle tout à fait majeur.
Parlons de la diplomatie économique, comment ai-je essayé de mettre cela en oeuvre dans la maison que je dirige ?
J'ai inventé le terme mais je n'ai pas inventé la chose, on ne m'a pas attendu pour s'occuper d'économie, y compris dans l'administration extérieure française. Je me suis donc demandé qu'elles devaient être les priorités. Je suis parti d'une idée toute simple, la France est un pays qui a une influence très importante parce que, même si ce n'est pas le plus grand pays du monde, elle coche beaucoup de cases quant à son influence à travers le monde.
Nous cochons une case, et nous sommes cinq à pouvoir le faire sur les 195 pays qui siègent à l'ONU, en étant un membre permanent du Conseil de sécurité. Cela nous donne, à condition que nous sachions bien nous servir de cette prérogative, un poids considérable. Sachez que la moitié des résolutions qui passent aux Nations unies viennent soit du Royaume-Uni, soit de la France.
Nous cochons aussi la case de la puissance militaire, pas seulement la puissance militaire mais aussi la capacité d'engagement ce qui n'est pas exactement la même chose. C'est-à-dire que lorsque le président de la République décide que les forces françaises doivent être engagées quelque part, elles le sont et elles font bien leur travail, souvent au péril de la vie de nos soldats et il n'y a pas beaucoup de pays qui font cela. Et à chaque engagement, nous respectons le droit international.
Nous sommes une force culturelle, nous avons le français qui est parlé par près de 250 millions de personnes et avec la croissance de la population en Afrique, ce sera encore plus dans le futur, nous avons une Histoire, nous avons des principes, nous sommes le pays de la Révolution française.
Nous avons une puissance scientifique. Il y a quelques mois on parlait tout le temps d'une France en déclin et, parfois, il faut prendre les choses par l'humour : comment une puissance serait en en déclin et, la même année, obtient les Prix Nobel de Littérature et d'Économie et la Médaille Fields dans le domaine des mathématiques !
Puis il y a l'économie, et ma conviction est qu'il n'y a pas pour un pays comme le nôtre, de puissance diplomatique et de puissance d'influence durable, s'il n'y a pas une véritable puissance économique. Le temps n'est plus où l'on pouvait séparer les concepts et maintenant le rôle de la diplomatie est global. Moi je suis un diplomate global, c'est-à-dire que l'action extérieure de l'État et de la France couvre tous les secteurs.
En arrivant au Quai d'Orsay, j'ai donc décidé que l'objectif numéro un serait la diplomatie économique. L'écho que j'ai, et j'espère ne pas être trop contredit, des contacts que les entreprises ont avec le Quai d'Orsay à Paris et l'ensemble de nos ambassades est généralement positif.
Maintenant il faut mettre les choses en application. D'abord, l'essentiel est sur le terrain. Nous disposons du troisième réseau diplomatique du monde après les États-Unis et la Chine, et le premier réseau mondial en matière éducative et culturelle. Il fallait donc organiser les choses pour que cet aspect de la diplomatie économique soit décisif. J'ai donc indiqué aux ambassadeurs que désormais ils auraient une lettre de mission avec des objectifs précis.
Sur un plan local, on a essayé d'organiser les choses de manière différentes pour qu'il y ait une «équipe» de France en matière économique. Cela passait par un certain nombre de changements sur lesquels je reviendrai lorsque je vous parlerai du travail que j'effectue à Paris. Bien sûr, il y a des relations entre ce qui est décidé à Paris et ce qu'il y a sur le terrain, l'idée générale étant de faire travailler tout le monde ensemble. Essayons de ne pas avoir une organisation à tuyaux d'orgue mais plutôt d'avoir une organisation transversale, l'ambassadeur, pour ce qui est de l'État, étant le patron. Il y a en France un patron qui est le préfet, son équivalent à l'étranger est l'ambassadeur. Le chef, c'est l'ambassadeur qui réunit autour de lui l'ensemble de l'administration et tous ceux qui concourent à la réussite économique. Parmi ces éléments, il y a les conseillers du commerce extérieur.
Il fallait aussi effectuer un changement qui est peut-être le plus important, c'est de comprendre quelle devait être la géographie de nos implantations. Il y avait déjà eu des adaptations et j'ai eu des prédécesseurs qui comprenaient déjà très bien ce sujet. Nous avons donc rebâti une géographie qui correspond aux évolutions du monde. À partir du moment où on ne peut pas avoir des représentants partout, il faut anticiper sur ce que sont nos priorités. Ainsi sachez que le Nigeria comptera 950 millions d'habitants avant la fin de ce siècle et il faut que nous y soyons davantage présents. Nous nous renforcerons aussi en Amérique du Sud, qui a longtemps été négligée, et aussi en Chine avec un potentiel immense et qui est maintenant, avec les États-Unis d'Amérique, le pays où notre représentation est la plus importante.
Ensuite, à Paris les choses se sont faites en plusieurs étapes. Au départ j'étais ministre des affaires étrangères et puis il y a eu un remaniement et j'ai demandé au président de la République et au Premier ministre, qui ont bien voulu accepter, de me rattacher le commerce extérieur et le tourisme.
Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de politique diplomatique extérieure qui a du sens s'il n'y a pas une politique économique extérieure. Qu'est-ce qu'une politique économique extérieure si on ne s'occupe pas du commerce extérieur ?
Ce fut un peu difficile parce qu'il fallait discuter avec le ministère des finances et les choses ont été facilitées par le fait que j'ai été ministre des finances moi-même et ses services se sont probablement dit que ce n'était pas totalement l'aventure échevelée.
Le tourisme est aussi au sein du Quai d'Orsay parce que je considère que ce secteur, qui longtemps a été considéré comme marginal, est l'une des pépites de la France dans la mesure où en termes d'avantages comparatifs, le tourisme est l'un de nos meilleurs secteurs. Lorsqu'on demande aux citoyens du monde quel est le pays où ils souhaitent se rendre en priorité, c'est la France qui sort numéro un. Aujourd'hui, il y a un milliard de personnes qui voyagent dans le monde et dans 15 ans, il y en aura deux milliards. Si nous savons prendre une part significative de ce milliard actuel - déjà nous sommes la première destination - et du futur milliard à venir, la situation de la balance des services de la France et de l'emploi se présentera très différemment, car par définition ce sont des recettes et en plus, ce sont des emplois non délocalisables. Il y a peu de secteurs comme cela.
Je considère - et j'espère ne pas vous choquer - que l'image de la France est une image globale et on ne sépare pas forcément ce que nous savons faire en matière de technologie et le fait que la France - ce n'est pas chauvin - est le plus beau pays du monde. Le tourisme a donc été rattaché au ministère qui est donc devenu le ministère des affaires étrangères et du développement international.
Ensuite, il fallait aussi rationaliser nos outils. On en a beaucoup en France, alors nous avons regroupé tout cela dans une agence qui s'appelle Business France. L'idée étant d'avoir une agence par domaine quand ce n'est pas directement la puissance publique qui agit. En matière d'encouragement à l'export et de facilitation des investissements étrangers en France, il y avait Ubifrance et l'AFII, avec chacun leurs mérites, mais aussi des améliorations à apporter. Nous les avons regroupés dans une entité qui s'appelle Business France et qui travaille de manière très satisfaisante avec l'ensemble de ceux qui travaillent dans ce secteur : les pays, les chambres de commerce, les régions.
Je mets l'accent sur le fait que je ne sépare pas la facilitation des exports et la promotion des investissements étrangers en France. Je ne dis pas que les opérateurs soient toujours les mêmes ou que les clients soient toujours les mêmes mais c'est finalement un seul et même objectif, qui est le développement de notre économie.
La situation du commerce extérieur, c'est le juge de paix beaucoup plus que la situation budgétaire. Si on veut essayer de redresser notre économie, il faut que l'organisation de l'État soit telle que l'on donne le maximum d'atouts aux entreprises.
Il y a donc ce qui a commencé d'être fait au niveau local et ce qu'il y a à faire au niveau national. J'ai donc parlé d'une organisation différente, avec un opérateur par grande fonction. Il y a une autre agence que nous avons créée, le 1er janvier de cette année, et sur laquelle j'attire votre attention, c'est Expertise France qui regroupe l'ensemble de l'expertise publique, qu'il s'agisse de la santé, de l'urbanisme, des chemins de fer.
Il y avait donc des choses à faire au niveau local, au niveau national et surtout il y avait à installer cette idée sur laquelle vous travaillez et qui est votre raison d'être, que nous sommes un pays attractif.
Nous avons connu une période difficile avec le French Bashing et je crois que maintenant, les choses sont en train de se modifier très heureusement. C'est lié à la fois à un certain nombre de mesures qui ont été prises et aussi à une évolution des comptes de la France beaucoup plus positive qu'à un certain moment. Mais nous avons encore un énorme travail à faire car la compétition est rude et le restera.
Chaque pays défend son intérêt, il y a une compétition internationale, que ce soit en Europe ou dans le monde.
Le rôle des ambassadeurs, mon rôle, c'est d'essayer de contribuer à cette attractivité dans les deux sens. Pour les grandes entreprises, on les aide, on les appuie. Lundi prochain, j'accompagnerai le président de la République en Arabie Saoudite et nous parlerons de différents sujets comme l'Iran, le Yémen, la situation dans le Golfe, etc. Nous appuyons aussi les grandes entreprises mais c'est surtout vis-à-vis des PME qu'il faut faire ce travail. C'est un aspect que vous connaissez très bien mais sur lequel il reste encore des marges de progression.
Dans l'autre sens, nous faisons très attention aux classements internationaux et si on veut avoir de bons classements internationaux, il faut qu'objectivement la performance soit bonne, mais il faut aussi être en accord avec les critères. Ce travail d'attractivité est absolument indispensable, nous sommes très bien placés pour le faire puisque c'est aussi nous qui négocions les accords européens et internationaux, c'est notre travail.
Il y a donc là une sorte d'état d'esprit nouveau, conquérant, en équipe, ajusté au monde de demain et qui essaie de faire comprendre que la France est dans le monde et pas hors du monde, la compétition existe, elle continuera d'exister et il faut nous appuyer sur tout ce que nous avons comme atouts.
Des atouts, nous en avons beaucoup, il ne faut pas pratiquer l'auto-flagellation. Nous avons une capacité reconnue en matière scientifique : nous étions il y a peu aux États-Unis sur la côte Ouest parce que les plus grands dirigeants en matière de technologie nous disaient qu'il n'y avait pas de meilleurs ingénieurs que les Français. On me dit qu'il y a trop de Français à l'étranger, je dis non, c'est absurde. Si on veut avoir un pays puissant, il faut que nous soyons présents à l'étranger. Savez-vous que notre proportion de nationaux à l'étranger est inférieure à la proportion de nationaux de beaucoup d'autres pays européens à l'étranger ?
Nous avons développé des mesures pour augmenter le nombre d'étudiants étrangers en France. Il faut qu'ils viennent en beaucoup plus grand nombre et que l'on mette en place des dispositions favorables à ces venues comme le «passeport talent» qui sera adopté dans peu de temps. Il n'y a pas de meilleur ambassadeur de la France qu'un étudiant venu ici, qui a fait de bonnes études, qui a été bien reçu et qui repart dans son pays. C'est un investissement extraordinaire et je me désole lorsque l'on s'aperçoit qu'un certain nombre d'étudiants se détournent de la France et vont vers d'autres pays qui ne fournissent pas d'ailleurs un enseignement supérieur...
Monsieur le président, vous me parliez du bilan : je crois que dans l'état d'esprit beaucoup de choses ont changé. Sur le moyen terme, je suis persuadé que la France a des atouts extraordinaires, la question évidemment, c'est la capacité de faire des réformes et d'entraîner tout le monde. C'est très difficile, il y a la politique, les résistances mais un jour ou l'autre, les idées finissent par pénétrer et par être adopter. Je pense que nous avons de très grands atouts. Cela ne veut pas dire que les gens soient satisfaits mais, fixons-nous un objectif de moyen terme, nous avons parfaitement la capacité d'être, non pas par notre taille mais par notre influence et notre niveau de vie, un des meilleurs pays du monde. Ne croyez pas pour autant - et c'est là que j'en terminerai - que la diplomatie économique masque tout le reste et parfois je me fais à moi-même ce reproche.
Ce concept a été mis en avant, il est partagé dans l'ensemble de l'opinion, il y a un certain nombre de succès spectaculaires et moins spectaculaires. Quand nous vendons telle ou telle opération que ce soit dans le domaine civil ou dans le domaine militaire, ne croyez pas que les choses se font par hasard, elles sont préparées. C'est un travail d'équipe qui commence à donner ses fruits.
Mais, dans le même temps, nous n'abandonnons pas les autres facettes. Il faut que nous continuions à être une puissance scientifique et une puissance culturelle. Il faut que nous continuions à rayonner diplomatiquement. C'est vrai que c'est une spécificité de ce pays de 65 millions d'habitants et qui finalement est capable de dire des choses que le monde entier entend. C'est souvent cela qui irrite. Il faut être fier de la France mais il ne faut pas être arrogant. Ce n'est pas exactement la même chose.
Et c'est vrai que l'un des traits de la France, c'est que non seulement elle défend ses intérêts mais elle essaie de parler et d'agir pour l'universel. Ainsi nous préparons la COP21, ce qui nous prend beaucoup de temps, qui sera la plus grande conférence diplomatique jamais organisée en France avec 40.000 délégués et 195 pays représentés et dont l'objectif est d'arriver à maintenir un monde vivable. Si nous n'y arrivons pas, le monde deviendra physiquement invivable. C'est la France qui le fait. Elle ne peut pas le décider toute seule mais quand je prépare la COP21, beaucoup de pays me disent : «on vous fait confiance».
Voilà, je termine par là où j'avais commencé : une administration, une équipe, petite à fortiori, ou un homme ne peuvent rien en agissant seuls. J'ai toujours considéré qu'on est plus intelligents, plus efficaces à plusieurs que tout seul.
Merci aux Conseillers du commerce extérieur d'être ce qu'ils sont et je vous demande Monsieur le Président de transmettre à vos collègues mes très chaleureux remerciements.
Q - Moi aussi j'ai des retours de nombreux entrepreneurs qui sont très satisfaits des relations avec les ambassades. Pour l'anecdote, j'ai rencontré un ambassadeur qui m'a fait très plaisir en affirmant que tous les matins il passait plusieurs heures à essayer de répondre aux e-mails des PME pour leur trouver le contact, pour répondre à leurs besoins. Merci beaucoup pour cette organisation.
Business France c'est très bien pour aider les entreprises en France mais dans le gouvernement précédent, à un moment donné, on avait décidé que c'était les chambres de commerce qui allaient aider ainsi que les conseils régionaux. Ainsi les chambres de commerce, les régions et Business France ont recruté. Conséquence : le dirigeant de PME est un peu perdu et il souhaite savoir où il va trouver de l'aide ? Et tous ces changements cela engendre de nombreuses dépenses pour l'État.
R - C'est une question tout à fait pertinente et je vous en remercie. C'est vrai que beaucoup de personnes ou d'organismes différents s'occupent de la même chose et je pense surtout qu'il faut essayer de coordonner cela. Alors reprenons chacun des points.
En ce qui concerne les différents niveaux de collectivité, d'une manière très claire ce sont les régions qui ont maintenant la prééminence. Je ne dis pas que cela se passe d'une manière simple mais il faut que l'on s'habitue à ce que sur le plan régional les Conseils régionaux soient votre interlocuteur en ce qui concerne les collectivités locales.
D'un autre côté, je rends hommage au travail qui est fait par la BPI. Bien sûr, elle a regroupé des éléments qui existaient et ce n'est jamais facile de tout regrouper. Les échos que je reçois, sont en général positifs et je cite la BPI parce que ainsi la synergie pays et région peut être facilement faite. D'ailleurs, je ne sais pas ce que font les nouveaux gouvernements de région mais un certain nombre d'entre eux peuvent parfaitement déléguer à la BPI. Nous sommes en train de travailler avec elles, Business France et les Chambres de commerce ont trouvé une organisation qui permet d'éviter les doubles comptes ou les mécomptes.
Je ne dis pas que ce sera partout la même organisation parce qu'il y a à l'étranger des gens qui sont plus efficaces, plus installés que d'autres. En plus, s'ajoutent des facteurs de personnes, d'équipes et dès qu'il y a une équipe très dynamique qui s'en va, la suite est difficile à prendre. Évidemment il faut éviter de faire deux fois ou trois fois le même travail, sinon c'est inefficace.
Il y a un autre élément que vous n'avez pas cité, c'est qu'il faut encore que l'on simplifie la façon dont on finance l'export. C'est encore trop compliqué. Il faut que je me mette bien d'accord avec mes collègues et amis des finances pour que l'on sache exactement comment cela fonctionne.
Voilà l'état d'esprit. Il y a encore des progrès à faire, vous avez raison mais toutes les petites entreprises ne peuvent pas se porter à l'exportation. Pour ce qui concerne le Quai d'Orsay, je vais accompagner les choses. Chaque année je réunis la conférence des ambassadeurs à la fin du mois d'août. Tous les ambassadeurs sont là et nous traitons un certain nombre de sujets. Cette année, pour la première fois, je vais faire sur toute une journée, un speed dating de 1 000 entreprises qui auront en face d'elles, la totalité des ambassadeurs de France. Vous avez là un circuit court qui peut être utile, non pas que l'on va conclure des affaires en trois minutes, mais je pense que rien ne remplace le contact humain. En liaison avec les organismes qui s'occupent des petites et moyennes entreprises, on va donc réunir ces 1 000 entreprises pour une journée de travail.
Q - D'abord, je voudrais vous dire un petit mot sur le conseil d'orientation économique que nous partageons avec les pouvoirs publics et que nous partageons tout à fait. Je dois vous dire que je peux témoigner au nom des entreprises françaises présentes en Afrique, qui est mon domaine, qu'il y a un dialogue constructif, que l'on s'entend bien et que tout cela va dans le bons sens. Nous nous réjouissons de cette situation.
Maintenant j'en viens à ma question et avec votre autorisation je voudrais vous interroger : votre thème était la diplomatie économique. Je voudrais vous poser une question plutôt de nature diplomatique, il y a diplomatie dans les deux mots : l'Afrique est une zone et un champ pour la croissance très importante pour les exportations et les entreprises françaises. Ce n'est pas la peine d'insister là-dessus. Et pour que les aient des conséquences positives en France, il faut une stabilité politique, etc...
La France joue un rôle militaire et de maintien de la paix très important en RCA, au Mali, dans la lutte contre le terrorisme, dans le croissant sahélien etc.... Nous nous rappelons que la France est en première ligne et que notamment l'Union européenne est frileuse dans ses positions à côté de la France et que notre pays est vraiment en première ligne, presque le seul à porter le fardeau. Je voudrais vous interroger sur : qu'est-ce qui peut expliquer que nos partenaires européens ne voient pas l'importance stratégique et même vitale à l'avenir de cette pacification en Afrique et est-ce que vous pensez que cette situation peut bientôt changer car je pense que c'est un sujet clé pour nos entreprises ?
R - C'est tout à fait vrai. Je crois que c'est Jean-Claude Junker, président de la Commission qui, il n'y a pas si longtemps, et je préfère que ce soit lui qui le dise plutôt qu'un membre du gouvernement français, disait que la défense de l'Europe, c'est la France. C'est vrai et c'est un constat. Nous avons eu à prendre des décisions difficiles et très courageuses pour le Mali, pour la Centrafrique et pour d'autres encore parce qu'il y avait un danger non seulement pour les populations locales mais pour nous aussi. La France, et c'est l'une une de ses spécificités, n'agit militairement qu'en conformité avec le droit que ce soit les Nations unies ou l'Union africaine. Nous l'avons fait et je vais employer des termes qui ne prêtent pas à contestation.
Les concours extérieurs n'ont pas été à la hauteur de ce que nous espérions et nous avons eu beaucoup de travail à faire pour que nos associés européens viennent nous appuyer. Nous avons eu des appuis africains et quelques appuis internationaux. L'appui européen était réduit à une aide financière de faible ampleur et sur la formation mais peu sur des opérations. Pourquoi ? D'abord parce que la position de la France est commode. Nos voisins européens se demandent pour aller dépenser de l'argent et exposer la vie de nos hommes, alors qu'il y a un pays qui le fait et qui le fait très bien.
Deuxièmement : peut-être y a-t-il une insuffisante compréhension. Le fait que nous ne prenons pas ces positions seulement par solidarité avec l'Afrique mais aussi par rapport à nos propres intérêts. Puisque l'on voit bien à travers le terrorisme, que tout cela est lié. La Libye n'est qu'à 150 kilomètres du Sud de l'Union européenne. On voit que ce qui se passe en Afrique a des connotations en France sur le plan du terrorisme. Et faisons attention. Je profite du fait que vous êtes nombreux pour faire passer un message qui va vous paraître évident mais qui est utile pour éviter de mauvaises interprétations. J'entends parfois, pas tellement dans le monde politique mais surtout une espèce d'écho dans la population, des gens qui se demandent ce que l'on fait en Afrique. Ce n'est pas parce que nous sommes présents en Afrique qu'il y a du terrorisme; c'est pour combattre le terrorisme que nous sommes présents là-bas. Il ne faut pas mettre les choses à l'envers. Et nous le faisons à la fois par solidarité et par une bonne conception de nos intérêts. Alors nous essayons, et nous l'obtenons parfois que nos amis européens nous accompagnent. Pas toujours et c'est très long.
Et puis un certain nombre de responsables disent, et ils ont bien raison, si les Européens ne peuvent envoyer des hommes, au moins qu'ils puissent contribuer d'un point de vue financier. Quand vous regardez les budgets de la défense, la part que la France consacre dans son PIB aux dépenses militaires est à peu près équivalente - un observateur européen me le faisait remarquer -, à ce qu'on demande à la France comme effort supplémentaire pour rétablir ses dépenses publiques. Je suis européen, je suis partisan que l'on comprenne que l'Europe a besoin d'une défense, parce que sans défense il n'y a pas de sécurité, et que chacun devrait y contribuer. Et l'on ne peut pas dire, que les pays de l'Est devraient s'occuper seulement de l'Ukraine, d'autant que nous nous en occupons aussi, et que les pays du Sud doivent s'occuper de l'Afrique. Tout le monde est concerné dans cette géopolitique mondiale.
Je terminerai sur ce point en disant - et je suis sûre que je reprends votre pensée parce que je connais votre organisation - que nous sommes présents non seulement en Afrique francophone, mais aussi dans toute l'Afrique. Et le président de la République et moi-même tenons à être présents dans toute l'Afrique. C'est d'ailleurs un sujet j'allais dire d'émotion après que nous soyons intervenus au Mali. J'ai encore dans l'oreille le coup de fil du président de transition de l'époque, Dioncounda Traoré, appelant François Hollande en lui disant «Monsieur le Président de la République, si les militaires français n'interviennent pas aujourd'hui, demain je serai mort et les terroristes auront pris le contrôle de l'intégralité du Mali».
Et l'émotion a suivi quand nous nous sommes réunis, quelques semaines plus tard à Addis-Abeba, avec un certain nombre de responsables gouvernementaux de l'ensemble de l'Afrique, et j'ai entendu plusieurs chefs d'État, y compris des anglophones et des personnes qui n'ont pas toujours porté dans leur cœur ce qu'a fait la France, terminant leurs propos en disant «Vive la France».
Et je me souviens du président Zuma, président de l'Afrique du Sud, disant lors de sa visite officielle en France : «Monsieur le Président, vous êtes partout avec nous en Afrique, en Afrique francophone, en Afrique anglophone, en Afrique lusophone, en Afrique arabophone».
Pour revenir à votre question, ou plutôt à votre observation, je pense que toutes les positions qui vont être prises par les différentes personnalités, les différents courants politiques pour expliquer aux autres pays européens que ce que fait la France, elle ne le fait pas en son nom seul, mais au nom de l'Europe et que chacun doit donc y participer, toutes ces prises de position dans ce sens seront utiles.
Q - Je représente les industries électriques et électroniques et je préside également notre organisation pour les procédures du commerce international. Vous avez dit quelque chose de très important tout à l'heure, c'est qu'il fallait que l'organisation de l'État assure une capacité optimum pour les entreprises. Or actuellement nous avons un gros souci avec les services interministériels qui délivrent les licences en termes de l'usage. C'est quand même quelque chose qui représente une dizaine de milliards d'euros. Nous avons les contrats, nous avons les clients, nous attendons les licences depuis de nombreux mois et on peut perdre parfois des clients.
Il y a des effectifs insuffisants. J'ai constaté qu'il n'y avait qu'un seul représentant du Quai d'Orsay, qui fait un travail remarquable, mais si vous pouviez en envoyer plusieurs, vous avez des gens excellents chez vous, qui pourraient être affectés à ce service.
Il y a un très grand service des entreprises, parce qu'actuellement les dossiers s'accumulent, plusieurs personnes sont parties, notamment en retraite et n'ont pas été remplacées. Il y a plus de 4000 dossiers, lorsque les Allemands pour le même service équivalent ont 240 experts, cela explique peut-être le miracle allemand. Eux ils obtiennent ces licences en une vingtaine de jours, nous en attend parfois pendant 3 mois. Alors si vous pouviez faire quelque chose, nous en serions très heureux.
R - Ce sera fait. J'avoue que je n'étais pas au courant de cette question, en espérant que ce n'est pas parce qu'on n'augmente pas le nombre de personnes qui s'en occupe que ça marchera mieux. Les Allemands font des tas de choses, très bien et en même temps il y a des choses qu'on ne fait pas mal, non plus.
Lorsqu'il a été décidé, l'an dernier, que désormais nous délivrions les visas aux Chinois en 48 heures, cela s'est traduit par une augmentation de 58% des demandes de visas. J'ai eu l'occasion de rencontrer mon collègue chinois, avec à mes côtés mon collègue allemand M. Steinmeier, j'ai entendu mon collègue chinois dire à M. Steinmeier de prendre exemple sur ce que fait la France en termes de visas. Je lui ai dit qu'il devrait l'écrire et ensuite que cela me fait plaisir. Mais en matière de licences je vais regarder.
Q - Monsieur le Ministre, je suis en Arabie Saoudite. Vous avez parlé de moyens. J'habite la province orientale d'Arabie Saoudite depuis 30 ans. Vous savez bien que ce sont des provinces riches de l'Arabie Saoudite puisque la production pétrolière et industrielle y est concentrée.
Nous avons un excellent ambassadeur M. Besancenot qui fait un très bon travail depuis 8 ans. C'est grâce à lui que nous avons pu enfin ouvrir un consulat honoraire dans la province orientale. Nous avons créé un bureau pour UbiFrance mais il n'y a pas de fonctionnaires. Parfois la France manque de présence, surtout dans les zones extrêmement stratégique.
De notre côté, la diplomatie économique, oui mais est-ce que parfois ça prend le pas sur les droits de l'Homme, dans un pays comme l'Arabie saoudite ?
R - Avec François Hollande nous serons lundi en Arabie saoudite. Nous aborderons plusieurs sujets dont la relation bilatérale, et les autorités gouvernementales ont en partie changé ce matin et, ensuite, la France va être seule invitée à la réunion du conseil des États du Golfe qui va parler notamment de l'Iran et du Yémen.
Ce n'est pas un secret que nos relations avec l'Arabie saoudite sont tout à fait exceptionnelles. Je vais dire sans grands mots comment je procède : l'attachement de la France aux droits de l'Homme est connu. Mais quand je traite ces questions et je les traite toujours, j'essaie de le faire de la façon qui soit le plus efficace. On ne peut pas les aborder de la même façon dans tous les pays. Il y a certains pays où il est nécessaire et utile de poser des questions, poser des problèmes de façon expresse, explicite. Et il y a des pays où en les posant d'une façon très ouverte, on est sûr de n'obtenir aucun résultat.
J'essaie d'adopter une démarche avec un souci d'efficacité, puisque comme vous parlez des droits de l'Homme, ce sont souvent des personnes qui sont menacées, regardez ce qu'il se passe en Indonésie en ce moment.
Sur la question des principes, la France est considérée comme irréprochable. Sur la question des méthodes, en ce qui me concerne, d'autres ministres peuvent faire autrement, mais j'essaie de choisir la voie d'expression la plus efficace.
Q - Monsieur le Ministre, je suis cofondateur et dirigeant d'une société du Pas-de-Calais et je suis focalisé sur l'Europe et l'Europe du Sud.
Vous avez évoqué des PME, on prône l'innovation en France. Nous avons maintenant des structures particulièrement performantes : nous sommes 25 personnes en France pour 5 millions d'Euros de chiffre d'affaires et 75 personnes en Europe pour 15 millions, ce n'est pas énorme, mais il y a des produits qui sont innovants qui peuvent aller s'adapter en Europe du Sud.
Vous avez parlé de simplification, il y a par exemple des organismes bancaires qui ont décidé d'avoir un seul interlocuteur pour une entreprise pour différents services. Ne peut-on pas s'imaginer que si l'on s'adresse à la BPI, est-ce que la plate-forme de Lille ne peut pas s'occuper de gérer différentes demandes, même si c'est en dehors de son territoire régional ? Idem pour Business France. Par exemple, je vais en Turquie, début septembre, pour emmener la délégation française pour le G20 et l'on va rencontrer la mission économique en leur posant les questions suivantes : est-ce que je vais réussir à accéder à d'autres pays et est-ce que vous ne pourriez-pas centraliser les demandes sur le périmètre sans passer 36 000 coups de téléphone ? Ce serait une manière de dire : comment fait-on pour gagner du temps, pour éviter de chasser en meutes, pour que des entreprises puissent plus facilement oser à l'export. Beaucoup de PME nous disent qu'elles n'ont pas les moyens pour aller à l'export. Mais ce n'est pas vrai, elles ont peut-être les moyens de le savoir.
R - Vous avez raison, et cela montre encore les progrès que nous pouvons faire. C'est à l'administration et aux organismes concernés de s'organiser de telle façon que l'entrepreneur lui n'ait pas à se charger de toutes ces démarches. Nous n'en sommes pas là dans beaucoup de secteurs, nous avons encore un chemin très important à faire. Et ce que vous décidez va dans le bon sens, c'est un travail de simplification qui est extrêmement important et utile.
Pour terminer, je souhaiterais transmettre mes remerciements à vos collègues et je vous demanderais de garder cette idée, que je crois vous partagez, que nous avons beaucoup d'atouts pour réussir et travailler de manière utile, je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 mai 2015